Lola Marcault-Derouard
Lola Marcault-Derouard est doctorante contractuelle en littérature française et études théâtrales sous la direction de Florence Lotterie et Muriel Plana, à l’Université de Paris Cité. Ancienne élève de l’École Normale Supérieure de Lyon, elle est agrégée de lettres modernes. Ses recherches portent sur la représentation du vieillissement féminin dans les comédies du premier XVIIIe siècle.
Pour citer cet article : MARCAULT-DEROUARD Lola, « Fiction et « retour d’âge » : la difficile mesure de la vieillesse féminine dans les comédies du premier XVIIIe siècle », Litter@ Incognita [En ligne], Toulouse : Université Toulouse Jean Jaurès, n°13 « Temps à l’œuvre, temps des œuvres », saison automne 2023, mis en ligne le 13 octobre 2023, disponible sur https://blogs.univ-tlse2.fr/littera-incognita-2/2023/05/20/fiction-et-retour-dage-la-difficile-mesure-de-la-vieillesse-feminine-dans-les-comedies-du-premier-xviiie-siecle/
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Sommaire
Introduction
1. Chiffrer la vieillesse ou définir son seuil : la circulation des degrés des âges de la littérature médicale à la fiction dramatique
2. De la représentation de la vieillesse à celle du vieillir : tension entre temps vécu et temps perçu
Bibliographie
Résumé
Cet article se propose de montrer, à partir de l’étude du motif comique du calcul et de la contestation de l’âge des femmes dans une dizaine de comédies de Quinault, Thomas Corneille, Dancourt, Regnard, Destouches, Legrand, Godard de Beauchamps et Fagan, que ces pièces mobilisent les degrés des âges établis par la littérature médicale pour les interroger. La dynamisation de l’âge par la relation et le dispositif dramatiques le réduit à une construction discursive proprement mouvante qui permet à la scène comique du premier XVIIIe siècle de problématiser son expression chiffrée et de donner ainsi à voir non pas tant la vieillesse que l’expérience du vieillir, à travers la tension entre temps et durée.
Abstract
This article, based on a corpus of ten comedies written by Quinault, Thomas Corneille, Dancourt, Regnard, Destouches, Legrand, Godard de Beauchamps and Fagan, intends to show that these plays employ the medical stages of female aging in order to question them. Dramatic mechanism and characters relationships spur aging on stage, reducing it to a discursive and ever-changing object. This allows comedies of the early 18th century to problematize the quantitative expression of the age and to stage not so much old age as the experience of aging, through the tension between time and duration.
Mots-clés
Littérature – Théâtre – Comédie – XVIIIe siècle – Âge – Vieillesse – Vieillissement – Femmes
Key-words
Literature – Theatre – Comedy – 18th Century – Age – Old Age – Ageing – Women
Introduction
Alors que le dénombrement des populations va croissant depuis la Réforme1, les comédies du premier XVIIIe siècle se saisissent de l’âge des « baptistaires2 » et mettent en scène sa négociation. Aussi trouve-t-on dans les textes dramatiques de cette période de nombreuses occurrences d’âges mesurés en années, dont l’inventaire permet de formuler plusieurs hypothèses. D’abord, ces âges sont abondamment et, semble-t-il3, prioritairement attribués à des personnages de femmes4. Ensuite, la multiplication de leurs mentions ne s’assortit pas, loin s’en faut, d’une délimitation chiffrée et fixe de ce que peut être la vieillesse ou l’âge vieux des femmes au théâtre. Bien au contraire, la précision mathématique de l’âge semble aller de pair avec un assouplissement des frontières entre les classes d’âge et un réaménagement des catégories dramatiques auxquelles elles correspondaient, qui n’est sans doute pas sans lien avec l’irruption massive, sur la scène comique, de personnages féminins d’âge intermédiaire5. Enfin, la mesure de l’âge en années fait l’objet de négociations et plusieurs âges contradictoires sont souvent attribués aux mêmes personnages, ce qui en fait une donnée problématique, sujette à caution, voire polémique.
Nous nous proposons d’étudier les motifs comiques du calcul et de la contestation de l’âge des femmes vieillissantes et vieilles à partir d’un corpus d’une dizaine de pièces qui sont autant de coups de sonde dans le paysage dramatique du premier XVIIIe siècle6 : La Mère coquette de Quinault (1665), Le Baron d’Albikrac de T. Corneille (1667), Les Fonds perdus (1686) et L’Opérateur Barry (1702) de Dancourt, Les Ménechmes de Regnard (1705), L’Irrésolu (1713) de Destouches, Le Triomphe du temps (1713) et L’Aveugle clairvoyant de Legrand (1715), La Mère rivale de Godard de Beauchamps (1729) et Le Ridicule supposé de Fagan (1741). L’enjeu de cet article n’est pas d’établir de manière exhaustive l’ensemble des outils mobilisés par ces comédies pour dire et représenter la vieillesse féminine, qui est loin d’être une catégorie homogène. Nous tenterons plutôt de montrer que la problématisation du retour d’âge7 et de son expression en nombre d’années, dans « l’ici-maintenant de la représentation8 », constitue l’un des signes mobilisés par les dramaturges pour dire le cours du temps et son caractère relatif en donnant à voir non plus tant la vieillesse que l’expérience féminine du vieillir.
1. Chiffrer la vieillesse ou définir son seuil : la circulation des degrés des âges de la littérature médicale à la fiction dramatique
Les âges mentionnés par les comédies rappellent ceux enregistrés par les traités médicaux et les dictionnaires9 : ces intervalles nettement délimités attestent une « culture des âges » ancrée dans l’imaginaire du temps, qui distingue trois âges de la vie.
Les ingénues du corpus de cette étude ont, conformément à ce qui s’observe dans l’ensemble des comédies de la période, entre quinze et dix-sept ans. L’Angélique du Baron d’Albikrac [IV, 4 ; 414, 1244] et la jeune Léonor de L’Aveugle clairvoyant [5 ; 9] ont quinze ans, l’Isabelle de La Mère coquette [II, 2 ; 23] et l’Henriette de La Mère rivale [I, 3 ; 17] en ont seize, et Dancourt fait dire à l’Isabelle de L’Opérateur Barry dans le divertissement final :
Jeune fillette à quinze ans
Doit savoir plus d’un langage.
Pour tromper les surveillants
On peut tout mettre en usage
Pour le mariage, bon,
Pour le badinage, non. [p. 45]
L’ingénue est donc inscrite dans une catégorie peu ou prou homogène orientée vers le mariage : elle est caractérisée par ce que Furetière10 nomme l’« âge de raison » ou « âge nubile » qui coïncide, à en croire les traités médicaux, avec celui des premières règles. Jean Liebault – qui traduit en fait les conclusions de l’Italien Marinello – écrit ainsi au trentième chapitre de son deuxième livre consacré aux « maladies des femmes » :
[…] ce sang menstruel ne commence à s’apparaître aux femmes, que lorsqu’elles sont capables d’être mariées et porter enfants, qui est en l’âge de quatorze, quinze à seize ans […] et ce sang superflu cesse en elles quand elles approchent l’âge de quarante-cinq à cinquante ans.11
Il précise néanmoins plus loin que la puberté « est définie aux femelles à douze ans et aux mâles à quatorze ». Aussi les médecins hésitent-ils eux-mêmes quant à la borne liminaire de cette catégorie de jeunes filles nubiles. La comédie se saisit de ce jeu autour du début de la puberté, mettant en scène des ingénues de plus en plus précoces. Cette précocité est thématisée dans la dernière scène du Triomphe du Temps futur, dans laquelle Lolotte, déjà engagée auprès du « petit Clitandre », se décrit comme une « morveuse » pour dégoûter le baron qui veut l’épouser. Elle est aussi signalée par la Tante du Baron d’Albikrac :
LA TANTE
Mais il semble qu’Oronte et ma nièce…
LISETTE
Madame.
LA TANTE
Tout de bon, à l’oreille il aime à lui parler.
LISETTE
Croyez qu’il ne lui dit que des contes en l’air.
Elle est si jeune encor…
LA TANTE
Défions-nous de l’âge,
Il en est dès douze ans que la fleurette engage,
Et le cœur… [I, 5, 226 ; 341 ; nous soulignons]
La scène comique mobilise ainsi des âges qui ne semblent pas attribués au hasard mais qui circulent au contraire, de la littérature médicale à la fiction dramatique12. Il en va de même à l’extrémité de cette destinée féminine inaugurée par les jeunes filles nubiles, pour les femmes ménopausées ou en passe de l’être. Les Ménechmes de Regnard assortissent ainsi la mention des « cinquante ans » d’Araminte à son incapacité à avoir des enfants :
ARAMINTE
[…]
L’âge, comme je crois, peut encor me permettre
D’aspirer à l’Hymen, et d’avoir des enfants.
DÉMOPHON
Vous moquez-vous, ma sœur ? Vous avez cinquante ans. [I, 5, 553-555 ; 423]
L’âge fait état, à première vue, d’une réalité physiologique à laquelle le personnage féminin ne pourrait échapper et sanctionne son incapacité à procréer. L’adverbe « encor », dans la réplique d’Araminte, construit bien la cinquantaine comme un seuil qui, une fois dépassé, entraîne l’exclusion de la femme vieille du dispositif d’alliance13 : il s’agit d’être « en âge de » ou « hors d’âge » de se marier et de procréer. Sans doute est-ce ce même seuil que matérialise l’expression « sur le retour », utilisée par Démophon quelques vers auparavant [ibid., v. 546], qui se dit, d’après Furetière, d’une femme qui a quarante ans, et qui signifie, d’après le dictionnaire de l’Académie de 1694, « commencer à déchoir, à vieillir, à décliner, à perdre de sa vigueur, de son éclat ». À cet égard la métaphore reprend l’image de la courbe des degrés des âges14, et matérialise bien le palier à partir duquel commence le déclin que constitue la vieillesse.
Le seuil de la nubilité, de la jeunesse, du bel âge ou de la fleur de l’âge, met plus ou moins d’accord médecins, lexicographes et dramaturges. Tous s’accordent également à faire coïncider le seuil de la vieillesse, qui s’étend elle-même de la verte vieillesse à la caducité puis à la décrépitude, avec la ménopause, c’est-à-dire à le placer entre quarante et cinquante ans. Ces âges, entre douze et dix-sept ans et entre quarante et cinquante ans, fonctionnent comme des balises physiologiques et morales des normes sexuelles de la société d’Ancien Régime. Entre chacune de ces bornes, la comédie se saisit d’un troisième seuil, qui sépare le « bel âge » de l’« âge mûr » ou « viril », placé entre trente et trente-cinq ans. Aussi trouve-t-on dans les pièces du corpus des mentions des âges de trente [MC, I, 2, 388 ; 570 et MR, I, 3 ; 16], trente-deux [MR, ibidem], trente-six ans [MR,I, 1 ; 8], et quarante ans [I, II, 6, 606 ; 498]. Zerbinette, « une petite vieille Italienne [qui] en sait beaucoup » [OB, 3 ; 6], chante dans le divertissement final à la suite du couplet attribué à Isabelle :
Au sortir de son printemps
Femme de joli visage,
Quoiqu’elle ait passé trente ans
Est encore dans le bel âge,
Pour le mariage, bon,
Pour le badinage, non. [p. 45]
La concessive introduite par « quoique » trouble la fonction de démarcation attribuée au seuil et invite à penser que cet âge intermédiaire, entre trente et quarante ans, est moins nettement circonscrit que celui des ingénues et des femmes vieilles.
Le couplet reprend néanmoins une formule topique qui associe au verbe passer un âge chiffré construit comme point de bascule, plaçant ainsi le personnage féminin toujours en amont ou en aval d’un seuil identifié comme tel dans l’imaginaire du public. L’âge n’est plus une donnée mathématique absolue puisqu’il renvoie à l’âge que le personnage n’a plus, et donc à autre chose qu’à lui-même. Lysimon déplore ainsi au cinquième acte de L’Irrésolu l’extravagant projet de son fils qui « osait […]/Épouser une folle à cinquante ans passés ! » [V, 13, 1933 ; 13] La Tante du Baron d’Albikrac dresse quant à elle le portrait in absentia d’une Marquise construite comme son double puisqu’il s’agit d’« une sempiternelle/Qui passe soixante ans et fait encor la belle » [I, 8, 338-339 ; 351]. L’expression n’est pas propre aux textes dramatiques : on la trouve par exemple chez Marivaux, dans La Vie de Marianne, dont la narratrice avoue au début du roman avoir « cinquante ans passés15 » et dans la dix-septième feuille du Spectateur français – présentant les mémoires d’une dame âgée qui déclare au début de son récit : « J’ai soixante et quatorze ans passés quand j’écris ceci16 ». Le verbe passer apparaît également au deuxième acte de La Mère coquette, lorsqu’Ismène évoque « la beauté naturelle » de sa fille, « qui vient de la jeunesse, et qui passe avec elle » [II, 2 ; 23 ; nous soulignons]. Cette dernière occurrence rappelle la polysémie du verbe et le lien étroit qu’il entretient avec l’expression de la temporalité. La formule qui associe l’âge au verbe passer a en effet ceci d’intéressant qu’elle exploite l’idée du passage dans son double sens, de franchissement d’une part – d’un seuil qui fractionne le cours de la vie en différents âges – et d’écoulement – du temps – d’autre part. L’expression attire finalement moins l’attention du public sur la donnée chiffrée à proprement parler que sur le fait d’avoir passé un âge, donc franchi un seuil identifié et construit comme significatif.
À première vue, la fonction des mentions de l’âge en nombre d’années pourrait se réduire à la médiatisation de trois seuils qui séparent en principe l’enfance de la jeunesse d’abord, la jeunesse de l’âge mûr ou viril ensuite, l’âge mûr de la vieillesse enfin. La comédie mobilise certes ces seuils, précisément délimités par les écrits médicaux et les dictionnaires du temps, mais elle s’en empare surtout pour les confronter et mettre en question le caractère absolu de la donnée chiffrée. En attribuant à un même individu fictif plusieurs âges contradictoires, elle invite en effet à se demander qui détermine l’âge ou la vieillesse d’un personnage, dont l’évaluation chiffrée est rendue suspecte par la confrontation des discours. Le motif de la contestation des âges civils ou calendaires, qui renvoient à une donnée biologique construite comme véritable ou naturelle, invite de fait le public à questionner la légitimité et la valeur de cette mesure du temps.
2. De la représentation de la vieillesse à celle du vieillir : tension entre temps vécu et temps perçu
Les comédies du corpus mettent toutes en scène le motif de la négociation de l’âge, fondé sur la discordance entre l’âge déclaré, prétendu, par la femme vieillissante ou vieille et celui qui lui est attribué. Le Baron d’Albikrac joue particulièrement avec ce topos en faisant de l’âge de la Tante, à trois reprises, un objet de discussion et de contestation. Philippin, valet d’Oronte, fâché que la Tante fasse obstacle à l’amour de son maître pour sa nièce, l’évoque en ces termes au début de la pièce : « À soixante et dix ans ! L’agréable mignonne ! » Il est immédiatement contredit par Lisette – « Dis soixante. » – à qui il rétorque : « Et bien soit, la différence est bonne. » [I, 3, 53-54 ; 330] Le portrait in praesentia supposé présenter d’emblée la Tante comme un caractère – une coquette extravagante dont la vieillesse n’est pas sujette à caution – obéit lui-même à un mouvement de correction : l’âge gonflé que Philipin lui prête est rétabli par Lisette. Cette « différence » entre une première hypothèse de l’âge de la femme vieille et sa rectification est reprise, dans une symétrie inversée, lors du dialogue entre la Tante et Léandre, chargé de la distraire et de la flatter pour que les jeunes premiers puissent s’entretenir en sa présence :
LA TANTE, à Léandre
Quel âge croyez-vous qu’on me puisse donner ?
LÉANDRE
Vous n’êtes qu’une fille, et sans votre veuvage
Je vous croirais trop jeune encor pour le ménage.
Vingt et un an au plus.
LISETTE, bas
Où les va-t-il chercher ?
LA TANTE
Non, j’en puis avoir Trente, et n’en veut point cacher.
LÉANDRE
Quoi, trente, et dans cet âge un brillant de jeunesse… [I, 7, 284-289 ; 347]
L’exagération n’est plus de l’ordre du vieillissement de la femme vieille, qui passait de soixante à soixante-dix ans, mais de son rajeunissement, puisqu’elle s’attribue trente ans au lieu des vingt-et-un que Léandre lui prêtait. Cet échange, en présence de la Tante cette fois, modifie le contexte d’attribution de l’âge et la nature de sa dénégation. La fonction d’exposition du dialogue entre les domestiques éclaire cette scène, puisque les âges qui y apparaissent ne coïncident pas avec ceux d’abord attribués au personnage. Le comique naît du mouvement qui remplace, entre la réplique de Léandre et celle de la Tante, une hyperbole par une autre, donnant ainsi au mensonge « j’en puis avoir Trente, et n’en veut point cacher » la valeur d’un démenti. Il est renforcé par le dispositif à trois voix qui confronte celle du flatteur Léandre, de la coquette Tante, et de la raisonnable Lisette, dont l’aparté construit une communauté complice entre la domestique et le public pour tourner la femme vieille en ridicule et exhiber l’écart entre âge véritable et âge prétendu. Ces scènes de contradiction ne sont absolument comiques que si l’on postule qu’au personnage de la femme vieille est attribué, dans la fiction, un âge « vrai », de référence, à partir duquel l’écart peut être évalué, et dont Lisette se ferait ici la garante. Sa fonction de caution de l’âge civil de la Tante est néanmoins brouillée par une ultime confrontation, qui oppose cette fois la servante à La Montagne, valet de Léandre travesti en baron d’Albikrac pour séduire la vieille coquette. Après que cette dernière a refusé ses avances car elle espère épouser Oronte – qualifié de « mignon » dans l’échange ci-dessous –, le faux baron l’invective ainsi :
LA MONTAGNE
Ah, la laide Guenon qui jase à soixante ans.
LA TANTE
Quoi joindre impudemment le mensonge à l’injure,
Soixante ans !
LA MONTAGNE
Oui, soixante, à fort bonne mesure,
Et je le maintiendrai devant votre mignon,
Je le connais.
LISETTE
Voyez le joli compagnon
Qui nous donne des ans, elle n’en a pas trente. [IV, 7, 1520-1525 ; 433]
La domestique prend elle-même en charge le démenti des soixante ans que le valet travesti prête à la Tante, à travers une énallage de personne d’autant plus comique qu’elle postule une solidarité entre elle et sa maîtresse, alors même que la servante ne cesse d’agir contre les intérêts de la femme vieille depuis le début de la comédie, conformément à sa fonction traditionnelle d’adjuvante de la quête amoureuse des jeunes gens. La contradiction entre le discours de la domestique et ses interventions précédentes invite à entendre sa dernière réplique comme une antiphrase. Peut-être l’usage du pronom « nous » construit-il néanmoins une communauté féminine unie par la singularité de son expérience du vieillir et du rapport aux seuils successifs qui jalonnent la durée de la vie. Que la servante, avertie de l’identité du faux baron, reprenne à son compte l’allégation de jeunesse trouble la répartition du personnel dramatique entre domestiques trompeurs et maîtresse dupée : le ridicule de la femme vieille est ainsi nuancé, et la voix de Lisette introduit une hésitation entre les âges contradictoires prêtés à la Tante. En semant le doute sur l’instance de détermination de l’âge véritable, naturel, biologique des baptistaires, puisque la domestique n’en est plus la garante infaillible, la comédie problématise ainsi l’articulation entre âge, vérité et mensonge et la difficile reconnaissance de la vieillesse et du temps écoulé. Le dispositif dramatique confronte en effet deux appréhensions discordantes du nombre d’années écoulées depuis la naissance de l’individu, ce que Beauvoir explicite dans son essai sur la vieillesse :
Toute parole dite sur nous peut être récusée au nom d’un jugement différent. En ce cas-ci, nulle contestation n’est permise ; les mots « un sexagénaire » traduisent pour tous un même fait. Ils correspondent à des phénomènes biologiques qu’un examen détecterait. Cependant, notre expérience personnelle ne nous indique pas le nombre de nos années. Aucune impression cénesthésique ne nous révèle les involutions de la sénescence. […] La vieillesse apparaît plus clairement aux autres qu’au sujet lui-même […].17
Dès lors, l’intérêt de ces scènes de contradiction est moins dans une supériorité informationnelle du public qui pourrait avec certitude définir l’âge véritable de la femme vieille, que dans la mise en scène du refus du vieillir – donné aussi à voir par la tension entre les discours et le corps de la comédienne incarnant la Tante18. Ce topos de la confrontation des âges refuse finalement à la vieillesse des frontières étanches, fixes et chiffrées pour mettre en question le « piège de la précision mathématique19 » qui ferait primer le seuil numérique de la vieillesse sur l’expérience du vieillir, à la fois biologique et sociale.
Le topos de la confrontation des âges, à deux ou à trois voix, permet à la scène théâtrale de distinguer la vieillesse physiologique de sa reconnaissance par le personnage de la femme vieille, et de se demander qui détermine ou diagnostique la vieillesse et quel est le degré de légitimité de cette instance d’évaluation. La contradiction des mentions chiffrées manifeste ainsi la dualité entre la perception subjective de la durée, par la femme devenue vieille, et le déroulement objectif et physique du temps20. Ce motif comique constitue l’un des signes permettant aux dramaturges de médiatiser le temps long au sein même de la représentation. Dans la première scène du Triomphe du temps passé, qui dresse le portrait in absentia de Madame Roquentin, la dialectique entre la durée et le temps s’articule à celle de l’être et du paraître, c’est-à-dire à la question de la manifestation ou de la dissimulation des effets du temps sur le corps.
ISABELLE : Mais à quoi songe ma mère, de vouloir se remarier à soixante et cinq ans, et, surtout, après le mauvais ménage qu’elle a fait avec mon père, et tous les chagrins qu’ils se sont donnés l’un à l’autre ? pour moi je t’avouerai que c’est ce qui m’a fait naître tant d’aversion pour le mariage.
DORINETTE : Il faut vous expliquer tout ceci, qu’elle m’avait caché jusqu’à présent, et qu’elle vient enfin de me découvrir : écoutez-moi. Il y a quarante ans que votre mère en avait vingt-cinq, et elle veut n’en avoir aujourd’hui que trente : on n’ a, dit-elle, que l’âge qu’on paraît. [sc. 1 ; 14 ; nous soulignons]
Le dévoiement du calcul mathématique du temps écoulé dans la réplique de Dorinette met en évidence l’inadéquation entre la vieillesse physiologique de Madame Roquentin et la jeunesse à laquelle elle n’a pas cessé de prétendre. Le glissement, du tour unipersonnel « il y a quarante ans » – qui traduit comme une donnée objective, observable, le temps du premier mariage de la veuve, dont la fille a été le témoin – au groupe verbal « elle veut », donne à la conjonction « et » une valeur d’opposition puisqu’elle confronte le temps historique, partagé par tous, à la perception personnelle de la durée, par définition individuelle. Le sens du verbe « vouloir » oscille entre conviction et désir, et peut traduire soit une forme d’illusion de la femme vieille persuadée de renvoyer l’image d’une trentenaire, soit sa résolution de se redonner artificiellement cette apparence. On retrouve cette polysémie dans L’Irrésolu, chez Madame Argante qui, comme la soixantenaire de la pièce de Legrand, est une veuve désireuse de se remarier à un jeune homme :
NÉRINE
En vain vous disputez contre le baptistaire
Par vos ajustements, par le désir de plaire,
[…]
MADAME ARGANTE
Nérine, je prétends
Être comme j’étais à l’âge de vingt ans.
NÉRINE
Voilà, je vous l’avoue, une belle vieillesse.
MADAME ARGANTE
Non, non, crois-moi, je suis encor dans ma jeunesse.
NÉRINE
Oui, par les actions, et par les sentiments ;
Mais cela suffit-il pour fasciner les gens ? [II, 6, 577-578 et 595-600 ; 496-497]
En distinguant le déclin physiologique – suggéré par la mention du « baptistaire » – des « actions » et « sentiments » de Madame Argante, Nérine devenue moraliste met au jour l’inadéquation entre vieillesse et coquetterie, c’est-à-dire la non-coïncidence entre l’âge calendaire et ce que les sociologues contemporains appellent l’âge statutaire. Le mouvement, dans les répliques de Madame Argante, du syntagme « je prétends être comme j’étais » à « je suis », distingue d’abord présent et passé avant de les superposer l’un à l’autre. Il traduit ainsi une difficulté à exprimer l’expérience de la durée et donne à voir le rapport problématique de la femme vieille à son propre vieillir. En n’invalidant pas absolument la prétention de la femme âgée à être au présent « comme » elle était dans sa jeunesse, cette scène et celle de la comédie de Legrand révèlent donc une forme d’originalité du traitement de la vieillesse féminine. En effet, tout en mobilisant le motif traditionnel du mariage mal assorti qui tend à faire de la vieille coquette un personnage comique fortement codifié, elles la dotent d’une épaisseur temporelle qui l’individualise et montrent sa difficulté à mesurer sa propre sénescence. Elles dramatisent, en somme, la stupéfaction de la découverte de la vieillesse que Beauvoir synthétise ainsi : « Que le déroulement du temps universel ait abouti à une métamorphose personnelle, voilà ce qui nous déconcerte.21 »
C’est finalement la représentation de l’appréhension double, universelle et singulière, du temps écoulé, qui met en scène la différence de l’évaluation et de la mesure du temps selon les âges. La suite de la scène de L’Irrésolu complète ainsi la déclaration de la veuve Madame Argante par la réplique de sa domestique :
MADAME ARGANTE
Sans ces friponnes-là,
Je n’aurais pas trente ans.
NÉRINE
Oh ! Je crois bien cela,
Mais malheureusement, on vous en croit cinquante.
Combien vous donnez-vous ?
MADAME ARGANTE
Je suis sur les quarante.
NÉRINE
Oui, mais depuis longtemps. [II, 6, 603-607 ; 498 ; nous soulignons]
Cet hyperbate comique de Nérine fait évidemment signe vers la temporalité longue, et inscrit la femme vieille dans un devenir qui n’est pas, ou pas encore, parvenu à sa conscience. On le retrouve dans La Mère rivale – « Lisette : […] on plaît sans y songer ; vous n’avez pas trente ans./Bélise : J’en ai trente-deux./Lisette : Et le reste. » [MR,I, 3 ; 16 ; nous soulignons] – et Le Baron d’Albikrac :
LÉANDRE
Au moins dans ce martyre
Grâce à sa prompte mort peu de temps s’écoula ?
LA TANTE
Quinze ans s’y sont passés.
LISETTE, bas
Et quinze par-delà.
LÉANDRE
Quel supplice ! Et vos yeux après quinze ans de larmes
Ont trouvé le secret de conserver leurs charmes ?
Que de jaloux débats vont causer vos attraits ! [I, 7, 294-299 ; 347-348 ; nous soulignons]
Ces scènes représentent l’âge ou la durée du mariage comme le produit d’une somme et répartissent les termes de cette somme entre plusieurs personnages. Le complément comique qui clôt les extraits cités allonge certes l’indication temporelle mais distingue surtout l’appréhension objective du temps écoulé par la domestique lucide et extérieure au processus de sénescence d’une part, de celle de la femme vieille, directement concernée et aliénée par le vieillissement d’autre part. Ce topos non seulement temporalise le vieillissement en inscrivant la femme vieille dans un devenir, mais il montre que l’évaluation du temps est variable. Peut-être le ridicule des vieilles coquettes est-il ainsi nuancé par la singularisation de leur rapport au passé, dont Beauvoir montre que « l’impression spontanée » est irréductible à un « calcul » :
Il y a plus d’une raison à ce changement que subit de la jeunesse à la vieillesse l’évaluation du temps. D’abord, il faut remarquer qu’on a toujours sa vie entière derrière soi, réduite, à tout âge, au même format ; en perspective, vingt années s’égalent à soixante, ce qui donne aux unités une dimension variable. Si l’année est égale au cinquième de notre âge, elle nous paraît dix fois plus longue que si elle ne représente que sa cinquantième partie22.
*
L’abondance des mentions chiffrées de l’âge de personnages féminins dans le corpus de cette étude s’insère finalement dans un dispositif de contestation de cette mesure de la durée de vie et du temps historique, qui nuance le ridicule de la femme vieille. La mobilisation, par la comédie, de ces valeurs numériques qui s’étendent de trente à soixante-cinq ans, loin de définir des bornes incontestables de la vieillesse considérée comme une catégorie fixe et codée, individualise les personnages féminins en donnant à voir une expérience singulière et personnelle du vieillir. La représentation théâtrale médiatise ainsi une temporalité longue qui hybride le rire suscité par les femmes vieilles : d’abord ridicules, elles sont, par la mise en scène d’une dialectique entre temps et durée, susceptibles d’inspirer une forme d’empathie.
Bibliographie
Corpus :
Corneille Thomas, Le Baron d’Albikrac [BA] [1667], éd. Catherine Dumas, dans Théâtre complet, t. v, Paris, Classiques Garnier, 2018, pp. 273-473
Dancourt, Les Fonds perdus [1686], sans lieu ni date, BnF, 52 p.
Dancourt, L’Opérateur Barry [OB], Paris, Pierre Ribou, 1702, 47 p.
Destouches Philippe Néricault, L’Irrésolu [I] [1713], éd. John Dunkley, dans Théâtre complet, t. I, Paris, Classiques Garnier, 2018, pp. 453-593
Fagan Barthélémy-Christophe, Le Ridicule supposé [RS] [1741], dans Théâtre de M. Fagan, t. iv, Paris, N.-B. Duchesne, 1760, pp. 73-156, disponible en ligne : ark:/12148/bpt6k82867k
Godard de Beauchamps Pierre-François, La Mère rivale [MR], Paris, Simart, 1729, 135 p.
Legrand Marc-Antoine, Le Triomphe du temps [TT] [1713], Paris, François Flahault, 1725, 112 p.
Legrand Marc-Antoine, L’Aveugle clairvoyant [AC] [1715], Paris, Pierre Ribou, 1716, 43 p.
Quinault Philippe, La Mère coquette [MC], Amsterdam, 1666, disponible en ligne : ark:/12148/bpt6k741417, 72 p.
Regnard Jean-François, Les Ménechmes [M] [1705], dans Théâtre français, t. ii, éd. établie et annotée par Sabine Chaouche, Noémie Courtès, Sylvie Requemora-Gros, Paris, Classiques Garnier, 2015, pp. 365-506
Sources primaires :
Féraud Jean-François, Dictionnaire critique de la langue française, t. I, Marseille, Jean Mossy, 1787, 840 p.
Liebault Jean, Trois livres appartenant aux infirmités et maladies des femmes. Pris du latin de M. Jean Liebaut Docteur Médecin à Paris, et faits Français, livre II, chp. XXXII, « Suppression et diminution des mois », Lyon, Jean Veyrat, 1598, 939 p., disponible en ligne : https://www.biusante.parisdescartes.fr/histmed/medica/cote?34273
Marivaux, La Vie de Marianne [1731-1742], Paris, Le Livre de Poche, 2007, 704 p.
Marivaux, Le Spectateur français, partie II « Dix-septième feuille » [1723], dans Journaux et œuvres diverses, éd. Frédéric Deloffre et Michel Gilot, Paris, Classiques Garnier, 2001, pp. 186-267
Piron Alexis, Le Fâcheux veuvage [1725], dans Œuvres complètes, t. IV, Paris, M. Lambert, 1776, pp. 1-148, disponible en ligne : ark:/12148/bpt6k1510770q
Sources secondaires :
Beauvoir Simone de, La Vieillesse, Paris, Gallimard, « Folio essais », 816 p.
Bergson Henri, Essai sur les données immédiates de la conscience [1889], Paris, Presses Universitaires de France, « Quadrige », 2013, 340 p.
Blois Jean-Pierre, « Observations sur l’histoire de la vieillesse médiévale et moderne », dans Gérontologie et société, 1989/2, vol. 12/n° 49, pp. 34-35
Humbert Cédric, Puijalon Bernadette et Trincaz Jacqueline, « Dire la vieillesse et les vieux », Gérontologie et société, 2011/3 (vol. 34/n° 138), pp. 113-126, disponible en ligne : https://www.cairn.info/revue-gerontologie-et-societe1-2011-3-page-113.htm
Le Goff Jacques et Schmitt Jean-Claude (dir.), Le Charivari, actes de la table ronde organisée à Paris (25-27 avril 1977), Paris, EHESS, 1981, 444 p.
Marcault-Derouard Lola, « Le vieillissement féminin dans les comédies du premier XVIIIe siècle : “destinée féminine” ou trouble du genre ? », Dix-huitième siècle, n° 55, 2023, pp. 245-267, disponible en ligne : https://www-cairn-info.acces.bibliotheque-diderot.fr/revue-dix-huitieme-siecle-2023-1-page-245.htm
Minois Georges, Histoire de la vieillesse en Occident, Paris, Fayard, 1987, 442 p.
Rennes Juliette (sous la dir. de), Encyclopédie critique du genre, « Âge », La Découverte, 2021, pp. 47-59
Spielmann Guy, Le Jeu de l’ordre et du chaos. Comédie et pouvoirs à la Fin de règne, 1673-1715, Paris, Honoré Champion, 2002, 605 p.
Schuster Cordone Caroline, Le Crépuscule du corps. Images de la vieillesse féminine, Fribourg, InFolio, 2009, 304 p.
Troyansky David, Miroirs de la vieillesse…en France au siècle des Lumières, trad. de l’anglais par Oristelle Bonis, Paris, Eshel, 1992, 276 p.
Ubersfeld Anne, Lire le théâtre I, Paris, Belin, « Lettres Sup », 1996, 237 p.
Wenger Alexandre, « Médecine, littérature, histoire », Dix-huitième siècle, vol. 46, n° 1, 2014, pp. 323-336, disponible en ligne : https://www.cairn.info/revue-dix-huitieme-siecle-2014-1-page-323.htm
1 Minois Georges, Histoire de la vieillesse en Occident, Paris, Fayard, 1987, p. 389. Voir également Blois Jean-Pierre, « Observations sur l’histoire de la vieillesse médiévale et moderne », dans Gérontologie et société, 1989/2, vol. 12/n° 49, pp. 34-35.
2 Il s’agit du décompte des années qui se sont déroulées depuis que la naissance de l’individu a été enregistrée par l’extrait de baptême. Sur la multidimensionnalité de la variable de l’âge et la distinction entre âge civil, calendaire ou chronologique d’une part, et âge statutaire d’autre part, voir les travaux de Michel Bozon et de Juliette Rennes, qui signe l’article « Âge » de l’Encyclopédie critique du genre dans lequel elle définit ces deux concepts : « Alors que l’âge civil ou “calendaire” d’une personne désigne la durée, mesurée en années, depuis sa date de naissance inscrite dans l’état civil, son âge statutaire renvoie à la façon dont ses activités, son statut social et son apparence corporelle (éthos, hexis, façon de s’habiller, signes visibles de sénescence…) la positionnent, aux yeux des autres et à ses propres yeux, dans une “tranche d’âge” dont la perception peut varier selon les situations. » (Paris, La Découverte, 2021, p. 48)
3 Nous nous devons de préciser qu’il ne s’agit là que d’un constat empirique, puisque nous n’avons pu procéder à une analyse quantitative de ces mentions à l’aide d’outils numériques de statistiques. Cela serait possible si l’ensemble des textes des comédies de notre corpus était disponible en version OCR, ce qui est évidemment loin d’être le cas. Aussi doit-on pour l’instant s’en tenir à notre relevé manuel, certes non exhaustif, de ces occurrences.
4 L’âge des personnages masculins n’est pas pour autant absent des pièces, et le motif topique du calcul mathématique de l’âge peut convoquer des barbons ou des vieillards, comme l’atteste la discussion entre le Cadi et Aboulifar dans la première scène du Fâcheux veuvage de Piron [1725], dans Œuvres complètes d’Alexis Piron, t. IV, Paris, M. Lambert, 1776, pp. 1-148, disponible en ligne : ark:/12148/bpt6k1510770q. Les âges des personnages masculins semblent toutefois moins fréquemment précisés et moins diversifiés que pour les personnages féminins, sans doute parce que les enjeux culturels, biologiques et moraux du vieillissement sont fortement genrés. Nous ne pouvons démontrer ici ce que nous identifions dans les pièces comme un vieillissement à deux vitesses – ou asynchrone – et avons choisi, dans le cadre de cette étude circonscrite du traitement comique de l’âge calendaire, de nous concentrer sur les mentions concernant des personnages féminins.
5 Il s’agit de celles qui ne sont ni ingénues, ni duègnes, quoique cette contextualisation rapide omette certains enjeux de la « féminisation » du personnel dramatique des comédies au tournant des XVII-XVIIIe siècles. Voir, sur cette question, Spielmann Guy, Le Jeu de l’ordre et du chaos. Comédie et pouvoirs à la Fin de règne, 1673-1715, Paris, Honoré Champion, 2002, et Marcault-Derouard Lola, « Le vieillissement féminin dans les comédies du premier XVIIIe siècle : “destinée féminine” ou trouble du genre ? », dans Dix-huitième siècle, n° 55, 2023, pp. 245-267, disponible en ligne : https://www-cairn-info.acces.bibliotheque-diderot.fr/revue-dix-huitieme-siecle-2023-1-page-245.htm
6 Les éditions de chacune de ces pièces sont référencées dans la bibliographie. Nous y avons signalé entre crochets les dates de création lorsqu’elles diffèrent de l’année de publication. Nous indiquerons dans le corps du texte de cet article la localisation des citations dans les pièces en énumérant dans l’ordre, entre crochets, le titre abrégé (signalé dans la bibliographie entre crochets, après la mention du titre intégral), l’acte, la scène, le ou les vers lorsqu’ils sont numérotés dans l’édition, et la ou les pages dont elles sont extraites. Nous avons modernisé l’orthographe des éditions du XVIIIe siècle en conservant les majuscules et la ponctuation, susceptibles de jouer un rôle dans la prononciation des répliques.
7 Pour la définition du retour d’âge au XVIIIe siècle, voir infra.
8 Ubersfeld Anne, Lire le théâtre I, Paris, Belin, « Lettres Sup », 1996, p. 159.
9 Nous ne pouvons, faute de place, établir une typologie détaillée des âges de la vie proposés par chaque lexicographe. Pour une rapide synthèse du lexique propre à la vieillesse, voir Humbert Cédric, Puijalon Bernadette et Trincaz Jacqueline, « Dire la vieillesse et les vieux », Gérontologie et société, 2011/3 (vol. 34/n° 138), pp. 113-126, disponible en ligne : https://www.cairn.info/revue-gerontologie-et-societe1-2011-3-page-113.htm.
10 Furetière Antoine, Dictionnaire universel contenant généralement tous les mots françois, tant vieux que modernes, et les termes de toutes les sciences et des arts, éd. de 1727 corrigée et augmentée par Basnage de Beauval et Brutel de la Rivière, La Haye, chez P. Husson et al.
11 Liebault Jean, Trois livres appartenant aux infirmités et maladies des femmes. Pris du latin de M. Jean Liebaut Docteur Médecin à Paris, et faits Français, livre II, chp. XXXII, « Suppression et diminution des mois », Lyon, Jean Veyrat, 1598, p. 321, disponible en ligne : https://www.biusante.parisdescartes.fr/histmed/medica/cote?34273.
12 Pour une étude de la porosité entre médecine et littérature au XVIIIe siècle, voir Wenger Alexandre, « Médecine, littérature, histoire », Dix-huitième siècle, vol. 46, n° 1, 2014, pp. 323-336.
13 Les exemples proposés par Féraud pour illustrer l’expression « à l’âge de » sont à cet égard significatif : « À l’âge se dit de la mort : Il est mort à l’âge de 60 ans, ou de certains événements remarquables ; elle a eu un enfant à l’âge de 50. » (Dictionnaire critique de la langue française, Marseille, Jean Mossy, 1787, p. 61)
14 Voir l’étude, par Caroline Schuster Cordone, de la tradition iconographique des Degrés des âges, apparue au XVIe siècle, dans son ouvrage Le Crépuscule du corps. Images de la vieillesse féminine, Fribourg, InFolio, 2009, pp. 25-39.
15 Marivaux, La Vie de Marianne, Paris, Le Livre de Poche, 2007, p. 74.
16 Marivaux, Le Spectateur français, partie II, « Dix-septième feuille » [1723], dans Journaux et œuvres diverses, éd. Frédéric Deloffre et Michel Gilot, Paris, Classiques Garnier, 2001, p. 207.
17 Beauvoir Simone de, La Vieillesse, Paris, Gallimard, « Folio essais », p. 400.
18 Bien que la distribution de la pièce soit inconnue, les rôles des caractères étaient traditionnellement attribués à des comédiennes vieillissantes, à partir de leurs quarante ans environ.
19 L’expression est de David Troyansky, dans son ouvrage Miroirs de la vieillesse… en France au siècle des Lumières, trad. de l’anglais par Oristelle Bonis, Paris, Eshel, 1992, p. 19.
20 Sur la distinction entre temps objectif ou quantitatif, et temps subjectif ou qualitatif, c’est-à-dire, durée, voir Bergson Henri, Essai sur les données immédiates de la conscience [1889], Paris, Presses Universitaires de France, « Quadrige », 2013.
21 Beauvoir Simone de, op. cit., p. 399.
22 Idem, p. 530.