Appel à contribution – Le corps marionnettique comme corps-frontière

Appel à contribution – Le corps marionnettique comme corps-frontière


Date limite : 31 janvier 2011


Journée d’études LLA-CREATIS, Maison de la Recherche, Université Toulouse Le Mirail

Vendredi 13 mai 2011– Salle D 31 – Maison de la Recherche

A l’heure où les arts de la marionnette jouent de la rencontre du corps vivant et du corps inanimé dans la manipulation à vue[1], où les techniques des marionnettes portées, de l’acteur marionnettisé, de la marionnette hyperréaliste ou à taille humaine font partie des multiples possibles de « l’instrument marionnette »[2], cette journée d’études souhaite prendre un recul théorique et historique sur la question des relations entre le corps et la marionnette à partir d’un point de vue particulier : qu’est-ce que la marionnette fait au corps ?
Qu’est-ce que la marionnette fait au corps humain qui la manipule et dont elle devient une partie, au corps humain qui l’imite en se marionnettisant mais aussi à la représentation du corps, au concept de corps, en proposant un corps différent, en mettant en scène la question de l’indétermination des frontières du corps, en donnant à voir un corps hybride, un corps-frontière, un corps au seuil entre l’organique et le non-organique.
Car la marionnette, dans les textes comme dans la pratique scénique, propose toujours une mise en question du corps et un autre possible des corps :
– corps grotesque (Polichinelle et ses avatars). Le corps de Polichinelle et de ses avatars, caractérisé par de suggestives proéminences (ventre pointu, bosse dans le dos, nez saillant, associés à une symbolique sexuelle) rejoint toute une culture carnavalesque du « bas corporel » dont on peut interroger les manifestations marionnettiques. Il est aussi corps étrange, étranger, animalisé (Pulcinella viendrait du mot « poulet » en italien, le personnage naît d’un oeuf), corps masculin phallique, mais capable d’enfanter… L’étrangeté de ce corps marionnettique traditionnel inquiète autant qu’il fait rire, renvoyant à des questionnements d’ordre anthropologique et philosophique sur les frontières de l’humain.
– corps magique (la féérie, la danse, le théâtre d’ombres – Luc Amoros)
– corps érotique (Émilie Valantin et les Contes grivois de Lafontaine)
– corps métamorphique (Néville Tranter, Ilka Shönbein…) : dans Schicklgruber, alias Adolf Hitler de Néville Tranter, la marionnette et l’acteur sont en confrontation permanente entre dominant et dominé ou entre fort et faible. En effet, un même personnage peut être joué par un pantin désarticulé ou par le comédien manipulateur – il les campe tous à lui seul. Le corps de Néville Tranter se métamorphose continuellement, effectuant des allers-retours entre manipulateur et personnage. La frontière entre corps de chair et corps marionnettique est ainsi rendue poreuse.
– corps caché, corps sublimé (des marionnettes portées qui cachent et transfigurent à la manière dont le masque exhausse le visage à une dimension spirituelle ou symbolique)
– corps anéanti, disloqué, déchiqueté, corps contraint (Kantor, François Tanguy, Josef Nadj) : Dans Coda et Ricercar, les deux dernières créations du Théâtre du Radeau, François Tanguy interroge la frontière entre vie et mort en créant de l’ambiguïté et de la continuité entre le personnage et le mannequin, comme si chaque corps avait un corps-remplaçant. Ainsi, il chorégraphie une pantomime entre le choeur, le personnage de la mariée et son mannequin en contraignant le corps de la comédienne – Laurence Chable – afin de brouiller les frontières entre le vivant et le non vivant. Lorsque les hommes du choeur dansent avec la mariée, on ne parvient plus à distinguer le corps de la comédienne de celui du mannequin. Les mannequins constituent ici les doubles des personnages vivants, comme s’ils étaient doués d’une conscience supérieure atteinte après la consommation de leur propre vie.
– corps utopique : Schlemmer, Jarry, à la recherche d’un « nouveau corps » pour l’acteur, voire d’un nouveau corps humain qui soit un corps philosophique, métaphysique (Craig, Kleist et le rêve marionnettique d’un corps habité par la grâce). Corps éthiques dans le théâtre contemporain « avec marionnette », où une dramaturgie du « soin » et de la « responsabilité » apparaît entre manipulateurs et marionnettes incarnant la fragilité humaine[3]. (Didier Plassard)
– On pourra éventuellement aller jusqu’à explorer l’analogie entre corps marionnettique et corps politique : en quoi la transfiguration du corps face à la marionnette engage-t-elle une autre vision possible du corps politique ?
Cette journée d’études, qui se veut sans limitation chronologique ou géographique, souhaite ainsi commencer une réflexion sur le corps et la marionnette à partir de l’idée que toute recherche marionnettique contient en elle une certaine philosophie et une certaine utopie du corps.
Les propositions de communication (une vingtaine de lignes maximum) peuvent être envoyées à Hélène Beauchamp, Joëlle Nogues ou Elise Van Haesebroeck, avant le 31 janvier 2011.

Hélène Beauchamp : helene.beauchamp@wanadoo.fr
Joëlle Nogues : nogues.joelle@wanadoo.fr
Elise Van Haesebroeck : elisevh@hotmail.com

Responsables scientifiques : Hélène Beauchamp, Joëlle Nogues, Elise Van Haesebroeck
Responsable administratif : Thomas Perrin

[1] Voir le colloque « Corps vivant/corps marionnettique : enjeux d’une interaction », Arras, 2010.
[2] Expression privilégiée du marionnettiste Alain Recoing pour parler de son art.
[3] Voir Didier Plassard, « Marionnette oblige : éthique et esthétique sur la scène contemporaine », in Théâtre/Public. La Marionnette ? Traditions, croisements, décloisonnements, juin 2009, p. 22-25. Dossier publié sous la direction de Julie Sermon.

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