Big Pheel Crew


Big Pheel Crew

Aujourd’hui, le concept de scènes ouvertes est plus connu sous le nom de ‘’jam session’’ qui est un terme plutôt attribué au monde du Jazz. Cependant, la scène ouverte en musique actuelle est une notion rare qui est très peu traitée par les critiques musicaux.

Tout d’abord, quelques définitions de termes : une scène ouverte est, comme son nom l’indique, une scène dite ouverte à tous, amateurs comme professionnels, proposée par un organisateur. Différents thèmes sont touchés comme la poésie, le théâtre, la danse, ou bien ce qui va le plus nous intéresser ici, la musique. Quant à la musique actuelle c’est un terme apparu à la fin du XIXe siècle aux États-Unis ; les musiques actuelles sont nées de la rencontre entre musiques noires et musiques blanches aux États-Unis. En France, ce terme est apparu à la fin des années 70, il désignait alors la musique pop et la culture rock. C’est plutôt flou, on peut se le dire, mais aujourd’hui, ce vocabulaire perpétue et regroupe en fait, quatre grandes familles musicales : à savoir, la chanson, le jazz, la musique amplifiée et la musique traditionnelle si celle-ci est accompagnée d’instruments modernes (batterie, guitare électrique, etc.).

Donc une scène ouverte de musique actuelle est une scène ouverte à des musiciens et des chanteurs qui voudraient jouer de la musique pop, soul, ou bien encore rock devant un public. Voici un groupe présent dans notre belle ville rose, Toulouse : le Big Pheel Crew. C’est un collectif de musiciens qui se propose de promouvoir la musique et de soutenir la scène locale en créant la rencontre et l’échange entre artistes et public autour de concerts participatifs. Il gère des scènes ouvertes sur Toulouse ainsi que des concerts privés ou publics en France tel que l’animation de mariage avec un accompagnement complet (qui l’eut cru ! ). Chaque semaine, et ce, plusieurs fois, le groupe propose ces scènes ouvertes dans des bars toulousains comme le George and Dragon ou bien The Danu.


Logo du groupe Big Pheel Crew

Le répertoire varié d’une scène ouverte

Tout le monde peut jouer, qu’il soit musicien ou chanteur, percussionniste ou guitariste, seul ou à plusieurs, tant que l’envie et la musique sont là. Voici une très bonne question « Qu’est-ce qu’on joue ? ». Et bien là est la réponse : un peu de tout tant que cela fait parti de l’ensemble des musiques actuelles. Le Big Pheel Crew lui, se focalise un peu plus sur de la variété rock, pop et blues, mais évidemment ça reste au choix de chacun.

Le principe est plutôt simple : les désireux de jouer s’inscrivent auprès des organisateurs qui leur donnent un créneau de quelques minutes, dans l’ordre des arrivées, leur permettant de jouer un ou plusieurs morceaux de leur choix. Mais comment des personnes qui ne se connaissent pas forcément font pour venir et jouer ensemble sans répétitions juste avec leurs instruments et un ou plusieurs morceaux et réussissent à donner un concert pour la plupart très bien réussi et apprécié du public ? Chacun vient avec son envie de jouer, de partager, d’expérimenter et de s’amuser avec d’autres zicos. Des instruments, des voix, des musiciens peuvent être prêtés pour satisfaire au mieux les vœux de chacun et rendre ce moment encore plus agréable avec un groupe de personnes qui ne se connaissent pas mais qui jouent harmonieusement ensemble. Si l’on devient un public habitué de ces scènes, on pourra aussi remarquer que, tout comme les standards de jazz, certains morceaux connues de la musique actuelle, avec une grille d’accord plus simple à retenir, reviennent souvent.

Maxime MAYSONNADE, étudiant en 3ème année de licence de musicologie parcours Jazz et cultures musicales à l’université Toulouse II Jean Jaurès, est un habitué de la scène ouverte. Trompettiste, il vient souvent jouer au George and Dragon les lundis et les jeudis soir. Il nous dit que selon les soirées, il y a des morceaux qui reviennent : le lundi étant plus une soirée blues, les incontournables vont revenir ; tandis que le jeudi, une soirée plus dédiée à la pop, folk et rock, des musiques dites « sorties de Tik-Tok », telles que Smells like teen spirit de Nirvana ou encore Toxic de Britney Spears, vont plus ressortir du lot. Afin que les connaisseurs puissent jouer ce qu’il veulent, les grilles blues ont souvent les mêmes degrés musicaux entre elles. Souvent, il s’agit de musiques connues et qui font plaisir au public.

C’est dans les années 70 à Londres que le style Pub-Rock, un style peut-être précurseur de la scène ouverte, est né. Il est principalement joué dans les pubs, d’où il tire son nom, seul endroit acceptant d’accueillir des groupes. Au début de ce mouvement, c’est surtout le groupe Dr Feelgood qui joue principalement, suivi de.  près par d’autres groupes comme les Stranglers, Eddie and the Hots Rods, ou bien encore Roogalator. Cette musique insiste pour retrouver les racines du rock’n roll et du rythm’n blues, c’est ainsi que les groupes commencent : en jouant des reprises de blues avant de s’attaquer à leur propre composition d’un rock plus énergique.


Les bars et les pubs, un lieu de partage…

C’est ici que se déroulent la plupart des scènes ouvertes en France. A Toulouse nous pouvons écouter ces scènes dans de nombreux bars de la ville tels que The Danu, le George and Dragon où est implanté et se produisent essentiellement le Big Pheel Crew et ses habitués, la Levrette Café ou bien encore le fameux Connexion Live.

Le George and Dragon est un pub traditionnel anglais, situé au cœur de Toulouse. Chaque semaine, il propose de nombreuses soirées à thèmes différents : des quiz, des concerts, des jeux et d’autres surprises encore. C’est l’un des bars les plus prisé sur Toulouse, non seulement par sa proximité avec l’université du Capitole, mais aussi par sa très bonne ambiance qui en ravie plus d’un !

Maxime (présenté plus haut), nous raconte aussi que ce ne sont pas toujours des musiciens qui montent sur la scène (petite précision de sa part concernant la scène qui n’en n’est pas vraiment une a proprement parlé, mais qui se trouve être simplement « un bout de moquette parmi le public »). Il y a aussi des autodidactes, qui ont appris la musique tout seul et qui veulent s’essayer à jouer devant un public. Un public demandeur lui aussi ! Certains se lancent et demandent à chanter une ou deux chansons qu’ils aiment bien. Bien sur la plupart du temps les organisateurs acceptent et il faut un petit temps de préparation pour déterminer la tonalité adapter à leur voix. Maxime nous dit : « on rassure les chanteurs car les musiques qu’ils choisissent ne sont pas toujours parfaite pour leur tessiture alors on leur dit que c’est exactement la même chanson juste adaptée à leur voix et qu’il n’y a rien (ou presque) qui change »

Revenons sur le Pub-Rock. C’est un mouvement tournant dans la communauté du rock, rejetant les musiques de studio et de stades, les groupes préfèrent les lieux clos et restreints leur permettant un meilleur contact avec le public. D’après l’article de Bennett A. (1997). ‘Going down the pub!’: The pub rock scene as a resource for the consumption of popular music. (Popular Music, 16(1), 97-108.) « l’accent a souvent été mis sur son rôle en tant que terrain de formation ou les musiciens et les auteurs-compositeurs, ou comme tremplin vers la création musicale professionnelle à temps plein {…} »

En dehors de Toulouse, il est quelquefois possible que des centres d’enseignement de la musique tels que des conservatoires organisent des scènes ouvertes pour permettre à leur élèves de se produire s’ils le souhaitent. Il y a aussi le cas d’universités qui, lors de leurs portes ouvertes, créent aussi des moments de partage musicaux mais pas seulement, pour séduire un public et des futurs étudiants.


…perturbé par un virus mortel, la COVID-19

Le Big Pheel Crew a été très actif durant cette période : il proposait des lives sur Facebook presque tous les jours. Seulement pour eux, c’était très différent humainement sans le retour direct du public mais l’expérience a été grandissante avec une capacité technique de plus en plus qualitative.

En juin 2020, n’étant pas sûr de pouvoir réunir un public conséquent et satisfait en raison des règles sanitaires en vigueur, ils décident de créer un événement de type concert-émission musical d’une durée de 5h ! Ce concert a été diffusé sur Facebook ainsi que dans quatre pubs anglais de Toulouse : le George and Dragon, The Danu, le London Town et le Tower of London. Au programme, une dizaine de groupes jouant des styles de musique différents les uns aux autres.

Un article nous informe du côté positif qu’a pu avoir la pandémie sur le monde de la musique actuelle : d’après Naef Patrick et Birchler Bastien dans ‘’L’IMPACT DU COVID-19 SUR LES MONDES DE L’ART’’ :

« Finalement, une dynamique positive qui semble s’être renforcée tout au long de la crise est liée à la solidarité entre les milieux culturels. Selon Albane Schlechten, la directrice de la Fondation romande pour la chanson et les musiques actuelles, la crise a permis une forte mobilisation et a contribué à créer un langage commun : «On n’a jamais autant échangé, on n’a jamais autant parlé, on n’a jamais autant essayé de construire ensemble sur ces valeurs communes.» Dans ce contexte, les outils numériques ont été importants pour consolider une certaine solidarité dans les milieux culturels. »

D’autres on trouvé un moyen de divertir les patients Covid atteint de la forme grave (sous respirateur et pour certains dans le coma). C’est le cas de Mélanie Ambler, une jeune violoncelliste américaine qui cherche à s’investir auprès de patients au sein d’hôpitaux et d’EHPAD en France afin de pouvoir partager sa musique virtuellement. Dans un article sur ces concerts virtuels, nous avons le point de vue de différentes personnes. En voici un petit extrait très intéressant qui montre l’impact de la musique en ces temps très difficiles.

La musicienne : « Je veux qu’il sache qu’il s’agit d’un concert entièrement personnalisé. Même s’il ne peut pas répondre, son silence n’est pas vide. C’est tout le contraire. Je lève mon archet, j’inspire et je laisse la première note chanter avec un vibrato chaleureux. Le son porte de ma maison à son lit d’hôpital à des milliers de kilomètres de là. »

Une infirmière et un médecin ont aussi pris la parole dans cet article et ce qui en résulte principalement c’est le plaisir d’écouter Mélanie jouer à travers cet écran, d’accompagner la fin de vie de certains de ces malades et d’avoir un « moment de silence » qui leur permette de respirer.


A l’international

Et non, ça ne se passe pas seulement en France ! On peut retrouver ce concept de scènes ouvertes aux Etats-Unis évidemment mais aussi en Belgique notamment à Bruxelles au lieu culturel de La Tricoterie, en Espagne, à la salle de concert du Búho Real de Madrid, ou bien encore en Angleterre au festival international de Greenwich et Docklands.

Seulement ! Pas besoin de prendre l’avion, le train, le bateau ou le vélo pour voyager musicalement ! De nombreuses scènes ouvertes se focalisant sur un pays se déroulent partout en France !

Le festival de musique irlandaise situé sur Arzon (Morbihan) est « le plus important de France » selon l’article du Télégramme publié le 10 mars 2018. « Du matin au soir des groupes venus de toute l ‘Europe, d ‘Allemagne, du Luxembourg, d’Amérique du sud, de Russie et bien sûr d’Irlande, se produisent sur des scènes ouvertes. Le gagnant de la scène fera la première partie du concert de clôture {du samedi} vers 21 h à la maison du port. »

On retrouve ces sessions aussi à l’Auberge d’Eyglier dans les Hautes-Alpes, où le public « peut danser, s’amuser, profiter, vivre et respirer avant le week-end une bonne dose de bonne humeur.{…} La session a lieu dans un pub ou chez quelqu’un. Les musiciens ne se connaissent pas forcément entre eux. Ils partagent un répertoire commun de mélodies traditionnelles irlandaises ou écossaises (mais aussi éventuellement galiciennes ou bretonnes), connues par cœur. Chacun peut à son tour lancer une mélodie ou une suite de mélodies. Ce n’est pas un concert, pas une répétition, une jam ou un bœuf; il n’y a pas du tout d’improvisation. En général, les mélodies sont jouées par trois : un set. Le musicien qui propose le premier morceau choisit aussi les suivants: les autres jouent avec lui s’ ils connaissent les airs. Les musiciens ne sont pas sur une scène, ils sont assis comme les autres consommateurs et discutent entre eux entre les morceaux. »

Les Rodas de Choro sont considérées comme les premières musiques urbaines développées au Brésil, qui se joue principalement dans des rondes (rodas) où les musiciens se disposent en cercle autour d’une table. Cette musique s’est aussi installée en Europe et notamment en France dès le XXème siècle. Dans le bar Le Guibra de Saint Sulpice la Forêt en Ille et Vilaine, on peut assister à la Roda de Choro : une scène ouverte sur un thème entièrement brésilien.

Et même à Toulouse ! L’association Casa de Choro a pour but de faire pratiquer et connaître auprès des musicien et du public une musique traditionnelle entièrement brésilienne.

Roda de Choro à Toulouse en 2013
Roda de Choro à Toulouse (2013)

Sources


Préparé et rédigé par Noa Decarrière