7 – Appropriation des artefacts et pouvoir d’agir

L’appropriation des artefacts dans le domaine de l’enseignement et de la formation des adultes : limitations et/ou d’augmentation du pouvoir d’agir des sujets ?

Symposium animé par Germain Poizat et Gwenaël Lefeuvre

Les enseignants et les formateurs sont souvent dans une relation ambivalente avec les artefacts[1]. Soit ces derniers sont « opaques » aux protagonistes du fait d’une méconnaissance de leur pouvoir de structuration de l’action, soit ils semblent être une « évidence » tant ils sont intégrés et incorporés dans les pratiques quotidiennes. Par voie de conséquence, les artefacts sont souvent considérés comme secondaires dans l’organisation des pratiques d’enseignement et/ou de formation (Adé & De Saint George, 2010). Les acteurs du système éducatif sous-estiment souvent les effets – directs et indirects – de l’utilisation des objets de leur environnement (objets, pour une partie, hérités de la production des générations antérieures, pour une autre, construits par les collectifs et les individus pour répondre à des situations-problèmes contemporains et localisés) sur leurs pratiques d’enseignement et de formation ainsi que sur les principes et croyances qui guident et orientent ces pratiques. Pourtant, il n’est pas difficile d’imaginer les changements qu’occasionne par exemple une modification de l’agencement de l’espace de formation ou bien  la mise en place de nouveaux outils ou dispositif pédagogiques (outil de régulation du comportement des élèves, nouveau dispositif d’évaluation des compétences des élèves, etc.) dans la configuration des activités de l’enseignant/formateur et des processus (socio)cognitifs sous-jacents.

Lorsque l’on « dénaturalise » les objets et dispositifs qui environnent l’activité des individus, comme l’ont déjà effectué certains travaux en sociologie (Thévenot, 1993 Latour, 1989, Bernoux, 2002) ou d’autres dans les théories de l’activité (Rabardel, 1995, Béguin, 2005, Cuvelier & Caroly, 2009, Durand, 2008, Theureau, 2004), nous prenons conscience de leurs fonctions dans la construction de l’expérience, la mobilisation des connaissances et savoir-faire nécessaires à la réussite de l’activité, ou encore dans la construction et l’actualisation d’une culture locale. Les objets et les dispositifs présents dans un environnement de travail sont des constructions sociales et historiques (Simondon, 1958, Stiegler, 1994) qui participent, pour une part, à développer, à travers leurs appropriation,  la capacité d’agir des individus, et d’autre part, à pré-structurer le champ des possibles dans leurs pratiques effectives (à sélectionner ce qu’il est possible de faire et de ne pas faire, à identifier des problématiques et en occulter d’autres, etc.). Pour reprendre la théorie de la genèse instrumentale de Rabardel (1995), qui est une manière parmi d’autres d’étudier l’appropriation, les objets sont instrumentés par les acteurs (ils sont utilisés comme ressources dans la réussite de leur action) pour guider et orienter leurs pratiques mais ils instrumentalisent également ces derniers à travers les contraintes, plus ou moins conscientisées, que leurs usages imposent. En d’autres termes, les artefacts sont constitutifs et constituants de l’activité tant du point de vue cognitif que du point de vue social (Havelange, 2005).

Dans le cadre de ce symposium, nous interrogerons le rôle qu’ont les artefacts dans l’organisation des pratiques effectives mises en œuvre par les enseignants et les formateurs d’adulte. Les communications de ce symposium se réfèreront à des études empiriques et à des cadres théoriques spécifiques (didactique professionnelle, théorie du cours d’action, clinique de l’activité, psychologie historico-culturelle, etc.) afin d’éclairer nos connaissances sur les processus d’appropriation des objets et dispositifs et leurs effets particuliers sur les pratiques éducatives mises en œuvre.

[1] Objets techniques ou symboliques ayant subis une transformation d’origine humaine

 

 

Références bibliographiques

  • Cuvelier, L. et Caroly, S. (2009). Appropriation d’une stratégie opératoire : un enjeu de collectif de travail, Activités, 6, 2, 57-74
  • Havelange, V. (2005). De l’outil à la médiation constitutive : pour une réévaluation phénoménologique, biologique et anthropologique de la technique, Arobase, 1, 8-45
  • Rabardel, P. (1995). Les hommes et les technologies : une approche cognitive des instruments contemporains. Paris : Armand Colin
  • Simondon, G. (1958). Du mode d’existence des objets techniques. Paris : Aubiers
  • Stiegler, B. (1994), La Technique et le temps 1 : La faute d’Epiméthée. Paris : Galilée

 

Les interventions

Résumés des interventions

L’appropriation et l’individuation : un renouvellement des questions en formation des adultes ? – Germain Poizat, Annie Goudeaux

Les dimensions collectives de l’appropriation : perspectives pour la formation – Lucie Cuvelier

Construction de l’expérience et dynamique d’appropriation des artefacts : le cas d’apprenants au métier d’enseignant d’EPS Jérôme Guerin

Structure et fonctions du système d’instruments d’un enseignant – Gwenaël Lefeuvre, Isabelle Fabre, Audrey Murillo

Dynamique des « frontières » entre acteurs et objets techniques : l’activité d’une enseignante de primaire en classe d’espagnol au Chili – Julia San Martin, Philippe Veyrunes

L’appropriation de vidéos de stage pour la formation par alternanceHélène Veyrac

Utilisation d’artefacts et développement dans le domaine des Pratiques Physiques Sportives et Artistiques (PPSA) – Serge Eloi, Gilles Uhlrich

Problématiser la question du langage comme instrument du travail enseignant et de l’analyse du travail enseignant à l’aide de la psychologie culturelle historique – Frédéric Saussez