Mix’Art Myrys


Aux abords d’un squat artistique

Ce collectif, créé en 1995, traverse aujourd’hui des conflictualités juridiques avec la municipalité. Ces déboires sont cependant plus dus à une démarche politique appliquée au monde de la culture qu’à de réels manques de solutions qui auraient répondus aux besoins du collectif.

Ce collectif, créé en 1995, traverse aujourd’hui des conflictualités juridiques avec la municipalité. Ces déboires sont cependant plus dus à une démarche politique appliquée au monde de la culture qu’à de réels manques de solutions qui auraient répondus aux besoins du collectif.

Notre travail met en valeur le lien que peut entretenir l’art et la politique, ainsi que les conséquences de ces deux forces l’une sur l’autre. Tout en retraçant l’histoire de Mix’Art Myrys, nous nous concentrerons sur l’impact des politiques publiques sur la vie culturelle locale des lieux dits “alternatifs”.


Entretien avec Joël Lecussan

L’histoire de Mix’Art Myrys

Mix’Art et l’engagement politique

Mix’Art et la création artistique et musicale

Un entretien préparé, mené et réalisé Violette Calvet, Charline Playoult, Pablo Lopez del rio, Matéo Vidal, Anaëlle Andrieu, et Louise Joubert


Une identité idéologique basée sur la solidarité et le collectif…

Dès les prémices du Mix’Art, le projet se distingue par une identité et un engagement politique marqué. Engagés, déjà de part le lieu où trouve domicile le projet, en 1995 : les usines Myrys, un squat situé à Toulouse, entre les quartiers St-Cyprien et Patte d’oie.

Un squat est un lieu occupé par des personnes n’en détenant pas le titre de propriété. Il existe des squats essentiellement dédiés à l’hébergement de sans-abris, de réfugiés, de sans-papiers… Ces squats d’habitation permettent de donner un toit, des ressources et du soutien aux personnes qui en ont besoin.

D’autres squats, appelés squats artistiques, sont des lieux dédiés au travail des artistes. Ils peuvent être utilisés pour des résidences, des expositions, des spectacles vivants… Ces endroits permettent d’expérimenter et de créer une émulation artistique propice au processus créatif des artistes.

Dans le cas des usines Myrys, ces deux formes de squat cohabitaient, alliant alors directement les questions sociales aux questions artistiques.

Les squats s’inscrivent dans un mouvement contestataire du système capitaliste actuel car de part leur existence même, ils remettent en question et bouleversent l’ordre social établi ainsi que la notion de propriété privée. De plus, l’engagement des squats artistiques, s’incarne par l’émancipation créatrice proposée par ces lieux : débridés de tous carcans de productivité, de rentabilité et laissés libres à tous de s’emparer pleinement et dans toute ses formes de l’espace. De manière générale, les occupants d’un squat sont irrémédiablement amenés à repenser leur conception et leurs rapports au collectif et à leur lieu de vie/de travail.

De plus les squats peuvent témoigner de réalités d’existence diverses et parfois complexes. La vie en collectivité qu’implique un tel lieu place alors l’entraide et la solidarité comme primordiales. Joël Lecussan évoque une « solidarité du quotidien » et témoigne que « très vite cette question de l’étranger, du sans papier à été aussi fondatrice de ce qu’est devenu […] le collectif ». Cela leur à permis d’entretenir et de questionner leurs relations à la légalité, au système, à l’institutionnalisation…

Plus tard, en 1998, les usines Myrys sont vouées à la destruction et le collectif reçoit un ordre d’expulsion. Mix’Art Myrys fait alors valoir la nécessité d’un tel lieu-projet en réalisant des occupations « illégales et légitimes » : un peu partout dans la ville, le collectif ouvre des lieux et y organise des spectacles, concerts et autres expositions pendant quelques jours. Le but n’est pas seulement pour eux de trouver un endroit où continuer leurs activités artistiques. En effet, ces ouvertures sont éminemment politiques ; elles naissent aussi d’une volonté de tester de nouveaux espaces de création, de les faire vivre, de les partager et de réinventer l’espace en se l’appropriant.

Ainsi, tous les aspects sociaux et politiques inhérents à la vie dans un squat, font alors partie intégrante de l’idéologie du Mix’Art.


…qui mène à une volonté de pérenniser un projet précaire à l’origine

Entre 1998 et 2005 le Mix’Art ouvre de nombreux lieux et commence à s’implanter solidement dans l’espace culturel et urbain de Toulouse. Les projets artistiques et les évènements se multiplient et le collectif commence à acquérir une certaine notoriété.

La volonté de pérenniser ce projet devient alors nécessaire. Cette pérennisation est multifactorielle et intervient à différentes échelles.

D’abord, le Mix’Art doit établir des relations avec les politiques publiques, la municipalité… Le collectif réussit peu à peu à tisser des liens avec les politiques publiques locales à travers la culture de l’engagement : « nous on vous dit qu’on va quitter un lieu, et bien on le quittera bel et bien ; donc quand vous vous dîtes que le projet est intéressant et que vous voulez le soutenir, soutenez-le pour de bon ».

En outre, au début des années 2000, le ministère de la culture commande un rapport sur les « nouveaux territoires de l’art » à Michel Dufour, alors secrétaire d’État. Les nouveaux territoires de l’art sont les friches, les squat artistiques, « les labos »… La démarche du ministère naît dans un contexte de décentralisation de la culture et vise à explorer les types de lieux nouveaux où l’art est expérimenté, et à terme, d’en faire politique publique. Cette étude s’est intéressée au travail du Mix’Art et l’a cité à titre d’exemple, accordant alors une légitimité certaine au projet auprès des politiques culturelles de Toulouse. D’après Joël cela leur « permet [même] d’envisager un processus de légalisation ».

Le collectif est en plus largement soutenu par les habitants de la ville, ce qui renforce leur assise et leur crédibilité.

Puis, toujours dans un souci de pérennisation, les membres du Mix’Art sont progressivement amenés à repenser leur mode de fonctionnement.

Dès le départ, le système de fonctionnement du collectif a été l’autogestion. Ce-dernier s’est mis en place d’abord spontanément : « on n’est pas partis de théories ou de […] concepts préétablis […]. L’autogestion on a mis le mot dessus deux ans après avoir expérimenté le lieu dans ses informels ». L’autogestion est un système où chacun est libre de proposer ses idées et initiatives quant à la vie du lieu et à la gestion du projet. Dans ce système d’implication partagée, tous et toutes ont le même pouvoir décisionnaire, il n’existe pas de hiérarchie au sein du collectif. Ainsi, tous les membres sont à la fois libres de s’approprier l’espace, et responsables du bon fonctionnement de celui-ci. L’autogestion permet de réinventer les schémas communément établis et d’expérimenter le “faire société” de manière participative et horizontale. Par ailleurs, cela permet de s’émanciper de l’image du chef, profondément ancrée dans l’inconscient collectif, et de rétablir les rapports sociaux sur une base plus égalitaire.

Après quelques années, le Mix’art a soulevé que certaines tâches, inhérentes à la vie du collectif, demandaient une implication personnelle de quelques membres bien trop coûteuse en temps. Joël Lecussan évoque un « phénomène d’usure » de certains, prêts à « s’impliquer à fond, voire de sacrifier leur temps de création pour se consacrer au collectif ». Une équipe salariale apparaît alors au sein du Mix’Art. Au plus fort de son effectif elle était composée de deux régisseurs, d’un responsable administratif, d’un chargé de la vie associative et de développement, d’un chargé de communication et d’un coordinateur. D’après Joël : « pour durer ça nous a paru être la solution ». Malgré tout, il y a toujours demeuré une forte volonté de garder une équipe salariale réduite pour ne pas qu’elle remplace l’autogestion ou qu’elle mette à mal le système de responsabilité partagée.

Par ailleurs, le Mix’Art entame un dialogue et une collaboration avec quatre représentantes publiques dans le but de travailler à un processus de pseudo légalisation qui permettrait au collectif d’accéder à des subventions et à la location d’un espace pour leurs activités. Ce travail aboutit en 2005 : ils quittent leur dernière « occupation illégale et légitime » située dans l’ancienne préfecture, rue de Metz, et déménagent dans des locaux alloués par la mairie, rue Ferdinand Lassalle. Cette étape de l’histoire du collectif marque une concrétisation de la reconnaissance de leur démarche.Plus tard, en 2012, la volonté d’une pleine légalisation apparaît. A ces fins, le collectif milite pour une remise aux normes des infrastructures. La mise aux normes du bâtiment, vétuste, est trop coûteuse. Naît alors un projet de relocalisation aux usines de cartoucherie ; projet auquel est alloué un budget conséquent, marquant une forme de reconnaissance vis à vis du Mix’Art. Cependant, le projet prend de la longueur et est rejeté au retour de Moudenc à la mairie de Toulouse.                     


Les conséquences de Mix’Art sur la localité de Toulouse

Depuis sa création, Mix’art divise. De squat artistique en association structurée, le collectif toulousain a pourtant imposé sa griffe dans le paysage culturel de la ville. Ses partisans parlent de mouvement organisé et productif, ses détracteurs de foutoir anarchique et stérile. Mais alors qu’en est-il ?

En s’installant dans une ancienne usine réhabilitée en squat depuis peu, les membres de Mix’Art souhaitent que la culture qu’ils proposent crée du lien social et qu’elle favorise l’émancipation et l’autonomie des individus. Avec dès le début la volonté d’être et de devenir une structure d’expérimentation permettant le dialogue et l’ouverture. Comme le dit Joël, l’idée était d’ouvrir ce lieu « certes à des artistes ou des gens qui se prétendaient artistes, à la communauté qui y était déjà pré-installée mais de l’ouvrir aussi au quartier ».

Incluant très tôt à leur projet la notion d’espace public et d’accès à l’espace public, ils inaugurent la rue traversant l’usine Myrys rejoignant directement la rue Étienne Billières en la baptisant la rue Mix’Art, instituant un faux maire, et invitant tout le quartier à repasser par là alors que cet accès leur avait été subtilisé. Ces actions ont permis de « désacraliser la relation lieu à son interlope », « d’entamer ce processus d’ouverture sur le quartier et de se soucier de la relation territoire-voisins, voisines ».

Les anciennes usines Myrys étant vouées à destruction, le collectif fait valoir la nécessité de leur projet à travers des “occupations illégales et légitimes». N’ayant pas de réponse lorsque le lieu est vendu en janvier 2001, Mix’Art occupe l’Ancienne Préfecture au centre-ville de Toulouse. De par la localisation et l’histoire de ce bâtiment, cette occupation fait beaucoup réagir.

Occupation de l’ancienne Préfecture

En 2002, Nicolas Sarkozy vient sur Toulouse afin de mettre en œuvre son plan d’action « Sécurité dans la ville de Toulouse », Joël nous dit en rigolant que le collectif Mix’Art se trouvait en deuxième place, derrière les intégristes musulmans sur la liste.

Pour celui-ci « Art ou pas, un squat est un squat, une atteinte à la propriété » (à ce moment là, Mix’Art occupe un bâtiment public et non privé). S’ensuit alors 3 mois de référendum où « les gens pouvaient venir voter pour oui ou non on veut une aventure artistique et humaine avec Mix’art ». C’est une victoire pour le collectif qui avec plus de 15 000 votants reçoit une réponse positive à 99,9 %, démontrant bien au-delà de l’illégalité de leurs occupations, un réel besoin de la part des Toulousains d’avoir un lieu comme celui-ci dans la ville.

« Ça a été notre réponse à Sarkozy, au préfet de l’époque et c’est ce qui a favorisé sûrement, car le préfet voyait bien l’intelligence produite à plusieurs sur un projet comme celui-là ». Les projets artistiques et les événements se multiplient. Mix’Art Myrys devient l’un des lieux les plus fréquentés de Toulouse et finit par emménager rue Ferdinand Lassalle, qui restera leur adresse jusqu’à la fin.

Lorsqu’on demande à Joël si la présence d’un lieu tel que Mix’Art était venu combler des besoins dans la localité de Toulouse, sa réponse est résolue. Pour lui et pour bon nombre de toulousains, Mix’Art était le moyen pour de jeunes artistes ou « pseudo-artistes » de pouvoir se produire et partager leur art sans passer par des institutions, « qui sont quasi inaccessibles pour des jeunes qui n’ont pas la reconnaissance suffisante pour accéder à ces grandes maisons ».

Le problème est qu’à Toulouse, il est très compliqué de pouvoir se produire, jouer ou exposer quand on est pas reconnu, ou qu’on ne sort pas de grandes institutions comme tel.

En effet, à part ces grandes institutions comme Le Théâtre de la Cité, le Théâtre du Capitole, la Halle aux Grains, etc, peu de lieux disposent des mêmes capacités d’éclairage, de son et de place que ces grandes maisons, si ce n’est d’en faire partie. De plus, ces grandes maisons sont elles aussi soumises à des lignes artistiques, des règles dans leur mise en scène, le choix des œuvres qu’elles peuvent présenter… Ce qu’on retrouvait dans un lieu tel que le Mix’art au niveau des esthétiques et des choix de programmation se voulait diversifié, en recherche de fusion artistique et d’expérimentation, « c’était [un lieu] assez unique et je pense pouvoir dire que c’était assez unique même au niveau national ».

Au-delà de la diversité artistique, la présence du Mix’Art à l’ancienne préfecture en plein centre-ville a également une forte portée symbolique sur le plan social. En effet, les centres-villes sont occupés par la bourgeoisie, ce qui se ressent dans la vie culturelle de ces quartiers. Ce projet permet aux gens des classes populaires de se sentir intégrés dans un centre-ville, historiquement accaparé par la bourgeoisie. 

Occupation de l’ancienne préfecture- centre-ville de Toulouse

Les rapports entre l’art et le Collectif : le rapport à la création, le contenu de sa programmation

La création artistique dans le collectif portait l’accent sur le “processus” de cette création et l’ensemble des réflexions qui l’accompagnent. Bien qu’une œuvre finalisée soit toujours satisfaisante dans la mise en relation avec le public qu’elle occasionne, ce “processus” en amont de l’œuvre est un moment qui fonde le cœur de l’expérience que le collectif a fait vivre aux artistes qui le fréquentaient. Cette notion “d’artiste” est mise en valeur et est précieuse pour le Mix’Art, tout en ayant conscience que l’un ou l’autre projet finalisé créé plus de lien avec son public et porte à l’artiste une reconnaissance plus profonde qu’à un autre issu d’un même événement. Mais cette considération n’engendre pas de hiérarchisation des artistes qui font part aux évènements. Le collectif est attaché à cette valeur dans sa relation avec les artistes. Un artiste peut à tout moment créer un lien avec simplement une personne et quel que soit sa considération, c’est ce moment qui est précieux.

Le foisonnement artistique dans la diversité des formes que permettaient Mix’art Myrys, était  dû à son statut de collectif/association. Ne se considérant pas comme une institution, il était donc dédouané d’attentes artistiques précises. La diversité du collectif engendrait une importance à ce que l’un ou l’autre artiste souhaite exprimer, quel qu’il soit, et dans l’urgence du message qu’il souhaite porter. Que ce soient des artistes ayant, dans leur univers, une portée artistique affirmée ou au contraire une expression à peine naissante, il n’est pas question de compétence mais de maturité. L’intérêt est le cheminement de chacun dans son rapport à l’art allié à la diversité des univers qui peuvent coexister ensemble.

Chaque collectif artistique conséquent se reconnaît par une singularité, et l’aventure du Mix’art est justement ce foisonnement dans la diversité qu’il proposait. Avec des gens qui venaient et partaient, car ce sont des projets ayant besoin d’un mouvement permanent pour exister.

Les esthétiques abordées avaient un aspect plus “indus”, “ trash-indus” ou “rock alternatif” et autres courants issus des années 1990 à la naissance du collectif, elles n’étaient pas encore clairement définies comme telles à cette époque, mais émergeaient toujours dans un milieu que l’on peut qualifier « d’under-ground ». L’esthétique “free-party” est arrivée plus tard.  À cette période le Mix’art était déjà pourvu de son laboratoire de musique expérimentale, qui fit sensation.

On qualifie de Underground toute production culturelle et artistique à caractère expérimental, alternatif, souvent en marge de la société et en opposition à l’industrie culturelle dominante. Elle apparaît dans les années 70 notamment avec l’émergence de certains mouvements comme les mouvements punk, métal, gothique ou encore skinhead qui sont bien souvent réprimés par la société, qui dénigre leur anticonformisme revendiqué. Elle rassemble des individus et diverses cultures qui se tiennent à l’écart des habitudes culturelles dîtes « mainstream » largement relayées par les médias de masse et les institutions. Par ailleurs, la culture underground a souvent recours à l’art comme moyen de diffusion d’idées, de principes et d’opinions sur divers sujets plus ou moins liés à l’actualité, l’environnement ou encore des enjeux politiques. Cette dimension politique est (comme nous l’avons déjà vu) indissociable de l’identité du Mix’Art, et il semble pertinent d’établir un lien entre cette identité éminemment politique et son origine culturelle : la culture Underground. 

La programmation du Mix’art a été fortement influencée par les lieux qu’il a traversés, mais les événements qui l’ont fait vivre, eux aussi, ont été déterminant pour construire le collectif et atteindre ce qu’il est devenu. La diversité d’esthétiques a été une pierre angulaire, qu’elles soient “conventionnelles”, maghrébine, africaine, latino-américaine ou autres. Le collectif n’hésitait pas à faire se croiser ces différentes esthétiques pour créer des évènements, cela générait des contrastes et des curiosités, auxquels Mix’art portait un fort intérêt.  

Ce foisonnement culturel se traduit également dans la multiplicité des disciplines artistiques développées et diffusées par le collectif : musique, peinture, sculpture, spectacle vivant, etc… Parfois, différentes disciplines artistiques pouvaient être rassemblées dans une même soirée. On peut citer l’exemple du festival de musique « Le grand bal d’un archet dans le Yucca », que le Mix’Art a accueilli durant quelques années. L’édition de 2017 du 16 décembre proposait un loto, un marché créateur à 17h puis une série de plusieurs concerts à partir de 20h. Cette diversité était notamment possible grâce à la structure, permettant la mise en place simultanée de différentes activités.

Cette pluralité se trouve également dans d’autres formes transdisciplinaires qui résident dans le métissage de plusieurs arts, que l’on retrouve jusque dans le nom du collectif : Mix’Art.

Le grand bal d’un archet dans le Yucca, 16 décembre 2017 –
Sound Wise, 10ème édition- Sound Systems, Roots Reggae
Punk Circus festival – Abril 2018

Un décloisonnement précurseur a eu lieu dans ce collectif entre deux cultures : la culture hip-hop plus issue des quartiers et la culture Street-art plus composée de gens qui provenaient des beaux-arts, d’un milieu bourgeois en somme. Ils ont réussi à créer des passerelles grâce à des conjonctions qu’on peut qualifier d’inopinées et non maîtrisées, mais qui, par les interactions et les rencontres au sein du collectif, ont pu engendrer ces associations.

Toutes ces choses mettaient à plat les considérations de catégories sociales à travers ce foisonnement artistique et la consciences des luttes et problématiques que certains artistes, étrangers ou non, rencontraient. Véritable articulation d’une force artistique qui, par sa portée, permet aux gens de dépasser leur propre clivage tout en faisant honneur à une réelle expression artistique qui fait valoir son combat issu de sa réalité sociale, politique et sensible.


Une aventure légitime

Pour conclure, il semble primordial de préciser qu’ en réalité, l’histoire Mix’Art est un exemple révélateur de l’impact des politiques publiques sur ces lieux de créations alternatifs. 

Durant les années 90, toutes les grandes villes avaient leurs squat artistiques. La volonté de reconnaître et légaliser ces lieux de création de la part du Gouvernement Jospin au début des années 2000 a permis de leur accorder une certaine légitimité, considérés comme les “nouveaux territoires de l’art”. L’arrivée au pouvoir de la droite marque un tournant radical dans la considération qui leur est accordée, et donc dans les politiques publiques mises en place. 

La fermeture du Mix’Art et ses conflits avec la mairie de Toulouse est un exemple révélateur de ce désintéressement et ce mépris de ces squats artistiques de la part des politiques locales.

En 2005, les pouvoirs publics et le collectif se mettent d’accord pour une solution de relogement au 12 rue Ferdinand Lassalle. Toujours en bonne entente, ils ont acté ensemble en 2009 qu’il fallait trouver une solution de relogement et de pleine légalisation du projet. C’est alors en 2012 que le PS arrive au pouvoir et vote un budget de 9 millions d’euros pour la relocalisation du projet aux Cartoucheries. Le projet acquiert une stabilité dans une certaine légalité. Le projet traîne en longueur jusqu’aux élections municipales, remportées cette fois-ci par la droite. Dans ces conditions, le budget initial est rabaissé à 3 millions d’euros, ne permettant au Mix’Art uniquement d’accueillir des ateliers d’artistes. L’engagement de la mairie n’ayant pas été respecté, l’accord est refusé. Ce désaccord et ces tensions entraînent un retard sur les travaux de mise en conformité du bâtiment. En janvier 2020 a lieu une visite inopinée de la direction de la sécurité civile. Le rapport déclare une non-conformité du bâtiment aux normes, entraînant la fermeture administrative du Mix’Art. Les désaccords, manifestations, des dynamiques de résistances s’enchaînent. Myrys demande un procès à la mairie de Toulouse en raison du non-respect de son engagement ; une audience publique devrait avoir lieu à la fin de l’année 2023. 

Aujourd’hui encore, Macron est un incarnant de cette vision restrictive de la société, nous l’avons vu avec la promulgation de la toute récente loi anti-squat. Joël Lecussan dénonce ce projet et cette vision de l’espace public (« On ne fait plus de politiques publiques, on pond des dispositifs »), qui pour lui remet gravement en question « la notion d’intérêt général et d’utilité publique». Il questionne notamment l’étendue réelle de nos propres libertés de disposer d’une espace soit disant publique, car de plus en plus privatisé ou contrôlé. 

Maintenir un projet tel que Mix’Art, c’est revendiquer le droit d’être “illégal mais légitime”.

Remerciements

Nous souhaitions remercier Joël Lecussan, pour son partage d’expérience, précieux dans la réalisation de notre projet.




Une page et un entretien préparés et réalisés par Violette Calvet, Charline Playoult, Pablo Lopez del rio, Matéo Vidal, Anaëlle Andrieu, Louise Joubert