Colloque – Organisation, gestion productive et santé au travail

Si les sociologues précurseurs ont pu s’intéresser à l’impact du travail ou plus spécifiquement des conditions de travail sur la santé des salariés et plus particulièrement des ouvriers, force est de reconnaître que la thématique de la santé au travail est restée discrète chez les pères de la sociologie du travail . Certes, ces dernières années au croisement des disciplines sociologiques et psychologiques, une attention nouvelle s’est portée sur les effets morbides de certaines formes d’organisation et de gestion du travail. De nouveaux concepts sont venus renouveler l’analyse : usure professionnelle, souffrance au travail, violence au travail, troubles psycho-sociaux, etc. Pour autant, les interrogations plus traditionnelles de l’impact du travail, des postures, des techniques, des produits, de l’intensification du travail, de la pénibilité physique restent d’actualité. Mais les questions de santé au travail demeurent pour une part « un point aveugle des organisations politiques comme des mouvements sociaux » quand elles ne sont pas dissoutes purement et simplement dans la thématique « santé environnement ».. Là encore, on peut faire un certain nombre d’hypothèses pour en rendre compte. Elle tient à des problèmes généraux comme le vieillissement de la population, ou à des faits d’actualité comme la révélation des désastres de l’amiante, des cancers professionnels, des troubles musculo-squelettiques, la multiplication de suicides au travail, la recrudescence récente des accidents du travail, le développement relatif de l’absentéisme, etc. Mais de nouvelles causes et un nouveau contexte sont aussi mis en lumière et dénoncés : l’intensification du travail, la charge mentale accrue, la flexibilité, la polyvalence non qualifiante et la non reconnaissance de la qualification, entretenant la peur du déclassement, la déstabilisation et la fragmentation des collectifs, l’individualisation de la relation salariale exacerbant les concurrences interindividuelles, les nouveaux modes d’organisation des process (juste à temps…), l’intégration des contraintes marchandes (urgence, délais…), la nouvelle vulgate organisationnelle autour de l’entreprise maigre (lean and mean production) génératrice de mobilité contrainte et de licenciements, dont les effets sur la santé a depuis longtemps été soulignés…

On peut faire un certain nombre d’hypothèses pour rendre compte de cette relative discrétion : amélioration objective des conditions de travail, législation plus favorable en matière d’accidents du travail et de maladies professionnelles, difficultés à objectiver les maladies professionnelles, mode d’enregistrement des accidents et maladies par les institutions, insuffisance des corps de contrôle et de la médecine du travail, logique de compromis, plus globalement acceptabilité du risque comme contrepartie du progrès.

Or la question de l’impact des conditions de travail sur la santé revient fortement sur le devant de la scène socio professionnelle dans les années quatre vingt dix-deux mille non seulement en France mais plus généralement en Europe.

Ces causes multiples se révèlent avoir d’autant plus d’effets que les institutions en charge de la protection des salariés s’avèrent relativement peu performantes, qu’il s’agisse de la médecine du travail en mal de recrutement et menacée dans son indépendance, des CHSCT, de l’inspection du travail , des ingénieurs et techniciens des Caisses Régionales d’Assurance Maladie des Travailleurs Salariés, voire des syndicats pris entre des exigences parfois difficiles à concilier (défense de l’emploi / défense de la santé…) et au cœur de la dialectique  précarisation de la santé par le travail et du travail par la (mauvaise) santé.

Ces différentes causes mettent en exergue le contexte tant économique que social du travail. Mondialisation, financiarisation de l’économie, mobilité des capitaux et des entreprises, rôle délétère des agences de notation… d’un côté, idéologie de la performance et de l’excellence, logique de la responsabilité, survalorisation du travail… d’un autre. Elles interrogent directement les modes d’organisation du travail, les modes de gestion des ressources humaines et les modes de prévention et de gestion des risques professionnels. Elles mettent aussi en cause les institutions en charge de celles-ci et les partenaires sociaux, même si ces institutions et nombre d’entreprises ne sont pas restées sans réagir et sans rechercher des solutions avec ou sans les partenaires syndicaux .

Si ces diverses évolutions affectent en priorité et de façon peut-être plus manifeste les entreprises privées, elles n’ignorent pas les autres types d’organisation et tout particulièrement le secteur public aux prises avec les orientations du new public management. Cet appel à communication ne saurait donc ignorer le secteur public ou celui de l’économie sociale.

De même, si la question de la santé au travail concerne toutes les catégories de salariés, elle concerne plus spécialement les travailleurs les plus fragiles, sans oublier les salariés fragilisés, de manière récurrente ou non, par des problèmes de santé.

Elle concerne le monde industriel mais aussi, et de plus en plus, celui des services.

Programme_Organisation__gestion_productive_et_sant__au_travail.pdf

Programme :

Jeudi 16 décembre

9h00 – 9h30 Accueil des participants

9h30 – 10h45 Séance plénière :

9h30 – 10h00 : Introduction, François Aballéa

10h00 – 10h45 : « Transformation des conditions de travail et constitution d’une problématique de la santé au travail », Pascal Ughetto

10h45 – 11h15 : Pause

11h15 – 12h45 : Ateliers

Rationalisation de l’organisation et du travail dans les services, présidente : Catherine Peyrard

  • Munoz Jorge : Quand les nouvelles technologies bouleversent la prise ne charge des accidents du travail en CPAM
  • Barbier Pascal : L’attente et l’ennui au travail : quelques éléments sur les conséquences de la sous charge de travail dans les travaux subalterne des services
  • Benedetto-Meyer Marie et Metzger J.-Luc : Les centres d’appel : des macro-dispositifs de gestion entre paradoxes structurants et défiance systémique
  • Benion Alexandre : Des « empêchements » de faire et d’être…dans le secteur des centres d’appels

Relation de service-santé, présidente : Armelle Testenoire

  • Jourdam Georges : Regards croisés sur la santé au travail des travailleurs sociaux sur le bassin de l’emploi de Cherbourg
  • Dussuet Annie : Travail invisible et santé au travail
  • Bonnemain A. Vidal-Gomel C. Bourmaud G., A : Conflits de temporalités et conflits éthiques : une approche des risques psychosociaux en EHPAD

Les outils d’objectivisations et d’analyse, présidente : Danièle Trancart

  • Durand Jean Pierre : Le « stress au travail : Un point de vue critique sur les deux analyses par le Cabinet
  • Cartron DamienGuaspare Catherine, Le désajustement Technologia des conditions de travail dans les services
  • Nechtschein SarahChoquet Julien : La pénibilité du travail mesurée par SUMER

13h00 – 14h15 : Déjeuner

14h30 – 16h00 : Ateliers

L’enjeu des CHSCT, président : Frédéric Moatty

  • Gaillard IrèneDe Tersac Gilbert : Un travail empêché ? Les effets des modes de GRH et de management en organisation bureaucratique
  • Friedmann Guy : Professionnalisation et empêchement de l’expertise santé au travail : du labeur de l’élu CHSCT à l’accompagnement hybride de l’expert
  • Gallioz Stéphanie : L’expert au cœur de l’expertise CHSCT et de ses enjeux

Le diagnostic des RPS, président : Dinu Mihaï Gheorghiu

  • Lerouge Loic : Politiques et stratégies de prévention des risques psychosociaux : résultats d’une confrontation avec le droit de la santé-sécurité au travail
  • Chakor Tarik : La réalisation du diagnostic psychosocial par les consultants : Enjeux et conflits préventifs
  • Tabin Jean-PierreIsabelle ProbstGeorge Waardenburg : Les atteintes à la santé dues au travail : du visible à l’invisible
  • Fortino SabineLinhart Danièle : Atteintes aux métiers, atteintes à la dignité du travail : processus de construction de la pénibilité et résistance

Les acteurs de la santé au travail, président : Guillaume Tiffon

  • Bachet Daniel : La médecine du travail entre crise et refondation. Quelles pratiques en santé au travail
  • Lecomte-Ménahès Gabrielle : La réforme de la médecine du travail : une technicisation de la prévention au sein des services de santé au travail ?
  • Adam HélèneBarnier Louis-Marie : Syndicalisme et organisation du travail : résistance et compromis autour du « Document unique »

16h00 – 16h30 : Pause

16h30-18h00 : Ateliers

Nouveaux principes organisationnels dans l’industrie, président JP Durand

  • Matthieu René : Les effets des transformations de l’organisation du travail sur la santé des ouvriers de la  filière automobile
  • Avarguez SophieLuxembourger Frédéric : Réorganisation et rationalisation du travail dans l’industrie chimique
  • Valeyre Antoine : Nouvelles formes d’organisation du travail et santé en Europe
  • Goussard Lucie : Quand l’organisation par projet menace la santé des salariés
  • Bouville Grégor : Les effets de la lean production sur la santé au travail et l’absentéisme : les résultats d’une étude de cas rétrospective dans une entreprise de maintenance ferroviaire

GRH : Des nouveaux principes, présidente : Danièle Linhart

  • Liarte Aurélien : Références normatives liées au travail et à la santé (projet ; autonomisation, concurrence…)
  • Devigne MichelBretesché Sophie : La Haute-performance ; démarche compétence et santé
  • Foli Olivia : Un travail empêché ? Les effets des modes de GRH et de management en organisation bureaucratique

De la prise en compte des enjeux de santé par le management, président : Jérôme Pelisse

  • Conjard Patrick : Le management du travail et la prévention des risques psychosociaux
  • Doniczka Frédéric : Les ressources inégales des salariés face à une réorganisation : cela dépend des organisations du travail traversées
  • Blanc Martine, Peyrard Catherine : Insertion professionnelle et handicap psychique
  • Testenoire Armelle, Trancart Danièle : Trajectoires professionnelles et inégalités face aux évènements de santé
  • Burlet Mélanie : Faire face à la transformation des activités de travail à tout âge

Vendredi 17 décembre

9h00-10h00 : Séance plénière : La gouvernance de la santé au travail : le dialogue social recadré par le paradigme épidémiologique ?  Eric Verdier

10h00-10h30 : Pause

10h30-12h00 : Ateliers

La rationalisation de l’organisation et du travail dans les services, présidente : Emilie Legrand

  • Tiffon Guillaume : La santé des caissières à l’épreuve des caisses automatiques. Un travail plus dur, moins intéressant et menacé de disparaître
  • Lebeer Guy : Rapports de sous-traitance : le cas des ouvrier(ères) du nettoyage
  • Dinu Mihaï Gheorghiu, Moatty Frédéric : La mise en place de la T2A dans les établissements de santé et son lien avec les ressources humaines et la santé
  • Raveyre Marie : Restructuration du travail et santé psychique : le cas des agents hospitaliers

Syndicats et négociation face à la santé, présidente : Sabine Fortino

  • Pigenet Michel : La santé et la sécurité des travailleurs dans les ports français : une approche historique
  • Barisi Guisto : Restructurations et réorganisations : la conduite du changement réinterrogée par le travail
  • Masse Max : Réforme de l’Etat, accord santé sécurité au travail et gouvernance
  • Douillet Philippe : Négocier la prévention des risques psychosociaux : vers une nouvelle forme de dialogue sociale ?

De la prise en compte des enjeux de santé par le management, présidente : Laïla Salah-Eddine

  • Seiller Pauline : Sanctionner la mise en danger au travail : « les cartons jaunes » aux chantiers navals de Saint-Nazaire
  • Kolly Ottiger Isabelle, Tchouala Chantal : Pour répondre aux nouveaux modes de GRH : quels sont les défis relevés par les directeurs ?
  • Francequin  Ginette et alii : La formation des encadrants à la santé au travail : création du réseau interdisciplinaire (RFST)
  • Perrin-Joly Constance : Les formes de dénis de la prévention – santé au travail en entreprise

12h15-13h45 : Déjeuner

14h00-15h30 : Ateliers

Les acteurs de la santé au travail, président : Lionel Jacquot

  • Marichalar Pascal : Quand le patronat modifie la médecine du travail. L’action du CISME depuis la loi de « modernisation sociale » de 2002
  • Barlet Blandine : Les enjeux de l’ouverture pluridisciplinaire des services de santé au travail: l’exemple de la prévention des risques psychosociaux
  • Kubiak Julien : La prévention des risques professionnels à la SNCF : une activité à trois dimensions 

Perceptions/non-perception et intervention, présidente : Martine Blanc

  • Hazem Ben Aissa, Cottet Annie : Un nouveau modèle tripolaire de la souffrance au travail
  • Rousseau Thierry : L’absentéisme en entreprise : un révélateur des malaises du travail
  • Salah-Eddine Laïla : Processus d’invisibilisation de la souffrance au travail des patients en psychiatrie
  • Théry Laurence : La perception du risque cancérogène en milieu de travail : un frein à la prévention
  • Legrand Emilie : Les services de santé au travail face aux risques cancérogènes

15h30-16h00 : Conclusion Arnaud Mias

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