XIXème Congrès international des sociologues de langue française
Rabat, Maroc 2-6 juillet 2012
Appel à communication du GT1
« Le corps à l’épreuve des technosciences : entre maîtrise et incertitude »
GT1 Corps, technosciences et société
Le groupe de travail 1 s’intéresse aux rapports entre les corps et les technosciences au cœur des sociétés contemporaines. Débordant le champ des questions éthiques soulevées par le développement des biotechnologies, ce groupe de travail entrecroise des interrogations sur le corps et ses frontières avec des questions relatives à la socio-anthropologie des sciences et des techniques et privilégie une démarche où la réflexion théorique se nourrit de l’analyse des pratiques sur le terrain. En élargissant de manière transversale le questionnement aux sciences humaines et sociales, le GT01 voudrait ouvrir à l’échelle internationale les problématiques encore peu explorées qui ont été à l’origine de la création du GT 41 « Corps, techniques et société » de l’Associations Française de Sociologie en 2007 et qui actuellement constitue un réseau actif avec d’autres groupes de l’AFS.
Si la question ancienne d’un corps comme lieu « physique » – dans son épaisseur et dans sa chair – dans lequel une société inscrit et transmet ses valeurs a été abordée par Marcel Mauss, c’est à la suite de George Balandier que notre approche vise à dépasser l’archéologie inscrite dans les corps pour prendre en compte les sociétés en devenir. Les dynamiques et les changements en cours dans les nouveaux mondes socio-techniques informent les corps contemporains. Les corps se constituent alors en lieux autant physiques que symboliques dans lesquels la société inscrit ses conceptions de l’humain.
Au cœur des thèmes de recherche du GT1, les nouveaux dispositifs technoscientifiques nous plongent dans l’incertitude, dans la mesure où désormais les objets ne sont plus nécessairement détachés du corps mais peuvent lui être annexés ou être placés dans une proximité qui remet en question les frontières corporelles. Cette incertitude est indissociable d’une volonté de maîtrise et de domestication des corps – autant que d’une redéfinition – qui nous oblige à questionner les fondements socio-anthropologiques de notre corporalité. Afin d’aborder cette tension entre maîtrise et incertitude, nous proposons deux axes transversaux permettant d’explorer les rapports entre corps, sciences et techniques.
AXE 1 Identités et pratiques
Lieu ou objet d’inscription des identités (de genre, de race, d’âge, de classe) et des appartenances (coercitives, consenties ou revendiquées), le corps est désormais l’enjeu de modifications, de manipulations, de remodelages technoscientifiques. Ceux-ci appellent, dans les champ des sciences humaines une réflexion sur ce qui « fait » l’humain. Si les récents débats autour des concepts de cyborg et de posthumain demeurent d’actualité, ils se cantonnent trop souvent dans des postures idéologiques (technophile/technophobe) qui nuisent à la compréhension des nouvelles formes de représentations identitaires et des pratiques qui les accompagnent. Dans le cadre de ce premier axe, des communications portant sur les aspects théoriques liés aux problématiques de l’identité, du « soi », de leur construction, de leur restructuration ou analysant des données empiriques, pourront s’inspirer des propositions suivantes :
– technologies de procréation et de gestation : FIV, « gestion pour autrui » et « mères porteuses », « bébés médicaments », utérus artificiel, procréation assistée et identité de genre (maternité, paternité).
-perfectionnement, « augmentation » ou modification des corps, par médication, prothèses, implants, modelages, chirurgie, inclusions, greffes, génétique, clonage : construction des surnatures sportives, chirurgies (réparatrices, esthétiques, « ethniques », « genrée », génitale), techniques contraceptives (implants, stérilets progestatifs, contraception masculine), techniques médico-esthétiques, transplantation
– médicament comme « objet technique » : logiques identitaires et pratiques liées à la prise de médicaments (prescris ou non prescrit).
– nouvelles formes de médecine (médecin, régénératrice, nanomédecine, médecine prédictive, médecine personnalisée ).
-Nouvelles formes de pratiques (imagerie, diagnostic et thérapie). Quels nouveaux vécus du corps et du soin peut-on envisager? Comment la notion de maladie pourrait-elle changer ? En quoi changent-elles la relation médecin-patient ? Comment faire face à une augmentation rapide des capacités de diagnostic en termes de gestion des données et de politique de santé ?
-usages ou projets autour de la robotique et de l’ intelligence artificielle : robots-compagnons de vie, domotique appliquée à la surveillance des malades, des personnes âgées, des suspects ou des criminels, biométrie et technologies pour l’identification, la reconnaissance et la traçabilité des personnes (surveillance des flux humains, médecine légale).
-nouvelles technologies de l’informations et corps : constructions des identités individuelles et collectives à travers les réseaux sociaux et les dispositifs qui les supportent, nouvelles formes de constructions de savoir et d’action collectives (réseaux sociaux de santé, jeux,…), nouvelles configurations de l’espace et des modalités de soin et de care avec l’apport des technologies de l’information, redéfinition des relations entre patient, aidant, médecin
– statut et place des mourants et des restes humains : place des techniques dans l’accompagnement des mourants, technologies d’identification des cadavres ou des restes humains, construction médicale de la mort cérébrale, techniques de préservation et de gestion des cadavres (thanatopraxie, crémation, traitement des déchets hospitaliers, gestion des risques épidémiques et de catastrophes, statut des restes humains)
– corps « autres » : les technosciences comme problématisation de la frontière humain/animal (xenogreffes, « augmentation » animale, robotique, biomimétisme, couplage animal-machine, expérimentation animale, clonage)
AXE 2 Savoir et pouvoir
Héritée des travaux de Foucault, le couple conceptuel savoir/pouvoir constitue un angle d’analyse transversale pour aborder la question des rapports entre corps, sciences et techniques. Sans nécessairement s’inscrire dans le prolongement de l’analyse foucaldienne du biopouvoir, les communications reliées à cet axe permettront de saisir les tension, les enjeux et les incertitudes liés à la volonté de maîtriser le corps et de le remodeler par le bais des technosciences.
Comment les corps peuvent-ils « faire lieu » pour des savoirs ? Autour et à partir des corps, des milieux savants constituent paradigmes et communautés. Le savoir des institutions nous intéresse en ce qu’il relève d’une logique artisanale, d’une fabrique qui opère par tâtonnements, ajustements, inventivité, expérimentation, dans le cadre des techno-sciences, c’est-à-dire avec des méthodes, des outils, des perspectives qui informent peut-être autrement sur les corps. Ceux-ci deviennent de nouveaux « lieux », voire de nouveaux territoires à explorer, voire à conquérir. Les manières de faire et les manières de dire et de penser, les outils, les échanges, sont essentiels ici. On pourra suivre ces pistes avec la liste suivante des thèmes pouvant être abordés :
– Santé et politiques d’innovation scientifique : représentation du corps et nouvelles pratiques portées par les politiques de santé publique et par l’orientation des politiques scientifiques.
-Bioéconomie : utilisation technique et commercialisation des parties ou des produits du corps humain (sang, cellule souches, ovule, sperme, organes..)
– Savoirs sur le corps et technologies : imagerie médicale, technologies et diagnostics, télédiagnostics, chirurgie robotique
-Esthétique, chirurgie plastique, lutte contre le vieillissement.
– Exercice des thanatopouvoirs : construction des législations sur le statut des restes humains, organisation de la mémoire des morts (cimetières virtuels) , usages des technologies appliquées aux terrains de guerres (« frappes chirurgicales », utilisation des drones, robotisation des champs de bataille).
– Biopouvoir et « molécularisation » de la culture.
Les deux axes de réflexion que nous proposons ne sont pas exclusifs l’un de l’autre ; les thèmes proposés ne sont pas exhaustifs. Nous souhaiterions cependant que les communications soient annoncées comme relevant de l’axe 1 ou de l’axe 2 par leurs auteurs.
Modalités de soumission des propositions :
Vos propositions de communications doivent être soumises au plus tard pour le 15 février 2012 sur le site du congrès :http://congres2012.aislf.org/
Les propositions détaillées de communication devront se conformer aux exigences suivantes :
1- Une proposition de communication, en 7500 caractères maximum, espaces compris, soit environ une à deux pages de texte. :
2-Un résumé de cette communication, répondant aux exigences de l’AISLF, soit en 1400 signes (espaces compris).
Pour des informations vous pouvez nous rejoindre à cette adresse : celine.lafontaine@umontreal.ca