Appel à contribution – Le livre au corps

Appel à contribution – Le livre au corps

Date limite : 31 mars 2011

« Le livre est un corps ». C’est ici l’identité immédiate que nous propose Husserl entre deux termes en apparence éloignés. Plus tard, Emmanuel Levinas énoncera que le livre est « une modalité de notre être » qui se fonde précisément sur la présence du livre comme « référence “ontologique” de l’humain ». Qu’est-ce qu’un livre en effet sinon l’occasion de poser la question de son rapport au corps ?
Les mots ont leur importance. D’emblée, le livre est associé au corps, à commencer par ce mot même de « corps », la taille du caractère d’imprimerie. Colonne, en-tête, en-pied, nerfs, dos, coiffe, main, nain, oeil, tête sont les mots d’un vocabulaire organiquement lié au livre et traduisant la corporéité du livre.
— Le livre est incarné par ce lecteur, un corps vivant, nomade ou sédentaire, l’un des protagonistes d’une très longue chaîne d’intervenants fédérés par des métiers ou des corporations : éditeur, maquettiste, imprimeur, parfois relieur, traducteur, correcteur, libraire, bibliothécaire… Le livre est ainsi pris en mains au fur et à mesure de son élaboration et de sa constitution et constamment mis en oeuvre par des corps agissants qui le façonnent à leur image. Le livre est de fait une façon de prolongement ou d’extension du corps propre. Il se définit encore comme une projection du corps correspondant.
— Dans ce qui constitue sa matière première à savoir son contenu de texte (et parfois d’images), un corps est mis au jour et présent par le truchement d’un auteur visible parce que son nom est révélé au public, mais un auteur qui est tout autant invisible car il est le fantôme du livre, un corps absent à tout le moins dissimulé dans la page de cet « objet investi d’esprit » pour reprendre Husserl.
— Le livre est comme un corps vivant avec une naissance, un développement, une mort et parfois une résurrection ; il est « putrescible, combustible, et même comestible » (Michel Melot). Le livre est même doué de parole puisque dans un puissant retournement dialectique, un effet de miroir, « le livre nous lit » (George Steiner) encore plus profondément que nous ne lisons ; il est notre intimité même, la chair de notre chair jusqu’à une possible fusion.
— Le livre est métaphore corporelle mais il est surtout partie intégrante de notre identité corporelle et mentale. Le livre est comme un corps protégé par sa couverture adaptée en tant que surface d’isolation de la partie sensible, de cette chair feuilletée et mise à vif que constitue le papier de la page, cette peau plus ou moins fine, granuleuse, lisse, que les doigts caressent tout en la déchiffrant.

Alain Milon & Marc Perelman
Professeurs à Paris Ouest-Nanterre La Défense.

Un premier volume est paru aux Presses Universitaires de Paris Ouest : Le Livre et ses espaces (2007) ; a suivi en décembre 2009 : L’Esthétique du livre ; un troisième volume paraîtra sur le thème du colloque « Le livre au corps » (fin 2011).

Cet appel à contribution fait suite au colloque du même nom qui a eu lieu à l’INHA, le 24 et 25 juin 2010.

Merci de nous faire parvenir vos articles (maximum 40.000 signes) accompagnés si nécessaire des illustrations avant le 31 mars 2011.
Pour toute correspondance : marc.perelman@u-paris10.fr

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