Comparaison sémiotique de quelques forums de discussion en ligne

Comment problématiser la question des genres lorsqu’il s’agit de faire écho des pratiques discursives générées et dynamisées par les interfaces numériques ? Comment  donner véritablement une enveloppe et une identité  textuelles ou discursives à ces types de pratiques sociales certes attestées mais parfois taxées de « prosaïques », de « profanes » et de « triviales » ? Voilà les deux interrogations qui constituent les axes majeurs de la présente réflexion.

D’une certaine manière, les formes textuelles et discursives générées sur Internet peuvent être considérées au mieux comme une sorte de reconfiguration des genres traditionnels déjà connus, et non comme de potentielles nouvelles expressions génériques. Autrement dit, ce que nous entrevoyons comme « nouveaux genres » peut tout aussi être appréhendé comme des variations à l’intérieur des genres déjà existants. En clair, même s’il est vrai que la notion de genre est intiment liée à tout ce qui touche aux pratiques sociales spécifiques, rien ne permet en revanche d’associer directement les pratiques numériques, fussent-elles marquées du sceau de l’innovation, aux problématiques génériques, au sens canonique.

D’emblée, l’absence de véritable cohésion textuelle dans les discours produits par différentes communautés virtuelles, le manque de lien dans la progression thématique, l’association entre plusieurs registres typographiques (majuscule vs minuscule ; gras vs normal, etc.), le mélange linguistique orchestré souvent par certains internautes plus ou moins bilingues ou multilingues, les dédoublements textuels, qui sont souvent liés au manque de maîtrise informatique ou aux bugs, le choix de la multimodalité (association son-image), le manque de véritable visibilité au niveau des identités des énonciateurs impliqués dans les échanges, etc., rendent  plus complexe toute problématisation des pratiques numériques en termes proprement génériques.

De ce qui précède, il s’agit dès lors de repenser les notions de texte et de discours, sous fond de problématisation générique et ce dans une perspective sémiotique, en reposant notre analyse sur quelques actes du langage produits par des internautes dans les forums de discussion en ligne. Pour ce faire, nous entendons d’une part revenir sur les grandes conceptions des genres d’un point de vue traditionnel et d’autre part établir les interactions comparables ou opposables dans le champ des pratiques numériques actuelles.

L’intérêt d’une telle étude est finalement de montrer à la fois la grande incidence des interfaces numériques dans la réactualisation des questions génériques, questions qui semblaient à l’évidence jusque-là éculées,  et la dynamisation de la discipline sémiotique, de plus en plus ouverte aux pratiques sociales et culturelles, pour une meilleure optimisation du sens du monde et des objets qui nous entourent.

Jean-Pierre Fewou-Ngouloure (fewou@univ-tlse2.fr)
CPST, Toulouse

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