Le 19 décembre 2022, Louna Nègre-Pullel et Alyssia Garrigues ont eu l’occasion d’interviewer Pierre Priot, Label Manager de Dead Bees Records, un label de rock indépendant créé en 2003 partant d’une initiative associative. Elles ont pu réaliser l’entretien dans un cadre privé, dans le bel appartement d’Antonina Mitrakhova qui à bien voulu les accueillir.
Un entretien très riche de 1h30, durant lequel Pierre Priot nous a beaucoup appris sur l’histoire de Dead Bees et la culture rock à laquelle le label s’est identifié.
Création du label
Le label Dead Bees Records est porté par l’association « Seuls les anges ont des ailes » créée en 2001. C’est une association loi de 1901, c’est-à-dire une association à but non lucratif qui peut avoir, ou non, des activités commerciales, suivant le statut de cette dernière. Le but de cette association était d’obtenir un cadre juridique légal pour des groupes voulant s’auto-produire, se développer et aussi de commencer une activité de promotion et d’organisation de concerts qui a donné lieu à des concerts essentiellement à Toulouse, dans des clubs, des bars, des petites salles.
Par la suite des liens ont été créés et des échanges mis en place, dans un premier temps, avec des structures jumelles de d’autres villes en France, des petits tourneurs et producteurs, et ensuite, avec des tourneurs internationaux, ce qui a permis à des groupes en début de carrière n’ayant pas encore suffisamment de notoriété pour être programmés dans des salles plus importantes, de se produire dans des petites salles à Toulouse. C’est grâce à l’organisation de concerts de groupes américains comme Pedro the lion ou encore Chokebore, que des liens ont commencé à être tissés avec des productions étrangères.
Pierre Priot a été contacté par l’association lorsque la volonté de développer une production discographique est arrivée, et il a accepté car il partageait avec les membres fondateurs de l’association des intérêts et envies communes. A cette époque, Pierre, grâce à son activité de journaliste indépendant en ligne, avait déjà des contacts avec des groupes aux États-Unis mais aussi en France et le but était de faire des disques avec eux, et de les faire venir de l’étranger pour tourner en France. Le projet de label commence donc en 2003.
Après avoir produit les premiers disques, le label voit les relations avec l’étranger évoluer et son activité augmenter et s’accélérer au passage de 2004 à 2005. N’ayant pas beaucoup de moyens, il décide de faire la promotion de leurs groupes à travers des compilations destinés principalement aux professionnels et assiste à une augmentation du nombre de titres chaque année.
La création d’un réseau professionnel et artistique a engendré le développement d’une véritable activité de label.
Direction du label
Malheureusement, il est assez difficile de trouver des ressources à propos du label aujourd’hui, le site internet n’étant plus vraiment mis à jour et la page wikipédia très courte. Ils ont cependant bien une page facebook leur permettant d’avertir leurs abonnés des sorties et scènes programmées.
Lors de notre interview nous avons donc eu la chance de pouvoir demander à monsieur Priot quelle était la situation du label actuel, notamment après la période du COVID-19, mais également la direction que cela allait prendre.
Lors de la discussion, le label manager a abordé un point intéressant, il a précisé que Dead Bees Record était avant tout une initiative associative qui reposait sur peu de personnes qui plus est, bénévoles. De ce fait, les personnes travaillant dans ce projet n’auront pas toujours le même temps, la même énergie à mettre dans ce projet, de plus l’activité est quelque peu ralentie aujourd’hui et d’après monsieur Priot, c’est surtout lui qui tient la barque depuis quelques années.
A notre époque, les ordinateurs, voitures et autre appareil sont conçues sans lecteur CD, c’est donc naturellement que le label va se tourner vers les différentes plateformes de streaming afin de sortir les nouveaux morceaux, Mr Priot nous à informer qu’ils sortaient et vendaient toujours des disques mais plus de CDs depuis 2015 !
Cependant, contrairement à ce qu’on pourrait penser, les écoutes sur les différentes plateformes ne représentent qu’une partie infime des revenus des artistes.
Alors comment aider nos artistes et groupes préférés ? D’après le label manager, un achat quel qu’il soit (CDs, Merchandising…) semble la meilleure solution, l’acte en lui-même est déjà un grand support et découle d’une véritable envie d’aider. Il y a également la possibilité d’acheter une place de concert car aujourd’hui la principale source de revenu d’un artiste reste la scène.
Nous avions beaucoup de questions à poser à Pierre Priot, notamment une sur le procédé de création et diffusion, quel rôle joue le label dans l’accompagnement des artistes ?
Et bien il s’avère que tout le procédé de création est géré par les artistes, ils sont complètement indépendants durant ce moment et Dead Bees Record ne va intervenir qu’après le master prêt ou au minimum le mix fini. Mais qu’est ce qu’ils font alors ? Et bien ils vont se charger de la fabrication des disques, de faire faire les pressages, faire les designs pour les pochettes, préparer la mise à dispositions des titres sur les plateformes, pour la distribution physique ils vont fournir le code barre car sans code barre c’est impossible de vendre ni en ligne ni dans la distribution physique.
Ils vont également s’occuper de tout ce qui touche à la promotion et aux relations presses, les négociations pour avoir le titre dans une playlist et les droits d’auteurs.
Le rôle du Rock Indépendant pour Dead Bees Records
Le rock indépendant, qu’on peut aussi appeler “indie rock” ou encore “rock indé”, peut se définir comme un rock “underground”, inspiré par une grande variété de musique et qui cherche à s’opposer, à s’éloigner de la musique commerciale et populaire. Selon Pierre Priot, que nous avons interviewé, le rock indépendant est difficile à définir, et qu’il le disait comme une musique de jeunes à guitares mais que cela est moins vrai maintenant car ces “jeunes” sont de tout âge. Selon lui, le plus facile à identifier est le côté indépendant; en effet, l’autoproduction, les tournées dans les circuits non attachés à des majors sont automatiquement présentes dans ce rock. Il y a cependant plusieurs degrés d’indépendance, comme par exemple les artistes qui ne sont sur aucune plateforme d’écoute comme Spotify, Soundcloud, les artistes qui le sont etc… Le concept garde le concept du rock’n’roll: groupe avec de la batterie, de la guitare et de la voix. Le rock indépendant se base sur des artistes qui font leurs choix par l’artistique et non pas par la rentabilité qu’il leur faudrait.
Le rock alternatif est un genre de rock apparu dans les années 1980, qui trouve ses origines dans la “new wave”, le “garage rock” et le “post-punk”. Il est considéré comme « alternatif » car beaucoup de groupes ont dû faire appel à des labels indépendants pour produire leurs morceaux. Pierre Priot ne sait pas si cela existe vraiment, que ce genre était une étiquette commerciale dans ces années-là pour le rock qui n’était pas du rock “grand public”, que tout le monde n’écoutait pas. Il nous a cités en exemple le groupe Nirvana.
Selon Pierre Priot, la musique, le rock, les labels etc… indépendants sont plus dans le sens de l’esthétique que dans le sens commerciale, économique. L’initiative est portée par l’envie, le besoin artistique au lieu d’un esprit de nécessité de faire du bénéfice.
Pierre a pu aussi nous donner en exemple des groupes du label qui sont importants dans l’évolution du rock indépendant dans le label, les voici: The Lovestone et Call Me Loretta. Ce dernier était utilisé comme une référence du rock indépendant.
Nous avons pu lui poser une question concernant une phrase de Marilyn Manson, qui chante “Rock is dead”. Pour Pierre Priot, on dit que le rock est mort au moins une fois par an depuis qu’il est né mais que cela ne l’inquiète pas car il y a toujours beaucoup de sorties de musique et d’albums toutes les semaines même si on ne les trouve pas car ce n’est pas considéré comme de la musique grand public et que les radios n’en font pas passer. Le rock se renouvelle, bouge, mais ne meurt pas.
» A travers l’achat d’un disque c’est la vraie intention de soutien ou de support que peut donner un auditeur ou le fan, quand il consomme de la musique, quand on va écouter son groupe préféré on lui apporte un centième de centime, donc si on a envie de vraiment les aider ben il faut aller acheter quelque chose, que ce soit un disque à proprement parler mais finalement aller acheter un t-shirt, un tote bag c’est encore là-dessus qu’y a le plus de revenue redistribué à l’artiste. Ça et puis la place de concert, pour aujourd’hui la principale source de revenue pour un artiste qui n’est pas une super star, c’est la scène. »
Pierre Priot, interview du 19 décembre 2022, Toulouse
Remerciements et ressources
Nous tenons à remercier Pierre Priot d’avoir accepté de se déplacer pour nous rencontrer et de nous avoir généreusement consacré ce temps pour éclairer notre lanterne.
Ressources
- Les pages Dead Bees https://www.deadbees.com/news.php
- Internet Archive https://archive.org/details/DeadBeesRecordsLabelSampler9-2010/11SkyParade-LonelyAlibis.flac
- Une différente interview de Pierre Priot sur YouTube https://www.youtube.com/watch?v=ezHXObCBLpA
Une page et un entretien préparés et réalisés par :
Tiffany Roudière
Louna Negre-Pullel
Antonina Mitrakhova
Hescia Ifrah
Jade Isabel-Olivier
Alyssia Garrigues