Vicious Circle et les disquaires à Toulouse


Le disque vinyle est un outil bien connu, il permet de transporter et lire de la musique pré-enregistrée. Avec l’arrivée du CD, puis du numérique, le vinyle s’est vu se faire catégoriser « d’ancien ». Seulement, depuis une quinzaine d’années, il revient avec force. En tant que disquaire, ce sont ces spécialistes du vinyles qui ont observé de plus près l’évolution de sa place et des disquaires dans la société. 

Avec près d’une dizaine de commerces spécialisés, Toulouse est la ville comptant le plus de disquaires en France, juste après Paris, Lyon et Bordeaux. C’est pourquoi nous avons demandé à Grégoire Rameaux, gérant du Vicious Circle à Toulouse de nous partager sa vision de cette évolution et ses pensées sur l’avenir.

Interview Grégoire Rameaux

Grégoire Rameaux, gérant du disquaire Vicious Circle, à accepté de répondre à nos questions.

-à insérer-

Évolution des disques et des disquaires

Partons du début. À la fin du 19eme siècle apparaît le disque 78 tours, un disque dis « phonographique » (support analogique de sons enregistrés) autrefois joué sur les gramophones. En 1920, le 78 tours est complètement démocratisé avec la création des Juke-boxs et de la radio, mais 1948 le 78 tours tombe en déclin avec l’invention du disque microsillon, le vinyle, par la maison de disques Columbia. Il connaît plusieurs déclinaisons par type et par format (18 centimètres/45 tours pour singles, EP, album de quatre titres max ; 25 centimètres/33 tours pour EP, LP, il est considéré comme l’ancêtre de l’album ; 30 centimètres/16 tours pour les versions «collector», la maison Pathé en France dynamise son leur développement après-guerre).
Le vinyle devient vite le nouveau favori grâce à sa qualité sonore, qui amène plus de détails dans la perception des sons. Mais aussi une durée des pistes plus large entre 40 minutes et 1 heure par disque.

En 1950 la technologie de stéréophonie vient améliorer la qualité et l’immersion sonores avec la reproduction du son dans l’espace, puis 1960 est marqué par le remplacement des pointes en saphir sur les tourne-disques, par des pointes en diamants ce qui diminue par 10 la vitesse d’usure du disque. La cassette est inventée en 1963 par Philips, ce qui marque la fin de l’hégémonie des vinyles sur le marché. 1983 est l’année de la descente aux enfers pour les vinyles. Philips commercialise le support CD, qui progressivement écrase le marché du vinyle, avec son prix compétitif, sa qualité sonore remarquable et sa petite taille qui ne réduit pas la durée d’écoute et qui permettent de l’emporter partout grâce au lecteur CD portable. Dans les années 1990 les dernières grandes usines de vinyles ferment leur portes, pour laisser place au CD.

Le vinyle devient un objet niche pour une poignée d’irréductibles Gaulois appelés les audiophiles. Être audiophile c’est un dévouement pour avoir un son parfait. Pour cela, ils sont prêts à mettre le prix dans du matériel de haute qualité. Ils vantent la signature naturelle, chaleureuse et «authentique» des vinyles, contrairement au côté plus «robotique» du CD qui efface les imperfections que l’on peut trouver sur les disques microsillon, et qui en ferait tout son charme. Les disques vinyles offriraient une expérience d’écoute unique qui ne peut être reproduite par les formats numériques.Et cette évolution de support a un impact sur les différents styles musicaux. Le funk et la musique classique restent attachés au vinyles (comme quelque chose de vieux et de démodé) contrairement aux musiques électro et hip hop, qui elles se mettent à la mode grâce au CD.

2000 est la décennie de la renaissance pour le vinyle, il retrouve un engouement de la part de son public. Son charme “vintage”, qui fait la joie des collectionneurs, mais aussi ses qualités intrinsèques, sa pochette plus grande et plus décorée comparé au CD fait de lui un objet d’art plutôt qu’une simple illustration sur une boîte en plastiques. C’est grâce aux artistes également que le vinyle retrouve son charme, les Daft Punk, White Stripes ou encore Pharrell Williams, sortent en plus des CD, leurs albums en 33 et singles en 45 tours. En 2014, le Royaume-Uni repasse au dessus du million de vinyles vendus, record jamais atteint depuis 1996. En 2019, les 33 tours représentent 17% des ventes d’albums aux États-Unis, le marché américain du CD rapportant 247,9 millions de dollars, contre 224,1 millions pour les vinyles. Cette remontée en puissance peut s’expliquer par une envie de retour à la simplicité et aux petits défauts naturels. Les chiffres donnent de bonnes raisons de croire que maître Vinyle dépassera bientôt padawan CD.

Comme nous le dit Grégoire Rameaux, le vinyle, le disque en lui-même, est devenu aussi un objet artistique. Dès les années 60 et 70, au milieu du psychédélisme dans tous les domaines artistiques, la pochette devient aussi une œuvre.

En 1971, avec la pochette de l’album Sticky Fingers de The Rolling Stone, Andy Warhol imagine avec Billy Name (qui réalisera cette idée), une photo en plan serré sur l’entrejambe d’un homme en jean dont la fermeture éclaire s’ouvre réellement pour laisser place aux sous-vêtements de l’homme.

Une pochette qui reste culte aujourd’hui et très prisée des collectionneurs. Et l’histoire retiendra tant d’autres pochettes qui marqueront le milieu de l’art plastique autant que celui de la musique, comme toutes les pochettes des Pink Floyd, Rage Against The Machine de Rage Against The Machine, ou celles signées par Ai Wei Wei ou encore Robert Combas. 

Le disque n’échappe pas à ces idées artistiques. Les contraintes techniques, comme le matériel (le plastique), la forme (qui puisse tourner), la taille (qui puisse s’adapter au tourne-disque), qui permettent le fonctionnement du disque en lui-même viennent finalement créer une charte de travail pour l’artiste. De plus en plus, nous pouvons voir des jeux sur les couleurs, la transparence, et parfois la forme. 

La musique actuelle vient traverser les cases traditionnelles des genres et styles musicaux. L’évolution de la musique actuelle peut se résumer comme ceci: création, fusion, invention. Et ces idées ont évidemment existées en même temps dans les autres arts, dont les arts plastiques, et entre les arts eux-même. Des cohabitations ont toujours été habituelles, il est donc logique qu’elles arrivent avec les nouveaux types d’arts et de cultures. 

Une façon de mieux comprendre cette histoire: observer l’évolution des disquaires

Nous prendrons Toulouse comme exemple représentatif de l’évolution commune à la France entière. Sur Toulouse nous pouvons donc observer la place grandissante du disque puis du vinyle par l’augmentation de magasins spécialisés depuis l’apparition du phonographe (tourne-disque).

En 1900, ce qui semble être le premier et seul magasin autour du disque, BONNEVILLE, s’installe au 60 Boulevard Lazard Carnot, là où nous avons de nos jours le métro Jean Jaurès.

De 1900 à 1940 nous passons de 1 magasin répertorié à 9, se développant dans ce même endroit, en centre ville, dans le quartier du Capitol, quartier Saint-George, quartier Saint-Aubin et dans le quartier Saint-Etienne. Des endroits qui font partie aujourd’hui du centre névralgique de la ville de Toulouse. Ces magasins changent de propriétaires, ferment et mutent au fil des années. 

captures d’écran sur Google Maps

Evolution du nombre de disquaires à Toulouse entre 1900 et 1940

captures d’écran sur Google Maps

Durant l’interview nous avons rencontré Grégoire le gérant du magasin. Il nous a partagé son parcours mais aussi l’histoire de Vicious Circle. Le magasin a été créé en 1997, 27 ans qu’il  existe et bientôt 24 ans que Grégoire vit de sa passion pour les vinyles. Actuellement bien placé au 56 rue Léon Gambetta, s’inscrivant dans la suite des disquaires de l’hyper-centre avant lui, près de la plage du Capitole, le magasin était placé quelques rues plus loin à son ouverture. Ce placement géographique a toute son importance. En effet, l’ancienne rue était bien moins passante même si elle était située en centre ville, ce qui a énormément affecté la situation financière du disquaire. Cet emplacement est idéal à l’heure actuelle. De plus, ils ont fait de ce lieux un espace très chaleureux avec beaucoup de couleurs, ce qui rend l’espace très accueillant. 

Et maintenant ?

L’avenir des disquaires et de Vicious Circle est, comme le dit Grégoire Rameaux, incertain. Il dépend de celui des vinyls et des disques. Leur retour à la mode à été imprévue et le moment où il repartira l’est tout autant. Mais nous serions tentés de penser, par amour de cet objet si spécial, qu’il ne partira pas, que les habitudes d’utilisation et d’achats se transformeront comme elles l’ont déjà fait. Et en fin de compte, les disquaires eux-aussi se transformeront comme ils l’ont fait face au CD, au numérique, ou aux grandes chaînes. Ce qui est sûr c’est qu’ils resteront d’une manière ou d’une autre et qu’ils ont une place irremplaçable dans notre paysage français. 


Article écrit et questions préparées par Quentin Heriveau, Amandine Fourcade, Mélina Biagianti et Lila Maréchal

Interview menée par Quentin Heriveau

Photo prises par Amandine Fourcade

Merci à Vicious Circle et à Grégoire Rameaux pour leur accueil et leurs réponses.


Sitographie / Bibliographie

https://leclaireur.fnac.com/article/cp48650-lhistoire-du-vinyle-de-sa-creation-a-nos-jours

https://www.cairn.info/revue-le-temps-des-medias-2014-1-page-92.htm

https://www-cairn-info.gorgone.univ-toulouse.fr/revue-le-temps-des-medias-2014-1-page-92.htm

https://phonobase.hypotheses.org

Qu’est-ce qu’un audiophile ? Définition, caractéristiques, équipement et avantages | SoundScapeHQ 

https://www.youtube.com/watch?v=HwFX93-Oc9g&ab_channel=DYPE

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bd6t53570358z/f632.item

https://www.instagram.com/viciouscircleshop?utm_source=ig_web_button_share_sheet&igsh=ZDNlZDc0MzIxNw==