Penser la différence des sexes : que proposent les théories ?

Appel à communications

Penser la différence des sexes : que proposent les théories ?

Si les écrits sur le féminin abondent, la question de la différence des sexes fait peut-être moins recette. Délaissée au profit de la différence des genres, souvent considérée comme une construction exclusivement sociale, contestée dans sa réalité biologique, la question de la différence des sexes et de ses multiples déterminismes semble bien difficile à traiter. Geneviève Fraisse[1] n’hésite pas à dire que c’est là un impensé de la philosophie tandis que Xavier Lacroix[2] pose l’écart insaisissable. Cette « charmante » différence, comme l’appelait Emmanuel Kant, cette disjonction des corps et des expériences, comme le soutient Alain Badiou[3], semble à ce point rebelle à l’entendement que même le séducteur de Soeren Kierkegaard[4] s’y cassa les dents : « J’essaye de penser le féminin dans une catégorie philosophique, dira-t-il en substance, mais laquelle ? ». Bref, la question est essentielle, mais difficile à traiter.

Voici plusieurs années déjà, nous nous étions posé la question de savoir si les théories scientifiques ont un sexe[5]. Les réponses que la réflexion collective apporta furent nuancées : certaines conceptualisations apparurent clairement influencées par le genre de leur créateur, d’autres moins, certaines pas du tout. Aujourd’hui, conscient(e)s de l’importance des enjeux théoriques que la question soulève, c’est au problème de la différence des sexes que nous voudrions revenir. Et susciter une nouvelle réflexion collective qui s’attachera à saisir ce que précisément les théories en disent. Comment l’interprètent-elles ? Quel rôle lui font-elles jouer dans la construction des psychismes et des sociétés? Quelle fonction lui attribuent-elles dans la mise en scène du pouvoir politique ? Quelle efficacité lui découvrent-elles dans la structuration des mythes, des rites et du rapport au sacré ? Nous souhaiterions donc nous intéresser aux discours que les théories du lien tiennent sur cette différence  essentielle, la plus fondamentale sans doute, qui impose à tout être entrant dans le monde d’y rencontrer, outre son semblable, un autre sexuellement différent capable d’attiser en lui la haine aussi bien que le désir.

Notre colloque, placé sous l’égide du Laboratoire de recherche en éthique dans les organisations, aura lieu les 20, 21 et 22 octobre 2011 à l’Université de Moncton, au Canada, Nouveau-Brunswick. On y accueillera des chercheur(e)s internationaux qui présenteront, dans un perspective critique, le traitement de la différence des sexes par la pensée d’un(e) auteur de leur choix. Avec les prolongements logiques auxquels cette pensée donne accès en même temps que les impasses qui nécessairement la bornent. De la sociologie à l’anthropologie, en passant par la psychanalyse, la pensée féministe, la philosophie et la science politique, toutes les théories systématiques du lien individuel ou collectif seront les bienvenues pourvu qu’elles soient abordées, dans un esprit d’interdisciplinarité, et sans parti pris militant, sous l’angle de leur saisie de la différence des sexes. Les personnes désireuses de présenter leur réflexion à ces journées de travail sont invitées de faire parvenir un résumé de leur présentation -5 pages maximum- à Anne Decerf dont elles trouveront l’adresse électronique ci-dessous, pour le 15 mai 2010 au plus tard. Elles seront averties de la sélection à la fin du mois de juin 2010. Elles pourront compter sur un temps de parole de 30 minutes. Une table ronde sera réservée aux doctorant(e)s.

Comité organisateur

Anne Decerf                  adecerf@nbnet.nb.ca

Marie- Andrée Pelland  marie-andree.pelland@umoncton.ca

Maurice Rainville          rainvims@nbnet.nb.ca

Lise Savoie                    lise.savoie@umoncton.ca

Marie-Thérèse Seguin   marie-thérèse.seguin@umoncton.ca

Lareo                              www.umoncton.ca/Lareo


[1] Geneviève Fraisse, La différence des sexes, P.U.F., Coll Philosophie, Paris, 1996.

[2] Sous la dir. de Xavier Lacroix, Homme et Femme L’insaisissable différence, Les Éditions du Cerf, Paris,1993.

[3] Alain Badiou, « L’amour est-il le lieu d’un savoir sexué ? », in L’exercice du savoir et la différence des sexes, sous la dir. de G. Fraisse, L’Harmattan, Paris, 1991, 99-114.

[4] Soeren Kierkegaard, « Le Journal du séducteur », in Ou bien… ou bien, 1843, trad.fr. F. Prior et al., Gallimard, Paris, 1943, 235-346, p.334.

[5] Les théories scientifiques ont-elles un sexe ? Sous la dir. d’Anne Decerf, Éditions d’Acadie, Canada, 1992.

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