Horaire : 16h00-18h30
Lieu : CETCOPRA – Université Paris 1, 17, rue de Tolbiac. 75013 Paris. 5ème étage
(RER C ou Métro ligne 14, bus 62 ou 89)
Monique Sicard (ITEM – CNRS)
« Photo-graphies » : corps et appareils / XIX-XX-XXIème siècles
Nous proposons une analyse critique et mise en débat du dépassement du regard porté sur les corps sous l’emprise des technologies de la vision. Le point de départ paradigmatique sera fourni par l’usage de la chambre photo-graphique chez les physiologistes du XIXe siècle. A partir de là, nous nous autoriserons toute plongée dans le passé, mais également toute projection dans l’avenir d’une médecine et d’un corps devenus 2.0. Nous décrirons les modalités et évaluerons les conséquences de ces dépassements du regard : rematiérisation, déplacement (effets travelling) des objets, des méthodes et des appareils, mises à distance et rapprochements (effets zoom) des corps eux-mêmes. Ces réflexions théoriques prennent appui sur des exemples précisément décrits. Ainsi, Duchenne, Marey seront les porte-paroles d’une valorisation extrême de l’objectivité (élimination de l’observateur, effet de surface). L’imagerie du XXe siècle (radiographie, IRM, échographie), celui de la nouvelle intimité d’un corps devenu appareil. En rappels du passé, sera évoqué le paradoxe d’une mise à distance par une physiologie du contact chez Descartes et les physiologistes des XVIIe – XVIIIe siècle, sous l’emprise de la mécanique et de l’optique. Enfin, dans un monde contemporain devenu « many to many », le « Google pour tous » sera le modèle de l’émergence d’un corps collectif. Chaque fois, ces déplacements du regard sont le symptôme d’une rupture radicale sans abandon jamais de ce qui précède. ?Nous soulèverons pour conclure le paradoxe d’un corps désormais connu dans ses profondeurs mais fondamentalement devenu image, évoquant la question politique de l’effet de surface né de l’emprise photo-graphique ; celle, contradictoire mais simultanée, d’une parole-image conférée aux sans-voix.
Ermelinde Malcotte (Université Paris X Nanterre)
Enjeux de l’invisible : nanotoxicologie et biopolitique
L’anthropologie n’a cessé d’interroger la normativité humaine et le fait que l’homme, ce vivant particulier, ait une plasticité, une labilité qui lui est propre. La question du dépassement, ou plutôt du déplacement, se trouve au cœur des problèmes soulevés par l’analyse des effets sanitaires et environnementaux des nanomatériaux. Nous proposerons de tracer l’histoire de la nanotoxicologie. Cette nouvelle discipline, qui étudie les risque associés à l’exposition de l’environnement et des populations humaines aux nanomatériaux, met en évidence la manière singulière qu’a le vivant humain de se rapporter à son milieu. Qui se traduit notamment par une incidence croissante du nombre de personnes souffrant d’une hypersensibilité bronchique. Nous discuterons de la pertinence du cadre conceptuel qu’ouvre la notion foucaldienne de biopolitique, et de l’intérêt de revenir à la philosophie de Canguilhem, qui permet d’opérer un déplacement par rapport à la gestion traditionnelle des risques et au principe de précaution. L’histoire de la nanotoxicologie fait en effet apparaître que le point névralgique des risques n’est pas tant une affaire de protection que de savoir quels types de relations nous sommes capables de nouer avec les nanomatériaux, et quelle redéfinition de la santé se trouve impliquée dans les politiques sanitaires qui accompagnent ces interactions.
Tags: Anthropologie, Ethnologie, Histoire, Philosophie, Sociologie