Sylvie Périneau

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Quels principes de précaution pour un usage sémiotique de la comparaison ?

La question de la nature des relations qui se nouent entre des textes mis en rapport dans le cadre dʼune comparaison et/ou dʼune transformation paraît inépuisable et lʼon est fondé à se demander si elle peut déboucher sur une réduction simple autant quʼexhaustive, en forme de typologie.

Une façon de la simplifier est de calquer lʼappréhension de ce rapport (comparaison ou transformation) sur les niveaux dʼengagement du rapport et sur ce quʼil fait à lʼobjet du rapport. Ainsi, la comparaison présuppose une possibilité dʼéquivalence entre les textes, à un titre quelconque et met donc en œuvre un principe de commensurabilité. En revanche, dans la transformation, on rompt la nécessaire équivalence pour imaginer un déplacement, quel quʼen soit la nature (par exemple, génétique ou générique) ou la direction (par exemple du texte théâtral vers sa transposition ou dʼune interview vers sa transcription). Pour autant, il serait simpliste de dire que la comparaison ne relève que dʼopérations paradigmatiques alors que la transformation impliquerait le seul syntagmatique. Cʼest notamment ce quʼa prouvé le Groupe μ, par exemple avec lʼopération de substitution. Il faut en effet que lʼobjet du rapport de transformation mette à jour ou crée des points de contact justifiant de ce rapport : des qualités, des propriétés, des procédures, etc. Une telle opposition nʼest donc pas un critère valide.

En second lieu, la simplification peut venir de la finalité de la mise en rapport : en lʼintroduisant, non pas comme visée intentionnelle mais comme moteur dʼengendrement, lʼon se met à spécifier à la fois le rapport et les textes en tant quʼils sont mis en rapport. Lʼidée est que pour faire un usage sémiotique de la comparaison, tel quʼelle puisse voisiner avec la description, celle-ci ne doit être ni une axiologie ni une métaphore.

Afin de prouver que recourir à des opérations de comparaison (éventuellement à de transformation) pour des textes est conditionné à une série de précautions minimales et surtout nʼa de sens que si les textes sont replacés dans leur cadre dʼexercice discursif et pragmatique, on essaie de montrer :

1) que la comparaison comme opération scientifique qui serait similaire à celle de la description nʼest pas, au sens strict, une transformation pour autant

2) quʼil existe par contre des procédures de transformations artefactuelles qui relèvent de pratiques scientifiques dʼordre analytique

3) quʼil faut trouver un niveau de généralité adéquat. Ainsi, il est inutile, dʼénoncer des lois si générales quʼelles nʼont aucune rentabilité descriptive et même prédictive. Le propos sʼappuie sur lʼexemple de la condensation et du déplacement, formulé à travers les écrits théoriques de Christian Metz

4) quʼen vue de déboucher sur une pratique scientifique de la comparaison, on doit procéder à quelques précautions méthodologiques et à un examen critique. Lʼon évoque notamment : le statut de lʼopération générale de la comparaison et ce quʼelle permet de faire ; le rôle des transformations artefactuelles ; la constitution du corpus ; le biais causé par celui qui compare ; le cadre de la comparaison (origine et horizon) ; la valeur explicative dʼune typologie des genres de discours.

Pour illustrer autant que pour relancer la réflexion sur le point 4), le corpus analysé est constitué selon un critère de comparabilité volontairement lâche, celui du sujet. On choisit comme sujet la transposition à lʼécran du mythe de Faust, ce qui appelle une série de films comme La Beauté du Diable (René Clair), Marguerite de la nuit (Claude Autant-Lara), Faust, une légende allemande (F. W. Murnau) et Faust (Alexandre Sokourov) tels quʼils se présentent dans leurs éditions dvd les plus récentes. Délibérément, le corpus offre un champ dʼexercice plutôt ordinaire à la comparaison, afin que celle-ci ait la possibilité de sʼaffirmer, le cas échéant, comme opération scientifique productive.

Sylvie Périneau, (sylvie.perineau@unilim.fr)
CeReS, Université de Limoges


Références bibliographiques

– Badir S. et Klinkenberg J.-M. (2008). Figures de la figure : Sémiotique et rhétorique générale, Limoges : Pulim.
– Darras B. (2006). Images et sémiotique : sémiologie pragmatique et cognitive, Paris : Publications de la Sorbonne.
– Hébert L. Dictionnaire de sémiotique générale, version 11.0, 21-02-13 (consulté le 1/6/2013).
– Remaud O., Schaub J.-F. et Thireau I. (2012, éds.). Faire des sciences sociales – volume 2 : Comparer, Paris : Éditions de l’EHESS.
– Zinna A. (2002) « Décrire, produire, comparer et projeter : la sémiotique face aux nouveaux objets de sens », Nouveaux Actes Sémiotiques, Limoges : Pulim, 79, 80, 81.