Le Metronum
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Depuis son ouverture en 2014, le Metronum est un incontournable des scènes de musiques actuelles Toulousaines. Entre concerts et initiatives culturelles engagées, nous revenons sur l’essentiel en interrogeant les acteurs et le projet.
Entretiens : le Metronum d’après ses acteur·rice·s
Un entretien avec Elvire Delagrange et Vincent Lasserre, responsables de programmation au Metronum
Un entretien avec Antoine Collet, responsable technique au Metronum
Un entretien avec Camille Mathon, programmatrice de l’édition 2021 du festival Girls Don’t Cry au Metronum
L’histoire du Metronum
L’ouverture de cette salle est un projet porté par Marie Dequé, alors conseillère municipale déléguée à la musique, à partir de 2008,. Le projet a donc mis 6 ans avant d’être réalisé (puisque le Metronum a ouvert ses portes en 2014). A l’origine, l’idée était de concevoir une salle de spectacle dédiée aux Musiques Actuelles située en centre-ville (à la place du cinéma “Les Nouveautés”) afin de faciliter son accès).
2011 : Nouvelles orientations du projet
Dès l’élection de Pierre Cohen en tant que maire de Toulouse (2008) mais aussi depuis la nomination de Hervé Bordier (2011) comme directeur du Pôle des Musiques Actuelles et du festival Rio Loco, le Metronum se voit localisé à un autre endroit : Borderouge. Cette nouvelle localisation a pour but d’offrir une activité culturelle et artistique à ce quartier dans lequel peu d’actions culturelles ont lieu, et, par conséquent, de lui redonner de la vie sociale, culturelle et artistique.
Le projet renaît donc en 2011 avec cette fois de nouveaux “parents”: Pierre Cohen et Hervé Bordier.
Pour Hervé Bordier, le projet du Metronum a une grande importance et il veut le mener à terme. Il est considéré comme le porteur du projet. Il explique avoir “effectué une synthèse de ce que sont les salles de musiques actuelles en France afin d’en retirer un maximum d’enseignements profitables à la mise en œuvre du Metronum”. Il explique également que chaque espace de la salle a été créé dans le but de répondre à un besoin particulier.
Le Metronum n’a alors plus seulement pour but de devenir simplement une salle de concert mais “un endroit à vocation aussi économique dans le cadre d’une pépinière où les groupes peuvent s’installer pendant un certain temps, se construire et se développer pour gagner en autonomie” (Pierre Cohen). Cette salle a pour but d’accueillir aussi bien des artistes internationaux que locaux. Composé de 2000m² d’espaces dédiés au concert avec une MusicBox d’une capacité de 100 personnes et d’une grande salle de diffusion d’une capacité de 600 personnes, le Metronum attire. Comme l’a si bien décrit Pierre Cohen, le Metronum est aussi une pépinière grâce à ses studios de répétition, son centre de ressource, ses studios d’enregistrement et sa série de bureau dédiée à l’équipe technique. Les locaux permettent également d’accueillir des artistes en résidence, dans un but de mettre en lumière les artistes qui débutent, ou qui ont peu de visibilité pour leur permettre de “s’autonomiser” et de leur faire gagner en notoriété.
2021 : Choix du nom du lieu et début des travaux
Le nom de cette salle a été choisi par le public, dans une optique collaborative. En effet, en 2012, une initiative est lancée afin que les habitants de la ville de Toulouse choisissent le nom de la salle de concert qui ouvrira plus tard (en 2014). Mais attention, ce nom est soumis à plusieurs contraintes, il doit être :
“original, pertinent, distinctif, disponible, licite, ne doit pas dépasser 20 lettres et doit être compatible avec le projet le territoire et le quartier où il est implanté. “
Un comité artistique de sélection a ensuite examiné les différentes propositions faites et ce sont le Conseil Municipal qui a tranché après proposition d’un jury.
En Juin 2012, les travaux de la construction du Metronum débutent : L’architecture de ce lieu a été pensée afin de mener à bien le projet. Sa forme se veut être intrigante et donc susciter l’intérêt de ceux qui la verront. Il semblerait que le parti-pris soit réussi : ce cube de béton apparait comme un batiment très atypique dans le quartier de Borderouge et pose question. Par ailleurs, l’un des avantages non négligeables du béton est l’atténuation des nuisances sonores que pourrait générer le Metronum.
Financements : Le Metronum est un lieu créé par les acteurs publics : Sur les 7,4 millions d’euros de cout, la mairie de Toulouse a contribué à hauteur de 6,42 millions d’euros et la région Midi Pyrénées a contribué à hauteur de 980 000 euros.
2014 : Accueil du public pour la première fois lors du weekend d’inauguration
Le Metronum n’est « pas seulement un lieu de diffusion des musiques actuelles, c’est aussi un lieu de travail et de création pour les pour des groupes artistiques » (Hervé Bordier, Communiqué de presse, Janvier 2014). En effet, ce qui fait du Metronum sa particularité, c’est qu’il n’est pas seulement un lieu musical mais aussi un lieu de vie, d’échanges, de ressources et de rencontres.
Hervé Bordier annonce en 2015 que le lieu devrait organiser un concert par semaine. La jauge de ce lieu (de 600 spectateurs max) a été pensée pour ne pas gêner l’affluence des autres lieux de spectacles, c’est-à-dire, ne pas faire de concurrences aux autres lieux des musiques actuelles.
La programmation du Metronum
Une tendance très marquée se dégage de la programmation musicale du Metronum : la propension à programmer des artistes Français, et plus particulièrement de la région Occitanie.
Programmation de l’année 2017-2018 et nationalité des groupes
- Année 2014 : Sur 170 groupes d’artistes programmés, 64 viennent de l’étranger contre 106 Français.
38% international / 62% Français
- Année 2015 : Sur 238 groupes d’artistes programmés, 71 viennent de l’étranger contre 167 Français.
30% international / 70% Français
- Année 2016 : Sur 193 groupes d’artistes programmés, 69 viennent de l’étranger contre 124 Français.
35% International / 65 % Français.
- Année 2017 : Sur 243 groupes d’artistes programmés, 49 viennent de l’étranger contre 194 Français.
20% international / 80% Français
(Les chiffres pour les années suivantes ne sont pas communiqués)
Le Metronum au-delà de sa programmation musicale
Dès son ouverture en 2014, le Metronum met en place des actions de médiation culturelle dans le but de favoriser l’accès – parfois difficile – aux musiques actuelles. Ces initiatives ciblent des publics particuliers pour lesquels l’accès à la culture est compliqué : les familles, les jeunes (publics scolaires) et les personnes agées. Pour mener à bien ces projets, le Metronum s’est doté de moyens physiques avec des locaux adaptés à chaque temporalité mais ne s’arrete pas là : Le Metronum initie également des actions de proximité en dehors de ses locaux , au sein du quartier Borderouge. Ainsi, le Metronum a tissé des liens nombreux avec les associations.
Initiatives de médiation culturelle : stages, conférences, projections, expositions à destination de publics ciblés
Les initiatives culturelles impulsées par le Metronum prennent la forme de conférences, stages, concerts, projections et expositions.
En outre, des initiatives visant à inclure les familles au sein des activités musicales sont mises en place, permettant l’éveil musical des plus jeunes comme des plus âgés (rubrique “Tempos Famille”). L’initiation à la musique aux enfants est permise, les adolescents découvrent une opportunité de partage des scènes avec des artistes et les parents profitent des moments de détente, convivialité et de musique qui leur est proposé. Un véritable melting pot de la culture où l’on sensibilise, éduque et produit de jeunes artistes.
Par exemple, la conférence Le métier de programmateur.rice (12/10/2021) permet d’informer, d’expliquer cette fonction précise du spectacle vivant avec une possibilité d’échange avec des professionnels (responsable de programmation artistique, membre de la direction, direction et programmation).
Au cours de la première edition Women Academy Festival, l’on retrouvait l’exposition et la fresque murale de l’illustratrice Clémence Gouy ainsi qu’un atelier de sérigraphie Frissons et Hanneton. Durant ce festival, une fresque murale collective a été élaborée.
En collaboration avec l’Utopia Borderouge, le Metronum organise la projection de film “Voyages, Voyages!” (04/02/2022). Au programme, des documentaires musicaux, mêlant cinéma et musique.
Stages / Ateliers
Au cours de l’atelier « Metro Labo” (31/10/2021), les différentes générations à travers la création d’une bande-son de dessin-animé en famille.
Au cours du stage « Metro Ados” (du 25 au 27 Octobre 2021), des jeunes âgés de 13 à 16 ans découvrent toute les étapes de création d’un clip vidéo (écriture, mise en scène, montage) et produisent eux-même leur création sur la thématique du sexisme. Cette action encadrée sur plusieurs jours permet de mettre en lien la production et des thématiques engagées.
Les actions en espaces
Ces actions de médiation culturelle menées par le Metronum s’inscrivent dans son espace architectural : chaque espace remplit une fonction déterminée.
L’espace-ressource situé au rez-de-chaussée du Metronum est un espace spécifiquement dédié à l’aide, au conseil et à l’accompagnement des porteur.euse.s de projets artistiques.
La cabine d’enregistrement et les studios de répétitions mis à disposition par le Metronum favorise la création de jeunes artistes, et ce, à des prix bien inférieurs à la moyenne Toulousaine. Tout équipés, ces studios font du Metronum un lieu bien singulier en comparaison aux autres scènes de musiques actuelles Toulousaines.
- La Music Box de 180 places, salle plus petite que la salle de concerts (600 places) permet des concerts plus intimistes, des showcases et des tables rondes.
- Le Patio, qui correspond à la cour du bâtiment, est utilisé surtout lorsque le temps devient agréable pour des concerts et des expositions en plein air.
Résidences d’artistes
Lors des résidences (octroi temporaire d’un espace à un artiste afin de valoriser et favoriser la création artistique), le Metronum accueille les artistes et leur dédie des espaces spécifiques pour qu’ils puissent y trouver le confort nécessaire et des conditions de travail optimales. Cette pratique est courante depuis son ouverture.
Les associations et partenaires locaux
Le Metronum accueille non seulement ses propres projets mais aussi les projets d’autres associations avec qui il collabore : Le Metronum a mis a disposition dessalles de travail pour le Cluster MA Sphère, qui est une communauté créative et culturelle Toulousaine. Il s’agit d’un écosystème culturel, sa devise étant le développement de ses adhérents, la promotion de l’entrepreneuriat culturel et la structuration de filières créatives et culturelles.
- Le Metronum a également créé des partenariats avec d’autres institutions extérieures, dans le but de démocratiser la musique et les arts, notamment auprès des publics jeunes et scolaires. Plusieurs collaborations avec des établissements scolaires locaux sont mis en place. Le but étant de réactiver la vie culturelle du quartier, par des actions de proximité.
- Sur les temps périscolaires, Le Metronum s’associe à la Fédération Léo Lagrange pour proposer Les Flâneries Musicales qui sont des ateliers de découvertes musicale et de rencontres artistiques organisés en collaboration avec les CLAE du Nord Toulousain (Ecoles Jean Zay, Borderouge, Niboul, Lucie Aubrac, Alphand, Alfred de Musset, Bayard/Matabiau, Marie Curie, Olympes de Gouges, Maourine).
- Projet porté par la ville de Toulouse, le Passeport pour l’art est un dispositif d’éducation artistique et culturelle à destination des élèves de la Grande Section de Maternelle au CM2. Le but est de favoriser l’accès aux arts et à la culture par des ateliers gratuits et diversifiés. Dans ce cadre, le Metronum a organisé l’atelier Beatbox Sound’art à destination des élèves de CM1/CM2 de l’ecole Ronsard. Au programme, découverte de la culture hip-hop et des techniques qui l’entourent : pratiques vocales, instrumentale, bruitages.
- Enfin, le Metronum accueille la pratique musicale directement dans ses locaux avec l’action Jeune Musicien.ne, mené en partenariat avec l’association Topophone. Les élèves, agés de 6 à 18 ans, participent à un cycle d’ateliers de pratique et organisent leur propre création musicale collective.
Problématiques de genre : la Women Metronum Academy
« Comme le sport, la musique a un genre. La prégnance d’un entre-soi masculin et l’exclusion corollaire des femmes dans l’économie des musiques actuelles en constituent un exemple saillant. »
Yves Raibaud
Face aux situations d’inégalités femmes-hommes et de sous-représentation des femmes dans les musiques actuelles, le Metronum met en place le Women Metronum Academy en 2019.
En 2019, le Metronum lance l’initiative du Women Metronum Academy, dispositif qui sera accompagné du Women Festival Academy. Ce festival, étalé sur quatre jours, sera le résultat d’un nouveau processus d’accompagnement sous forme de mentorat élaboré pour professionnaliser une nouvelle génération d’artistes féminines portant un projet solo dans le champ des musiques actuelles. Pour le Metronum, le WMA naît d’une prise de conscience des situations d’inégalités entre les femmes et les hommes, dans une perspective d’amplification de la visibilité des musiciennes si peu représentées et de favorisation de la diversité sur scène en mettant en lumière les identités parfois négligées par l’industrie musicale. En effet, les SMAC (scènes de musiques actuelles) sont dirigées à 86% par des hommes. Par ailleurs, les musiques actuelles sont le secteur culturel le plus inégalitaire mesuré par le rapport 2020 du ministère de la Culture.
Ce dispositif d’accompagnement (de « mentorat ») artistique, destiné aux femmes portant un projet solo dans le champ des musiques actuelles est conçu pour « accompagner, professionnaliser, autonomiser une nouvelle génération d’artiste féminine ».
Quand ?
- Première édition du Women Festival Academy du 29 Septembre au 02 Octobre 2021.
- Deuxième édition du Women Festival Academy du 29 Septembre au 02 Octobre 2022.
Comment le dispositif se formalise-t-il ?
Le dispositif se déroule sur une période d’un an durant lequel des artistes « mentores » accompagnent les artistes « mentorées ». Après un appel à candidatures, deux artistes féminines sont sélectionnées. Elles seront donc accompagnées par leur mentores jusqu’à la finalité du processus : Le Women Festival Academy, où les deux artistes pourront se produire pendant plusieurs jours (entre 29 Setembre et 02 Octobre) et donc gagner en visibilité, grâce à un festival très enrichissant (4 jours de festivités : concerts, projection, rencontres, dj-sets et exposition,etc).
Cette première édition est un succès : le Metronum reçoit environ 300 candidatures de potentielles mentorées.
Les mentores comme les mentorées sont des artistes engagées dans des causes politiques et sociétales. En outre, Flavia Coelho, mentore lors de la première édition du Women Metronum Academy est une chanteuse métisse franco-Brésilienne. Dans l’album « DNA » (2019), elle dénonce l’homophobie, la corruption et le racisme grandissant au Brésil alors gouverné par Jair Bolsonaro. Au sein d’esthétiques croisées – trap, musiques caribéennes, cumbia, hip-hop, reggae, musique classique -, elle dénonce également le patriarcat et mène une reflexion sur les musiques actuelles. En tant que femme, elle ne se reconnait pas dans l’appellation de « musiques actuelles » car elle y trouve la représentation féminine péjorative et caricaturale. Elle dénonce l’injonction qui lui est faite en tant qu’artiste franco-brésilienne, de produire de la bossa nova : « Je jouais de la guitare, j’avais la fleur sur les cheveux mais je ne voulais pas faire cette musique-là ».
Mentorée lors de la première édition du Women Metronum Academy, Sopycal est chanteuse, compositrice mais aussi comédienne. Elle allie pop, rap et slam, le tout formant une esthétique très particulière et personnelle. Dans ce titre, elle revendique une féminisme intersectionnel et inclusif.
DES PARTENAIRES POUR PORTER LE PROJET DE MENTORAT
La Casa Encendida est un Centre social et culturel géré par la Fundación Montemadrid, un espace dynamique ouvert au public de tous âges et de tous horizons où les visiteurs peuvent trouver certaines des expressions artistiques les plus révolutionnaires d’aujourd’hui ainsi que des activités éducatives, philosophiques et des débats.
Shesaid.so France, la branche française de shesaid.so, un réseau international des femmes et minorités de genre travaillant dans le secteur de la musique. Créé en 2014 aux Etats-Unis, shesaid.so a pour mission de favoriser les échanges entre les professionnell.e.s du secteur de la musique et de valoriser leur travail.
Depuis 2004, La Petite soutient les formes artistiques émergentes et défend la création des femmes. Son projet culturel, inédit sur le territoire toulousain, mêle une exigence artistique forte et un engagement éthique et social. Considérant la culture comme un facteur d’émancipation et de cohésion.
Une page et des entretiens préparés et réalisés par Nathan Gardes, Marlène Gaston-Epiter, Manuel Henne, et Jose Rafael Mesquita Tavares.