Typographie

La typographie, d’une technique à un art

Texte de Bénédicte Duvin-Parmentier, Université Toulouse – Jean Jaurès (PLH) / INSPE Occitanie

La typographie est une méthode d’impression qui consiste à assembler des formes (lettres, signes de ponctuation, symboles) gravés en creux pour composer un mot, une phrase ou un texte en suivant des normes régies par l’Imprimerie nationale.

Cependant l’histoire de la typographie montre que, dès ses origines, elle n’est pas considérée uniquement comme une technique mais qu’assimilée à une belle architecture, elle se doit d’être une construction parfaite où les caractères sont soigneusement tracés à la règle et au compas et où la composition de la page respecte les règles de la géométrie. La typographie vise à la lisibilité du texte et est revendiquée comme transparente. Elle se trouve cependant concurrencée dès le début du XIXe siècle par une typographie fantaisiste, communément qualifiée d’expressive.

Appartenant au domaine de la technique comme à celui de l’art, parfois transparente, parfois expressive, la typographie apparaît donc comme un objet complexe qui navigue entre deux mondes, deux esthétiques, celui des artisans, garants des traditions et celui des artistes, porteurs d’innovations.

Un objet à (re)définir

Le spécialiste de la typographie Blanchard souligne la nature complexe de la typographie : « j’écris typo-graphie en deux mots séparés étymologiquement antagonistes et complémentaires, d’où le trait d’union[1] », ce que l’étymologie et les premières occurrences du terme « typographie » traduisent.  Le verbe grec graphein signifie « tracer des lettres pour écrire ou pour dessiner » et par extension « graver des signes sur une tablette » ou « dessiner ou peindre des images ». Quant au mot tupos, il se rapporte à la marque imprimée par un coup ou les traces laissées par les pas mais son sens a peu à peu évolué pour se rapprocher de graphein en désignant aussi des formes artistiques comme une peinture ou un dessin. Parallèlement, le vocabulaire technique et didactique a repris le mot type pour désigner une empreinte en creux ou en relief, sens hérité du verbe tuptein qui veut dire « appliquer » ou « frapper ». Dans le Trésor de la langue française, il désigne une pièce, généralement en métal, qui porte une empreinte qui sert à reproduire à l’identique. Cette composition du mot symbolise l’histoire de la typographie perpétuellement en tension entre dessin et écriture.

La typographie, géométrie et architecture (XVIe au XVIIIe siècle)

Les premiers traités de typographie apparaissent à la Renaissance et portent essentiellement sur le tracé normé des lettres. Cependant, certains écrits dépassent les conseils purement techniques pour devenir des manifestes artistiques. Ainsi, l’imprimeur humaniste Geoffroy Tory écrit en 1529 Champfleury[2] pour élever la typographie au rang d’œuvre d’art. Dans cet ouvrage, il la caractérise comme l’art de dessiner les lettres, dans la plus pure tradition des inscriptions lapidaires latines. Ces formes artistiques, caractérisées par la simplicité de l’agencement des traits qui la constituent, s’inscrivent parfaitement dans le schéma des proportions idéales de l’homme de Vitruve annoté par Vinci et sont de véritables dessins géométriques dans l’espace architectural de la page.

Au XVIIe siècle, une entreprise de standardisation prend un caractère systématique et général portant à la fois sur le bon usage de la langue, sur la régularité du dessin de la lettre et sur la rigueur géométrique de la mise en page. En Angleterre l’hydrographe Moxon, dans la préface de son ouvrage paru en 1683[3], prétend élever la typographie au rang d’une science exacte à l’instar des mathématiques. En France, à cette époque, une tendance à l’uniformisation a été développée de façon rigoureuse avec des études menées sur les techniques artisanales et l’établissement d’une nomenclature des arts par l’Académie des sciences (créée en 1693) par l’abbé Jaugeon. Ce dernier dessine, dans une approche nationaliste, un signe de reconnaissance, le Romain du roi, commandé par Louis XIV, caractère épuré dans le plus pur style classique et à l’extrême rigueur géométrique.

Fig. 1. Romain du roi dessiné par Jaugeon (1692)

Au XVIIIe siècle, en réaction au dessin très contraint de la forme de la lettre devenue exsangue à force de géométrisation, la typographie va reprendre du corps. Marquée par l’apparition de nouveaux caractères, d’ornements variés, d’un réajustement de la composition, la typographie tend vers la calligraphie en jouant à plein contre la rigueur des formes dessinées par les imprimeurs de l’Ancien Régime. Le grand typographe Fournier[4] appelle à plus de naturel en abandonnant les deux instruments qui sont l’apanage du typographe des siècles précédents : la règle et le compas. Le typographe devient alors un artiste qui peut s’affranchir des normes trop strictes et laisser s’exprimer son inventivité.

De la typographie au « typo-graphisme » (du XIXe siècle à nos jours)

Face à la variété des polices, les imprimeurs se montrent au siècle suivant à nouveau soucieux d’uniformiser l’écriture et de rationnaliser les usages de la ponctuation. Les imprimeurs Didot et Bodoni sont à cet égard représentatifs de cette volonté de retrouver des formes épurées et géométriques. Les dessins de leurs polices sont le reflet de l’esthétique néo-classique, des « Romains d’Empire » selon l’heureuse formule de Blanchard[5], qui jouent sur des contrastes de plus en plus marqués entre les pleins et les déliés. L’abandon des ornements rococo marque une rupture totale avec l’esthétique préconisée par Fournier. La conception de la beauté de la lettre chez Didot et Bodoni est indissociable de l’harmonie, de l’élégance et du bon goût, caractérisés par une simplicité respectueuse des leçons du passé.

Fig. 2 Caractère dessiné par Didot (1811).

Cependant, a contrario de cet « excès d’abstraction »[6] d’une lettre de plus en plus fine et privée d’ornements, une deuxième voie apparaît, celle de la création de lettres à la graisse de plus en plus importante comme les Égyptiennes de William Caslon en 1816 et les Grotesques. Ces nouveaux caractères ostentatoires, proches de l’esthétique baroque, attirent l’œil par leur épaisseur prononcée et répondent déjà aux besoins publicitaires.

Fig. 3. Caractère dessiné par Calson (1816).

Du fait du machinisme (invention de la lithographie, développement de la presse, apparition de la presse à imprimer avec moteur et fabrication industrielle du papier), la typographie est écartelée entre les partisans du modernisme qui prônent l’utilisation de machines toujours plus performantes et les nostalgiques qui revendiquent un retour aux méthodes artisanales et à une esthétique du livre à l’ancienne. William Morris, écrivain, peintre, créateur d’une manufacture de tissus, papiers peints et tapis, engagé dans l’esthétisme du mouvement Arts and Crafts, influencé par le critique d’art John Ruskin et conscient comme lui de l’aliénation des travailleurs dans leurs rapports avec l’industrialisation, voit dans l’artisanat une forme de salut. Ainsi, en fondant la Kelmscott Press, Morris joue sur les contrastes poussés de noir et de blanc, dans le droit fil des incunables allemands, et retrouve la technique d’impression à la main.

La volonté d’exigence de Morris et sa recherche d’une typographie artiste, héritière des formes anciennes, perdurent au milieu du siècle suivant par l’intermédiaire de typographes qui surent allier leur art aux techniques nouvelles. En intégrant les objets du monde industriel, les hommes de l’art mettent en œuvre une esthétique fonctionnelle et donnent naissance à une tendance qui, partie de Russie, trouvera finalement ses lettres de noblesse en Allemagne avec le mouvement Bauhaus. En renouant avec la tradition ouverte par Moxon en 1683 (l’usage de la règle et du compas), le Bauhaus développe la typographie de façon totalement inédite, utilisant des caractères sans ornements ainsi qu’une composition asymétrique. Le typographe Herbert Bayer conçoit en 1925 un alphabet universel destiné à supprimer toute trace d’écriture calligraphique. Il réduit alors le dessin de la lettre à de simples éléments signifiants par la création de lettres géométriques et par la suppression des capitales. Cette tendance est réaffirmée par le typographe néerlandais Piet Zwart qui souligne que « moins un caractère est intéressant, plus il est utile au typographe.[7] »

Fig. 4 Alphabet Herbert Bayer (1925).

Mallarmé, en réfléchissant à l’interaction entre le langage et sa représentation matérielle, avait ouvert la voie dans Un Coup de dé jamais n’abolira le hasard à une typographie artiste puisqu’il revendiquait dans ce poème de s’adresser au sens visuel du lecteur. Cet intérêt pour une typographie expressive et poétique va prendre de l’ampleur, notamment dans les milieux dadaïstes berlinois qui vont intégrer à leurs compositions picturales des séries de lettres, pour leurs formes plastiques, indépendamment de leur signifiant. Cette révolution est partagée par les constructivistes et les futuristes au sein desquels Marinetti (1909), le traducteur italien de Mallarmé. Reprenant la thèse de ce dernier selon laquelle le mouvement est un flux continu de manifestations vitales, il entend s’opposer à l’inertie de la typographie qui, par sa reproductibilité sans fin, coupe court à toute forme d’émotion. Il entreprend alors une « révolution typographique » en dynamitant les formes, les couleurs et les graisses des lettres. Plongé dans la vitesse et la modernité, il jette littéralement les formes typographiques dans l’espace de la page qu’il appréhende comme un éclatement des lignes. Dans le même esprit, avec la revue Zang Tumb Tumb en 1914, les poèmes de Cesare Cavanna se transforment en tableaux typographiques où les éléments s’agencent indépendamment de la syntaxe. La voie est ouverte à de nouvelles compositions textuelles hybrides mêlant dessin, calligraphie, musique et géométrie.

Fig. 5. Marinetti Zang, Tumb Tumb, 1914.

En 1928, Tschichod publie La Nouvelle Typographie qui devient un manuel de référence pour les imprimeurs. Dans cet ouvrage, Tschichold s’oppose aux principes de composition classique, n’hésitant pas à rejeter toutes les formes typographiques antérieures à 1914. Il recommande l’usage simultané de l’Égyptienne, du Didot et du Bodoni, faisant se retrouver dans le même espace des caractères à l’esthétisme très différent. De façon générale, le typographe ne recherche plus l’harmonie codée du texte mais des effets de contrastes destinés à mettre en valeur le contenu. La typographie n’est plus caractérisée par sa transparence au service du texte mais revendiquée pour ses effets expressifs ; la composition de la page pour Tschichold se rapproche davantage du dessin et de la peinture abstraite qu’il appelle « peinture pure » voulant signifier par là un retour à des formes géométriques. Enfin, il introduit la couleur des caractères dans son interaction avec le support[8]. Ainsi, ce qui prime dans La Nouvelle typographie est l’idée de l’expression d’un contenu à travers une forme, la mise en avant de l’esthétisme dans le choix des caractères d’imprimerie et l’affirmation picturale de la composition. La typographie fait alors partie intégrante des arts de l’espace. En passant des mains des artisans à celles des artistes, la typographie sort de son invisibilité, signifiant autant par le dessin que par le texte. Elle apparaît donc comme un outil et un objet d’art.

À la fin des années cinquante, la photocomposition se généralise. Il s’agit d’un support photosensible capable de remplacer les fontes mobiles en plomb et la composition manuelle. La photocomposition permet une reproductibilité plus grande et l’ajout d’images. Cette révolution technique entraîne un déplacement de la typographie qui devient de moins en moins affaire de spécialiste. Les graphistes et artistes l’incluent dans leurs créations plastiques à l’instar des mouvements abstraits et pop art. Le peintre abstrait Auguste Herbin imagine un alphabet plastique basé sur des combinaisons colorées de formes géométriques intégrées à ses tableaux ou encore le plasticien Hains déforme les signes typographiques avec ses Ultra-lettres.

Fig. 6a. Alphabet Herbin.

Fg. 6b. Hespéride éclaté de Hains.

Enfin, le mouvement lettriste accorde une place de choix au langage et aux signes typographiques comme en témoignent ses poésies à lettres et ses « métagraphies », textes composés à partir de photos, mots ou phrases découpés dans la presse.

Actuellement, les designers français sont très actifs et la vitalité de leurs productions s’exprime dans diverses expositions, par exemple en 2012 Lettres Types de Jean-Baptiste Levée présentée au congrès de l’ATYPI à Nacy puis à Hong Kong ou les Lettres de Patrice Hamel en 2021 à la galerie Mortier à Paris.

Fig. 7 Réplique version 8 (2021), graphite sur Plexiglass.

 

Il ne faudrait toutefois pas imaginer que la voie traditionnelle est abandonnée. Face à ces recherches artistiques et graphiques, Maximilien Vox, campé dans la tradition, élabore une nouvelle classification des caractères (Vox Atypi), grille de référence établie en 1952 pour apporter un peu d’ordre face à la profusion constamment alimentée des formes typographiques nouvelles.

Vers une « métascripture[9] » conciliant typographie transparente et typographie expressive

Les typographes poursuivent leur réflexion et tentent de concilier perfection formelle, qualités propres à la typographie et influences artistiques. En 1957, à Lausanne, l’Alliance Graphique Internationale, l’Association Typographique Internationale fondée par l’imprimeur Charles Peignot et les Rencontres de Lure visent à promouvoir une typographie de qualité tout en l’incluant dans le design. L’époque connaît alors une effervescence créatrice qui conduit à une grande liberté pour le dessinateur de lettres, l’affranchissant des anciennes contraintes et lui ouvrant toutes les voies artistiques, de l’inventivité de Tory ou de la préciosité du style victorien à la fonctionnalité du Bauhaus. La notion d’époque est abolie, il ne s’agit plus de dessiner une lettre correspondant aux canons esthétiques du moment mais de faire éclater toutes les frontières spatio-temporelles.

En 1959, le magazine Graphis, apparu deux ans plus tôt, publie un article d’Émile Ruder, chef de file de la typographie suisse, intitulé La Typographie de l’ordre, qui concilie l’ancienne typographie conservatrice de la norme et la créativité graphique, traduisant la tension entre les principes de lisibilité et le graphisme des formes. Ruder insiste par ailleurs sur la nécessité d’une juste adéquation entre les caractères et le contenu du texte, la typographie est donc un commentaire et une interprétation de l’œuvre. Les éditeurs de l’après-guerre prennent en compte cette mutation, en particulier Pierre Faucheux qui conçoit une véritable refonte du design éditorial. Pour Massin, membre du collectif initié par Faucheux, le choix typographique est conditionné au contenu du livre qu’il interprète en se servant de l’expressivité des formes et des caractères autant que de leur mise en page. La typographie transparente se voit concurrencée par une typographie artistique.

À l’époque actuelle, les manuels typographiques des praticiens ont laissé place aux analyses des spécialistes du graphisme comme l’atteste la revue Graphisme en France du CNAP[10] en 2009-2010 qui s’adresse en priorité à des plasticiens et à des graphistes. La typographie moderne obéit désormais à une tendance profonde, celle d’un glissement vers le graphisme.

Enfin, il faut mentionner quelques publications récentes et rééditions de l’éditeur Ypsilon qui a lancé La Bibliothèque typographique à l’intention des graphistes et des amateurs de typographie. La maison d’édition l’Atelier Perrousseaux dont les auteurs sont des graphistes et typographes s’adresse à un public plus large avec des ouvrages généraux comme l’Histoire de la typographie en sept volumes. Les éditions B42 publient des textes fondateurs mais très spécifiques comme des monographies du créateur de caractères Eric Gill ou du typographe et linguiste Robert Bringhurst. Toutes ces publications répondent au besoin de prise en compte de la typographie moderne tout en prenant appui sur la tradition. Gérard Unger montre, dans sa thèse consacrée à la police Elvetera que toute l’histoire de la typographie oscille entre un patrimoine culturel et sa réinterprétation à travers des formes modernes.

Toute l’histoire de la typographie est traversée par de perpétuels débats sur la neutralité de la typographie, les tenants de la typographie transparente, en s’attachant à perpétuer la tradition, envisagent la typographie comme un code tandis que les tenants de la typographie expressive, en la passant au tamis de l’esthétisme, la voient comme une œuvre d’art. Pour la sémioticienne de l’écriture Anne-Marie Christin, par définition, l’écriture, jamais coupée de ses origines iconiques, est « métissée », c’est-à-dire qu’elle n’est pas seulement un outil pour retranscrire le langage mais aussi qu’elle le rend visible. Ainsi, en passant des mains des artisans à celles des artistes, la typographie sort de l’invisibilité, signifiant autant par le dessin que par le texte. Elle apparaît à la fois comme un outil et un objet d’art.

Pour aller plus loin

CHRISTIN, Anne-Marie, De l’image à l’écriture, Histoire de l’écriture, Paris, Flammarion, 2001.

CHRISTIN, Anne-Marie, L’Image écrite ou la déraison graphique, Paris, « Champs Arts », Flammarion, 2009

LALIBERTE, Jadette, Formes typographique. Historique, Anatomie, Classification, Laval, Les Presses universitaires de Laval, 2004.

[1] Gérard Blanchard, Aide au choix de la typo-graphie, Gap, Ateliers Pérrousseaux, 1998, p. 26.

[2] Geoffroy Tory, Champfleury. Au quel est contenu l’Art et Science de la deue et vraye Proportion des Lettres Attiques, qu’on dit autrement Lettres Antiques, et vulgairement Lettres Romaines proportionnees selon le Corps & Visage humain, Paris, Geoffroy Tory, 1529 (numérisé sur Gallica https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1095044c). Fac-similé avec un avant-propos, des notes et un index de G. Cohen, Paris, C. Bosse, 1931.

[3] Joseph Moxon, Mechanick Exercices or the Doctrine of Handy-works applied to the Art of printing, Londres, J. Moxon, 1683.

[4] Pierre-Simon Fournier, Manuel typographique utile aux gens de lettres, Paris, Barbou, 1764, tome A, p XVII.

[5] Gérard Blanchard, op.cit. p 106.

[6] Fernand Baudin, L’Effet Gutenberg, Paris, Éditions du cercle de la librairie, 1994, p 278.

[7] Peter F. Althaus, Piet Zwart, Teufen, Verlag Arthur Niggli, 1966 p. 11.

[8] Jan Tschichold, Qu’est-ce que la nouvelle typographie et que veut-elle ? Rochester Institute of Technology, AMG 19, 1930, p. 3.

[9] Bénédicte Duvin-Parmentier et Isabelle Serça, « La Typographie : forme du texte », in Christelle Reggiani, Christophe Reig et Jean-Jacques Thomas, dir., Formules 19, Formes : supports /espaces. Le colloque de Cerisy 2014, Santa Monica, Presses universitaires du Nouveau Monde, p. 139-156.

[10] Centre National des Arts plastiques

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