ll n’est pas simple de dire exactement quand commence une théorie de la musique spécifiquement « renaissance », tout comme il est difficile de distinguer la musique médiévale tardive des prémisses de la musique de la Renaissance.
Dans l’histoire de la théorie musicale, les premières traces de rupture dans les pratiques de la théorie musicale se trouvent vers le 1er tiers du XIVe siècle : rupture manifestée par les traités de l’Ars Nova dont Jean des Murs est le représentant idéal. Car la théorie du XIVe siècle bouleverse les notions et les concepts. On remarque l’apparition de nouvelles notations (en France et en Italie), l’introduction du concept de proportion, la réorganisation des consonances/dissonances, sont autant de témoignages de cette volonté de nouveauté.
L’apparition de l’imprimerie touche la théorie de la musique avant la musique elle-même. Le 1er traité imprimé paraît en 1480 : le Theoricum opus de Gaffurius. A la même époque, Johannes Tinctoris rédige une douzaine de traités (ca 1472-1484) qui abordent de façon novatrice et surtout systématique tous les aspects (ou presque) de la théorie musicale, et c’est à cet égard qu’on peut le considérer comme un pivot dans l’histoire de la théorie musicale. Néanmoins, les domaines qu’il aborde restent traditionnels : la solmisation, les proportions, la terminologie, les effets, la notation, les modes, le contrepoint.
Aux XVe et XVIe, la réflexion de la théorie musicale se fait dans des lieux divers, de la salle de cours d’une université au cabinet privé du savant en passant par les académies et les maîtrises. La musique est un art libéral, donc enseigné dans les universités. Avec l’arithmétique, la géométrie et l’astronomie, elle forme depuis le Moyen-Âge ce qu’on appelle le quadrivium.
Le musicien de la Renaissance utilise un système de notation des durées plus complexe que celui que nous connaissons. Il y a un ensemble de valeurs (maxime, longue, brève, semi-brève, minime, semi-minime, fuse, semi-fuse) situées sur une portée de 5 lignes. Les hauteurs sont définies par des clefs tandis que les valeurs sont distribuées d’après un signe (le signe de mensuration) qui précise la nature de leur relation. Ce schéma des différents niveaux de notation laisserait supposer un système rigoureusement codifié, mis en pratique de manière cohérente par les compositeurs et exposé avec clarté par les théoriciens. Malheureusement, il n’en est rien, et plus la musicologie découvre de nouvelles lectures possibles de notations des XVe et XVIe siècles, plus elle est amenée à insister sur la diversité des pratiques, plutôt que sur l’existence d’un système unique. Cette diversité n’affecte pas seulement l’histoire de la notation : le sens des signes et leur utilisation varient d’une génération de compositeurs à l’autre ; elle affecte également la répartition géographique des habitudes de notation. Les caractéristiques fondamentales de la notation de la Renaissance sont mises en place au début du XVe siècle. Les scribes semblent abandonner progressivement la notation noire pleine qui avait prévalu jusqu’alors, pour ce qu’il est convenu d’appeler la notation blanche. Vers 1430, cette dernière correspond à la pratique commune sur le continent tandis que quelques compositeurs anglais persistent à maintenir occasionnellement la notation noire.
Le but de notre travail est de présenter les différentes particularités des traités de la Renaissance :
Que nous disent-ils ? Quel type d’information ? (écriture, notations, facture d’instrument, explication de formes, pédagogie…)
Quels publics visent-ils ? Ont-ils vocation à la transmission, l’éducation, la pédagogie ?
Par le biais de quels formats ? Quels sont les moyens de l’époque pour leur fabrication, qui en avait la responsabilité ?
(Guide de la musique de la Renaissance: chapitre « Théorie et théoriciens de la musique)