Contexte de l’étude

La vallée de l’Orbiel se situe en aval du complexe de l’ancienne mine d’or de Salsigne, localisé à une vingtaine de kilomètres au nord de Carcassonne. Ces territoires regroupent plusieurs sites d’une ancienne exploitation minière dont la période d’activité s’est étendue de l’antiquité jusqu’en 2004, date de la fermeture du dernier site. L’exploitation moderne et à grande échelle ne démarre qu’au début du 20ème siècle après la découverte de la présence d’or en 1892. L’exploitation s’est principalement répartie sur deux secteurs distincts, l’ancienne zone d’extraction du minerai (mine d’or de Salsigne) et l’ancienne zone de traitement du minerai et de stockage des résidus, à environ 5 km au sud-est de la zone d’extraction (La Combe du Saut). D’autres mines de dimensions plus restreintes ont également été exploitées dans le secteur de la vallée de l’Orbiel et de ses affluents (Nartau, Malabau) et d’autres sites de traitement de minerai, plus anciens et plus petits ont également été utilisés. Cette exploitation à grande échelle a conduit à la production de 120 tonnes d’or, ce qui en a fait la plus importante mine d’or d’Europe de l’Ouest. Près de 12 millions de minerais ont été traités sur le site pour en extraire notamment l’or mais aussi de l’argent, les minerais non valorisés restant sur place, notamment sous forme de verses. A partir de 1999, une partie du complexe minier a fait l’objet d’actions de surveillance et de réhabilitation chiffrées pour un total de 45 millions d’euros jusqu’en 2021. Plusieurs travaux ont été menés sur la période : stabilisation des déchets, excavation et confinement de plusieurs millions de mètres cubes de sols pollués, couverture étanche (géomembrane, drain…), réseau de collecte des eaux superficielles, traitement par une station d’épuration, phytostabilisation. Le stockage de Montredon, de plus d’un million de mètres cube, contient les résidus les plus concentrés. Les plages de l’Artus représentent un volume de 7 millions de mètres cubes et contiennent des stérils peu concentrés. La mine à ciel ouvert a été mise en sécurité : remblaiement partiel du fond de fouille, stabilité des flancs, clôture du site. Plusieurs sites, dits exclus (verse de Ramèle, Nartau, verse de l’Atelier…) ont fait l’objet de mesures de mise en sécurité de type de travaux de terrassement, recouvrement, surveillance, information par des panneaux. L’impact sanitaire de cet ancien complexe minier est l’objet de préoccupations récurrentes dans la population, apparues dès la fin des années 1990, notamment à la suite des inondations de 1996. Elles ont conduit à la réalisation de plusieurs études de santé sur les vingt dernières années.

Tout d’abord, en octobre 1997, une étude d’imprégnation a été réalisée, auprès d’un échantillon de 681 personnes tirées au sort dans 24 communes (20 exposées, 4 non exposées) (Fréry et al., 1998[1]). L’arsenic inorganique et ses métabolites, le cadmium, le plomb et les thiocyanates ont été dosés dans les urines ou les cheveux. Les résultats ont montré que les résidents de la région de Salsigne présentaient une surexposition à l’arsenic, de faible amplitude (référence utilisée 15 µg/g de créatinine) et ont identifié les déterminants de cette exposition qui ont été à l’origine des recommandations sanitaires mises en œuvre dans la zone : éviter la consommation de produits du jardin, l’utilisation de l’eau des puits privés, la consommation du vin produit localement, l’activité main-bouche pour les enfants. Une étude de morbidité (pathologies sous traitement) et de santé perçue (symptômes ressentis) a été réalisée à la même occasion. Elle portait sur les symptômes généraux et les symptômes et pathologies plus spécifiques des polluants étudiés, recueillis par questionnaire lors d’un entretien. Les symptômes spécifiques aux polluants n’étaient pas statistiquement plus fréquents en zone exposée. Les personnes de la zone exposée signalaient cependant plus souvent être en moins bonne santé que 5 ans auparavant, et présenter plus de troubles du comportement (nervosité, irritabilité, vertige). Ensuite, une étude de mortalité par cancers a été effectuée en 1998 (Dondon et al., 2005[2]), puis mise à jour en 2007 (Cellule régionale Occitanie de Santé publique France, 2019). L’étude a comparé la zone exposée à une zone témoin de l’Aude présentant des caractéristiques similaires, et à la France entière. L’étude a été menée pour la mortalité pour l’ensemble des cancers et pour différentes localisations tumorales d’intérêt. Les résultats sur la période 1968-1994 ont montré en zone exposée un excès de risque de cancers (tout type de cancers) et cancers respiratoires, ainsi qu’un excès de cancers digestifs chez les femmes. La mise à jour de 2007 incluant la période 1995-2003 ne mettait plus en évidence d’excès de risque, hormis pour les cancers du pharynx en zone exposée. Néanmoins, les résultats sont à interpréter avec prudence en raison des faibles effectifs qui ont pour conséquence de fragiliser la fiabilité des conclusions par rapport à la réalité. La puissance statistique qui exprime la probabilité de détecter une différence lorsqu’elle existe réellement, est dans ce cas bien en deçà de la valeur habituellement considérée comme acceptable (80% de chance ou plus). Suite aux inondations ayant eu lieu dans la vallée en octobre 2018, l’Agence régionale de santé Occitanie a saisi Santé publique France en mai 2019 pour mener une réflexion sur la pertinence de la mise en place d’une étude épidémiologique (Annexe n°, en page 161). Dans ce contexte, il a été décidé de mener à partir de 2020, une étude visant à identifier les attentes (en termes d’étude de santé, d’action publique, etc.) et de décrire le contexte social pour mieux analyser la perception du risque au travers des discours (qualitatifs et quantitatifs) des habitants et leurs pratiques du territoire. Cette étude nommée « pratiques et la perception des risques par les habitants-riverains de la vallée de l’Orbiel (analyse des attentes et du contexte local) » (PRIOR) est cofinancée par l’Agence régionale de santé Occitanie et Santé publique France en partenariat avec des sociologues du CERTOP (UMR5044 du CNRS) et du LISST-CERS (UMR5193), partenariat hébergé par la MSHS de Toulouse (USR3414). Le rapport de recherche suivant vise à présenter les principaux résultats de cette recherche.


La synthèse du contexte a été rédigée par Stéphanie Rivière (Santé publique France). Elle est reprise du protocole de l’étude PRIOR : Busca, D., Barthe, J-F., Meidani, A., Saint-Martin, C., Dumat, C., Rivière, S. et D. Mouly, 2020, « Pratiques et perceptions du risque par les habitants-riverains de la vallée de l’Orbiel (PRIOR) », programme de recherche, MSHS de Toulouse, Santé publique France, 36p.  

[1] Fréry, N., Ohayon, A. et P. Quénel (1998) « Enquête sur l’exposition de la population aux polluants d’origine industrielle – région de Salsigne (Aude) », Saint-Maurice : Réseau national de santé publique, 8 p.

[2] Dondon, M-G., de Vathaire, F., Quénel, P. et N. Fréry (2005) « Cancer mortality during the 1968-1994 period in a mining area in France », European Journal of Cancer Prevention, 14, 297-301.