Journées d’étude – Mécaniques du vivant. Savoir médical et représentations du corps humain, XVII-XIXe siècles

Journées d’étude – Mécaniques du vivant. Savoir médical et représentations du corps humain, XVII-XIXe siècles

 

Journées d’étude EXPLORA (CAS – EA 801/Muséum d’Histoire Naturelle de Toulouse) organisées dans le cadre du projet inter-MSH « Savoirs littéraires, savoirs scientifiques »

Programme des Journées

Affiche de la Manifestation

5–6 décembre 2011

Muséum d’Histoire Naturelle de Toulouse/Musée de la Médecine de Toulouse

Le développement des sciences médicales a métamorphosé la vision du corps humain au fil des siècles, un corps qui se dessine et se redessine dans la littérature et les arts visuels, permettant souvent de retracer l’évolution de la pensée et de la recherche médicale. Dans la médecine antique, la théorie des humeurs élaborée par Hippocrate et développée par Galien, qui marquera l’histoire de la médecine, influencera aussi l’art de la Renaissance et le théâtre élisabéthain, comme le montre l’apparition de la Comédie des Humeurs de Ben Jonson. Alors que la physiologie humorale perdure jusqu’à la fin du XVIIIième siècle, étant même défendue par Auguste Lumière au XIXième siècle, le corps humain bascule peu à peu dans une vision mécaniciste. Sang, phlegme, bile jaune ou noire entrent en compétition avec de nouvelles images qui transforment le corps chaudière en divers circuits et pompes, préfigurant déjà la théorie des animaux-machines de Descartes. Bien avant l’avènement des sciences et techniques et la métaphore du mécanisme d’horlogerie de La Mettrie, la révolution de l’anatomie, à la fin du XVe siècle et dans la première moitié du XVIe siècle, ouvre la recherche médicale sur l’étude de l’intérieur du corps humain, offrant au savant une mécanique mise à nu. La figure de l’homme mécanique, directement liée aux progrès en anatomie et physiologie, redéfinissent l’homme comme un assemblage de pièces amovibles. En outre, les planches anatomiques (de celles de Vésale à celle de Léonard de Vinci dans le domaine artistique) témoignent de la façon dont médecins et artistes font de la dissection un moyen d’accès à la vérité cachée. Les mystères du corps cèdent sous la lame du dissecteur ou du chirurgien, dès la naissance de la chirurgie moderne avec Ambroise Paré, et à mesure que le scalpel dévoile des profondeurs jusqu’alors invisibles, faisant disparaître muscles et tendons pour faire apparaître l’ossature, un nouveau rapport au corps humain se fait jour, à la fois dans les traités médicaux et dans les représentations artistiques. Les corps disséqués montrent comment l’exploration des cadavres transforment l’épistémè : la recherche de la vérité semble se situer à l’intérieur, sous les chairs que l’on ne sait encore ôter. Ainsi, le passage des fluides aux viscères se retrouve vite mis en scène dans l’art pictural qui place soudainement l’acte de dissection sous les feux de la rampe, nombre d’enluminures dès le XIVe siècle reflétant les recherches médicales du temps. Entre esthétisme et rigueur scientifique, les gravures anatomiques, à l’instar de celles de Jacques Gautier d’Agoty, ou même les cires de Gaétano Zumbo et du chirurgien Guillaume Desnoues et les écorchés d’Honoré Fragonard, offrent à un public avide d’émotions un nouveau réalisme.

Cette journée d’étude s’adresse aux chercheurs en histoire de la médecine, philosophie des sciences et en littérature. Elle cherchera à retracer les grandes théories qui marquent l’histoire des sciences médicales et leurs représentations du corps et proposera une réflexion épistémologique sur la diffusion et l’impact de disciplines et champs liés aux sciences médicales sur les représentations littéraires des XVIIe–XIXe siècles. Il s’agira de suivre le passage de nouvelles épistémè et découvertes médicales dans les représentations littéraires du corps humain. Les nouveaux modèles de la connaissance induits par les développements de l’anatomie, de l’ostéologie, de la physiologie et de la biologie (avec, par exemple, les études en histologie et cytologie, réduisant l’humain à une somme de cellules) seront au coeur de cette manifestation scientifique interdisciplinaire. On pourra se demander si, au moment où la mécanique du corps semble révéler ses mystères, les représentations littéraires des sciences médicales ne deviennent pas un témoin privilégié de la cartographie du corps, un indice des nouveaux modèles épistémologiques que le texte met constamment en scène à travers ses stratégies narratives et personnages. Le modèle hydraulique, lié à la découverte de la circulation sanguine de l’anatomiste William Harvey, ou bien le modèle anatomique, sont autant de révolutions médicales dont on cherchera à suivre l’exportation dans le discours littéraire. On pourra aussi étudier le voyage de l’iconographie anatomique dans les oeuvres littéraires afin de mesurer comment les transformations d’un corps indivisible à un corps fragmenté ou encore disséqué suivent l’évolution de la pensée médicale. En retraçant le chemin parcouru par le savoir médical dans la littérature, il s’agira également d’évaluer notamment comment le texte se charge souvent d’une émotion que la science refoule, mettant en lumière à la fois la précision grandissante de l’observation scientifique et la peur d’une médecine inhumaine qui transforme l’homme en objet d’expérimentation. Ainsi, la littérature du XVIIe au XIXe siècle deviendrait peut-être un miroir, fidèle ou magique, réfractant ou déformant l’image du savant : à mesure que son accès au corps devient de plus en plus direct, que la distance physique entre le scientifique, médecin, anatomiste ou biologiste et son objet d’étude se réduit, la littérature ne se révèle-t-elle pas la distance psychologique qui sépare chaque jour un peu plus la science médicale de l’humain ?

Les propositions de communications (500 mots ; document WORD) sont à envoyer à Laurence Talairach-Vielmas (talairac@univ-tlse2.fr) avant le 1 avril 2011.

PROGRAMME PRÉVISIONNEL

LUNDI 5 DÉCEMBRE 2011 (MUSEUM D’HISTOIRE NATURELLE DE TOULOUSE)

8.45–9.00 : Accueil des participants et présentation du projet

9.00–9.30 : Rafael Mandressi (Centre Alexandre Koyré, CNRS) : ‘Espaces et descriptions savantes du corps’

9.30–10.00 : Hélène Cazès (Université de Victoria, Canada) : ‘La fabrique d’une icône : l’invention vésalienne de l’anatomie moderne (1543, 1725)’

10.00–10.30 : Didier Foucault (Université de Toulouse (UTM)) : ‘Système cérébro-nerveux et activités sensorimotrices de la physiologie ancienne au mécanisme des Lumières’

10.30–11.00 : Pause café

11.00–11.30 : Claire Crignon (Université Paris Sorbonne) : ‘La persistance du ‘modèle’ humoral dans le discours philosophique et médical en Angleterre début XVIIe-début XVIIIe siècle : enjeux épistémologiques et anthropologiques’

11.30–12.00 : Nathalie Rivère de Carle (Université de Toulouse (UTM)) : ‘Under the knife, there is no self”: excoriation and the self in Renaissance Drama’

12.00–12.30 : Frédérique Fouassier (Université de Tours, Centre d’Etudes Supérieures de la Renaissance) : ‘Le corps syphilitique dans le théâtre anglais de la Renaissance’

12.30–14.00 : Pause déjeuner

14.00–14.30 : Elena Taddia : ‘Inscrire le corps de l’enfant dans le discours scientifique: la naissance de la médecine légale sur les enfants en Europe et la docimasie hydrostatique pulmonaire (1660-1830)’

14.30–15.00 : Laurence Dahan-Gaida (Université de Franche-Comté) : ‘Du nerf à l’écriture… et retour ! Médecine et anatomie chez Georg Büchner’

15.00–15.30 : Laurence Talairach-Vielmas (Université de Toulouse (UTM)) : ‘“Shapeless dead creatures … float[ing] in yellow liquid” : Dissection, Exposition et Traitement du Système Nerveux dans Armadale de Wilkie Collins’

15.30–16.00 : Pause café

16.00–16. 30 : Ruth Richardson : ‘Modernity and visuality in the imagery of Gray’s Anatomy’

16.30–17.30 : Visite commentée du Mur des Squelettes (MHN Toulouse)

MARDI 6 DÉCEMBRE 2011 (MUSÉE DE LA MÉDECINE DE TOULOUSE)

9.00–9.30 : Hélène Machinal (Université de Bretagne Occidentale, Brest) : ‘Le singe et l’ange : le corps de l’origine dans la littérature de la fin du 19ème siècle’

9.30–10.00 : Gaïd Girard (Université de Bretagne Occidentale, Brest) : ‘Les Corps mesmériques’

10.00–10.30 Gisèle Seginger (Université Paris-Est) : ‘Nerval et Flaubert : corps mystiques, esprits malades »

10.30–11.00 : Pause café

11.00–11.30 : Pierre C. Lile (Centre d’Etudes d’Histoire de la Médecine) : ‘Le « corps invisible » dans le « Secret de Wilhem Storitz » de Jules Verne’

11.30–12.00 : Jean-François Chassay (Université du Québec, Montréal) : ‘Le discours sur la dégénérescence : s’attaquer à la racine du mal’

12.00–13.00 : Visite du Musée de la médecine

13.00 : Clôture des journées d’étude

 

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