La chanson en forme d’air
Ce nouveau type de chanson, moins étroit et plus évolutif que le type parisien, apparaît vers le milieu du siècle. Son origine est à chercher dans une certaine forme de chanson populaire, dont on chantait les différents couplets sur une même musique. Cette vogue de la chanson strophique annonc ce qui, dès 1570, prendra le nom d' »air », puis l' »air de cour » de la fin du siècle. Humanistes et poètes, ceux de la Pléiade en particulier, s’y attachent aussitôt, dans l’intention toujours renouvelée de favoriser l’union de la musique et de la poésie. C’est à Pierre de Ronsard qu’il revient d’avoir défini les règles précises de ce jeu savant, notamment dans son Abrégé de l’Art poétique français, illustré en 1552 par la parution de son écrit Amours, qu’accompagne un supplément musical des compositeurs Pierre Certon, Claude Goudimel, Clément Janequin, et Marc-Antoine de Muret. Dorénavant, tout livre de chansons est édité sous les noms communs du poète et du musicien qui en sont les auteurs, dont la collaboration est d’ailleurs encouragée de tout côté, par les princes éclairés et mécènes amateurs de musique, les humanistes mélomanes ; partout, du salon parisien au château provincial, l’on chante, accompagné du luth, ces chansons, ces airs, tout autant que l’on discute des problèmes musicaux qui sont posés.
Les pièces, de sujet simple, sont le plus souvent écrites sur un sonnet (poème de quatorze vers, de deux quatrains à rimes embrassées, et deux tercets), et la ligne mélodique suit des principes que nous avons déjà exposés, renouant, en somme, avec une certaine tradition perdue depuis l’Antiquité grecque. Il est intéressant de constater ici un changement, irrévocable, de la conception de l’oeuvre musicale : si, dans les oeuvres religieuses, la partie de ténor est encore la voix essentielle, c’est la partie supérieure, le « dessus », qui, dans la chanson profane, se présente comme la clef de voûte de tout l’édifice musical. Ligne mélodique énoncée au dessus, recherche d’une écriture harmonique : deux jalons sur la route menant vers la musique « moderne » , et dont le genre baroque annonce la première forme.