En cette fin 2023, entre quatre murs d’une salle de cours de l’université du Mirail à Toulouse, accompagné.e.s d’un piano droit, nous avons eu le plaisir d’interviewer un esprit créatif dont l’univers vous engloutit: la musicienne multi-instrumentiste et compositrice Frédérika Alésina. Dans cette interview nous avons pu découvrir les origines de “Bodi”, son dernier Ep.
Entretien avec Frederika*
Frederika* et l’album Bodi
Frédérika est membre de la compagnie de spectacles musicaux les Humanophones, cheffe de choeur de la chorale féministe l’Ebranleuse, double primée au concours international du Crestjazz Festival, enseignante de chant à l’Université Toulouse Jean Jeaurés mais aussi actrice dans une large palette de disciplines. Frédérika est surtout une femme curieuse qui se trourne vers la musique à l’âge de 4 ans. Elle passe son enfance et sa jeunesse dans le studio de ses parents. Encouragée par son père, elle apprend le piano classique et la programmation sonore. Quelques albums de Mariah Carey, Radiohead et Michael Jackson écoutés plus tard, la musicienne comprend qu’elle veut devenir chanteuse. Dans son adolescence elle découvre le jazz ainsi que la musique électronique. La scène devient un lieu primordial pour son évolution musicale. Aujourd’hui Frederika* c’est : une centaine de concerts, une centaine de compositions, une diversité musicale certaine (classique, jazz, pop, rock, musique du monde, musique de films, électro) et un placard rempli de vêtements à paillettes. Tout son univers converge dans sa dernière création : BODI.
Publié fin Mai 2020 -en plein contexte de crise sanitaire- BODI est le premier Ep de Frederika*. Pourquoi bodi ? En écoutant l’album, vous vous en rendrez compte. Non ce n’est pas une batterie qu’on écoute. La voix est un instrument, certes, mais le corps en est un aussi. La musicienne est l’instrument. La musicienne est la musique. Le concept de l’album ? Frédérika nous explique très clairement: “La musique avec moi (toute entière), les objets de ma maison et les instruments de ma maison. Il y a que ça dans ce disque”. “Chant, joues, cuisses, pieds, cuisinière à gaz, bouteille en plastique, chou-chou charley, caisse claire avec les lèvres, mélodica, les clefs de ma maison, tracteur”. Voilà une liste de quelques instruments qui ont été utilisés pour l’enregistrement de BODI. L’album a été produit et mixé par elle-même et Arthur Ower (son partenaire dans le crime) au Studio Providence et masterisé par Simon Lancelot au Studio Ferber. La photographie de la pochette vient de la main de Lionel Pesqué et l’Artwork du disque est signé Jouch. “Musique anatomique”, “Pop bricole”, “Pop épidermique”, “Body music” sont des termes qu’utilise Frédérika pour tenter de définir sa musique… même si l’on ne peut réellement le faire.
Setlist:
- MerSea
- LuciFer
- R is R
- Beauty Fool
- Bloody Body
- What Eases ?
La composition chez Frederika*
L’inspiration peut-elle vraiment venir naturellement ? Du vécu, des expériences et des pensées de chacun ? Est-il possible de faire cela sans méthode prédéfinie ?
Frederika* nous montre une vraie ambivalence et diversification dans sa façon de composer. Se laissant réellement influencer par le monde qui l’entoure sans peur, elle cherche une manière propre à elle de composer, laissant une réelle place à l’inspiration momentanée tout en cherchant toujours à se renouveler dans son procédé de composition, Frederika* est une artiste authentique et empirique.
Que ce soit
- Une phrase apparue dans une situation donnée ou une pensée quelconque
- Une boucle qu’elle enregistre sur laquelle elle va improviser
- Des congas qu’elle vient pitcher qui vont ensuite inspirer sa mélodie
Tout peut devenir un élément important de ses compositions comme par exemple la première phrase d’un morceau ou la topline du refrain. Cette phrase ensuite, lui donne une ligne de conduite pour le reste du morceau, de manière d’ailleurs parfois un peu psychanalytique, pourquoi cette phrase m’est venue ? Qu’est ce que ça veut dire ? Quelle émotion je souhaite exprimer ? etc… Elle construira ensuite petit à petit un morceau à partir de cette émotion.
Elle exprime sincèrement dans l’entretien que la mélancolie est un sentiment très présent dans sa vie, et une belle source d’inspiration dans ses chansons. Elle accueille cette sensation avec une telle profondeur que c’est véritablement rafraîchissant et touchant lorsqu’on la voit monter sur scène.
Frederika* nous montre que même dans la composition vocale avec des boucles on peut intégrer de la spontanéité et du risque, l’élément clef qui lui donne de la liberté d’expression musicale le jour J. Pour se préparer pour les scènes live elle crée des tableaux et répète les set à l’avance mais contrairement à ce que l’on peut penser, dans les concerts même avec un looper elle ne se pose aucune limite, si l’envie lui vient de changer le tempo ou la structure du morceau elle n’hésite pas. Ce qui donne des live authentiques syncro avec son expérience et les sensation du moment. Tout ceci grandement aidé par le fait qu’elle a commencé à enregistrer et faire de la programmation des 7 ans dans le studio de son père.
Elle jongle entre les mondes du studio et du live et fait de nombreuses versions différentes de ses morceaux en fonction de ses envies et des concerts, quelque chose qui devient plus complexe spécifiquement quand on fait des concerts seule. Elle s’adapte et devient tous les musiciens en même temps, avec l’aide d’une loopstation.
Nous avons choisi Frederika* tout d’abord parce qu’elle est inspirante, elle crée de la musique atypique seule avec majoritairement sa voix et des percussions corporel mais aussi car nous étions intéressés de savoir comment est ce qu’elle fait pour rendre toujours intéressants ses morceaux en étant seule et en utilisant quasi exclusivement sa voix et son corps pour composer.
BODI
Paru le 29 mai 2020, cet album à été composé et enregistré par elle même (et Arthur Ower). C’est un album sur lequel elle à énormément travaillé. Comme elle nous l’a expliqué dans son entretien avec nous, elle est plutôt perfectionniste, et a mis du temps avant de sortir un album. Elle souhaitait en sortir un qu’on peut écouter encore et encore, et est très fière de celui-ci. Dans notre entretien, on lui à posé une question concernant les jeux de mots dans ses morceaux. Elle nous à répondu se “débattre dans les extrêmes” et voir “beaucoup de choses à double sens”. Elle nous à expliqué faire un jeu avec sa fille consistant à répéter des mots pour faire en sorte que la dernière syllabe devient la première, changeant le sens du mot. Et elle à beaucoup aimé découvrir ça en anglais, elle nous donne l’exemple de “my dear” qui veut dire : mon cher, qui peut également signifier mon cerf (s’orthographie “my deer”), avec l’idée de la voir dans un clip avec des oreilles de cerf pour jouer sur le sens. Il y a d’autres jeux de mots et doubles sens tout au long de l’album, que nous vous laissons le plaisir de découvrir !
La polyphonie
Frederika utilise la polyphonie dans tout ses morceaux. allant de polyphonies simples ( comme simplement des accords à trois sons pour faire des nappes, comme sur l’introduction de bloody body), jusqu’à des polyphonies plus complexes (comme sur Mersea, avec non seulement des accords à la voix, mais également des arpèges où des canons). Les idées de ces polyphonies lui viennent généralement à partir d’un looper, un outil permettant d’enregistrer un instrument et de le répéter. Frederika utilise le looper pour ses performances sur scène, mais également au moment de la composition.
L’instrumentation
Pour l’instrumentation des morceaux de son album, Frederika utilise déjà beaucoup sa voix, comme nous l’avons vu dans la partie précédente. Mais ce qui est intéressant, c’est au niveau des instruments : elle utilise des percussions corporelles pour certains morceaux, comme « beauty fool ».Nous avons découvert, à travers notre entretien, que les instruments utilisés proviennent d’une banque de sons, avec des instruments électroniques qui ne lui plaisent pas à la base, et qu’elle trafique. Elle nous a confié que “les lames d’un tracteur à faire les meules de paille”, utilisées dans le morceau Lucifer, dont le seul son qui n’est pas d’elle. Mis à part cela, elle n’utilise que des instruments de sa banque de sons et des objets ou meubles de chez elle, ce qui donne des sons mémorables, et crée un album aux sonorités uniques.
Quelques ressources utiles
Les actualités de Frederika* : https://www.frederika.fr/fr/welcome/
Son album : https://www.frederika.fr/fr/music/
Sa musique : https://frederika.bandcamp.com/album/bodi
Rédigé par Giuliano Leroy, Pablo Ducoin, Maya Chalmers, Lucy Brooker et Kéziah Clemenceau.