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La bomba: l’héritage africain de Porto Rico ?

Dans les rues de Porto Rico, le son de la bomba résonne de plus en plus fort depuis des années. Cette musique traditionnelle, est devenue très populaire dans le pays mais aussi à l’international. 

Aujourd’hui, incontestable patrimoine culturel portoricain, hier pourtant, elle était considérée comme le vilain petit canard du monde musical parce que, crée par des Africains réduit en esclavage il y a des siècles dans les villages de San Juan, Loíza où ils se sont retrouvés en grand nombre.

Cet article se propose de revisiter le début de sa création ainsi que la place qu’elle occupe actuellement dans l’univers culturel portoricain.

Qu’est-ce que la bomba

Ce genre musical portoricain est un ensemble à lui tout seul. Il concilie battements de tambours, danses et chants. C’est une musique dans laquelle se développe une espèce de communication entre le batteur principal et le danseur qui le défie, de reproduire au son de son tambour les battements de ses pas. Deux principaux tambours sont utilisés lors de la musique: le « buleador » et le « subidor ». A ces deux s’ajoute aussi des percussionnistes, des chanteurs sans oublier le cœur qui reprend les chansons.
Dans le temps, les chansons étaient pour la plupart improvisées puisque, craignant des révoltes, les esclavagistes leur interdisaient tout regroupement. Ceci étant, les fois où ils se retrouvaient, ils agissaient de façon spontanée.
En fonction du pays africain d’où ils venaient, ils esquissaient des pas pas de danses, improvisaient des chansons. Mais progressivement, ils vont arriver à syncrétiser leurs différents rythmes avec les pratiques culturelles qui existaient sur l’île, créant ainsi la bomba.

Par exemple il y a plusieurs formes de bomba tels que « le sica, le léro, le yuba ou encore le hollandés » qui ont été développé. Et ces différentes formes possèdent aussi leurs particularités d’une région à une autre. Il suffit d’écouter de la bomba ou de voir les danses appelées « bailes de bomba » pour se rendre compte de l’existence du savoir -faire africain à travers les rythmes, et l’intensité des mouvements.
Parmi les pionniers les plus connus de la bomba portoricaine, il y a Rafael Cepeda, tromboniste, musicien et compositeur, considéré comme le père de la bomba portoricaine. C’est aussi grâce à lui que la musique a fini par avoir de nos jours une notoriété internationale. Une tradition que perpétue d’ailleurs sa famille en créant une fondation sa mémoire.

Origine de la Bomba 

Elle serait apparue pour la toute première fois à Porto Rico au XVII ème siècle dans les champs de plantations où avaient été réduit en esclavage des milliers d’Africains.

Déportés principalement du Golfe de Guinée en Afrique (Nigéria, Bénin, Ghana, Togo, du Soudan et autre, ils se sont retrouvés en grand nombre dans les villes côtières qui se trouvaient le long de l’île comme San Juan, Santurce ou encore Loiza. La bomba serait née de cette nouvelle communauté africaine désormais portoricaine.

En effet, pendant cette période, c’était de simples barils de rhum vides qu’ils avaient recyclés et utilisés comme tambours.

Le nom  »bomba » viendrait du tambour principal appelé « bombo » en espagnol. Mais pour d’autre, le nom bomba serait un hommage au peuple « Akan » qu’on retrouve surtout au Ghana en Afrique de l’Ouest. Car au Ghana, les grands tambours utilisés par cette communauté lors de leur cérémonie traditionnelle s’appellent ‘bommaa ».

Figure 4: Planche 7 de Sketches of Character, Isaac Mendes Belisario Yale Center for British Art, USA 1838

Quoi qu’il en soit, une musique était née. Et elle a été pour ces Africains, une forme d’expression de dénonciation mais aussi une forme d’expression religieuse. Inspirée de leurs danses et rythmes traditionnels, c’est un mélange de plusieurs cultures de l’Afrique de l’Ouest, de l’Est, Central. Progressivement, elle s’ancrera dans les habitudes, transcendera les rues et s’inscrira contre préjugé et interdiction, parmi le patrimoine culturel portoricain. Les villes portoricaines les plus célèbres pour leur bomba sont San Juan, Loiza, Santurce ou encore Ponce.

Figure 5: Bomba drummers, singers and dancers at the batey Ayala in Loiza Aldea, Puerto Rico

La bomba comme symbole de résistance des afro descendants de Porto Rico

À l’instar du Candomblè au Brésil et à Cuba, la bomba portoricaine représente de nos jours pour les afro descendants leur héritage culturel et le symbole de leur africanité.
Pour cette population victime depuis toujours dans l’île, de diverses discriminations dues à leur lointaine origine, la revendiquer constitue pour elle, une manière de s’affirmer et de se réapproprier son identité d’une part. Mais d’autre part, de revendiquer l’apport de sa communauté dans l’univers culturel portoricain.

Etant une musique crée et produite par des « Noires », la bomba a toujours été dévalorisée. Déjà dans les années 1906, elle avait été interdite comme le montre ce communiqué rapporté par Hugo R. Viera Vargas dans son article publié dans la revue 80Grado+ Prensasinprisa et publié à l’époque dans le journal « La démocratie »

«  Il est expressément et formellement interdit de sortir l’instrument appelé « bomba » ou quelque chose qui y ressemble, de même que chanter ou danser au rythme de celui – ci sur les places publiques, esplanades ou tout autre site public de la municipalité. »

La democracia, 1905

Pour arriver à la valoriser un travail se fait donc depuis des années par les afro descendants à travers leur musique.
En plus de la famille Cepeda, connue mondialement pour son engagement pour le rayonnement de la bomba, il y a aussi beaucoup d’autres afro descendants qui continuent de se battre pour sa valorisation.

Les frères Emmanuelli Nater ont eux aussi crée un centre nommée « Centro de Investigacion Cultural de Raices Eternas » (CICRE) en 1996 pour continuer de transmettre cet héritage identitaire.

Aujourd’hui, la sénatrice Ada García, du district Mayagüez- Aguadilla, a œuvré pour que chaque 23 mars soit dédié à sa commémoration.

La conquête de l’Amérique Latine par la bomba

Considérée comme patrimoine portoricain, la bomba a conquis la quasi totalité des pays latino-américains américains. De la Colombie, en passant par le Mexique ou encore la République Dominicaine, la bomba représente actuellement le visage de la pop culture. Peu importe les artistes, le son du tambour y résonne même si le rythme semble être amélioré avec plus d’instruments modernes tels que le piano, la batterie etc. Que ça soit Dandy Yankee, Bad Bunny ou Karol G, sans oublier Enrique Iglesias, ils s’inspirent tous aujourd’hui de la bomba pour produire leur musique, le reggaeton. Ce genre musical qui cartonne depuis des dizaines d’années n’est rien d’autre qu’une autre forme de musique dérivée de la bomba traditionnelle développée dans les champs de plantations. Et ça marche!

C’est d’ailleurs ce qu’explique Stephen Partel lors qu’il dit

«  … Les thématiques et la langue utilisées sont beaucoup plus proches de celles des insulaires vivants à Porto Rico. Compte tenu de son succès international, le reggaeton est devenu l’emblème des artistes installés à Porto Rico… »

Partel, s., Diaspora portoricaine et musique rap à new york: entre LATINITÉ et cultures africaine AMÉRICAINE, la revue «études caribéennes », 2010

dans son article intitulé Diaspora portoricaine et musique rap à New York: entre latinité et cultures africaine américaine, publié dans La Revue « Etudes Caribéennes . Même si la majorité de ces artistes développent des thématiques en rapport avec l’amour ou l’argent, il est important de souligner qu’il y en a encore parmi eux, qui continuent de perpétuer la tradition de leurs ancêtres en utilisant la bomba comme moyen d’expression et de revendication. C’est le cas par exemple des artistes tels que Tego Calderon qui a perpétué ce rythme musical, tout en développant des termes propres à son vécu dans les banlieues afin de dénoncer les conditions de vie misérable et le racisme.

Bibliograhie

Mendez Adriana, les esclaves dans les colonies espagnoles, l’harmattan, 2006, 144 p

Partel Stephen, 2010, diaspora portoricaine et musique rap à New York: entre latinité et cultures africaine américaine, Revue Etudes Caribéennes, n°16.

Viera Vargas Viera, 2020, Bomba, prohibiciones y discurso racial en los albores del siglo XX, Revue 80Grado+ Prensasinprisa

Lopez Adolfo , herencia africana en Puerto Rico: un recuento breve, cordillera, 2003, 48p

Fraginals Manuel Moreno, l’Afrique en Amérique latine, Georges Thone s. a, Liège, 1984, 359p,

2 Comments

  1. Katty Alejandra

    La musique a toujours été un élément essentiel dans beaucoup des mouvement sociaux de revendication. Merci d’avoir accordé de l’importance à la Bomba portoricaine qui est souvent marginalisée et oubliée!

  2. elhadjis

    Très bon article
    L’héritage africain est presque présent partout dans le monde notamment en Europe et en Amérique. Les musiques traditionnelles africaines qui sont à l’origine de la bomba ne sont qu’une infime partie de cet héritage.

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