Décryptage du processus narratif identitaire mis en œuvre dans les Contes de Jean Boudou

Le conte, en tant qu’objet littéraire, se reconnaît dans son aptitude à pouvoir être actualisé et donc réinterprété au fil du temps. La contextualisation de l’écriture des Contes de Jean Boudou et la prise en compte des avancées théoriques réalisées ces dernières années sur la notion d’identité, notamment dans les domaines de la sociologie et de la littérature, permettent ainsi de déceler dans ces Contes une stratégie d’écriture centrée sur soi conduisant à la mise en place par leur auteur d’un processus narratif identitaire, destiné à produire une vérité sur soi et donnant sens à son existence.

Une telle relecture des Contes se fonde sur la reconnaissance préalable de la problématique identitaire à laquelle est confronté Jean Boudou et sur les incidences de celle-ci quant à la nature des textes produits. À partir de là, les premiers indices de la mise en oeuvre d’un processus narratif identitaire proviennent de l’introduction méthodique dans les Contes d’un référentiel éminemment personnel, voire autobiographique, qui permet à l’auteur de se mettre ostensiblement en scène et de s’attribuer un rôle dans lequel il est à même de pouvoir se reconnaître. Tout en conservant ces repères référentiels, l’imaginaire et la fantaisie personnels de l’auteur, libérés sous le couvert de l’illusion conventionnelle du conte, permettent alors la production littéraire d’images de soi plus ou moins transparentes, ponctuelles et fragmentaires qui ouvrent sur une identité possible distincte de l’identité biographique. Enfin, l’identité suggérée à plusieurs reprises entre l’auteur, le narrateur et le personnage, favorise l’affabulation et l’invention de soi grâce auxquelles l’expérimentation d’identités multiples devient possible. Les Contes entrent ainsi dans une sorte de nébuleuse autofictionnelle qui conforte l’appartenance de Jean Boudou à cette génération d’écrivains annonciatrice des évolutions que connaît la littérature en France à partir de la deuxième moitié du XXe siècle.

Dominique Roques Ferraris entame en 2008 à l’Université Nice Sophia Antipolis (Université Côte d’Azur) un parcours de recherche en littérature occitane consacré à Joan Bodon. Après avoir étudié le rapport singulier entretenu par Bodon entre réalité et fiction (2013), elle se concentre sur les Contes qu’elle étudie à partir de documents sources authentiques. Cet angle de recherche novateur lui permet notamment de montrer le rapport des Contes à l’ensemble de l’oeuvre et de déceler la mise en place, dès l’origine, d’une stratégie d’écriture centrée sur soi, bouleversant les codes et les genres littéraires. Sa thèse de doctorat (2017) fait l’objet d’un ouvrage intitulé Joan Bodon, Contes populaires et autofictions dont la publication est prévue en 2020.