Dalila Harir

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Confrontation sémiotique : de la littérature classique au manga

La littérature classique a fait l’objet de plusieurs adaptations : cinématographique, théâtrale, bande dessinée etc. Son adaptation en manga, ces bandes dessinées japonaises qui possèdent des caractéristiques particulières, paraît un travail original et audacieux. En effet en 2011, le manga japonais s’attaque aux classiques occidentaux et adapte des œuvres comme celle de Karl Marx Le capitale, de Victor Hugo Les misérables ou encore celle de Stendhal Le rouge et le noir. Une adaptation qui propose de redécouvrir ces œuvres à travers un discours figuratif qui intègre le textuel et le visuel et qui possède une structure propre au manga. La littérature s’adapte alors à son nouveau contexte, un lieu d’accueil improbable. Ces deux systèmes mobilisent un savoir sémiotique spécialisé dans chaque domaine, un champ d’application : celui de la sémiosis.
Ici, la littérature classique est prise comme élément source, elle est l’objet à transformer, à remodeler pour être insérée dans l’élément cible, la bande dessinée. La comparaison, vue comme une opération analytique, relève plusieurs aspects comparatifs entre ces deux objets. L’un d’eux est lié à la représentation figurative des personnages. Ainsi leur aspect physique, par exemple, se trouve transformer et adapter au caractéristiques toutes particulières du personnage du manga. La représentation visuelle des yeux (des yeux grands ouverts) est le premier sous-aspect qui rend compte de cette transformation.
Plusieurs relations et opérations comparatives peuvent être ainsi identifiées. Les relations comparatives sont liées à l’identité, à la similarité et à l’opposition des deux objets. Les opérations, quant à elles, concernent la conservation, l’adjonction, la suppression, la substitution et la permutation. La suppression, par exemple, se manifeste dans la disparition de quelques éléments narratifs comme la séquence. Cette opération rend compte de la condensation du récit littéraire, qui est expansé, dans la bande dessinée. On peut ajouter à ces différentes démarches d’autres opérations énonciatives qui rendent compte de cette adaptation comme les couples sélection/combinaison, expansion/condensation, syntagmatique/paradigmatique. Du fait que le discours de la bande dessinée sélectionne, combine, élabore des choix sur le plan paradigmatique et syntagmatique pour adapter le texte littéraire. Ces opérations de transformation atteignent ainsi le niveau narratif, figuratif, passionnel du récit littéraire et le bouleverse pour l’adapter aux exigences du discours de la bande dessinée et à ses lecteurs.
Plusieurs questions liées à l’adaptation et à la confrontation entre ces deux discours se posent telles que : Comment passe-t-on du texte écrit à une image figée ? Comment les personnages sont représentés par l’auteur du manga ? Comment l’intrigue de ces romans se manifeste-t-elle à travers l’image ? Quelles sont les différentes transformations engendrées au niveau du sens ? Comment est construit, à différentes étapes et à différentes représentations visuelles, le récit d’Hugo et de Stendhal, leurs personnages, leurs intrigues, les lieux dépeints dans ces romans ?

Dalila Harir (h_dalie@hotmail.com)
Université Paris 8 Vincennes Saint-Denis


Référence bibliographiques

– Courtés J. (1995). Du lisible au visible, Bruxelles : De Boeck-Wesmael.
– Floch J.-M. (1997). Une lecture sémiotique de ‘’Tintin au Tibet », Paris : PUF.
– Floch J.-M. (2009). Lecture de la trinité d’Andrei Roublev, Paris : PUF.
– Greimas A.-J. et  Courtés J. (1985). Sémiotique, dictionnaire raisonné de la théorie du langage tome 1, Paris : Hachette.
– Groensteen Th. (1999). Système de la bande dessinée, Paris : PUF.
– Groensteen Th. et Gaudreault A. (1998). La Transécriture : pour une théorie de l’adaptation, Québec-Angoulême : Nota Bene et CNBDI.
– Groupe µ (1992). Traité du signe visuel : pour une rhétorique de l’image, Paris : Seuil.
– Tilleul J.-L. (1987). Pour analyser une bande dessinée, Louvain-la-Neuve : Academia.