Les « Fils de Joie » est un groupe Toulousain appartenant à l’esthétique new-wave post punk, fondé en 1978. Il est composé de 5 musiciens : Olivier Hébert, guitariste et leader du projet, Alain Gérard à la batterie, Christophe Bonnebouche aux claviers, et Daniel Costa, à la basse (ayant rejoint le groupe quelques temps après). Ils se séparent en 1986.
Olivier Hébert (connu sous le nom d’Olivier de Joie) reforme le groupe en 2022 avec d’autres musiciens, autour d’un nouvel album : Nous ne dansons plus la nuit, dont nous avons analysé les différents morceaux. Cet album se démarque grâce à une musique innovante et des textes engagés. C’est d’ailleurs une caractéristique phare du groupe : l’attention portée à leurs textes et leurs paroles pour parler de sujets de société et de causes qui leur tiennent à cœur. Le groupe incarne l’esprit rebelle qui a marqué l’état d’esprit des années 80. Notre voyage à travers l’univers musical des Fils de Joie ne se limite pas à une simple rétrospective. Nous nous plongerons également dans l’analyse de leurs paroles, explorant les divers sujets qui ont marqué leurs chansons. De plus, nous analyserons les arrangements musicaux qui ont donné vie à cet album.
Entretien avec Olivier de Joie
Échelles et Harmonie
Le répertoire étant homogène, on retrouve les mêmes types d’harmonie et d’échelles entre les morceaux. Il y a un usage fréquent de la gamme pentatonique mineure, du mode éolien et de mode ionien. L’harmonie est fondée sur des accords parfaits majeurs ou mineurs, sous forme de triades. Étant donné le répertoire punk rock, nous avons aussi parfois à faire à des power-chords (accord constitué uniquement de la fondamentale et de la quinte). Les morceaux conservent leurs tonalités de départ sur toute leur longueur, il n’y a pas de modulations.
Des structures et une instrumentation originales
L’originalité des morceaux du groupe « Les Fils de Joie » transparaît non seulement à travers le choix singulier des instruments, mais aussi par la structure audacieuse de leurs compositions. En effet, l’arrangement de leurs morceaux se démarque de manière significative des schémas classiques adoptés par des groupes de rock plus conventionnels, qui s’appuient souvent sur la structure couplet/refrain ainsi que sur une métrique 4/4 standard.
Dans le répertoire des « Fils de Joie », il y a une grande diversité structurelle, avec des éléments tels que des ponts de seulement deux mesures, ainsi que des morceaux adoptant une métrique 6/8, offrant ainsi une expérience auditive riche et innovante (écouter l’interview épisode 1, 22min30). Cette approche non conventionnelle témoigne d’une volonté de transcender les limites musicales traditionnelles.
La musicalité distinctive du groupe est accentuée par l’utilisation d’instruments originaux, illustrée par la présence d’un banjo dans « Le Bon Dieu n’a pas voulu de moi » (écouter l’interview épisode 1, 21min00). De même, dans le morceau « Les Plaisirs Chers », la basse s’inscrit un demi-ton en dessous dans l’intro, créant une sonorité unique et captivante dès les premières notes.
Ainsi, « Les Fils de Joie » s’imposent comme des artisans de la créativité musicale, repoussant les frontières stylistiques pour offrir des compositions novatrices et audacieuses qui captivent l’auditeur par leur originalité structurelle et instrumentale.
Des paroles pour soutenir des causes importantes
Les Fils de Joie ont fait le choix, plutôt atypique dans les années 80, d’écrire du rock en français. Leurs textes, écrits dans un style simple, sont parfois mélancoliques, souvent désabusés, toujours engagés. Dénonciation des guerres, des injustices sociales, amour (heureux ou malheureux), personnages malmenés par la vie, sont des thèmes récurrents du groupe. On retrouve aussi des chansons aux références culturelles, des hommages à certains artistes du monde de la musique ou du cinéma («Encore une fois dans l’Ouest »).
Quelques exemples plus en détail avec des titres de l’album :
« Le Bon Dieu n’a pas voulu de moi »
Les paroles sont un discours à la première personne d’un homme malmené par les épreuves de la vie, auquel l’auditeur peut facilement s’identifier. On comprend qu’il était arrivé à la fin de sa vie et était prêt à accepter la mort mais « le bon dieu n’a pas voulu de [lui], ni le diable non plus, alors [il] est revenu ». Même dans la mort, rien n’est facile pour lui, il est mis à l’écart comme il a pu l’être dans sa vie. Le refrain apporte une note d’espoir puisqu’il va « retrouver celle qui [lui] est toujours restée fidèle » : on devine qu’il fait ici référence à une femme qu’il aime et qui est finalement la seule sur qui il peut compter, tandis que ni le bon dieu ni le diable ne veulent l’accueillir. Le caractère plutôt calme de la chanson, le fait que l’instrumentation ne soit pas trop chargée (pas de batterie par exemple), permet une bonne audibilité et une mise en valeur du texte.
« Un bâton de rouge pour Greta » décrit les pensées et les rêves d’évasion d’un soldat surveillant un point de passage du mur de Berlin pendant le Guerre Froide (écouter l’entretien épisode 2, 6min47).
Dans le même thème, « Le Requin Vert », écrite durant la guerre du Liban, est l’introspection d’un homme qui sait sa vie menacée par les conflits mais ne supporterai pas l’idée de mourir tant qu’il y a de l’espoir. Le texte joue sur le contraste entre la description d’un paysage paisible et idyllique (« respirant les parfums du soir, au bord de la mer ») et la violence de la guerre (« à terre les glaces brisées par les premières rafales ») pour choquer, générer de l’empathie pour le personnage et créer le dégoût vis-à-vis de la guerre.
Image de buzzonweb.com
« Nous ne dansons plus la nuit » est un hommage au chanteur britannique Ian Curtis du groupe Joy Division. Il est décrit comme un « poète énigmatique, [qui] dansait sur la rythmique, avec son regard hypnotique, ses idées noires et ses gestes frénétiques ». La chanson dépeint son combat contre l’épilepsie et la dépression (épisode 2, 1min 38).
« Sur la route d’Ainhoa » est une chanson plus légère. Le narrateur se remémore un souvenir de voyage, ou de vacances. Il décrit l’ambiance, les paysages. On comprend qu’il était avec une autre personne qu’il aime. Il est donc assez nostalgique de ces « bons moments ». Toutefois, la dynamique de la chanson ne donne pas une impression de mélancolie : le rythme entraînant, ainsi que l’usage du futur sur quelques phrases laissent penser que les personnages pourront se retrouver. De manière générale, le texte est intelligible et mis en avant par rapport aux instruments. Le refrain est beaucoup répété, sa mélodie est facile à chanter et à retenir. Il n’y a pas beaucoup de couplets, qui sont très courts. Dans cette chanson, le texte a plutôt pour fonction de porter une musique joyeuse et entraînante.
Studio/Mix
Dans le cadre de notre exploration des processus d’enregistrement chez Les Fils de Joie, le fondateur et chanteur, Olivier Hébert, partage ses réflexions sur l’évolution du groupe en matière de studios et de son.
Initialement, le groupe privilégiait l’utilisation d’un home studio avec des ressources modestes. Toutefois, au fil du temps, ils ont opté pour une approche plus professionnelle, collaborant avec des ingénieurs du son dans des studios spécialisés. Selon les dires d’Olivier, la préparation préalable demeure cruciale, les membres répétant méticuleusement chaque morceau avant d’entrer en studio.
En ce qui concerne le mixage, le groupe adopte une approche équilibrée en structurant la disposition des instruments. La voix et la guitare sont mises en avant, la basse et la batterie occupant un plan intermédiaire, tandis que les autres instruments trouvent leur place dans des plans successifs. Cette méthode vise à créer une dynamique sonore cohérente.
La panoramisation, bien que généralement centrée, présente des nuances avec des placements stratégiques à gauche ou à droite du spectre sonore. Ces décisions contribuent à offrir une expérience d’écoute immersive, sans toutefois sacrifier la stabilité sonore.
Dans l’ensemble, l’approche d’enregistrement des Fils de Joie reflète un équilibre entre préparation méticuleuse et collaboration avec des professionnels, traduisant ainsi leur engagement envers une qualité sonore constante.
Sources
Préparé et rédigé par Pierre René, Evan-Raphaël Vannier, Loumir Buisson-Fabregat, Mathieu Boulardin, Louna-Marie Le Galloudec et Pablo Mittag.