Biographie
Underground Therapy est un groupe né 2016, il est actuellement composé de quatre membres : Sarah au chant, Anthony à la basse, Corentin à la batterie, et Tom à la guitare. Leur dernier EP Fire Back sorti en septembre 2022 va être l’objet principal de nos analyses.
De multiples influences sont à l’origine du groupe. Il y a chez les membres du groupe une forte volonté de créer des morceaux sans se soucier des codes issus de ces influences qu’elles soient rock, punk, métal, progressif, fusion…
Pour ses membres, la musique doit rester un espace de liberté au sein duquel chacun doit pouvoir s’exprimer au service d’une large variété de dynamiques. Comme dans la vie, des moments down, des moments marqués par une puissante énergie ou des moments de rage se mêlent dans un même morceau.
Transmettre ces différents degrés de dynamique, tel est le cœur du propos musical chez Underground Therapy. La musique reste un exutoire que ce soit dans la composition ou dans le jeu live. Le groupe ne s’impose donc pas une mise en scène écrite pour le live. De même, les structures des morceaux échappent aux habitudes identifiées dans chaque style. Il s’agit d’amener l’auditeur dans un parcours up & down où le plus important reste le degré d’intensité. On pourra ainsi passer d’un moment très minimaliste avec une voix chuchotée soulignée par une ligne de basse et quelques interventions de la guitare, à des moments de rage avec un chant screamé, un gros riff de basse et guitare fortement soutenus par une batterie puissante.
Il ne s’agit pour aucun des musiciens d’être dans la démonstration, mais plutôt au service de l’univers envisagé, de la façon la plus efficace possible. On retrouve ces caractéristiques dans tous les morceaux du groupe. C’est son identité.
Le milieu musical demande de s’insérer dans des styles : Underground Therapy définit donc sa propre étiquette, le « néo-rock thérapeutique ».
Entretien avec Underground Therapy
Un entretien avec Sarah, Tom et Corentin d’Underground Therapy, préparé par Thierry Cestac, Denise Mejia Camacho, Leontine Pragnère et Fantin Valance ; mené par Thierry et Fantin.
Processus de création
Les morceaux sont créés de façon collective. Ils naissent de propositions amenées par les musiciens. Cela peut être un riff, un pattern de batterie ou d’un phrasé expérimentés en impro.
Lorsqu’un morceau est en germe, chacun amène plusieurs propositions pour développer l’idée. Les morceaux se construisent ainsi.
Cela demande à chacun un gros travail de pré-production pour favoriser des séances de répétition en collectif qui puissent fonctionner.
Il arrive ensuite une phase où les arrangements paraissent aboutis et cohérents aux membres du groupe. Les morceaux sont alors expérimentés et rodés en live avant d’être fixés par un enregistrement studio. L’enregistrement studio ne sert pas de terrain d’expérimentation pour la création ou le travail d’arrangement. Cela représenterait un coût trop important.
Les EP ont été enregistrés en grande partie « à la maison » grâce aux compétences d’Anthony, le bassiste qui est aussi ingénieur du son. Seules les parties batterie ont été captées en studio.
Le mixage reste aussi sous la maîtrise des membres du groupe. Même s’ils sont attentifs aux critiques d’oreilles externes averties, ils gardent le souci de préserver leur liberté de création et d’échapper aux codes conventionnels.
Des structures de morceaux inhabituelles
Underground Therapy s’est construit une identité singulière tant par ses multiples influences, ses caractéristiques musicales et vocales que par ses structures de morceaux.
On retrouve chez Underground Therapy des influences provenant du punk rock et surtout de la fusion en s’étant émancipé des travers de ces styles. Le punk rock n’admet pas les développements instrumentaux et se cantonne souvent aux structures couplets/refrain. La fusion laisse peu de place aux développements mélodiques et se fonde sur l’énergie amenée par l’utilisation systématique de riffs efficaces.
On retrouve chez Underground Therapy certaines de ces éléments ; énergie punk rock sur certains passages (sur les morceaux Stupid Man, Shadow & Light ou sur la fin de Abyss par exemple), utilisation fréquente de riffs souvent joués par la basse, riffs qui occupent une fonction centrale dans la construction des morceaux. On sent une forte influence de la fusion type Rage Against the Machine (sur les morceaux Shadow & Light, Insomnia par exemple).
Mais Undergroud Therapy ne se laisse pas enfermer dans la simple répétition de riffs ou dans des structures rigides, comme c’est souvent le cas dans les styles précités. On ne trouve en effet pas forcément de refrain dans les morceaux ; cela peut être un passage instrumental basé sur un riff qui endosse cette fonction. Mais surtout, on trouve dans la plupart des morceaux de longs passages qui pourraient s’apparenter à des « ponts » dans des structures plus classiques. Mais ici, les ponts sont longs et durent parfois autant que le reste du morceau (Sur le morceau Lighter par exemple le pont dure 1’40 sur une durée totale de 4’). On peut noter aussi une autre différence : alors qu’habituellement, les ponts permettent d’amener un peu de diversité dans la monotonie d’une structure couplets/refrains en milieu de morceau, ils occupent ici une fonction bien plus importante.
Les ponts permettent d’installer des climats dans lesquels on ressent une tension extrême sous-jacente, une rage contenue qui gronde et dont on sent bien qu’elle ne restera pas sous contrôle mais finira par déborder et s’exprimer.
Ces ponts permettent donc d’installer des univers dans lesquels va se développer un terrain propice à l’explosion de la fureur. Cette rage n’est pas uniquement exposée dans son état abouti mais aussi dans le contexte qui la nourrit. La fonction de ces longs passages est aussi différentes de ceux que l’on peut trouver dans le rock progressif. En effet les longs passages dans le rock progressif permettent de donner un espace aux instrumentistes pour exprimer une certaine virtuosité technique avec de long solos. Ce n’est pas le cas chez Underground Therapy. Ils servent ici à développer des climats par le jeu de l’instrumentation et des arrangements avec l’introduction de notes conjointes à la guitare qui apportent de la tension, avec une technique de voix chuchotée qui laisse présager la fureur à venir…
Prenons un exemple avec le morceau Lighter.
Lighter – Analyse
La basse est souvent jouée au médiator avec un son assez compressé et une distorsion. La guitare alterne entre un son clair avec une longue réverb et un son saturé (disto/overdrive)
Intro : –) 0,20 2 cycles de 4 mesures
L’intro permet de mettre en place la progression d’accords sur 4 mesures (4/4) utilisée sur les couplets.
1 cycle = C / C / Bb / F
Un riff de basse sur 2 mesures de Do avec un son saturé en mode mixolydien.
La guitare répond en accords (Si b et Fa) avec un son saturé avec un jeu de cymbales à la batterie.
La batterie entre sur la 3° mesure.
Couplet 1 : –) 0,47 Même grille que l’intro ; 4 cycles de 4 mesures.
La ligne de basse est quasiment identique.
La guitare passe en son clair sur des ponctuations d’accords construits avec des notes conjointes (cordes pincées)
Une montée chromatique dans les aiguës sur la dernière mesure du couplet pour amener le refrain.
Refrain : –) 1,12
Grille ; F G / Ab Bb / Eb / D / x3
D / D /
Basse et guitare occupent une fonction rythmique et harmonique (jeu en accords pleine puissance et son disto sur la guitare)
Le chant est saturé.
Intro : –) 1,26
Couplet 2 : –) 1,52
Même principe que le couplet 1
Seul l’accompagnement de la guitare diffère. Toujours en son clair, il n’y a plus d’accords en cordes pincées mais un phrasé sur 2 notes aigües.
Refrain : –) 2,18
Ce refrain s’achève avec un marquage (caisse claire) sur le 3° temps de la dernière mesure pour introduire le pont suivant.
Pont : –) 4,00
Ce pont est construit sur un accord de Ré jusqu’à la fin avec une progression qui ne cesse de monter en intensité. Le développement est basé sur la mise en place rythmique (5° et 6° phase) et l’instrumentation (1° à 4° phase).
On peut distinguer 6 phases dans cette progression :
- Sur 4 mesures, seule la basse reprend avec un son hyper saturé dans les graves. Un riff simple, fondamentale jouée sur 1° et 2° temps de chaque mesure.
- 4 cycles de 4 mesures. Entrée de la guitare avec un phrasé assez épuré (laisse sonner les notes) en son légèrement saturé traité avec une longue réverb. Entrée aussi de la grosse caisse et de la ride.
- 2 cycles de 4 mesures. Riff de basse plus fourni avec un effet type harmoniseur qui donne l’impression qu’il y a une 2° guitare. Rythme complet avec caisse claire. Reprise du chant avec une voix saturée.
- 2 cycles de 4 mesures. Pause de la voix. Guitare identique à la phase précédente. Le riff de basse se transforme pour amener la phase de développement suivante. Break sur le 3° temps de la dernière mesure.
- 2 cycles de 4 mesures. Riff de guitare (overdrive) en accords sur la figure du riff de basse. Pleine puissance de la batterie avec une ride bien présente en soutien. Reprise du chant. Marquages réalisés sur le 3+ temps de la dernière mesure du cycle. La guitare répond avec un riff identique au break précédent.
- 2 cycles de 4 mesures. Instrumentation toujours en pleine puissance. Marquage sur le 1° temps du cycle.
Une page et un entretien préparés et réalisés par Thierry Cestac, Denise Mejia Camacho, Leontine Pragnère et Fantin Valance