Itinéraire (Introduction)

Nous avons souhaité introduire le rapport de recherche PRIOR en questionnant la notion de « public » afin d’apporter des éléments de réponse aux questions suivantes : les habitant·es de la vallée de l’Orbiel les moins expressif·ves sont-ils des publics concernés par les pollutions ? Peut-on être qualifié·es de public(s) sans pour autant publiciser son point de vue dans l’espace controversé des pollutions de la vallée ? Comment l’attention des habitant·es se fabrique-t-elle dans l’espace du proche ? Que nous donne-t-elle à voir de la fabrique sociale des problèmes, et de l’évaluation des risques perçus dans les domaines de l’environnement et de la santé environnementale ? En quoi l’expérience de son environnement de vie oriente-t-elle son expertise ? Ce sont ces questions qui guident l’itinéraire de ce rapport en donnant des balises au travail d’analyse.

Les publics concernés

La sociologie accorde une place conséquente aux « public(s) », en reconnaissant leur rôle dans la mise en agenda et la construction des problèmes publics. Certains travaux montrent ainsi la capacité de lobbying des « publics organisés » – autour de causes environnementales et sanitaires (groupes d’intérêts professionnels, associations locales, ONG, etc.) – à agir sur la définition et le traitement des problèmes publics ou à orienter la décision publique (Berny[1], 2018a, 2018b, 2014). D’autres travaux portent, de façon concomitante, un regard privilégié, souvent critique, sur les pouvoirs publics et les dispositifs de participation permettant de lier, au plus près, les problèmes et « leurs publics », dans le processus de décision politique. Ces dispositifs relèvent de procédures dites de démocratie participative ou délibérative (débats publics, conférences de citoyen·nes, commissions de suivi, comités d’interface, etc.) au sens où ils répondent – par-delà les problèmes qu’ils mettent en débat – à une volonté d’intégrer les divergences de point de vue et les tensions entre publics, acteurs publics et experts afin d’équiper l’action publique et de répondre à un déficit chronique (Monnoyer-Smith, 2007[2]) de représentation et de légitimité du politique à décider seul.

L’implication des publics dans l’espace public – qu’elle s’organise sous forme de partenariats ou qu’elle émerge comme une force de contestation dans les espaces de débat des questions environnementales et sanitaires – fonde alors le rapport que les citoyen·nes intéressé·es entretiennent à la question des problèmes publics, et ce faisant à la citoyenneté.


[1] Berny, N., 2018a, « Institutionalisation and distinctive competences of environmental NGOs. The expansion of French organisations », Environmental Politics, 27(6), p. 1033-1056 ; Berny, N., 2018b, « Failing to preach by example ? The EU and the Aarhus Convention », Environmental Politics, 27(4), p. 757-762 ; Berny, N., 2014, « Les entrepreneurs de coalition d’ONG à Bruxelles. Une approche diachronique des processus de mobilisation de ressources », Gouvernement et action publique, (3)1, janvier-mars, p. 73-105.

[2] Monnoyer-Smith L., 2007, « Instituer le débat public : un apprentissage à la française », Hermès, La Revue, vol. 47, no. 1, pp. 19-28.

Les publics et leurs problèmes

Pour autant, la mise en débat publicisée des problèmes, au plus près des publics intéressés, ne conduit pas naturellement à un apaisement des tensions liées à la définition des problèmes environnementaux et de leurs impacts sanitaires. Le travail de recherche de Marie-Gabrielle Suraud sur la catastrophe d’AZF (Suraud, 2007[1]) nous rappelle que « la concertation peut alimenter et soutenir la contestation », en d’autres termes que la contestation n’est pas soluble dans la concertation et que cette dernière peut amplifier son expression. De nombreux travaux sur la participation montrent que le débat dans l’espace publicisé n’arrive pas, ainsi et toujours, à des accords partagés : elle permettrait à la contestation, dans une plus grande mesure, d’accéder à un nouvel espace, souvent médiatisé, d’expression des problèmes et de critiques sur la façon dont ils sont définis et traités par les acteurs publics. La participation dans sa forme la plus contestataire peut ainsi accroitre la contestation, et l’audience des problèmes (Traïni, 2009[2]) que la contestation porte à connaissance d’acteur·trices-tiers que les acteur·trices contestataires jugent moins attentifs ou qu’ils·elles se donnent pour objectif de rallier (organismes publics de gestion, experts publics, autorités politiques, associations, etc.). La contestation s’apparente alors à une épreuve et l’espace publicisé de la mise en débat à un lieu de rapport de forces (Callon 1989 ; Latour 1984, 1989[3] ) et de sens (Cefaï, 1996[4]) visant à remettre en cause la légitimité et la fiabilité de l’expertise publique et des pouvoirs publics à définir-représenter les problèmes et à définir-animer l’espace de leur mise en débat.

Si la contestation déplace le regard vers la remise en cause de la fiabilité et de la légitimité de l’expertise et des acteurs publics – faut-il pour autant s’en étonner ? L’analyse de la situation dans la vallée de l’Orbiel montre (comme ailleurs) que les problèmes préexistent aux dispositifs de participation qui visent leur mise en débat. Quant aux acteurs publics, ils sont souvent jugés, au mieux comme des témoins passifs d’une situation problématique (installée souvent sur un temps long), au pire comme des responsables des problèmes à traiter. Les problèmes ont donc une vie, une histoire, et participent à circonscrire un univers de risques que la participation alimente en retour. Les acteurs publics lorsqu’ils portent des dispositifs de participation peuvent alors même être soupçonnés de vouloir masquer ou retarder la prise en charge des problèmes et de minimiser les risques pour l’environnement et la santé.


Le titre de cette section fait directement référence à l’ouvrage de John Dewey : Dewey J., 2010 [1927], Le Public et ses problèmes, trad. Joëlle Zask, Paris, Gallimard.

[1] Suraud M-G., 2007, La catastrophe AZF. De la concertation à la contestation, Paris, La Documentation française, coll. « Réponses environnement ».

[2] Traïni C. (dir.), 2009, Emotions… Mobilisation !, Les Presses de Sciences Po, coll. « Sociétés en mouvement ».

[3] Latour B., 1984, Les microbes. Guerre et paix, Paris, Éditions Métailié ; Latour B., 1989, La science en action, Paris, La Découverte ; Callon M. 1989, La science et ses réseaux, Paris, La Découverte.

[4] Cefaï D., 1996, « La construction des problèmes publics. Définitions de situations dans des arènes publiques », Réseaux, volume 14, n°75, pp. 43-66

Sortir du dilemme et donner la parole aux habitant·es ordinaires

Comme dans bien des cas, l’attention est ainsi principalement portée sur l’expérience de la participation dans ses formes les plus publicisées, ici celle de la contestation. Les situations d’échange façonnent alors des problèmes et des publics par la cristallisation de points de vue sensibles au jeu de la controverse. Or, si les problèmes ainsi constitués permettent au débat d’advenir dans l’espace public, ils ne reflètent pas pleinement la perception des risques de celles et ceux qui se taisent, des habitant·es qui ne s’expriment pas dans l’espace publicisé du débat. Les problèmes, ainsi construits, participent souvent à invisibiliser des publics qualifiés de masse, de majorité silencieuse ou de grand public dans la fabrique sociale des problèmes alors même que le « public fantôme », pour reprendre la formule de Lippmann (Lippmann, 2008[1]), est largement mobilisé ou sollicité comme un « argument de taille ». L’invocation du « plus grand nombre » – qu’il s’agit de représenter ou de protéger – permettant alors d’accroitre la légitimité des points de vue, des revendications sociales ou des décisions publiques prises en son nom, par les mobilisations contestataires et l’action publique.

Cette situation où l’on parle « au nom du public » peut même, chemin faisant, avoir pour effet de le rendre encore plus muet. D’un côté, l’exacerbation de la controverse locale peut favoriser un contrôle de l’expression de celles et ceux qui se taisent, par un jeu de « bulles de filtrage »[2] (messages répétés dans les médias, réseaux sociaux, brulots, courriels, etc.) qui clôture la situation locale dans un espace cognitif univoque de définition des problèmes. D’un autre côté, gouverner les conduites – en réglementant les pratiques par des arrêtés de restriction de consommation ou de vente des produits locaux, ou en définissant des préconisations sanitaires dans le but de protéger les populations les plus fragiles – laisse supposer que le risque est la seule affaire des pouvoirs publics. Le risque est alors supposé se dissoudre aisément dans l’action publique par un consentement des habitant·es à respecter les consignes. Dans tous les cas, la capacité des habitant·es à juger les situations vécues et à définir-hiérarchiser autrement les risques perçus (Brisson et Busca, 2019[3]) est sous-estimée. Ce double mécanisme d’emprise des mobilisations sociales critiques et de l’action publique représente finalement un risque, celui de passer à côté des publics, pourtant concernés, au nom desquels on parle et on agit. Le risque est également d’enfermer le débat dans une voie sans issue où les acteur·trices militant·es et les pouvoirs publics s’affrontent sans réconciliation possible.

Dans la recherche PRIOR, nous avons souhaité sortir de ce dilemme en donnant la parole aux habitant·es ordinaires de la vallée de l’Orbiel. L’intérêt que ces publics suscitent provient de leur capacité à nous renseigner sur la diversité de l’expérience des problèmes en élargissant l’univers de ce qui est problématique (ou fait problème). L’intérêt d’une mise en lumière du récit des habitant·es, les moins visibles, est de décloisonner les polémiques qui opposent de façon radicale les points de vue et d’apporter de la nuance dans le rapport construit à la pollution et aux risques. Il réside aussi dans l’hypothèse de formes alternatives de production de savoirs et d’expertises, articulant mesures et rapports au monde sensible auxquels il faut être attentif·ves. Ces formes alternatives permettraient de saisir l’effervescence des savoirs à l’œuvre dans l’évaluation située des problèmes d’environnement ou de santé environnementale et dans leur capacité à élargir l’univers du tangible, que les pollutions et leurs impacts soient jugés (ou pas) problématiques, mais certainement aussi d’identifier des transformations « futures ».


[1] Lippmann, W., 2008 [1925], Le public fantôme, traduit par Laurence Decréau, présenté par Bruno Latour, Paris, Démopolis.

[2] Au sens de Pariser, E., 2011, The Filter Bubble : How the New Personalized Web is Changing What We Read and How We Think, Londres, Penguin Books, cité par Badouard R., Mabi C. et L. Monnoyer-Smith, 2016, « Le débat et ses arènes », Questions de communication, 30, http://questionsdecommunication.revues.org/10700v.

[3] Brisson G. et D. Busca, « Fabrique sociale des problèmes et construction sociale des risques », dans Busca D. et N. Lewis (dir.), 2019, Penser le gouvernement des ressources naturelles, Laval, Presses de l’Université Laval, Paris, Hermann Éditions, pp. 105-111.

Éléments de méthode

Pour saisir ces formes alternatives de production de savoirs et d’expertises, il est nécessaire de prendre au sérieux les récits des habitant·es. Leurs relations au territoire de vie, via leurs pratiques, est toujours une relation construite : le territoire peut être investi avec confiance ou avec méfiance quand on le perçoit comme risqué. Cet environnement est testé, de façon récurrente, et mis à l’épreuve, parfois pour s’en protéger (Busca et al., 2019[1]). La relation à son environnement est, en ce sens, faite de « micro-épreuves de la vie quotidienne » (pour reprendre le terme de C. Lemieux, 2018[2]) qui rendent compte de la situation vécue des habitants de la vallée de l’Orbiel : se méfier par exemple, « pratiques faisant », d’une eau dont la couleur a changé (en la consommant, en s’y baignant, en l’observant lors d’une balade, …). Ces micro-épreuves peuvent conduire les habitant·es à juger leurs pratiques risquées, ce qui peut alors les conduire à les transformer, à les adapter voire à y renoncer. Elles sont ainsi sensibles au contexte de leur réalisation : aux connaissances accessibles et mobilisées par les habitant·es, aux controverses médiatisées, aux réglementations visant à protéger les populations de la pollution, aux épisodes de crue, etc. La présence d’enfants dans le foyer, l’histoire personnelle ou familiale de la maladie, les trajectoires résidentielles, … sont également des éléments de contexte parmi d’autres qui peuvent (ou pas) être activés dans le discours des habitant·es. Cette perspective suppose que les éléments de contexte ne sont donc « réels » que parce qu’ils servent d’appui et sont mobilisés par les habitant·es pour mettre en logique leurs pratiques : ce qu’ils·elles font et la façon dont ils·elles adaptent leurs pratiques à la perception des risques qu’ils·elles perçoivent. Ainsi, un élément de contexte « fait situation » s’il est mobilisé dans le discours sur les pratiques ou sert d’appui au travail de jugement. Afin de mieux saisir les situations vécues par les habitant·es, nous avons privilégié une méthodologie mixte, c’est-à-dire impliquant l’emploi conjoint de méthodes qualitatives et quantitatives de recueil de données.


[1] Busca, D., Barthe, J-F. et E. Lana (2019) « De la gouvernance de la ressource en eau, à l’expression des risques dans les pratiques de consommation d’eau potable en France. Contribution de l’analyse des pratiques routinisées à la construction sociale des risques », dans Busca, D. et N., Lewis (dir.), Penser le gouvernement des ressources naturelles, Paris, Hermann, Laval, PUL, p.167-199.

[2] Lemieux, C., 2018, La sociologie pragmatique, Paris, La Découverte.

Enquête par questionnaire (N=604)

L’enquête par questionnaire s’est adressée aux habitant·es de la vallée de l’Orbiel, du village Les Martyrs jusqu’à Trèbes. Nous avons nommé « vallée de l’Orbiel » un territoire d’enquête étendu à 27 communes[1]plus ou moins impactées par les anciennes activités minières. La « vallée de l’Orbiel » ainsi définie ne correspond pas strictement au découpage administratif du « Canton de la vallée de l’Orbiel », mais rassemble donc 27 communes localisées sur les quatre cantons du Haut Minervois, de la Montagne d’Alaric, de Malepère à la Montagne Noire et de la Vallée de l’Orbiel. Par ailleurs, le territoire d’enquête que nous nommons « vallée de l’Orbiel » ne correspond pas uniquement aux zones en bords de cours d’eau, mais bien à l’intégralité du territoire des 27 communes de l’enquête (garrigue, plaine, plateau, etc.). Le territoire d’enquête a été divisé en quatre zones correspondant à des ensembles différenciés de communes en fonction de trois indicateurs de mise en alerte des populations[2].


Indicateurs et zones d’étude
Localisation des zones d’étude

[1] Les communes concernées par l’étude sont par ordre alphabétique : Aragon, Badens, Bagnoles, Bouilhonnac, Conques-sur-Orbiel, Cuxac-Cabardès, Fournes-Cabardès, Fraisse-Cabardès, Lastours, Les Ilhes, Les Martys, Limousis, Mas-Cabardès, Miraval-Cabardès, Moussoulens, Sallèles-Cabardès, Salsigne, Trassanel, Trèbes, Villalier, Villanière, Villardonnel, Villarzel-Cabardès, Villedubert, Villegailhenc, Villegly, Villeneuve-Minervois.

[2] La présence-absence, sur les communes, d’anciennes activités minières, de sites de stockage (haldes, stériles ou dépôts), d’une station de traitement des eaux ou de bassins de stockage d’eau polluée, La présence-absence, sur les communes, d’études sanitaires ou environnementales ayant été menées auprès de la population ou sur le territoire communal, La présence-absence et la fréquence, sur les communes, de décisions publiques (1997 à 2020) en matière de restriction des usages des lieux publics ou de la vente ou de la consommation de légumes, d’herbes aromatiques, d’escargots, etc.

A partir de l’identification du territoire d’enquête, une base de données rassemblant 15014 habitant·es a été constituée[1]. Pour être la plus exhaustive possible, cette base de sondage a été constituée par la fusion des listes électorales et de la liste des habitant·es inscrit·es dans les pages blanches de l’annuaire téléphonique des 27 communes concernées. La base de sondage a ensuite été comparée aux caractéristiques INSEE du territoire ciblé afin d’assurer sa représentativité en termes d’âge, de genre et de localisation géographique des habitant·es. Cette vérification permet ainsi de garantir la qualité de la base de sondage à partir de laquelle les habitant·es ont été sollicité·es pour répondre à l’enquête par questionnaire.

Un premier courrier postal a été adressé fin janvier 2021 à 4000 personnes vivant dans la vallée[2]. Ces personnes ont été tirées au sort au sein de la base de sondage constituée pour l’étude. Le tirage au sort permet à la fois de respecter un principe scientifique d’aléa permettant de sélectionner au hasard les habitant·es invité·es à répondre au questionnaire mais aussi de contrôler que les personnes enquêtées (ou l’échantillon) aient les mêmes caractéristiques d’âge, de sexe et de localisation que l’ensemble de la population de la vallée (dite population mère) selon les dernières données de l’INSEE (Institut nationale de la statistique et des études économiques). Entre juillet et septembre 2021, une phase de passation du questionnaire en face à face a également été réalisée auprès des habitant·es de la vallée. Enfin, entre septembre et octobre 2021 une deuxième vague de 4000 nouveaux courriers postaux a été adressée aux habitant·es de la vallée selon le même principe de sélection par tirage au sort.

Les différentes phases de l’enquête par questionnaire ont permis de recueillir 604 questionnaires[3] exploitables pour l’analyse[4]. Afin de garantir la représentativité des réponses, autrement dit pour s’assurer que les répondant·es soit à l’image parfaite de la répartition de la population de la vallée en termes d’âge, de genre ou de localisation, nous avons réalisé une pondération des réponses afin de corriger toute possibilité de sur ou de sous-représentation d’une portion de la population. Cette pondération demeure faible et n’altère en rien la fiabilité des données recueillies.

Le questionnaire comprenait environ 400 questions, réparties en 8 thèmes : (1) La perception du territoire ; (2) Les bifurcations et moments-clé de la perception des risques ; (3) Les pratiques adaptatives et transformatives mises en œuvre par les habitants ; (4) La présence d’enfants dans le foyer ; (5) La perception de la santé ; (6) La perception des inégalités sur le territoire ; (7) Les attentes de la population vis-à-vis du problème de pollutions ; (8) Données sociodémographiques.


[1] 4045 habitant·es dans la zone 1, 5044 habitant·es dans la zone 2, 3428 habitant·es dans la zone 3, et 1997 habitant·es dans la zone 4

[2] Un numéro personnel a été attribué aux 4000 personnes sollicitées : ce numéro leur permettait d’accéder au questionnaire. Le questionnaire et les réponses sont hébergés et sécurisés sur un site dédié de l’Université Toulouse – Jean Jaurès. Le traitement des réponses est anonymisé et pseudonymisé : il est impossible de relier une personne aux réponses qu’elle a apporté au questionnaire.

[3] Les réponses au questionnaire ont été directement saisies sur LimeSurvey Professionnel (UT2J) par les enquêtés, ou recueillies par téléphone et en face à face par un enquêteur de l’équipe de recherche PRIOR.

[4] Les analyses ont été réalisées avec les logiciels de traitement de données SPSS© et SPAD©.

Enquête par entretien (N=55)

L’enquête par questionnaire a été suivie d’une phase d’enquête par entretien. L’objectif de cette méthode d’enquête est de rendre compte du vécu des habitants de la vallée de l’Orbiel et de leur confrontation, directe ou non, à la pollution. Il s’agit ainsi de comprendre comment les pratiques de la vie ordinaire se maintiennent en l’état, ou se modifient, en fonction de la perception des risques encourus, dans un contexte de pollution chronique ou accidentelle.

Les entretiens ont pour objectif d’analyser les pratiques, leurs évolutions et le sens immédiat – ou pris dans un continuum – que les habitants leur accordent. Cette méthode est sensible à la fois aux pratiques, et donc à l’action, et à la dynamique des trajectoires de vie quand leur mise en récit sert d’appui à l’explicitation des pratiques. Elle intègre donc à la fois une dimension synchronique et diachronique. Les entretiens nous permettent d’appréhender un discours sur les pratiques mais aussi de le situer. Toujours producteur de sens, le récit permet de rendre compte de la quotidienneté et d’identifier des appuis fonctionnant dans le temps long. Ces appuis sont toujours marquants en soi, mais ils acquièrent toute leur importance quand ils mettent en logique « risques et pratiques ».

Le protocole de recherche contenait l’objectif de réaliser 30 entretiens. Sur les 604 questionnaires recueillis lors de la phase quantitative de l’étude, 268 personnes ont indiqué leur accord pour nous rencontrer. Cette forte demande des habitant·es de la vallée de s’exprimer dans le cadre de l’étude nous a ainsi amené à augmenter le nombre d’entretiens, doublant presque l’objectif initial pour atteindre 55 entretiens réalisés[1].

Dans une perspective de complémentarité et de continuité méthodologique entre les phases quantitative et qualitative de l’enquête, l’échantillonnage de la population d’enquête par entretien a été construit à partir des données récoltées durant la phase d’enquête quantitative. Quatre profils d’habitant·es ont ainsi été établis en fonction de la préoccupation environnementale et/ou sanitaire énoncée dans le questionnaire, l’enjeu de cette phase qualitative de recueil de données reposant sur l’hypothèse que les appuis mobilisés par les habitants·es relevant d’un même profil seraient très diversifiés.

  • Profil 1 : forte préoccupation en matière de santé et d’environnement ;
  • Profil 2 : forte préoccupation en matière d’environnement uniquement ;
  • Profil 3 : forte préoccupation en matière d’environnement et incertitudes en matière d’impacts sanitaires ;
  • Profil 4 : absence de préoccupation environnementale et sanitaire.

41 entretiens ont ainsi été réalisés sur la base de ce profilage (représentant 74,5% de la totalité des entretiens[2]). Afin de tenir compte de la demande des habitant·es de participer à l’étude, il nous est néanmoins apparu nécessaire de renforcer encore les possibilités d’expression des habitant·es de la vallée dans le cadre de l’étude. Nous avons par conséquent choisi de réaliser 14 entretiens supplémentaires (soit 25,5% des entretiens), tous profils confondus, parmi lesquels 11 sont issus de la liste des personnes ayant manifesté leur accord pour nous rencontrer lors du questionnaire et 3 ont été réalisés avec des habitant·es rencontré·es au gré du terrain.

Un guide d’entretien a été construit autour de quatre thématiques adossées à des objectifs de recherche :

  • Le territoire et les pollutions : l’ancrage territorial des risques vécus. L’objectif était de comprendre ce qui fait sens pour l’enquêté·e dans son rapport aux pollutions lorsqu’il·elle mobilise des argumentaires liés au territoire (histoire de la vallée, attachement au territoire, rapport aux acteurs du territoire, bifurcations, etc.) ou à la qualification des pollutions (définition donnée aux pollutions minières ou aux autres pollutions sur le territoire, etc.).
  • Les pratiques : l’expérience et expérimentation du risque. L’objectif était de comprendre si les pratiques – par exemple la pêche, la randonnée ou encore les pratiques de consommation d’eau du robinet ou de légumes pu de végétaux produits-cueillis dans la vallée – sont un moment/un lieu de confrontation aux pollutions liées aux anciennes activités minières et de fabrique de solutions, même partielles, pour y faire face. L’objectif était aussi de comprendre en quoi ces pratiques sont liées (ou pas) à des enjeux de santé. Plus encore, quelles sont les expériences et argumentaires, tirées des pratiques, que l’enquêté·e mobilise pour exprimer son point de vue, notamment sur les pollutions, en somme comment l’enquêté·e administre « la preuve de ses propres certitudes ».
  • Les trajectoires : l’environnement social de l’enquêté·e. Lors du récit de l’enquêté·e, il s’agissait de repérer comment il·elle mobilise des éléments de ses trajectoires qu’elles soient familiales, résidentielles, professionnelles ou de santé et ce que cela donne à voir de l’environnement social dans lequel il·elle évolue. Plus encore, il s’agissait de comprendre comment sont mobilisés – ou pas – des éléments tirés de ces trajectoires (un déménagement, une maladie, l’arrivée d’un enfant, etc.) pour fabriquer un regard sur les situations de pollutions dans la vallée.
  • Les attentes et la réflexivité : projections vers l’avenir, solutions envisagées et retour global sur la discussion entre enquêteur·trices et enquêté·es. Lors du récit de l’enquêté·e, il s’agissait de repérer les attentes exprimées par les enquêté·es, et sur quels argumentaires/justifications elles se fondent ; de comprendre la façon dont ces attentes peuvent être liées aux pratiques du territoire, à la perception des risques pour l’environnement ou la santé, etc. En fin d’entretien, il s’agissait d’interroger la réflexivité des enquêté·es sur les éléments qu’ils·elles ont mobilisé lors de l’entretien.

Si ces thématiques ont été énoncées en vue d’établir le guide d’entretien, il ne s’agissait toutefois pas de préjuger de leur caractère déterminant. La constitution de telles catégories thématiques (comme la trajectoire familiale, par exemple) dans la mise en œuvre du récit de vie par l’enquêté·e implique un usage souple du guide d’entretien. Il convient de considérer en effet que l’expérience sociale est par définition relative. C’est le propos des enquêtés et ce qu’ils·elles ont, ou pas, considéré comme important qui a orienté la discussion.

Les réponses aux questionnaires ont également été mobilisées pour adapter les questions et les relances proposées par les enquêteur·trices lors des entretiens. Ainsi, par exemple, la question de départ posée afin de lancer l’enquêté·e dans sa narration, a été personnalisée selon son profil/degré de préoccupation vis-à-vis des pollutions liées aux anciennes activités minières. Les réponses apportées par l’enquêté·e au questionnaire ont ainsi permis d’équiper la relation d’échanges lors de la passation des entretiens.

Extrait du guide d’entretien

Premier cas de figure : l’enquêté·e a un profil marqué au regard de la forte préoccupation qu’il·elle a énoncé dans le questionnaire. Il s’agit donc d’entrer directement dans le vif du sujet des pollutions, avec la question de départ suivante :« Vous nous avez indiqué dans le questionnaire être très préoccupé·e par les pollutions liées aux anciennes activités minières dans la vallée, racontez-moi, en quoi cette pollution est un problème pour vous ? »

Second cas de figure : l’enquêté·e a un profil moins marqué au regard de la faible préoccupation qu’il/elle a énoncé dans le questionnaire. Entrer directement sur le thème des pollutions nous semblant abrupte dans ce cas de figure, la question de départ abordera plutôt la question de l’arrivée sur le territoire ou de l’ancrage familial à celui-ci. La question de départ pour les enquêté·es n’ayant pas toujours vécu ici est la suivante :« Vous nous avez indiqué que vous êtes arrivé·e dans la vallée de l’Orbiel il y a [Voir le nombre d’années dans « RAPPEL PROFIL ENQUETE »] années, racontez-moi votre installation ? »La question de départ pour les enquêté·es qui habitent dans leur commune de résidence depuis leur naissance est la suivante :« Vous nous avez indiqué que vous avez toujours vécu ici, est-ce le cas aussi pour vos parents et grands-parents, vous pouvez nous raconter ?  »

[1] Le travail de recueil des données qualitatives par entretiens semi-directifs auprès des habitant·es a été effectué entre juin et octobre 2021. Les entretiens ont été enregistrés avec l’accord des habitant·es. Ils durent d’1h30 à 3h30 et constituent un volume de données discursives avoisinant les 1600 pages dactylographiées une fois retranscrits.

[2] Profil 1 : 25,5% des 55 entretiens réalisés. Profil 2 : 16,4% des 55 entretiens réalisés. Profil 3 : 21,8% des 55 entretiens réalisés. Profil 4 : 10,9% des 55 entretiens réalisés.

Enquête par focus groupe (N=3)

Des focus groupes[1] (ou entretiens collectifs) ont été réalisés avec des jardinier·ères amateur·trices (au sens où ils·elles ne sont pas professionnel·elles) de la vallée de l’Orbiel dans le cadre d’une expérience de sciences participatives, l’« Etude avec les jardinier·ères de Conques-sur-Orbiel du transfert sol-plante des polluants inorganiques. Contexte de pollution historique : ancien bassin minier de la vallée de l’Orbiel (Aude) ».

Cette étude, dite « expérimentation moutarde », vise la co-construction de savoirs et connaissances entre science et société sur la pratique du jardinage en territoire pollué, notamment par des métaux lourds. Elle repose sur l’expérimentation de la culture de moutarde brune par des jardinier·ères amateur·trices en vue de procéder à l’analyse de la concentration en métaux lourds des plantes récoltées à maturité. La moutarde brune, accumulatrice de métaux lourds, est en effet particulièrement propice à l’évaluation des transferts sol-plante. Ces transferts étant en partie dépendants des pratiques culturales des jardiniers, l’objectif de l’expérimentation consiste à réaliser des analyses des substances, choisies par les jardinier·ères, de la moutarde brune plantée sur leurs parcelles et d’objectiver leurs résultats au regard de leurs pratiques de culture (amendements, productions antérieures, travail du sol, apports phytosanitaires ou d’engrais, etc.), de la destination de leur production (quantité et fréquence de consommation, diversification des végétaux produits et consommés, etc.) et des données disponibles (concernant la pollution).

Au-delà d’outiller les jardinier·ères par la co-construction (partielle) de savoirs et de connaissances au sujet du transfert des métaux lourds des sols vers les végétaux qu’ils·elles cultivent, l’expérimentation avait surtout pour objectif sociologique de recueillir et analyser les logiques argumentatives des jardinier·èress en situation d’échange, au fur et à mesure de la mise en œuvre de l’expérimentation et de son interprétation. Cette expérimentation s’est ainsi accompagnée de rencontres entre l’équipe de recherche et les jardinier·ères inséré·es dans le réseau associatif des jardiniers de Conques-sur-Orbiel (des focus groupes, des réunions et observations).

Le focus groupe s’appuie sur un scénario construit. Il propose une structure d’animation pour les enquêteur·trices : introduire le propos et les objectifs pour les participants, présenter des énoncés, des images ou séquences (audio-visuelles, narratives), proposer des questions qui ouvrent la discussion et, si la situation le demande, réaliser des relances. Ce scénario propose donc des modalités de lancement des discussions entre participant·es mais ne doit en aucun cas les restreindre (dans leur liberté de porter le débat sur un autre sujet, amener d’autres idées, etc.). Les enquêteur·trices ne font qu’animer et relancer, le cas échéant, pour favoriser la réflexivité et le partage d’expériences. Ils laissent les participant·es créer leur propre dynamique de groupe, décider des discussions ou changer d’opinion au fil des échanges, etc. Les enquêteur·trices doivent, en somme, adopter une technique d’intervention discrète qui permette de recueillir un matériel empirique produit par l’interaction des participant·es.

Ainsi, toujours dans une perspective de complémentarité méthodologique visant à saisir la variété des modalités d’interprétation-appropriation des pollutions par les habitant·es de la vallée, la réalisation de focus groupes a permis à l’équipe de recherche d’identifier, de façon dynamique, la manière dont se construisent les arguments et points de vue des jardinier·ères, les appuis auxquels ils·elles se réfèrent, les accords ou désaccords collectifs qui peuvent émerger en situations d’interactions et la façon dont leurs hypothèses se reconfigurent, évoluent ou se stabilisent.

L’expérimentation « moutarde » a ainsi d’abord été présentée le 30 septembre 2021 aux jardinier·ères du syndicat du Vic au Pont Del Gua et de l’association des jardins du Puisard (Conques-sur-Orbiel), en présence du maire de la commune. Six jardinier·ères se sont alors portés volontaires pour être accompagné·es dans la plantation, le séchage, la récolte et l’analyse (et son interprétation) de moutarde cultivée sur leurs parcelles. Une première réunion-observation lors de semis des graines de moutarde dans les parcelles d’expérimentation, avec enregistrement des discussions et photos, a eu lieu le 17 novembre 2021. Compte tenu toutefois des aléas propres à la culture des plantes, la sécheresse rencontrée durant l’année 2022 ayant empêché le développement de nombreux semis, les analyses de présence de métaux ont finalement porté sur la moutarde cultivée dans trois des jardins supports de l’expérimentation.

En parallèle, trois focus groupes ont été réalisés entre mars 2022 et février 2023, réunissant jusqu’à une quinzaine de jardinier·ères amateur·trices inséré·es dans le réseau associatif des jardins collectifs de la vallée. Grâce à leur orientation thématique spécifique, les focus groupes successivement organisés ont permis aux jardinier·ères impliqué·es de faire progresser les échanges, depuis la discussion du protocole d’expérimentation jusqu’à la discussion des résultats.

  • Le premier focus groupe, réalisé le 14 mars 2022 en présence de 9 participant·es, avait pour objectif de permettre aux jardinier·ères amateur·trices de discuter de la pollution de la vallée. Il s’agissait de situer l’activité de jardinage des participant·es dans leur contexte local et global, par exemple au regard d’évènements climatiques dans la vallée de l’Orbiel mais également au regard d’études nationales comme l’étude Esteban publiée en septembre 2021 sur l’exposition aux métaux de la population française. La discussion a été menée à travers sept thèmes : la place de l’activité minière dans la vallée de l’Orbiel (hier et aujourd’hui), les inondations d’octobre 2018 et les changements qu’elles ont pu suggérer, les tensions dans les débats publics ou privés au sujet des pollutions, la nature des pollutions et ses sources, le(s) liens(s) entre la pollution des milieux et la contamination des habitant·es de la vallée, la possible exposition des habitant·es lors de la consommation des légumes et fruits de la Vallée et enfin un retour sur ce que les participant·es attendent de l’expérimentation moutarde.
  • Le deuxième focus groupe, réalisé le 23 mai 2022 en présence des trois jardinier·ères ayant effectivement récolté des plans de moutarde à la suite des semis réalisés à l’automne, avait pour objectif de discuter de la mise en œuvre du protocole de l’expérimentation et d’en affiner la définition. Les discussions ont été animées autour de quatre points : le bilan des dernières analyses de légumes des jardiniers permettant de discuter les liens qu’ils·elles tissent avec la contamination des milieux, la définition de la stratégie d’analyse (choix des types d’analyses et substances à cibler, ouverture de l’expérimentation à d’autres paramètre et orientation vers de nouveaux semis de moutarde courant été 2022), le suivi des pratiques culturales des jardiniers (carnet de culture) et la récupération des récoltes pour envoi au laboratoire d’analyse (INRAE).
  • Le troisième focus groupe, réalisé le 2 février 2023 en présence de 14 participant·es, avait enfin pour objet de permettre aux jardinier·ères amateur·trices de discuter les résultats des analyses de concentration en métaux lourds des plans de moutarde (racines et feuilles) cultivés dans le cadre de l’expérimentation. Ce dernier focus groupe a permis un échange sur les données environnementales et sanitaires disponibles localement ou globalement (études environnementales et sanitaires dans la vallée de l’Orbiel, règlementations sanitaires de la présence de métaux lourds dans les denrées alimentaires, etc.) ainsi que sur l’évaluation des risques sanitaires liés à la consommation de produits du jardin (selon la quantité consommée et les doses journalières tolérables).

[1] Le focus groupe est une méthode d’investigation empirique de tradition anglo-saxonne. Elle se développe aux É.-U. dans les années 50 suite à des échanges entre Merton et Lazarsfeld autour de focused interviews qui visent à recueillir des matériaux discursifs permettant à des auditeurs d’une émission radiophonique d’expliciter, suite à une expérimentation collective d’écoute, le sens accordé a posteriori à leur réaction-réception vis-à-vis des messages diffusés (compréhension/incompréhension, accord/désaccord) (Merton, 1987 ; Merton et Kendall, 1946). De nombreux travaux dans le monde anglo-saxon et francophone se sont développés dans la continuité de cette expérimentation et ont participé au développement des méthodes de l’entretien collectif. Généralement, ces méthodes se distinguent (Duchesne et Haegel, 2008) par l’intérêt principal qu’elles portent soit à la dynamique de groupe (dans une approche psychosociale) soit au recueil de discours (individuels ou collectifs), mais aussi par leurs finalités qu’elles visent l’auto-analyse et l’émancipation (dans la tradition de l’intervention sociologique de Touraine (1978) ou de la sociologie clinique de Gauléjac (1993)) ou plus généralement qu’elles s’orientent vers l’analyse des significations partagées ou des désaccords qui se construisent dans les interaction sociales provoquées par la mise en discussion (Morgan, 1996). L’intervention sociologique et la sociologie clinique accordent une place de choix aux entretiens collectifs dans les dispositifs de recueil de données. Ils s’inscrivent souvent dans la durée et la répétition, et intègrent à leur méthode un objectif de réflexivité et d’auto-analyse. Merton, R., 1987, « The focused Interview and Focused Groups : Continuities & Discontinuities », Public Opinion Quaterly, 51(4), 550-566 ; Merton, R., et P. Kendall 1946 « The Focused Interview », American Journal of Sociology, 51(6), 541-557 ; Morgan, D.L, 1996, « Focus Group », Annual Review of Sociology, 22, 129-152 ; Duchesne, S. et F., Haegel, 2008, L’enquête et ses méthodes. L’entretien collectif, Paris, Nathan, collection « 128 » ; Gauléjac (de), V., 1993, Sociologies cliniques, Paris, Hommes et Perspectives/ Desclée de Brouwer ; Touraine, A., 1978, La voix et le regard, Paris, Seuil.