Le régime de perception du catastrophisme critique

Sur la piste environnementale des épreuves de santé
Analogie(s) avec des risques documentés de santé environnementale

Dans le régime de perception du catastrophisme critique, les habitant·es font régulièrement référence à l’imaginaire collectif d’une contribution sacrificielle des ouvriers au développement de la mine – i.e. au prix de leur santé – comme pour Nicolas dont le grand père est mort d’un cancer du poumon, de la « silicose » nous dit-il (« moins d’un an après qu’il ait eu la retraite ») –. Bastien et Dominique convoquent ainsi le passé minier, une période où les ouvriers auraient été sacrifiés en termes de santé (à travers des risques professionnels systématisés) et au regard de leurs conditions de vie (« salaires de misère »). Gina souligne, aussi dans son récit, les conditions difficiles de vie des mineurs. Des situations de vie plus subies que choisies : pour nourrir leurs familles, nombre d’hommes seraient partis travailler à la mine, et certains seraient tombés malades et en seraient morts. Pour Pierre, l’impact sanitaire des pollutions minières est réel et la proximité ou l’interconnaissance avec des mineurs décédés renforce l’attention. Tous quatre, comme d’autres, énoncent la dangerosité passée du travail à la mine. Et c’est bien au regard de cette dangerosité passée que la situation vécue, aujourd’hui, apparait indiscutablement risquée.

« Moi j’ai acheté cette maison en 2006. Donc j’habite ici depuis 2006, mais par contre je suis toujours venu depuis que je suis petit. Ce village je le connais parce que c’est le village où est née ma mère. Il y avait ma grand-mère donc je venais au moins 1 mois ou 1 mois et demi par an, ici, depuis que je suis né. Donc je connais tout le monde, tous les vieux du village, même ceux qui ont disparu, etcetera. […] moins d’un an, peut-être je me trompe, moins d’un an après qu’il [son grand-père] ait eu la retraite, il est mort de la silicose. Cancer des poumons. Voilà. […] Non, ça n’a pas été diagnostiqué. Personne n’a dit « Silicose » mais, en tout cas, il est mort d’un cancer des poumons. »

Nicolas

« Je sais qu’à un moment, pour avoir eu des amis qui étaient mineurs à Salsigne, ils ont utilisé des produits qui étaient relativement dangereux mais l’emploi et la rentabilité est passé avant la santé publique. On va dire dans les années 80-90, avant que la mine de Salsigne ferme, on savait qu’elle était polluante, pour autant on l’a maintenue.»

Bastien

« […] les gens qui ont travaillé là hein, pour des salaires de misère. Il y avait des risques énormes avec tous les gens qui se sont retrouvés avec… D’abord, la plupart sont morts jeunes chez les mineurs… Tous les problèmes ORL qu’ils avaient, avec les trous dans les cloisons nasales… Bon… »

Dominique

« Les mineurs de Salsigne, fallait qu’ils travaillent et fallait qu’ils nourrissent leur famille donc y a beaucoup de pères qui travaillaient à la mine. J’ai une copine, son papa était mineur à Salsigne, il a chopé une saloperie et il en est mort quoi. »

Gina

« C’était surtout ceux qui travaillaient, qui ne se faisaient pas vieux. Ils partaient beaucoup plus vite. Avec des gens qui étaient relativement jeunes. […] C’était il y a au moins une trentaine d’années. Le copain de [mon ami] qui avait bossé, le jeune là. Il est mort il avait notre âge, 40 ans, à cette époque-là. Dans les années 90, Moi je suis né en 52. Il était jeune ce mec, qu’on voyait chez [mon ami]. Celle de Lastours aussi est décédée d’un cancer du sang. Y en a eu… Certains sont morts, d’autres ont réussi à s’en sortir. »

Pierre

Pour Nicolas, le décès de son grand-père mineur renvoie ainsi, et dans une moindre mesure, à une exposition à un risque direct de maladie professionnelle (« Il n’était pas à la pioche. Voilà. Donc c’est pour ça que ça m’interpelle forcément ») qu’à des pollutions environnementales, en d’autres termes ou à un risque de santé pour tous (et ses enfants) qu’il identifie à l’âge adulte. La perception du risque oscille ainsi entre d’une part, les risques professionnels auxquels les ouvriers étaient exposés, et d’autre part, l’épée de Damoclès suspendue au-dessus des trajectoires de santé des générations présentes et futures. Ce rapport à l’activité professionnelle – comme révélateur général des risques de santé environnementale – est d’autant plus singulier que dans le régime de perception du scepticisme attentif, il participe au contraire à circonscrire les risques de santé à une surexposition professionnelle, en d’autres termes à mettre à distance les risques de santé environnementale pour la population générale. La survenue d’une maladie due à une exposition à des polluants environnementaux est d’autant plus plausible que les enquêtés opèrent une analogie avec d’autres risques connus (pesticides, plomb, amiante, qui font l’objet d’une publicisation et d’un référencement plus importants) ou avec d’autres territoires d’après-mine.

« Quand j’étais gamin je n’en ai pas trop entendu parler [des pollutions liées à l’ancienne activité minière]. Et donc plus c’est plus maintenant, vu que je suis adulte, que j’ai [deux enfants] qui ont [moins de 16 ans]. Et c’est pour ça que cette étude [le programme PRIOR] ça m’a intéressé […] Mon grand-père a travaillé à la mine, il en est mort. Après il a eu d’autres emplois dans sa vie, mais son dernier boulot c’était à la mine. Si je ne dis pas de bêtise, il conduisait les convois, les petits trains avec les chariots. Il n’était pas à la pioche. Voilà. Donc c’est pour ça que ça m’interpelle forcément. »

Nicolas

Pour Valérie, la comparaison avec l’exposition aux pesticides laisse supposer une impossibilité de s’extraire du risque et de se protéger de problèmes de santé à venir, perçus comme « inévitables ». Rodrigo s’appuie, quant à lui, sur l’expérience collective des risques sanitaires, liés à la présence de plomb et d’amiante dans les habitats, et les pathologies reconnues qui y sont associées (comme le saturnisme pour le plomb, par exemple). Mathéo énonce également que l’ensemble des mines, notamment celles du nord de la France, pose des problèmes de gestion de l’après-mine, même si pour lui les problèmes de métaux lourds sont plus criants dans les mines, comme celle de Salsigne, où de l’or était extrait. Sophie et Georgina renvoient également au contexte général de l’après-mine : tous les bassins miniers, en France ou à l’étranger, sont concernés par « un gros problème sanitaire ». Les analogies entre la vallée de l’Orbiel et d’autres territoires d’après-mine servent alors à renforcer l’idée d’un impact sanitaire des pollutions aux métaux lourds dans la vallée de l’Orbiel, la vallée de l’Orbiel ne pouvant pas faire exception.

« Pour la santé des gens qui sont par-là, oui, c’est sûr. Surtout les enfants qui ont eu des taux d’arsenic terribles dans les écoles. Ceux qui sont dans l’école. Bon j’espère, comme ceux qui sont proches des vignes. Par exemple j’espère que les gens qui seront touchés en subiront pas trop les conséquences, mais ça… je pense que c’est inévitable ! »

Valérie

« C’est un poison l’arsenic. Même à petite dose après ça s’accumule dans l’organisme. Après, l’organisme comment il réagit à ce genre de trucs ? Comme on dit chaque personne est différente et réagit différemment Il y a des gens qui n’auront rien jusqu’à leur mort et il y a des gens qui vont commencer à avoir des problèmes et ils ne vont pas savoir d’où ça vient exactement. […] C’est comme pendant des années on a vécu dans des bâtiments avec de la peinture au plomb et au final, saturnisme est apparu, le plomb, l’amiante tout ça, on a subi ça. Il y en a, des gens, qui sont morts, qui ont été malades à cause de ça. Et ça ressemble à ça ! »

Rodrigo

« [Georgina] tout ce qui est bassin minier, il y a un gros problème sanitaire en France, pas que sur le bassin de Salsigne, mais sur tous les bassins miniers et sur toutes les zones où il y a eu extraction minière. [Sophie] Je suis d’accord […] C’est vrai que nous on ramène ça à notre petite vallée de manière très individualiste mais on n’est pas les seuls concernés en France ni dans le monde »

Georgina et Sophie

« Tout un chacun sait que quand une exploitation, et qui plus est minière, est abandonnée, bon on l’a vu dans le Nord, il y a les scories… Il faut savoir recycler ou protéger un peu tout ça. Et là c’était vraiment, pas du charbon quoi, c’était des métaux lourds quoi, avec les conséquences sanitaires importantes. »

Mathéo

Des études de santé publique ne permettant pas de « dire » les risques de santé

Dans le régime du catastrophisme critique, le risque de santé environnementale a besoin d’être incarné pour exister, de renvoyer à des personnes malades ou décédées. Les personnes malades ou décédées (parents, voisins, connaissances, etc.) sont ainsi mobilisées, dans le récit, comme des exemples d’une situation problématique plus générale, le risque pour les générations présentes et futures apparaissant d’autant plus important que les cas de maladies et de décès suspects dans la population générale s’égrènent dans les récits. Des épreuves de santé suspectes du fait aussi que la médecine peine, selon certain·es habitant·es, à les lier à des causes environnementales.

Nicolas – qui nous a relaté la maladie cancéreuse de son grand-père décédé – évalue ainsi l’impact des pollutions sur la santé à partir de l’expérience de la maladie de sa mère, atteinte de plusieurs cancers (sang, moelle osseuse). Sa mère est décédée à 80 ans, 10 ans après leur diagnostic. De son vivant, sa mère a participé à ce qui semble être une étude, comme le suggère la mention de Nicolas du prélèvement d’une mèche de cheveux, à une réponse à un questionnaire et à la participation des habitant·es du village à un protocole d’enquête sanitaire. Le cadre de cette étude n’est pas précisé, Nicolas ne se souvenant pas si elle était portée par les pouvoirs publics ou les associations locales. Nicolas déclare ne pas avoir de souvenir des résultats produits, ni qu’il en ait été destinataire. Dans le catastrophisme critique, il n’est pas rare – comme pour Pierre ou Nicolas – que les études de santé génèrent des questionnements. Les études de santé semblent ainsi davantage mettre en alerte les habitant·es, sur ce qui n’est pas dit (Nicolas) ou les inquiéter quand les résultats paraissent alarmants et que l’action publique semble (pour Pierre) avoir du mal à s’en saisir.

« Toujours dans les années 2000, je sais que ma mère a été, ils lui ont pris une mèche de cheveux, elle a répondu à un questionnaire, des choses comme ça. Je n’ai jamais eu les résultats de ce truc-là. Mais je sais qu’il y a eu ça. […] Ma maman est décédée en 2017. Et pendant 10 ans elle s’est battue contre deux types de cancers. Un cancer qui affectait le sang, tout ce qui est plaquettes… Je ne vais pas pouvoir entrer dans le détail hein… Et un qui concernait la moëlle osseuse. Donc elle s’est battue presqu’une dizaine d’années avec ça. Et elle en est décédée. Elle avait 80 ans quand même, elle n’était pas jeune, jeune, non plus. […] Elle n’était pas si jeune que ça, dans le milieu médical, les accompagnants que j’ai croisés, les infirmières, les docteurs, personne ne m’en a pas parlé. Moi on ne m’a pas parlé. Mais on s’est posé la question, nous. […] Elle avait suivi une chimio thérapie tout ça, mais elle n’avait pas perdu les cheveux, elle pouvait quand même un peu marcher dans le village. Si tu veux elle présentait comme une personne qui n’avait pas de maladie grave en fait. C’est pour ça peut être que les gens n’en ont pas parlé entre eux, je ne sais pas. »

Nicolas

« On a été sensibilisés par rapport à des cancers, notamment du sang à un moment donné où il y a eu quelques études [dans les années 90] qui sont sorties, on a eu des échos comme ça, que soi-disant… mais ça n’a jamais abouti [en termes d’action publique], y avait des chercheurs comme vous et même des toubibs qui ont fait des études par rapport à ça pour voir si c’était lié, justement il y avait des leucémies presque dans chaque village, il y avait des cas qui se déclaraient. »

Pierre

L’expérience de la maladie et du décès d’un proche apparait alors avoir plus de valeur que l’expertise des personnels de santé ou de santé publique. Dans l’enquête par questionnaire, même si la majorité (54,7%) des habitant·es se disent rassuré·es par la mise en place d’études environnementales ou de santé, 41,4% des habitant·es ayant connaissance de personnes qui ont, ou auraient, un problème de santé lié aux pollutions déclarent à l’inverse et dans une plus grande part ne pas être rassuré·es (35% toute population confondue, soit +6,4 points d’écart). Les deux variables sont dépendantes au sens du khi-deux de Pearson [19,27 ; ddl=6 ; p=0,004] [Graphique 1 ; Tableau croisé 1].

Avez-vous été informé·e de personnes qui ont (ou auraient eu) des problèmes de santé dus aux pollutions minières ?
Graphique 1

Pour ces habitant·es, la production d’études apparait donc difficilement capable d’apaiser leurs inquiétudes sur les risques de santé liés aux pollutions quand celles-ci se nourrissent de l’expérience de la maladie dans leur entourage proche. Pour Nicolas, le doute s’est ainsi installé du fait que ses interrogations – portées à connaissance des médecins à l’époque où sa mère malade était encore en vie – n’ont jamais trouvé de réponse. Nicolas souligne n’avoir jamais eu d’éléments concrets qui confirment le lien entre l’exposition aux métaux lourds et la maladie-décès de sa mère. Le constat d’une absence d’un réel intérêt du corps médical est supposé être lié, pour Nicolas, à l’âge avancé de sa mère lors du décès, cet âge renvoyant à un moment de la vie ou les maladies et le décès apparaissent socialement plus acceptables. Pour Nicolas, l’absence de stigmates du cancer de sa mère – liés à la maladie et à ses traitements (perte de cheveux liée à la chimiothérapie, perte de la capacité de marche liée au cancer, …) – aurait empêché une mise en débat de la maladie, et de ses causes environnementales, dans son entourage proche et son voisinage. L’échec ou l’incapacité, énoncés par les habitant·es, des études « à dire » les risques de santé environnementale placent ainsi l’observation et l’expérience comme seuls appuis à l’évaluation sanitaire des pollutions minières.

Éprouver sa maladie ou celle d’un parent

Le doute s’érige quand Nicolas compare le bon état de santé de son père, qui n’a pas grandi sur le territoire de la vallée, et la maladie-décès de sa mère qui, à l’inverse, y a toujours habité. La différence dans les parcours de vie, entre sa mère et son père, est avancée alors comme un élément de preuve d’un impact, sur la durée, des pollutions environnementales sur l’état de santé de sa mère : une preuve que les pollutions minières ont pu peut-être déclencher la maladie, du moins la favoriser. Par son récit, Nicolas nous montre combien la maladie et le décès sont soumis à enquête. L’enquête est apparentée ici à un travail de mises en relation qui mêle preuves, comparaisons et énoncés logiques permettant de rendre plausibles les causes environnementales des épreuves de santé. Si, pour Nicolas, la preuve des causes environnementales de la maladie de sa mère porte principalement sur son ancienneté de résidence sur la vallée (en comparaison de son père, en bonne santé, qui n’y est pas né), Bastien (58 ans) se réfère de façon directe à ses propres expositions aux pollutions environnementales pour rendre compte de ses problèmes de santé. Il habite le territoire depuis sa naissance. Il est issu d’un milieu « ouvrier-paysan ». Il est atteint, depuis plusieurs dizaines d’années, de maladies chroniques (diabète, hypertension et maladie thyroïdienne). L’idée – d’un rapprochement entre ses problèmes de santé et le milieu de vie pollué dans lequel il a grandi – émerge dans les années 2010. Une période qu’il associe à une publicisation des débats dans la vallée et d’une prise de conscience de son exposition multiple aux pollutions environnementales par ses pratiques de baignade et de pêche dans l’Orbiel, de consommation de légumes produits en bord d’Orbiel et irrigués par le cours d’eau.

Bastien n’a pas de doute sur le fait que ses pratiques de pleine nature ont généré une imprégnation massive de son corps aux métaux lourds. Il établit par ailleurs un lien direct entre l’imprégnation et l’apparition ou l’aggravation des problèmes de santé avec lesquels il vit aujourd’hui, et peut-être même ceux de sa compagne (dont il ne précise pas la nature). Il craint également que d’autres problèmes de santé apparaissent à l’avenir. Le récit de Bastien montre que les pratiques passées peuvent être réinterrogées par le prisme des risques actuels et futurs de santé. Il souligne également la solidité pour certain·es habitant·es de la mise en relation entre exposition, imprégnation et survenue de problèmes perçus de santé. Il montre enfin que la publicisation des débats en santé environnementale favorise souvent une mise en récit rétrospectif des causes environnementales de la maladie. Il montre enfin que la publicisation des débats en santé environnementale favorise souvent une mise en récit rétrospectif des causes environnementales de la maladie.

« Je me suis toujours posée la question [au sujet des cancers de sa mère] « Est ce qu’on a un lien avec le fait d’avoir grandi ici et d’avoir habité ici ? » mon père, il a 82 ans, lui il est en parfaite santé. Mais lui il n’a pas grandi ici, il était plus à Montaulieu, un petit peu plus loin. Et donc je me suis demandé « est-ce qu’il n’y a pas un lien de cause à effet ? » sans chercher plus quoi. Ma mère disait « peut-être qu’il y a un lien. »

Nicolas

« Lorsque j’étais enfant, on se baignait dans l’Orbiel. Pendant que les parents jardinaient quand j’étais gamin, on allait pêcher et se baigner. L’Orbiel était notre terrain de jeu. Donc voilà, si pollution il y avait, il y en a eu, on en a absorbé par tous les pores quoi. En se baignant et en consommant les légumes. Vous savez c’était… Je suis issu d’une famille ouvrière, paysanne, et donc le rapport à la terre était très important, et donc voilà on vivait dans le vieux village proche de l’Orbiel. Donc la maison familiale qu’occupe encore ma sœur est dans une rue proche de l’Orbiel. Et donc l’Orbiel a été notre terrain de jeux, notre lieu de rencontre, les légumes, le jardin, tout quoi. […] Je savais que c’était pollué mais encore une fois, je ne faisais pas de lien spécifique avec une éventuelle dégradation de mon état de santé. Et puis voilà il y a une dizaine d’années, quand on a parlé véritablement des problèmes de pollution liés à Salsigne, c’est là que j’ai commencé à me dire « ah tiens, effectivement, tes problèmes de santé sont peut-être en partie dus à ça ». Ou tout du moins, ça n’est pas anodin. Ça a peut-être aggravé : tu les aurais peut-être eus, mais ça a peut-être aggravé. […] disons qu’il y a comme un petit diablotin, vous savez comme les petits dessins animés qui, de temps en temps, s’est mis à dire « tiens il n’y a pas de fumée sans feu, qu’est-ce que cette pollution est venue faire dans notre vie ? Et va maintenant impliquer dans ma ou notre – puisque mon épouse est dans le même cas, elle a d’autres problèmes de santé – et pour le futur… »

Bastien

De façon générale, la population est partagée sur le sentiment d’être exposée aux pollutions. Il est à noter cependant, dans l’enquête par questionnaire, que 51,4% des habitant·es – ayant un membre de leur entourage (familial, amical, …) pensant rencontrer des problèmes de santé liés à la pollution de l’ancienne activité minière – indiquent se considérer particulièrement exposé·es à cette pollution, contre 32,4% toute population confondue (+19 points). Les deux variables sont dépendantes au sens du khi-deux de Pearson [68,37 ; ddl=4 ; p<0,001] [Graphique 2 ; Tableau croisé 2]. L’expérience de la maladie au sein de l’entourage renforce ainsi le sentiment des habitant·es d’être exposé·es aux pollutions liées à l’ancienne activité minière, cela traduisant la puissance du lien constitué, pour ces habitant·es, entre la perception des problèmes de santé et la qualification de leur exposition aux pollutions.

Avez-vous des proches qui pensent rencontrer des problèmes de santé liés aux pollutions minières ?L’attribut alt de cette image est vide, son nom de fichier est image-2.png.
Graphique 2

Le témoignage de Bastien n’est pas isolé[1]. Juliette a été également, pour un temps, sur la piste environnementale de ses problèmes de santé et de l’étiologie de sa maladie. Près de 15 ans après le diagnostic de ses problèmes thyroïdiens, Juliette, 48 ans (qui vit aujourd’hui depuis 5 ans à Bayonne), s’est posée la question de sa propre imprégnation à la pollution du territoire, à travers la consommation de produits du jardin irrigués par le cours d’eau. Et c’est la découverte de traces d’arsenic chez des enfants de Lastours, à la suite des inondations de 2018, qui l’a amenée à examiner cette hypothèse. Bastien et Juliette, comme d’autres habitant·es, ne cherchent pas particulièrement à éprouver leur raisonnement par une expertise médicale de leur état de santé[2]. Ils·elles n’en éprouvent pas le besoin. Si pour Juliette, sa maladie ne rencontre aucun précédent dans sa famille, elle demeure aussi consciente des difficultés d’en prouver la cause environnementale. Juliette dit avoir abandonné toute investigation

« Et le jardin qui était irrigué par l’eau de l’Orbiel, il irriguait avec une pompe et du coup le jardin était irrigué avec de l’eau de l’Orbiel… Et nous on mangeait les légumes de là. Moi j’ai un problème de thyroïde, j’ai une thyroïde qui fonctionne plus, personne dans la famille n’a de problème de thyroïde et c’est vrai qu’on s’est demandé si ça ne venait pas de là aussi… […] Je vis à Bayonne… mais bon ça s’est déclaré en 2004, j’étais ici ! Mais c’est vrai que voilà, il n’y en a pas dans la famille, personne, après y a eu cette histoire où on a entendu parler du côté de Lastours, l’arsenic, on a toujours dit « peut-être que ça vient de là » mais on ne s’est jamais rapprochés d’associations ni rien… […] J’en suis arrivée à suspecter l’environnement quand il y avait eu ces enfants, là, à Lastours [suite aux inondations de 2018], qui avaient un trop fort taux d’arsenic et tout ça. Et on s’est dit « Tiens mais y avait peut-être avec l’eau, du coup y avait peut-être un danger avec l’eau et avec le jardin et du coup y a peut-être des… » Mais après on s’est dit que partir dans une procédure, ou comment le prouver etc. on n’est pas trop là-dedans, et une fois que c’est déclaré, c’est déclaré hein. Moi, ma thyroïde, elle s’est arrêtée de fonctionner. Donc j’ai un complément en Levothyrox et puis je vis normalement quand même mais voilà… »

Juliette


[1] En effet, parmi les habitant·es ayant indiqué·e être préoccupé·es par la pollution liée à l’ancienne activité minière, 80,8% des répondant·es nous indiquent être « plutôt d’accord ou tout à fait d’accord » avec le fait que la raison de cette préoccupation est liée à son impact sur leur santé et celle de leurs proches. [Tableau 1]

[2] Ainsi à la question « Q75. Avez-vous, vous ou quelqu’un de votre foyer, consulté un médecin pour des problèmes de santé que vous pensez associés à la pollution de l’ancienne activité minière ? », seuls 7,5% des habitant·es répondent par l’affirmative. [Tableau 2]

Éprouver la maladie par la narration de cas suspects dans son environnement de vie

Si pour certain·es habitant·es la maladie et le décès d’un parent, ou sa propre maladie[1], facilitent la mise en cause des pollutions environnementales dans les expériences de santé, pour d’autres, la réalité des impacts sanitaires des pollutions se construit par le constat d’une accumulation de cas suspects de maladie ou de décès recensés dans le voisinage ou dans l’environnement professionnel. Pour Sophie, l’observation des cas de maladies ou de décès s’opère, ainsi et avant tout, auprès de ses voisins (cancers) et des patient·es auprès desquel·les elle a travaillé (maladies neuro dégénératives). L’alerte se construit au regard non pas du nombre de cas mais du caractère précoce, en âge, des personnes malades ou décédées. Sophie impute ces maladies et décès aux pollutions d’après-mine, d’autant plus qu’elle considère que l’augmentation de problèmes de santé coïncide souvent (de façon « statistique ») avec la présence de métaux lourds dans l’environnement. Ce qui est évident dans la vallée de l’Orbiel. Pour Sophie, si certain·es habitant·es de la vallée sont déjà malades, d’autres ne le sont pas encore mais le seront. L’absence de données officielles, sur les liens entre pollution et problèmes de santé, ne vient pas contrarier la certitude que ses observations de maladies et de décès sont des conséquences tangibles de la pollution. Au contraire, Sophie considère que sa connaissance du territoire, de son voisinage, et son expérience professionnelle lui donnent l’opportunité d’observer les effets sanitaires de la pollution, et de lier entre eux décès-maladies et pollutions. Une opportunité ayant pour Sophie une valeur d’expertise tant cette dernière n’est pas à la portée de tous·tes les habitant·es de la vallée. Une expertise peu commune qui explique aussi, selon Sophie, la faible diffusion du problème « colossal » de santé publique auprès des habitant·es de la vallée : le problème sanitaire demeurant peu visible pour tout un chacun. Comme Juliette et Bastien, Sophie opère par ailleurs une mise en perspective de la situation vécue, ici et maintenant, avec des expériences du passé. Elle se remémore, dans les années 90 (lorsqu’elle avait 25 ans) des « pancartes » ou des « histoires de cancers »[2], qu’elle érige aujourd’hui comme des premiers éléments d’alerte, même si Sophie se rappelle avoir alors accordé peu d’intérêt à ces informations.

« Les inconvénients ici, on les a découverts, ils sont masqués, c’est plutôt par rapport à la santé. On découvre au fil du temps, telle ou telle personne est contaminée par le cancer, est victime d’un cancer. Et on se pose des questions. […] maladies neuro-dégénératives, Alzheimer ou apparentés.  […] autour de la Vallée. Moi qui travaillais [dans un établissement médical] en EHPAD, il y avait deux personnes de villages de la Vallée qui étaient victimes de maladies neuro-dégénératives, Alzheimer ou apparentés. […] ça m’a alerté mais avant on le savait. Dans les années 90, des histoires de cancer on le voyait. On savait qu’il y avait des affiches, des pancartes. […] elles y sont restées très longtemps puis elles ont été enlevées. […] A l’époque c’était un peu comme des affiches qui ne voulaient pas dire grand-chose. Enfin qui ne percutait pas trop pour moi. Et puis au fil du temps, on apprend que telle ou telle personne… qu’il y a des morts supplémentaires, un peu prématurés aussi peut-être. Et puis voilà dans le village il y en a un cancer de la vessie, cancer du sein [l’enquêtée désigne les maisons des personnes dont elle fait mention et qui sont atteintes de cancer] […] Et puis on le sait, quand il y a des contaminations aux métaux lourds les statistiques augmentent automatiquement donc c’est facile de penser qu’il puisse y avoir un lien. […] Notre prise de conscience, sur les risques qu’on encourt en vivant ici est de plus en plus forte, sur les 20 dernières années. En fait, en ce qui me concerne, ça fait moins de 10 ans où je me dis quand on vient, quand on boit l’eau de la source, quand on mange des légumes, quand il y a du vent qui souffle et qui pousse les poussières d’arsenic, ou d’autres choses hein. Je me dis qu’on peut se faire contaminer. Et s’imprégner de substances toxiques qui développeront peut-être une maladie chez nous. […] Je pense qu’il y a beaucoup de personnes qui n’ont pas les connaissances ni les compétences nécessaires parce qu’on ne leur a pas expliqué le danger… Elles ne connaissent pas les conséquences. […] Disons qu’il y a un problème de santé publique qui a émergé, qui est colossal. Qui concerne des milliers de gens, j’ai oublié le chiffre mais disons … je pense qu’on est moins de 20.000 dans la Vallée. […] Et sur ces personnes, quand on entend les gens qui disent, cancer, cancer, Alzheimer »

Sophie


[1] A la question de savoir si les enquêté·es sont personnellement ou un membre de leur foyer concerné·es par un problème de santé lié à la pollution de l’ancienne activité minière, les réponses au questionnaire montrent une hiérarchisation des pathologies et troubles cités : les cancers arrivant au 1er rang des maladies déclarées (6% de la population totale d’enquête). Se reporter à l’Annexe n°2 – Rangs des problèmes de santé énoncés par les enquêtés par questionnaire en page 281

[2] Les souvenirs de Sophie concordent avec les premières interrogations des habitants (dans les années 90) qui ont émergé à la suite de l’inondation de 1996 et des premières études de santé auprès des habitants (une étude d’imprégnation et une étude de surmortalité par cancer en 1997-1998).

Désigner des enfants-victimes de pollutions chroniques et accidentelles

Si la santé des mineur·es et la survenue des cancers (ou des maladies) apparaissent comme des preuves tangibles de l’impact sanitaire des pollutions environnementales, pour Thierry, et dans une majorité de cas dans le catastrophisme critique, la santé des enfants attise les inquiétudes les plus tenaces pour l’avenir (problèmes respiratoires, stérilité, cancers).

« Ils avaient collé des étiquettes la mort de l’Orbiel avec l’arsenic et tout ça. Après […] Ce n’est pas que je ne dis pas que je ne m’inquiète pas pour moi, je m’inquiète un petit peu, mais c’est surtout les enfants. Ça m’embêterait qu’elles soient stériles ou qu’il y ait quoique ce soit parce que voilà… Parce qu’on n’aurait pas pris les choses à temps, qu’on nous aurait mentis… »

Thierry

S’interroger sur les liens entre santé des enfants et exposition à la pollution permet pour les habitant·es d’exprimer des craintes pour l’avenir et l’héritage transmis aux générations futures. Ainsi dans l’enquête par questionnaire, 80,3% des habitant·es ayant des enfants mineur·es au sein du foyer, se préoccupent de la pollution liée à l’ancienne activité minière, contre 70,6% toute population confondue (+9,7 points). Les deux variables sont dépendantes au sens du khi-deux de Pearson [8,97 ; ddl=2 ; p=0,011] [Graphique 3 ; Tableau croisé 3]. La présence d’enfants au sein du foyer tend en ce sens à renforcer sensiblement l’attention portée par les habitant·es aux risques qui pourraient résulter de l’exposition aux pollutions liées à l’ancienne activité minière.

Avez-vous des enfants mineurs au sein du foyer ?
Graphique 3

Les inquiétudes dépassent le seul cercle familial. Dominique s’inquiète moins pour ses enfants – ces derniers n’ayant pas passé leur petite enfance sur le territoire – que pour les enfants qui grandissent dans l’environnement pollué de la vallée. Les craintes sont d’autant plus vives pour Dominique que la pollution est selon elle généralisée, bien au-delà des seuls sites d’exploitation, par infiltrations souterraines ou par des effets de transfert des polluants via les cours d’eau. Elle prend appui sur des relevés de pollutions problématiques (dont elle ne mentionne pas la source) réalisés dans les cours d’eau en aval des sites miniers et dans une commune plus à l’est de l’Orbiel – qu’elle pensait plus préservée par sa localisation géographique –. Ils administreraient la preuve, selon elle, de pollutions pouvant échapper au territoire de la vallée, et être en ce sens moins contrôlables.

« Moi ça m’interpelle pour nos enfants, nos enfants ils sont pas ici, mais pour les enfants, la jeune génération qui vient… […] Quand j’ai appris que tous les dépôts, tous les restes de cyanure et de produits toxiques avaient été entreposés, étaient entreposés dans des collines, des collines hein, je sais pas si vous avez vu où ils étaient et que ça descend à chaque pluie, on a vu aussi les résultats des prélèvements qui ont été faits dans l’Orbiel et dans l’Aude successivement y a quelques années, y a 4 ou 5 ans, ils ont fait des prélèvements au moment de l’hiver, à plusieurs moments de l’année […] Donc c’est pas seulement la vallée de l’Orbiel c’est tout ce qui va vers la mer. Et j’ai entendu dire aussi que y avait eu aussi des prélèvements qui avaient été faits en sous-sol dans la région et que la pollution était déjà arrivée au niveau de Laure-Minervois. Ils avaient déjà relevé des taux anormaux de cyanure pas dans les rivières, mais par infiltration dans les nappes phréatiques. Donc c’est vrai que bah voilà… Moi, par rapport à moi, je vous dis… Je ne pense pas que ça ait des répercussions sur ma santé à moi, mais c’est quand même grave pour la santé de tous les jeunes. »

Dominique

Dans le régime de perception du catastrophisme critique, la situation à risque – qu’elle relève d’une incapacité des autorités publiques à contrôler la pollution du territoire de vie, à l’échelle de la vallée et au-delà (son expansion), et à protéger les populations de maladies graves – est jugée d’autant plus insupportable qu’elle porte sur l’exposition des enfants. D’une part, contrairement à celle des adultes, la santé des enfants est vierge de comportements dits à risque comme ceux qui relèvent par exemple des pratiques alcoolo-tabagiques ou professionnelles. D’autre part, les enfants se présentent comme des victimes innocentes qu’il faut « par nature » protéger. Les questions de santé environnementale rebattent en ce sens les cartes de la responsabilité individuelle : si un adulte peut accepter la prise de risque, s’en protéger voire en nier l’existence, un enfant n’a de facto aucune de ces possibilités. Thomas nous indique ainsi que face à l’arsenic contenu dans les sols, les enfants n’auraient pas les mêmes capacités à s’extraire de pratiques à risque : ils seraient « les principaux impactés par cette pollution » au regard des contacts mains-bouche.

« Ensuite, les enfants qui passent leur temps les mains dans la terre, les jeunes enfants, et qui mettent la main à la bouche, alors évidemment ils vont en bouffer eux de l’arsenic minéral. […] Il faudrait que chaque habitant du village qui a un jardin sache exactement combien il y a dans son jardin. Et si ces enfants peuvent jouer là ou pas. C’est tout. […] je trouve ça dommage qu’il n’y ait pas un petit panneau avec marqué « Attention, c’est une zone risquée, ne laissez pas vos enfants jouer les mains dans la terre ». […] [Mathéo montre un minéral chargé en arsenic à l’enquêteur] Donc y a aussi de l’arsenic. D’ailleurs. Faudra se laver les mains [rires] en fait ce n’est pas dangereux de l’arsenic on peut en avoir partout sur les mains, tant qu’on ne les met pas à la bouche, ça va. C’est pour ça que les enfants sont les principaux impactés par cette pollution. »

Thomas

Les analyses du sol ou de l’eau, les résultats des études d’imprégnation, notamment auprès des enfants (réalisées par les associations à la suite des inondations), permettent de matérialiser la pollution et ses risques, en d’autres termes la vulnérabilité des habitant·es et des enfants face aux problèmes de santé environnementale. Dans le régime de perception du catastrophisme critique, la réalité est établie et robuste. La situation est alors d’autant plus insupportable que la presse « en parle » ce qui rend la situation plus réelle, qu’elle s’est largement saisie de l’affaire des « enfants empoisonnés de Lastours » sans pour autant, selon Thierry, que le problème de la pollution, et de ses impacts sanitaires, aient trouvé depuis, une réelle issue.

« C’est un article dans la presse, c’est les enfants empoisonnés de Lastours qui ont tout déclenché. C’est l’article de je sais plus quel journal c’était, je l’ai sauvegardé cet article, je sais plus quel journal c’était, je ne sais pas si ce n’était pas dans Libé, c’est cet article-là qui a tout déclenché. Parce que voilà, du coup tout le monde s’est dit « mais en fait, y a une montagne d’arsenic au-dessus de notre tête qui nous dégringole dessus chaque fois qu’il pleut un peu trop ». Mais des années après on se rend compte que ça n’a pas servi à grand-chose finalement. Moi quand je descends pour aller à Carca, que je traverse Villemoustaussou, je me souviens très bien quand ça avait été inondé, que j’étais descendu là-bas en bécane, que j’avais de l’eau jusqu’au filtre à air de la moto et que toutes les vignes de Villemoustaussou étaient sous l’eau, que y avait des frigos, des machines à laver qui avaient été emportés, des morceaux de maisons qui étaient dans les vignes »

Thierry

Perte de confiance et critiques des pouvoirs publics

Le catastrophisme critique suppose une mise en cause d’autant plus forte des pouvoirs publics que les habitant·es sont persuadé·es du lien causal entre les pollutions du territoire et le développement des problèmes de santé. Sophie énonce la responsabilité, selon elle, des autorités publiques de contrôle qui n’auraient pas vérifié la toxicité et les quantités de déchets importés par les anciens propriétaires du site dans les dernières années d’exploitation. Si la responsabilité des autorités publiques pour Sophie est sans conteste engagée, elle s’interroge sur le caractère volontaire-involontaire des décisions des pouvoirs publics qui ont permis aux industriels d’entreposer des déchets toxiques pour la santé humaine, les problèmes d’environnement qui s’accumulent renforçant le sentiment de vivre dans une zone délaissée du point de vue environnemental et social.

« Quand les australiens sont arrivés aussi, quand les australiens ont racheté. Ça, ça a été pire que tout. […] il y a des galeries qui ont été remplies […] moi mon avis c’est qu’il n’y a pas eu d’autorité qui contrôlait. Et là je pense, pour moi, qu’il y a eu défaillance de l’État ou d’un organisme de contrôle. Je ne pose pas de jugement hein. C’est juste un constat : on y a entassé des choses, sans contrôler quoi et en quelle quantité, et quel type de pollution on faisait rentrer, sans se soucier de … Des conséquences qu’il pouvait y avoir sur la population. Quitte à … j’espère que ce n’est pas le cas hein… qu’il puisse penser « bah tant pis hein, on sacrifie un petit bout de région, ces trucs là il faut bien les mettre quelque part»

Sophie

De façon presque évidente, la critique et le doute se déplacent vers le niveau de prise en charge institutionnelle de l’impact sanitaire, sur la population, des anciennes activités minières et de stockage des déchets importés. Dominique estime en ce sens que les données de santé des habitant·es de la vallée, sur les pathologies notamment cancéreuses, existent et sont disponibles auprès de la sécurité sociale : il suffirait selon elle de traiter ces données de santé pour établir les liens de causalité et d’identifier les pathologies cancéreuses. Mais pour Dominique, et d’autres habitant·es, il n’y a pas de volonté en ce sens. Dominique estime d’ailleurs que l’absence de volonté évidente indique certainement une volonté de dissimulation d’un impact sanitaire avéré qui rendrait le silence des « administrations locales » coupables. Dominique construit cette position critique sur la base d’une discussion – qu’elle nous indique avoir eu – avec une médecin. Cette dernière lui aurait relatée des pressions subies de la part des « administrations locales » pour ne pas « faire de recherches chez ses clients » et même « ne pas parler de ça » avec sa patientèle. Par son récit, Dominique nous met sur la voix du mécanisme qui conduit à énoncer des situations à risque, des victimes dissimulées, des responsables coupables de ne rien mettre en œuvre pour protéger les populations de la vallée aujourd’hui, en écho de problèmes qui se sont installés dans la durée.

« J’aimerai que les pouvoirs publics fassent des recherches par rapport aux pathologies existantes […] Moi je ne les connais pas toutes mais pour les pathologies cancéreuses, est ce qu’il y a une incidence plus importante dans la vallée que dans le reste du territoire de l’Aude ? Les maladies du sang, les leucémies et compagnie […] Je pense qu’il y a possibilité de le faire. […] Je pense que la sécurité sociale devrait faire des enquêtes pour savoir s’il y a plus de tels ou tels cancers dans ce territoire. Mais ça ne se fait pas […] J’en ai parlé avec [… une médecin], elle m’a dit « ça ne se fait pas ». Pourquoi ça ne se fait pas ? Ils ont toutes les données. Ils ont toutes les données pour le faire, ils pourraient le faire ? […] Même pire, mon amie qui est médecin à […], a subi des pressions pour ne pas rechercher chez ses clients pour ne pas parler de ça. […] Ce n’est pas l’État, c’est les administrations locales qui ne veulent pas que la région subisse des conséquences négatives de la pollution. Que l’immobilier perde de la valeur, que les touristes ne viennent plus, que les gens n’achètent plus de vin de l’Orbiel… C’est ça dont on a peur. C’est l’équilibre de la région, l’équilibre économique. »

Dominique

Le mécanisme est robuste. Il s’appuie sur l’énoncé de deux principaux mobiles : 1) la préservation du territoire face aux risques économiques actuels d’une trop forte visibilité des problèmes sanitaires (dépréciation de la valeur de l’immobiliser, baisse de la fréquentation touristique, diminution des ventes de vins issus de la vallée…), et pour Agata, Thomas ou Jean 2) le gouffre financier de la dépollution ou d’une reconnaissance-réparation des dommages de santé dans la vallée et par extension sur l’ensemble des sites français.

« Après je me dis qu’il y a tellement d’argent en jeu, évidemment ils ne vont pas nous dire « Oui, c’est ultra pollué, il va y avoir des conséquences pendant tant d’années, va falloir faire attention à ceci ou à cela… » Pour les malades, s’ils reconnaissent tous les méfaits que ça a sur la population ça va coûter de l’argent donc je me doute bien que ça n’ira jamais très loin tout ça. »

Agata

« Pour moi, je dirais que ce qui est fait par les pouvoirs publics est très nettement insuffisant, et qu’à tous les niveaux, que ce soit celui des élus, de la préfecture, même au niveau des particuliers, on constate que l’aspect financier va toujours primer sur l’aspect sanitaire… […] Tout ce qui coûte des sous, et bah non… On se trouve face à une inertie bureaucratique et ministérielle qui est colossale. […] Si c’est pris en charge ici, ça va créer une jurisprudence quelque part, un précédent en tout cas et c’est un gouffre financier… »

Thomas

« C’est l’État le pollueur. […] On dit pollueur-payeur, c’est une doctrine de l’État, et là le problème c’est que l’État doit se l’appliquer à lui-même […] là tout d’un coup ça le fait moins. […] L’État fait en sorte de minimiser les choses parce qu’en dernier ressort c’est lui qui va payer. […] Dès la fin du 19ème, c’est 100 ans d’exploitation de l’État français. Donc si quelqu’un doit payer, doit mettre la main à la poche pour dépolluer, c’est à 99% l’État. L’État traîne énormément des pieds. »

Jean

Bien évidemment, la situation ainsi énoncée génère, pour Thierry et Corinne, de la colère chez les habitant·es qui adhèrent à cette vision du monde dans lequel ils vivent. Un sentiment d’injustice environnementale qui nait des pollutions des activités sur les sites miniers (exploitation et stockage) et qui s’accroit aussi face aux soupçons d’un silence coupable des autorités publiques qui engagerait, sans équivoque pour eux, la santé des habitant·es.

« [Thierry :] Je pense que c’est surtout ça qui fait peur, je sais plus avec qui j’en avais parlé qui disait : « on va faire passer d’abord l’impact économique que la santé » voilà c’est comme ça, ça a toujours été comme ça […] Les gens, ils vont mourir de certains cancers, ça sera la faute d’ici et puis les gens ils vont mourir normalement et puis voilà ça sera comme ça en permanence. Et si ça se trouve, dans 50 60 ans, on nous dira que ça fait tout ce temps qu’on nous ment ! […] La majorité des gens disaient « on a l’impression qu’on nous ment, qu’on s’en fout de la santé de nos enfants, si ça se trouve voilà, dans 15 ou 20 ans ils auront des cancers ». Et puis en fin de compte, on dira ce n’est pas grave. On dira à « ah bah oui, on ne vous a pas dit la vérité, on avait peur que vous quittiez le village ». C’est vraiment les gens se faisaient des… [Ce à quoi Corinne répond :] En fait c’est le silence des autorités de santé et municipales qui ont engendré cette colère, cette… »

Thierry et Corinne

Le sentiment d’abandon et le sentiment de vivre sur territoire de relégation sociale et environnementale se construisent ainsi dans la durée et sur le soupçon, sur le jugement critique d’une (in)capacité des pouvoirs publics à contenir les pollutions de l’après-mine, voire des sites miniers quand ils étaient exploités. De façon générale, la population se dit modérément (« de peu à moyennement ») confiante dans l’État et ses services. La défiance nait du sentiment d’abandon : 44,9% des habitant·es – se déclarant tout à fait d’accord avec l’affirmation selon laquelle les pouvoirs publics les ont abandonné·es par rapport à la gestion des pollutions minières – ne font pas du tout confiance à l’État et ses services pour solutionner les problèmes de pollution, contre 25,6% toute population confondue (+19,3 points). Les deux variables sont dépendantes au sens du khi-deux de Pearson [61,24 ; ddl=6 ; p<0,000] [Graphique 4 ; Tableau croisé 4].

Un sentiment d’abandon vis-à-vis des pouvoirs publics / pollutions minières ?
Graphique 4

En parallèle, 29,1% des habitant·es – se déclarant tout à fait d’accord avec l’affirmation selon laquelle les pouvoirs publics les ont abandonné·es par rapport à la gestion des pollutions minières – ne font pas du tout confiance aux collectivités territoriales pour solutionner les problèmes de pollution, contre 15,2% toute population confondue (+13,9 points) [Tableau croisé 5] Ainsi, si le sentiment d’abandon du territoire par les pouvoirs publics configure une défiance à l’égard de la capacité de ces derniers à prendre en charge le problème des pollutions, il est intéressant de noter que cette défiance est plus marquée à l’égard de l’État que des collectivités territoriales, cette variation mettant certainement en lumière la place singulière occupée par les pouvoirs publics locaux dans la gestion des pollutions, dès lors que certains maires de commune de la vallée ont parfois pu, eux-mêmes, faire figure de lanceurs d’alerte.

Dans le régime de perception du catastrophisme critique, les habitant·es s’inquiètent d’autant plus des répercussions environnementales et sanitaires des pollutions des anciens sites miniers que des déchets inconnus sont suspectés d’y être toujours enfouis, et que leur toxicité et leur localisation précises sont jugées méconnues des pouvoirs publics. Une histoire troublante circule en ce sens sur le territoire de la vallée. Elle concerne le passage de camions ayant importé des déchets à la fin de l’exploitation minière (à savoir entre les années 1993 et 2010, selon les enquêtés) sur les sites de Salsigne. Les récits des habitant·es renvoient à une réalité juridique et judiciaire : la Cour de Cassation ayant statué en dernière instance et condamné, le 3 avril 2001 en chambre criminelle, des importations illégales de déchets externes à l’activité minière qui avaient été stockés sur les sites miniers dans des conditions contraires aux réglementations environnementales et sanitaires (https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007587219/). Malgré la condamnation – et bien que les déchets aient été renvoyés, par décision juridique, à leur expéditeur– les craintes des habitant·es demeurent. La rumeur persiste. Elle fait situation pour les habitant·es au sens où elle oriente – pour celles et ceux qui s’en saisissent – le diagnostic environnemental de leur territoire de vie et les risques sanitaires auxquels ils·elles se disent soumis·es[1]. Oscar suspecte et s’inquiète ainsi de la présence de ces polluants inconnus, peut-être même radioactifs selon lui, dans les galeries des anciens sites miniers. Il relate avoir observé, à plusieurs reprises, des convois de camions immatriculés à l’étranger, transportant des « containers métal avec des têtes de mort », une signalétique ne laissant que peu de doutes sur la nature hautement toxique des déchets transportés vers l’ancien site minier. Oscar a le souvenir de nombreux camions circulant à une heure tardive de la nuit : des importations de déchets réalisées à l’abri des regards, pendant la nuit alors que personne n’est attentif.

« A deux reprises sur trois mois je crois, quand j’arrive au carrefour, dans la longue ligne droite qui arrive sur Conques, il y a des vendeurs de fruits là… Quand j’arrive, arrive en même temps un camion, un camion mais pas un. Un premier camion semi-remorque avec des inscriptions sur un conteneur, pas très jolies. Et en fait, j’ai compté 35 camions qui arrivaient en gros jusqu’à Conques. Et c’était que des camions immatriculés pays de l’est. Et moi ce dont je suis convaincu, c’est que Salsigne… bon… Je veux dire qu’il y a eu des raisons géopolitiques, je pense quelque part que Salsigne a servi de lieu de stockage pour des produits pas très catholiques. […] C’était bien après la fermeture, ça c’est sûr. Mais je pense de toute façon, enfin moi j’ai vu des containers passer et à 3h du matin de toute façon personne ne calculait quoi que ce soit. Et donc je l’ai revu par la suite et les camions arrivaient jusqu’à Conques. […] C’était carrément des containers métal avec des têtes de mort. Moi je pense que ça peut être des déchets radioactifs ou des produits très toxiques. Sachant qu’en très grande profondeur, ils avaient sondé ou ils avaient fait des travaux mais il y avait des galeries qui permettaient de stocker euh sans doute bah pour … Pour des décennies. […] Moi je serai plus inquiet… L’arsenic c’est une chose, euh surtout qu’il y a des tests de l’eau qui sont faits, et apparemment, là récemment sur des plages ils avaient trouvé des trucs mais l’eau est quand même correcte. Donc moi … je suis plus inquiet sur le long terme à savoir réellement ce qui a été déposé en fait. […]  Le problème peut être plus là que… Alors si ce sont des produits stables. Mais Salsigne je suis sûr et certain a servi à des … comme lieu de dépôt. […] Impacts sur la santé… sur l’environnement… Je ne sais pas. Parce que… Moi je n’ai pas les compétences, mais je pense que le fait de les avoir enfouis en profondeur ça reste euh … En l’état, ça ne représente pas à mon avis un danger imminent ou important. Enfin je pense qu’il y a quand même eu des recherches. Mais ce n’est pas très sympathique tout ça. »

Oscar

Jean-Philippe et Nadine racontent également qu’une partie des déchets importés aurait été brûlée lorsque les mineurs ne travaillaient pas sur les sites. Des pratiques jugées suspectes, érigées en soupçons, qui apporteraient la preuve du caractère dangereux et illégal des déchets importés et de leur gestion. James et Juliette énoncent par ailleurs que les anciennes galeries de la mine auraient pu être volontairement inondées pour éviter que des promeneurs-lithophiles aillent prélever des aragonites et dissimuler ainsi la présence de « fûts toxiques » qui y seraient entreposés. Tous cinq sont certain·es que des stockages de déchets toxiques, dans les anciennes galeries de la mine, existent et qu’ils représentent un risque environnemental mais aussi un risque sanitaire. Selon Oscar, l’impact des déchets toxiques importés sur le site échapperait alors, dans une plus grande mesure, à la surveillance environnementale des sites et à l’évaluation des risques sanitaires que l’arsenic qui peut être a priori plus contrôlable car connu et mesurable. Même si les risques sanitaires ne semblent pas immédiats– il s’agirait de « déchets stables » enfouis en profondeur selon Oscar – ce dernier énonce que les risques sont réels, suspectés d’être diffus ou chroniques ; voire accentués à l’avenir par les inondations, pour James et Juliette. Les récits sur la présence de déchets suspects et toxiques, toujours enfouis dans les anciens sites miniers, sont d’autant plus réels, pour Jean-Philippe et Nadine, qu’ils se propagent par la rumeur à des habitant·es sensibles à l’énoncé d’une catastrophe environnementale et sanitaire certaine et dissimulée aux habitant·es de la vallée.

« [Jean-Philippe] Oui et puis au-delà de l’exploitation minière, il y a eu tout ce qui a été enfoui dans les années 95/2000 et effectivement c’est peut-être ça qui est plus inquiétant. C’est toutes les merdes qui ont été enfouies et dont on ne sait pas du tout la composition et la teneur. [Nadine] Et ça a été brûlé avant d’être enfoui. [Jean-Philippe] Oh pas uniquement ça non. Il y a aussi … [Nadine] Oui enfin ils se sont servis des trucs pour les faire brûler enfin c’est ce qu’ils disaient dans le documentaire. [Jean-Philippe] Ouais, ouais donc euh … [Nadine] Et puis il y a aussi ces personnes qui témoignaient qui disaient avoir vu passer des camions et des camions de je ne sais quoi qui montaient à Salsigne. [Jean-Philippe] Non mais c’est vrai que des fois à la faveur de discussions, certains témoignent. J’avais aussi un ami qui disait que certains jeudis il y avait des mineurs qui étaient de repos et ils savaient qu’ils brûlaient des choses. Donc effectivement au bout d’un moment les langues se délient ou à la faveur des discussions on se rend compte que, depuis belle lurette, il y avait quand même des choses un peu bizarroïdes. »

Jean Philippe et Nadine

« [James :] Parce qu’on est persuadé, moi je suis persuadé que dans les galeries de la mine, il doit y avoir des fûts de produits toxiques et tout qui ont été descendus là. Et ça a été inondé et on a dit que c’était pour éviter que les gens n’aillent chercher de l’aragonite, c’est une pierre qu’on trouve dans les grottes ici, c’est joli… Moi je ne suis pas persuadé… [Juliette :] Après c’est des supputations, on n’a pas de preuves de ça […] On voyait passer des camions… On ne les contrôlait pas tous et puis on savait qu’ils allaient à Salsigne. [Juliette :] ce n’est pas illégal forcément, mais enfin bon ! [James :] Ça ne doit pas être très bon pour l’environnement et l’écoulement des eaux [rires] Je ne suis pas très scientifique mais… Quand il y a après des épisodes [les inondations] comme on a subi il n’y a pas longtemps, je pense qu’il y a des choses qui doivent remonter qui ne doivent pas être top, top… »

James et Juliette

Une situation d’abandon qui n’est pas sans rappeler à Yassin les friches industrielles qu’il observe à Carcassonne. Le sentiment d’abandon s’imbrique ainsi dans un énoncé plus général sur la responsabilité des autorités publiques à gérer l’après-activité industrielle. Yassin dénonce ainsi l’absence de réglementations imposant une remise en état environnemental des anciens sites industriels par les exploitants.

« À partir du moment où l’activité minière est terminée, il reste plus que des déchets et plus personne ne s’en occupe. Et c’est là que ça interpelle. […] Il y a plusieurs endroits à Carcassonne qui me font penser à ça […] ce phénomène là c’est assez choquant. […] l’abandon des bâtiments, la non-gestion et le non-entretien du patrimoine. […] Ça rejoint un peu ce dont on parle [l’abandon des sites miniers], avec en plus le problème de la pollution. […] il faudrait que la réglementation soit faite pour qu’au moment où une entreprise fait des bénéfices en exploitant les ressources, il y en ait une partie qui soit mis de côté de façon à ce que quand on arrête d’exploiter ce soit remis en état. Et bon alors après la réglementation c’est à l’État de la gérer, et de faire que ce soit une obligation. […] On a ignoré l’usine d’or, on ne s’est pas inquiétés des problèmes néfastes. Le problème est là. […] On rejoint les bâtiments abandonnés, tout ça, ça se rejoint. C’est-à-dire qu’extraire de la nature un certain nombre de produits, les transformer, les exploiter, bon pourquoi pas ; mais il faut aller jusqu’au bout de la chaîne. C’est-à-dire qu’on exploite à mort et on se moque complètement de ce qui se passe derrière en termes de déchets. Et là ce qu’on vit c’est la conséquence de ça. »

Yassin

Pour Bastien, le problème se pose également pour la mine lorsqu’elle était en activité. L’absence de normes plus strictes, voire un jeu supposé négocié entre les pouvoirs publics et les entreprises sur les normes d’émission des polluants et leur contrôle, auraient participé à l’augmentation de l’impact environnemental des activités productives. Pour eux, le sentiment d’abandon nait ainsi d’un jugement tenace portant sur l’incapacité de l’État à imposer, par la réglementation et le contrôle, des actions de prévention en amont et de suivi en aval qui auraient permis de préserver le bon état chimique et écologique des milieux dans les anciens territoires industriels.

« C’est un peu comme l’amiante, on savait que c’était dangereux, mais à un moment donné tant on a maintenu l’utilisation de l’amiante pour des raisons économiques… Moi je compare toujours la situation de la vallée de l’Orbiel à ça : on a des normes de dangerosité et parfois on adapte ces normes pour des raisons économiques plus que de santé publique. Parfois certaines normes évoluent à la hausse parce que c’est plus facile d’augmenter la norme d’admissibilité d’un produit que de modifier des process de fabrication, de provoquer le chômage, etc. Je me dis que la mine de Salsigne était un gros pourvoyeur d’emplois. »

Bastien

Pour Peter, le sentiment d’abandon nait plus généralement du sentiment que le territoire a été (est) sacrifié au regard d’intérêts purement économiques, au détriment de la santé des habitant·es.

« Même par rapport à la pollution, je reconnais que Salsigne économiquement ça a eu du poids. Les volontés politiques qui ont fait, peut-être ne sachant pas l’impact des pollutions ou peut-être en ne voulant pas savoir, que ça [l’activité minière] perdure. Privilégier l’économie une fois de plus, comme maintenant. »

Peter

Dans le régime de perception du catastrophisme critique, l’intervention des pouvoirs publics– qui vise à contenir les pollutions ou à protéger, par des recommandations sanitaires, les populations d’une exposition aux pollutions – semble alimenter plus de trouble que d’assurance. Pour Nicolas, les travaux de l’ADEME, présentés en leur temps comme « un des plus gros chantiers de dépollution de France », auraient dû permettre de contenir l’exposition à la pollution. Or, ils auraient alimenté à l’inverse, pour Nicolas, les soupçons : face au manque d’information et aux doutes sur leur capacité à limiter efficacement les pollutions, la destruction des anciens bâtiments d’exploitation a pu être perçue comme une tentative pour masquer le problème. Les actions qui auraient ainsi consisté à recouvrir les sols pollués par de la terre ou à planter des arbres sur les anciens sites miniers peinent à convaincre de leur efficacité[2].

« Il y a un truc qui m’a rassuré à l’époque c’est, mais j’ai vite déchanté, c’est quand j’ai su que [Salsigne] était un des plus gros chantiers de dépollution de France entrepris par l’ADEME. Mais ça je l’ai appris, par hasard un peu l’info, personne n’est venu ici me dire « est ce que vous êtes au courant qu’on va lancer un grand chantier » alors du coup je me dis « est ce que ce n’est pas du replâtrage ou un truc comme ça » du coup ça me rassure tout en me mettant sur le fil du rasoir. Y a plus ces bâtiments, j’imagine, j’espère qu’il y a eu une amélioration par rapport à ça, mais à mon avis si je devais dire le fond de ma pensée, je pense qu’il n’y a rien qui a été fait en fait. En fait, je me dis ça a été laissé à l’abandon « Ciao, démerdez vous ! » j’ai ce sentiment-là. »

Nicolas

Pour Jean, « on nous remet de la terre, on nous plante des arbres qu’on n’arrose pas et qui meurent, mais globalement la pollution n’a pas été dégagée. C’est-à -dire qu’à tout instant il peut re-pleuvoir et ça refera la même chose. […] ». Dominique et Lauranne partagent l’idée que « tout enfouir sous un tas de terre » n’est pas une solution acceptable. Les équipements et dispositifs permettant de contenir les pollutions (bassins de rétention) sont identifiés par ailleurs comme une source de pollutions, du fait qu’ils peuvent déborder lors des intempéries.

Geneviève et Adam s’en inquiète. Pour Geneviève, les doutes concernent également les recommandations de santé publique concernant la consommation des légumes du jardin ou l’entretien de la maison. Ils administreraient simplement la preuve qu’il y a un problème de pollution à la source non géré. Parfois même, les recommandations sont jugées inaudibles. Gina souligne une interrogation de son époux sur les interdictions sanitaires de consommation des légumes du jardin alors même que les viticulteurs ne sont pas inquiétés pour le raisin qu’ils produisent.

« Il y a de la pollution, ne me dites pas l’arsenic tout ça, les bassins de décantation quand ils débordent. Pourquoi on aurait des tracts de mise en garde officiels, je ne sais plus si c’était la mairie ou le Conseil Départemental : pour ne pas arroser ou consommer l’eau des puits, passer l’aspirateur plutôt que le balai, éviter les poussières, laver souvent les sols. Je ne pense pas qu’officiellement ils nous inciteraient à de telles pratiques s’il n’y avait pas quelque chose en fond. Maintenant après, ça fait des décennies que l’on ne sait pas exactement. […]. »

Geneviève

« Les lacs de rétention en haut, avant que ça ne lâche, c’était connu de tout le monde. Si ce n’était pas des cochonneries, pourquoi on n’en a pas fait une base de loisirs ? On pourrait aller s’y baigner. Voilà, je pousse à l’extrême mais quand c’est mauvais, il faut le dire que c’est mauvais et on assume et on se retrousse les manches et on se met autour d’une table quoi. Ce n’est pas la volonté, je n’ai pas la sensation que ce soit ça qui caractérise les décideurs locaux. »

Adam

« Ils interdisaient de manger les légumes. La vigne a été touchée et on récolte le raisin ! Y a certains maraîchers qui ont continué à cultiver mais l’eau, elle est passée aussi donc bon… C’est un peu… Nous on nous interdit, mais de l’autre côté à certains endroits ils n’interdisent pas… […] Mon mari me dit « Je ne comprends pas. La vigne, on mange le raisin mais la vigne elle a été autant touchée que nous ! » Donc ne me dites pas que dans la terre… »

Gina

Dans le catastrophisme critique, une posture de défiance durable s’exprime dans le discours des habitant·es. Elle s’appuie sur une critique générale du niveau de cohérence et de justesse d’une prise en charge publique, jugée coupable car trop tardive, des problèmes de pollution de la vallée et de leurs impacts sanitaires qui engage la responsabilité des autorités publiques. Leurs interventions renverraient, dans une plus grande mesure, à un aveu des risques encourus (que les autorités publiques n’auraient su contenir ou qu’elles aimeraient éventuellement masquer) qu’à un principe légitime de précaution et de mise en sécurité des populations. Toutes les interventions publiques sont alors sujettes à soupçon, le soupçon permettant d’énoncer un sentiment de défiance vis-à-vis des autorités publiques. Thierry et Peter portent en ce sens un regard critique sur la gestion de la crise post-inondation de 2018. Le changement des consignes sanitaires, énoncé par certain·es habitant·es, quant au sort à réserver aux objets et équipements des établissements scolaires souillés par les inondations (nettoyer versus jeter), cristallise alors les critiques des habitant·es et éveille les soupçons. Des soupçons qui portent tout autant sur la capacité des pouvoirs publics à gérer la situation – les consignes étant jugées erratiques – que sur la dissimulation du problème qui en expliquerait la cause : un errement dans les consignes afin de ne pas informer-alerter-alarmer la population. Or, la conséquence pour Peter d’une telle situation vécue aurait provoqué, à l’inverse, une accélération de la prise de conscience par les habitant·es de la dangerosité des pollutions à l’arsenic, et par incidence, leur médiatisation. Les pollutions deviennent réelles du fait à la fois qu’elles concernent des écoles qui accueillent de jeunes enfants, que la dangerosité des pollutions diffuses se matérialise plus fortement quand les pollutions se concentrent et se déploient de façon accidentelle à la suite des inondations, du fait surtout qu’elles alimentent la défiance des populations vis-à-vis des pouvoirs publics.

« Quand il y a eu les inondations, on a enlevé tout. Ils avaient un tapis de jeu à l’école maternelle, et ça avait été emporté par les inondations et le peu qu’on a pu récupérer, on les avait lavés, on les avait remis pour que les enfants y jouent quoi ! Et une semaine après, catastrophe « Non c’est encore pollué, on n’a pas bien désinfecté » !  […] Déjà le lendemain de l’inondation on avait aidé l’école maternelle et ils avaient des lits d’appoint pour les enfants pour les petites sections […], des petits lits en tissu. Et il y en avait une quinzaine, une vingtaine et ils avaient été souillés par la boue. Et on avait commencé à les récupérer pour les laver parce qu’il y avait une benne à jeter et une benne à laver. Et on voulait les mettre dans la benne à laver et la maîtresse, la directrice de la maternelle nous avait dit… Je l’avais sentie mal à l’aise « Non, non les lits on n’a pas le droit de les garder parce qu’ils peuvent avoir été contaminés » donc ils voulaient jeter. Donc on n’avait vraiment pas pensé sur le moment une contamination à l’arsenic… Mais elle oui, elle avait quand même des informations autres de la mairie puisque c’était eux qui dirigeaient un peu les travaux de nettoyage. Donc elle, elle avait des informations en off. Voilà. »

Thierry

« Cette question [du lien entre inondation et exposition à la pollution], elle est arrivée après. […] je pense que les gens étaient tellement dans l’urgence de ce qu’ils avaient vécu, choqué, et tout ça en fait est arrivé après. Moi j’ai un souvenir à Conques, j’avais vu un reportage où en fait c’était le moment où ils nettoyaient, on va dire l’école maternelle, et y avait une interview de quelqu’un qui disait « On va essayer de nettoyer certaines choses, de les récupérer » et voilà. Et quelques jours après, c’était les discours inverses en disant « Tout a été souillé par l’Orbiel, donc on ne garde rien ». C’est ça qui m’avait un peu alerté. C’est à dire qu’en 15 jours de temps peut être, le discours avait changé à ce niveau-là. […] La question de la pollution est arrivée plus tard […] c’était dans un second temps. Il y a eu l’emballage médiatique aussi derrière qui a fait que des gens ne prenaient peut-être pas conscience et là avec des mesures, des éléments un peu plus concrets, ils ont été peut-être plus sensibilisés à ça. »

Peter

La défiance vis-à-vis des pouvoir publics et le sentiment de vivre dans un territoire d’abandon-relégation social et environnemental, et de prise en charge erratique des problèmes apparaissent finalement comme une conséquence attendue d’une gestion des pollutions chroniques et diffuses jugée défaillante. Cette posture permet de valoriser, dans les récits de certains habitant·es – comme dans ceux de Valérie, Geneviève et Nicolas – le sacrifice de lanceurs d’alerte sur le territoire qui n’auraient pas été entendus : celui de Max Brail notamment (aujourd’hui maire de Lastours) qui aurait été licencié pour avoir dénoncé le problème des pollutions, à l’époque où la mine était encore en activité, et de révéler aussi, pour Tomas, certaines réalités qui auraient été dissimulées[3].

« Et depuis la mine a fermé, ça n’empêche pas tous les problèmes. Elle a fermé en 2004, ça n’empêche pas que les problèmes sont toujours présents. […] Oui, j’ai des parents d’amis qui ont travaillé à la mine. J’ai lu aussi les témoignages de pas mal d’anciens mineurs. Dont un qui est maire de Lastours et qui avait soulevé le problème très tôt, il s’est fait licencier parce qu’il avait parlé de ces problèmes sur l’environnement et la santé des mineurs. »

Valérie

« Il faudrait rechercher les coupures de presse, parce que je n’ai plus les années. Max Brail a dénoncé cette pollution, et il a dénoncé un peu trop fort et donc ils l’ont viré pour faute grave. C’était une façon de se débarrasser du problème. »

Geneviève

« J’ai été manifester quand j’avais une vingtaine d’années. Le maire de Lastours avait soulevé le problème par rapport à l’école […] ils voulaient qu’il y ait des analyses qui soient faites, qu’il y ait de l’information qui circule. […] C’était il y a une vingtaine d’années.  […] Lui je l’avais identifié comme le lanceur d’alerte du coin. Il est connu dans le coin, je me suis dit là il y a un truc. »

Nicolas

Avoir tu les problèmes, avoir fait taire les lanceurs d’alerte – qui les ont énoncés – sert, dans les récits, à justifier l’idée que les problèmes ont toujours été maintenus dans un univers confiné, dans le silence jugé suspect de l’expertise publique.

Dans le catastrophisme critique, les associations locales militantes apparaissent dès lors comme seules capables de révéler les problèmes de pollution. L’audience accordée aux structures associatives militantes dans la recherche de la vérité est inversement proportionnelle à la confiance accordée aux pouvoirs publics et à leur capacité à gérer la situation. Généralement, chacun·e s’accorde sur l’intérêt d’une participation des associations dans la gestion de l’après-mine. Mais 51,6% des habitant·es qui ne font pas du tout confiance à l’État pour solutionner les problèmes de pollution estiment qu’il faudrait, dans une plus part, accorder plus de place aux associations locales et à leurs revendications dans la gestion de l’après-mine (42,4% toute population confondue, soit +9,2 points d’écart). Les deux variables sont dépendantes au sens du khi-deux de Pearson [9,67 ; ddl=4 ; p=0,046] [Graphique 5 ; Tableau croisé 6].

Avez-vous confiance dans la capacité de l’État à solutionner le problème des pollutions minières ?
Graphique 5

Les enjeux portés par les associations locales apparaissent donc d’autant plus portés par les habitant·es de la vallée que la défiance, à l’égard des actions menées par les pouvoirs publics pour faire face aux pollutions du territoire, est forte. Ce résultat est à pondérer par le fait que le partenariat avec les associations apparait au 16ème rang (sur 19) des priorités les plus importantes pour les habitant·es [rang des priorités].

Plus généralement, les mouvements associatifs sont plébiscités dans le discours, contrairement à la seconde figure, celle du scepticisme attentif, dans laquelle ils sont critiqués. Les habitant·es qui adhèrent aux discours des associations locales demeurent plus sensibles à la médiatisation des situations, aux mises « en récits dramatiques » et médiatisées des situations vécues par les familles lors des inondations de 2018, de la publication des résultats d’imprégnation d’enfants de la vallée et de la mise en responsabilité des autorités publiques. Ces récits font échos à leurs propres peurs concernant leur santé, celle de leurs enfants ou de leurs proches. Ils sont parfois aussi reliés, dans un continuum, aux risques de santé-environnementale dont ils auraient été victimes ailleurs et par le passé, comme pour Agata (nuage de Tchernobyl). Selon les habitant·es les plus convaincu·es de la catastrophe, les mobilisations locales auraient eu (et auraient) une vertu générale – celle de forcer la mise à l’agenda des problèmes de pollution et de ses impact sanitaires – et celles, en particulier :

  • Pour Agata et Thierry, d’informer les populations sur la « réalité des pollutions » de la vallée : elle estime notamment qu’elle n’aurait jamais été informée de la réalité du problème des pollutions dans la vallée si les associations n’avaient pas alerté ;
  • Pour Thomas et Sophie, de forcer l’accès à des informations détenues par les organismes de gestion (BRGM et ARS) sur la pollution et les effets sanitaires, auxquelles ils n’auraient jamais eu accès autrement ;
  • Pour Mathéo, Valérie et Thomas, Sophie et sa fille Georgina d’activer de la part des pouvoirs publics et des populations une plus grande attention ou réponse. Ces dernières étant proportionnelles à l’intensité des revendications, à leur médiatisation ;
  • Pour Thomas et Gladys, de produire de la contre-expertise sur les effets sanitaires des pollutions (tests d’imprégnation et témoignages des habitant·es) permettant d‘enquêter et de mettre en défaut les données produites par l’expertise publique.

 « Je pense que c’est grâce aux associations d’ailleurs, que c’est passé dans les journaux, et qu’on a été informé qu’il y avait peut-être un problème. S’il n’y avait pas ça, on ne l’aurait probablement jamais su. Mais quand on voit ce qu’ils publient, c’est affolant. […] j’ai survolé. Ça fait peur […] Pour m’informer je n’ai pas trop confiance dans les pouvoirs publics. »

Agata

« Y a eu une réunion au stade pour dire que suite aux inondations y avait des enfants qui avaient des taux d’As dans le corps, supérieurs à la normale. Il y a une petite association qui a commencé à se créer, les gens ont commencé à avoir peur. Ils ont commencé à coller des affiches dans le village pour dire que le maire, l’État nous cachaient des choses. Alors du coup, ce qui a été fait, c’est qu’ils ont demandé à certains élèves de l’école primaire de tester les enfants. »

Thierry

« Le maire m’a dit après que j’ai acheté la maison « on ne te l’a pas dit mais ta maison est sur le site de la mine et il y avait des sacs d’arsenic, c’est très pollué ». « C’est pollué comment ? On ne sait pas » alors j’ai commencé à me renseigner. Et personne, n’a été foutu de me dire le degré de pollution. Par manque, il y a 10 ans, de chiffres. Il a fallu l’association Gratte Papiers pour mettre un grand coup de pavé dans la marre, pour qu’on ait des chiffres par le BRGM. Entre-temps, le préfet d’avant avait publié des chiffres 10 fois en dessous des vrais, il avait maquillé. »

Thomas

« Au niveau sanitaire l’ARS avait demandé une étude. La directrice de […], j’y travaillais avait participé à une étude, mais je ne connais pas les résultats, il n’y a rien d’affiché. Il n’y a que les associations qui remontent des informations […] On ne voit qu’un seul son de cloche. »

Sophie

« Certains [élus] ont relativisé le truc. Les associations, c’est leur rôle, n’ont pas mis de gants. Ils y sont allés. Et heureusement qu’elles sont là pour secouer le cocotier « eh oh il y a un problème là, monsieur le préfet ou madame la préfète ». Alors évidemment, tout remonte là-haut. »

Mathéo

« Les inondations ont fait ressortir et l’arsenic et les nouvelles substances […] Depuis, les gens s’inquiètent énormément, surtout que ça a beaucoup touché les enfants dans les écoles. […] Quand il y a eu les inondations, qui a décidé de faire des mesures ? Les gens qui sont concernés, il doit y avoir une association qui s’occupe de ça. Ils ont amené ce genre de choses. L’enquête était privée, les gens qui se faisaient tester c’était payant. […]ça vient des gens de par là. Il n’y avait pas eu de prise de conscience des services de l’État. »

Valérie

« [Sophie :] Bah je pense que ça bouge quand même un peu, ce qui a vraiment fait évoluer c’est quand les médias se sont emparés du fait que les enfants soient contaminés, qu’il y ait des parents qui aient réussi à faire médiatiser, ça a fait bouger les lignes. [Georgina :] Oui ça touche l’affect, c’est plus impactant que « Oh regarde cette plante elle pousse plus»

Sophie et Georgina

« Je ne fais pas confiance à ce qu’ils nous racontent. Je fais plutôt confiance aux sœurs qui font leur enquête ou ces gens qui font leur sérologie, qu’aux prélèvements de la préfecture. »

Gladys

Les vertus ainsi énoncées des mobilisations locales concourent, dans le régime de perception du catastrophisme critique, à déléguer aux associations le soin de représenter les habitant·es-victimes et d’énoncer les pollutions et impacts sanitaires, à faire reconnaitre par les pouvoirs publics les risques de santé environnementale encourus.

Pour Paola, la délégation de représentation est un recours assez classique dans le domaine de l’environnement, les associations étant présentées comme « les mieux placées pour solutionner les problèmes de pollution minières, parce que c’est bien connu qu’en France il y a beaucoup d’associations et qu’il y a beaucoup de choses qui se résolvent par l’action des associations. ». Peu d’enquêté·es se disent cependant engagé·es-militant·es[4]. Nicolas a le souvenir d’avoir participé, dans les années 2000, à une manifestation avec sa mère afin que « des analyses soient faites, qu’il y ait de l’information qui circule ». Thomas analyse aussi sa participation volontaire à l’étude d’imprégnation réalisée par les associations locales plus comme une réponse à une sollicitation qu’à une recherche active de mobilisation : « On m’a proposé de faire une analyse. Parce qu’il y a, au village, comment dire, ils sont venus… C’est trois associations dont le Secours Catholique et je sais plus laquelle encore et je crois qu’il y a Grattes Papiers dedans, trois associations qui se sont finalement cotisées pour payer ces analyses à une partie des populations. Donc y a quelqu’un au village qui a pensé à moi, qui a dit « Ça, ça va l’intéresser ». ».

Dans le catastrophisme critique, les attentes concernent la reconnaissance-réparation du préjudice tel qu’il est perçu par les habitant·es. Thierry, ou Rodrigo, restent en demande d’une expertise de santé et des risques d’exposition qui devraient permettre non pas de dire que le risque existe ou pas, mais d’établir les types d’expositions à risques et les maladies qui surviendront sur une période de 30 à 40 ans. La reconnaissance d’un risque reconnu d’exposition et d’un risque avéré de maladies graves et chroniques à terme, paraît préférable à une situation d’incertitudes que les habitant·es disent éprouver pour le futur.

« Le problème c’est qu’au niveau de la municipalité, y a pas de… Comment dire ça… de réunions pour essayer de rassurer les habitants, c’est ça qui est un petit peu dommage. Enfin, nous rassurer ou nous dire la vérité, qu’on nous dise « voilà, dans 30 ou 40 ans il risque d’y avoir des cancers de ça de ça de ça. […] Maintenant ça me ferait chier de mourir d’un cancer à 70 ans parce qu’on m’aurait menti pendant 25 quoi !  Je demande juste qu’on soit franc et qu’on nous dise demain « Il se passe ça, voilà on vous a menti sur ça, désolé on n’avait pas assez fait de recherche et tout on ne vous a pas vraiment menti, maintenant les recherches ça donne ça ». »

Thierry

« J’attends qu’ils [les acteurs institutionnels] soient honnêtes et que s’il y a quelque chose de dangereux qu’ils le disent directement hein. Moi… qu’ils laissent les gens consommer de l’eau ou quoi que ce soit toxique, et même si c’est à petite dose, et beh qu’au final les gens se retrouvent avec des problèmes de santé ou des maladies ou même des décès hein. » 

Rodrigo

Une autre demande forte des habitant·es – dans le régime de perception du catastrophisme critique – est de dépolluer, pour tout ou partie, la vallée de l’Orbiel pour en finir avec les incertitudes liées aux effets sanitaires de l’exposition. Cette solution est d’autant plus nécessaire selon eux que les travaux déjà entrepris dans les anciens sites miniers sont jugés inefficaces et que « l’État trainerait les pieds » pour reprendre l’expression de Jean. Lauranne comme Nael, nous expliquent ainsi que la dépollution apparaît comme « la seule chose que l’on puisse attendre ». Lauranne, Dominique ou Jean nous indiquent qu’il revient à l’État de dépolluer, quel qu’en soit le coût nous précise Mathéo. Jean estime notamment que la seule solution, pour remédier aux problèmes de dégradation de l’environnement et de la santé des habitant·es de la vallée, est l’excavation de l’intégralité des déchets pollués présents dans la vallée, les traiter pour les rendre inertes puis les stocker (sans qu’il ne précise s’ils devraient être stockés dans la vallée ou sur d’autres territoires). Pour Jean, il faudrait en ce sens engager une action en justice, à l’encontre du BRGM (i.e. de l’État comme principal exploitant de la mine), pour une exécution forcée du financement de la dépollution, qui s’élèverait à plus d’un « milliard d’euros » selon lui.

« Je pense que la seule chose que l’on puisse attendre c’est la dépollution, mais après […] Donc je ne sais pas s’il est prêt à remettre de l’argent là-dedans. Mais c’est quand même de sa responsabilité. »

Lauranne

 Moi je souhaiterai que la vérité soit faite et surtout que les pouvoirs publics prennent en charge la dépollution de la vallée. Voilà par quoi il faudrait commencer, tout simplement. Parce que là aussi, on ne sait pas si c’est de la rumeur ou pas, mais la pollution a fortement augmenté une fois que l’activité minière s’est arrêtée : ils auraient commencé à brûler des choses qui arrivaient de toute l’Europe par camions. Et là, en dehors de l’arsenic, il y a beaucoup de choses qui se sont déversées. »

Nael

« C’était une mine d’État. Donc c’est à l’État à dépolluer. Y a pas 50… Moi je ne vois pas 50 sortes de choses. »

Dominique

« C’est mon point de vue, c’est une question, c’est malheureux, de coûts. Encore une fois. Et là c’est un investissement à perte. Autant quand ça marchait très bien, la société en a bénéficié à fond et a fait des profits. Mais maintenant que l’on n’en fait plus rien, continuer à investir des millions d’euros pour protéger et neutraliser cette pollution, c’est à perte. Il n’y a pas d’effet de rentabilité. On en arrive à se demander : la vie des gens a quand même un coût, c’est inévitable. Et ce coût là c’est l’investissement qui devrait être réalisé. »

Mathéo

« Parce que la pollution est immense, au niveau du volume c’est quand même quelque chose. La pollution est due à l’État. Le pollueur c’est l’État. L’État s’est débarrassé de la mine dans les années 2000. Mais au début de l’exploitation, c’est à dire fin du 19ème, c’est à dire [après] 100 ans d’exploitation, c’est 100 ans d’exploitation de l’État français. Donc si quelqu’un doit payer, doit mettre la main à la poche pour dépolluer, c’est à 99% l’État. Et l’État traîne énormément des pieds. […] C’est le BRGM […] c’est le BRGM qui est le pollueur. Donc le pollueur, en dernier ressort, devrait être mis au tribunal et à qui on devrait forcer de payer. Et donc la somme – je ne sais plus, je l’avais lu – de dépollution de Salsigne dépasse le milliard d’euros. On ne parle pas de 500 000 €. C’est-à-dire que dégager des centaines de milliers de tonnes de gravats pollués, les amener je sais plus où les faire vitrifier pour pouvoir les stocker de façon inerte dans des endroits, ça coûte une fortune. »

Jean

L’attente d’une dépollution efficace est ainsi souvent associée à une demande d’action juridique pour faire reconnaître les responsabilités et permettre que des actions, jugées sans compromis, soient mises en œuvre. Dans le questionnaire d’enquête, 55,9% des habitant·es qui affirment qu’il faudrait dépolluer définitivement les sols contaminés, estiment en plus grande proportion qu’il faudrait « faire dire le droit » devant les tribunaux pour établir les responsabilités (santé et environnement) (46,6% toute population confondue, soit +9,3 points d’écart). Les deux variables sont dépendantes au sens du khi-deux de Pearson [131,24 ; ddl=6 ; p<0,001] [Graphique 6 ; Tableau croisé 7].

La dépollution des sols comme solution ?
Graphique 6

La revendication de dépollution de la vallée (1er rang des priorités toute population confondue) portée par certain·es habitant·es est ainsi liée à une attente de mise en responsabilité (12ème rang des priorités toute population confondue) de ceux qui sont aujourd’hui en charge d’en gérer les impacts et les risques de santé environnementale [rang des priorités].

Nous retrouvons, dans le catastrophisme critique, un effet de symétrie entre le vécu anxiogène des pollutions et de leurs effets sanitaires, et les revendications portées par les associations locales militantes. Une symétrie portant sur la mise en responsabilité des pouvoirs publics, sur l’énoncé d’impacts sanitaires certains sur la population et sur le recours à la judiciarisation pour dire les responsabilités et obtenir réparation. Cet effet de symétrie montre que l’éco-anxiété issue de la mise à l’épreuve environnementale des risques de santé se nourrit de l’expérience d’un vécu de la pollution inscrit dans un continuum de trajectoires de vie, un continuum lui-même alimenté par l’urgence publicisée et controversée des problèmes par les associations locales. Une situation problématique faite de récits mêlant pollutions des milieux, maladies et décès, enjeux économiques et politiques, scandales et soupçons de connivences à une échelle locale et globale, sentiment d’inaction de l’État et mobilisation critique des associations locales. Ces processus de délimitation – du monde dans lequel certain·es habitant·es vivent –, de stabilisation du spectre étiologique des problèmes de santé environnementale et de recherche de responsabilité peuvent générer un désenchantement chez certains·es habitant·es. Pour Sophie, la réalité perçue des problèmes sanitaires (maladies, décès) dus aux pollutions est ainsi d’autant plus problématique qu’elle se dit fortement attachée à son territoire de vie. Elle nous indique que sa famille est historiquement ancrée sur le territoire de la vallée. Elle y a passé une partie de son enfance. Elle et son conjoint ont emménagé dans la vallée par choix familial, pour bénéficier d’un cadre de vie plus sain. Par son récit, Sophie montre que la perception des risques de santé environnementale est d’autant plus problématique qu’elle entre en friction avec une histoire et un projet de vie : revenir habiter la commune et y développer des projets sont présentés par Sophie comme une « chance » et une « opportunité », aujourd’hui contrariées.

« La famille ça fait des centaines d’années qu’elle est installée sur la commune ! Notre arrière-arrière-grand-père a été […] maire de la commune de […], mon grand-père est né ici dans cette maison, ça a été une maison de famille. […] on a eu l’opportunité de venir dans la région […] On a saisi cette chance et on y est restés. Ça fait 25 ans, 26 ans qu’on retape la maison […] On aime le cadre de vie, quand on rentre du boulot, on se sent en vacances. […] quand on compare avec une grande ville où on a vécu et travaillé avant, […] ce n’est pas du tout le même stress pour aller travailler, pour rentrer du travail. […] Pas d’embouteillages, pas de feux rouges […] Il y a des avantages. Mais aussi d’avoir des voisins assez proches, avec beaucoup de solidarité. […] Et puis un avantage qu’on a ressenti pendant le premier confinement c’est qu’on ne s’est pas sentis confinés. […] Je me suis posée la question de quitter le territoire à un moment… C’était il n’y a pas très longtemps en fait. Je suis très attachée à cet endroit, je n’ai pas envie d’en partir. Mais si c’est beaucoup trop dangereux, je me dis, pourquoi j’imposerai ça à ma famille ? À mes enfants ? A mes petits-enfants ? C’est une maison de famille mais il y aura toujours de la pollution. Dans quelle mesure ils pourront faire leur vie. Ou refaire notre vie ailleurs, oui c’est sûr ce serait ailleurs. [Georgina, sa fille] Après ailleurs n’est pas forcément mieux ni moins pollué. [Sophie] J’y ai pensé mais je n’en ai pas envie. […] on a passé des milliers d’heures à tout retaper ici […]. Encore des milliers d’heures qui nous attendent »

Sophie

Si l’idée de déménager de sa commune de résidence est, pour l’instant, écartée pour Sophie et sa fille Georgina – le caractère généralisé des pollutions jetant un doute sur le bien-fondé de la solution – d’autres habitant·es comme Andréa, Thierry et Corinne, ou Francis énoncent que la vallée de l’Orbiel peut devenir un territoire auquel on souhaite échapper. Andrea (62 ans) a vécu 12 années dans la vallée. Elle a déménagé un mois avant que nous la rencontrions en entretien, principalement pour se rapprocher de ses enfants et de ses petits-enfants. Elle dit ne pas avoir déménagé uniquement pour se protéger des pollutions, mais cela y participe. Les pollutions de la vallée lui ont permis de se détacher plus facilement de son ancienne commune de résidence, et l’expérience de la pollution a orienté le choix de son nouveau lieu de vie : loin des problèmes de pollutions, des risques naturels ou technologiques. Thierry et Corinne nous racontent également que des habitant·es plus mobilisé·es peuvent quitter le territoire pour se protéger des risques de santé environnementale. Le couple cite notamment l’exemple d’un parent d’élève (présidente d’une association locale) ayant déménagé à la suite des résultats, pour son enfant, de l’étude d’imprégnation aux métaux lourds menée par les associations locales. Si Thierry et Corinne ne semblent pas envisager un déménagement, pour le moment, ils n’excluent pas cependant de le faire si une pollution atmosphérique de la vallée aux métaux lourds est établie à l’avenir[5]. De façon générale, Francis énonce un doute sur le fait que le territoire soit aujourd’hui un choix de résidence plébiscité par les nouveaux·elles arrivant·es. La forte médiatisation des pollutions, et notamment le film documentaire « Salsigne, le prix de l’or » diffusé en 2021 sur France Télévision, établirait de façon explicite que la vallée est soumise à une pollution, à laquelle personne ne pourrait se soustraire. Francis le comprend, la situation est fortement publicisée. La médiatisation et la publicisation de la pollution et de ses impacts sanitaires ont sans conteste attisé les peurs. Que ce soit Pierre-Olivier qui nous a contactés par courriel à l’automne dernier face aux difficultés qu’il rencontre pour vendre sa maison, ou que ce soit Yvonne qui a un projet d’achat en cours sur une commune de la vallée, tous deux s’inquiètent des alertes médiatisées sur l’impact sanitaire des pollutions et s’interrogent sur la réalité des risques. Ces derniers venant contrarier leur projet de départ ou d’installation sur le territoire.

« On a déménagé fin juin. […]  Pour se rapprocher de la famille mais aussi parce qu’on a dit qu’on ne resterait pas dans le secteur. […] Ce n’était pas l’élément essentiel les pollutions mais ça a contribué au fait qu’on ait moins d’attachement à l’endroit. Là nous sommes dans [le nord de la France], au milieu de la campagne et des forêts, ou a priori il n’y a aucune entreprise qui a laissé des taux de pollution importants. Mon mari va aux champignons, nous allons aux champignons. Tout va bien. [Rires] Ouais on fait très attention maintenant à ce genre de problèmes, que ce soit les risques même ceux d’inondation, quels qu’ils soient. Là dans la région on peut avoir très vite les grandes plaines céréalières. Moi je ne voulais pas. En plus on a des petits enfants qui sont à […], qui aiment venir à la campagne. On ne va pas les longer au milieu des pesticides et autres produits. Donc on a fait très attention. Oui, les risques qu’ils soient naturels ou technologiques, on y attache de l’importance oui. »

Andrea

« [Thierry :] Je ne sais pas si tous les élèves ont été testés […] et puis y a des gens qui ont quitté le village, y en a qui ont déménagé, la dame qui était responsable de l’association elle a déménagé… [Corinne :] Faudrait voir les résultats de ces tests sur l’ensemble des enfants du village. Y a eu un récapitulatif des résultats des tests avec des pourcentages de contamination suivant l’âge je crois […]  [Thierry] Après c’est sûr que si demain on apprenait que l’air est pollué quand y a du vent et qu’il y a des métaux qui remontent et tout ça, là c’est sûr que je serai amplement plus inquiet… […] Pour nous mais surtout pour nos enfants… […] Comme il y a beaucoup de vent, si jamais on apprend que l’air est pollué, je déménagerai. »

Thierry et Corinne

« Quelqu’un qui regarde une émission comme le documentaire de l’autre fois, cette maman qui est à Conques qui fait valoir que ses enfants, elle a fait faire des analyses sur les cheveux, une famille qui veut venir s’installer… fiou ! Enfin… Et ce qui est tout à fait normal ! Voilà… Maintenant… C’est normal ! Une famille avec des enfants qui veut acheter une propriété avec un joli jardin et tout, et les enfants qui seront dans l’herbe et tout… Bon ! y a de l’arsenic partout, je n’y vais pas ! Enfin, personnellement ! »

Francis

« Nous sommes propriétaires dans une des communes concernées et depuis plusieurs mois nous essayons de vendre notre maison. Comme cela est le cas depuis plusieurs années les personnes qui souhaiteraient se porter acquéreur du bien sont rapidement déroutées de leur projet quand ils regardent sur les sites Internet en particulier les associations écologiques ou la presse locale […]. Nous subissons un préjudice et souhaiterions parvenir à la vente de notre bien. »

Pierre-Olivier

« Nous souhaitons acheter une maison à Salsigne et l’agent immobilier nous a dit qu’il n’y avait aucun risque par rapport à la santé de nos enfants. […] Nous sommes vraiment perdus car d’un côté on a le notaire et l’agent immobilier qui nous disent qu’on peut manger les légumes de notre potager et d’un autre les avis sur internet font peur à lire. »

Yvonne

Dans le régime de perception du catastrophisme critique, les avis sont tranchés et laissent peu de place à l’expression de contre-points de vue. Le catastrophisme critique se construit, de façon radicale, dans l’altérité. Pour Pierre, les habitant·es qui continueraient à jardiner et à consommer les produits du jardin seraient dans le « déni » et dans une illusion d’invulnérabilité, au sens où ils.elles se sentiraient « invincibles » face aux risques de santé. Ce type de discours sur les habitant·es « les moins convaincu·es » fait écho aux propos tenus par les associations les plus militantes de la vallée. Les associations locales, qui adhèrent et médiatisent l’urgence de la situation, ne peuvent entendre le discours d’autres habitant·es moins alarmé·es. Elles peuvent être ainsi enclines à vouloir faire taire ces discours, en les entachant d’irresponsabilité, par le biais de messages véhiculés par la presse locale ou à l’occasion d’échanges, en face-à-face, avec des habitant·es de la vallée.

« Mais t’en as certains de Conques « ça fait des années qu’on a les jardins ! Nos parents aussi ! » Et pareil, ils disent « Mon père est mort à 94 ans ». C’est vrai ! Mais pour moi, c’est plutôt l’exception que le truc. Après les mecs, après peut-être qu’ils sont dans le déni. C’est des habitudes. Ils ont leur jardin là et voilà. Ils jardinent ensemble, ils boivent l’apéro et ils ne craignaient pas, comme maintenant pour certains, le virus. C’est la folie des hommes, c’est des conneries ! Sans être complotiste… y en a certains qui se sentent invincibles ou je n’en sais rien, ils ne veulent pas croire, ils pensent toujours qu’on leur ment ou que ce n’est pas vrai et ils se sentent… Malheureusement le jour où ça te tombe dessus, c’est plus pareil… »

Pierre


[1] Ainsi 80% des habitant·es répondent être plutôt ou tout à fait d’accord avec l’affirmation selon laquelle les activités de stockage et d’élimination des déchets ont pollué l’environnement de la vallée [Tableau 3], mettant en lumière que cette problématique des déchets est mise en lien avec la situation de pollution minière de la vallée par une large majorité des habitant·es interrogé·es.

[2] Ainsi seuls 17,7% des habitant·es déclarent être plutôt rassuré·es ou tout à fait rassuré·es par les travaux de mise en sécurité effectués autour de la mine, tandis que 64% affirment au contraire n’être plutôt pas ou pas du tout rassurés par ces travaux. [Tableau 4]

[3] La mise en défaut de l’expertise publique est adossée à des controverses sur les données publiques diffusées auprès de la population en 2013 par les médias « le béal du Sindilla – un canal creusé à des fins d’irrigation et qui se jette dans l’Orbiel en aval – s’est retrouvé orange, signe de la présence d’arsenic. La préfecture avait alors avancé le chiffre de 30 à 45 microgrammes d’arsenic par litre dans l’Orbiel, mais le Canard enchaîné avait ensuite publié les résultats du prélèvement […] 4469 microgrammes par litre […] Le préfet avait alors démissionné. » https://www.tf1info.fr/environnement-ecologie/aude-apres-les-inondations-la-vallee-de-l-orbiel-polluee-a-l-arsenic-2106610.html

[4] Ainsi seuls 4,6% des habitant·es se déclarent mobilisé·es dans une association où se discutent les pollutions de la vallée. [Tableau 5]

[5] Dans l’enquête par questionnaire, 93% des habitant·es répondent ne pas souhaiter quitter le territoire de la vallée. [Tableau 6].