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De l’âme aux rues : une poésie picturale pour nous tous.tes !

Partir à la recherche d’une poésie hors du livre et du canon académique peut être facile ! Si, bien sûr, nous prenons en compte le fait que la poésie est souvent accompagnée d’une de ses sœurs artistiques, qui se trouve autour de nous, dans les rues ou sur les murs par exemple. C’est à travers cette notion d’art partout et pour tous.tes que nous trouvons le travail poétique-pictural d’Acción Poética Honduras ou des artistes comme Rei Blinky ou Maeztro Urbano. Nous allons découvrir comment le dialogue entre poésie et street-art  peut être à la fois de la poétisation du quotidien et de l’activisme artistique.

Honduras et le street art

Pour nous situer géographiquement, le Honduras est un petit pays en plein milieu de l’Amérique Centrale. Il est connu pour sa situation politique et sociale, marqué par ses problèmes de corruption et de violence. Dans un endroit comme cela les rues sont des espaces symboliquement et physiquement dominés par des gangs, et le crime organisé menace presque toutes les grandes villes. C’est vrai que dans cette ambiance assez dangereuse, il pourrait sembler que l’art n’avais aucune chance de naître et encore moins grandir et résister… Mais contre toute attente, les manifestations artistiques telles que les graffitis ou le muralisme sont devenues très présentes dans les espaces urbains honduriens. Un grand exemple de l’impact de le stret-art est la ville de Cantarranas, qui est célèbre pour ses peintures urbaines qui imprègnent les rues (voir figure 1 et figure 2). Cette caractéristique permet à Cantarranas d’être considérée comme « la ville hondurienne tirée d’une galerie d’art ». Ces paysages colorés reproduisent des éléments patriotiques, des images quotidiennes ou des symboles cultures présents dans la ville, ce fait permet à la ville d’attirer des touristes, surtout nationaux, mais aussi de faires connaître des artistes honduriens.

Figure 1 : Cantarranas inaugura mural en honor a Berta Cáceres “Me lo dijo el río”. Source : Castillo, E. Honduras Tips. https://www.hondurastips.hn/2021/03/08/cantarranas-inaugura-mural-en-honor-a-berta-caceres-me-lo-dijo-el-rio/
Figure 2 : Cantarranas, la ville- selfie de Honduras. Source : Travel, L. https://www.visitcentroamerica.com/en/visitar/cantarranas/

Des artistes engagés.es

En ce qui concerne le street-art au Honduras, aujourd’hui, il n’est plus une façon belle mais simple de décorer les villes. Pour Rei Blinky, un artiste urbain qui réalise des peintures murales psychédéliques (voir figure 3) dans la ville de San Pedro Sula, il considère : « le graffiti te transforme, te fait penser,  t’aide à vivre ». Pour des artistes comme Rei Blinky faire de l’art dans un contexte comme celui de la ville de San Pedro Sula, considérée comme une des villes les plus dangereuses du monde pendant plus d’une décennie, représente plus qu’un défi, pour eux c’est un travail de vie qui peut coûter vraiment la sienne. Avec ses œuvres, il lance des messages inspirants à toute la communauté hondurienne. Son objectif consiste à donner des couleurs à des villes marquées par cette réalité obscure de la pauvreté et de la délinquance. Il espère aussi impliquer des groupes sociaux marginalisés, telles que les adolescents.es des banlieues de la ville (voir figure 4). 

« La création artistique permet de questionner des aspects de la société et de promouvoir, par conséquent, un art et une sensibilisation éducative inclusive, qui apportent des valeurs égalitaires qui permettent de relever des défis tels que la conscience de l’écologie, la faim, la violence sexiste et, bien sûr, changer les attitudes et les comportements ».

Figueras Ferrer, E.,2020, « Muros poéticos : La práctica artística como una herramienta de transformación social y cultural en el contexto urbano », Tercio Creciente, n.º extra 3. [Notre traduction].
Figure 3 : Graffiti fait par Rei Blinky. Source: Project, T. C. https://www.vice.com/es/article/4x7w73/los-artistas-urbanos-de-honduras-usan-el-grafiti-para-salvar-una-generacion.
Figure 4 : Los artistas urbanos de Honduras usan el grafiti para salvar una generación. Source: Project, T. C.  https://www.vice.com/es/article/4x7w73/los-artistas-urbanos-de-honduras-usan-el-grafiti-para-salvar-una-generacion

Dans la même lignée que Rei Blinky, nous pouvons trouver Maeztro Urbano, un artiste anonyme qui peint des fresques chargées d’un symbolisme politique dans la même ville de San Pedro Sula. Sa manière de protester contre les injustices sociales est un peu différente de celle de Rei Blinky car ses œuvres ne sont pas seulement de dessins d’une beauté poétique-pictural mais des fortes critiques adressées directement au gouvernement hondurien (voir figure 5). Ses travaux obligent Maeztro Urbano à se cacher derrière un masque puisque les espaces utilisés et les sujets abordés dérangent en même temps les gangs et les gouvernants.es honduriens.es. Cependant, cela ne l’arrête pas, au contraire il continue à envoyer des messages publics pour toute la société hondurienne et surtout à la jeunesse.

Figure 5 : Caricature de M. Monopoly achetant « Honduras ». Source : Project, T.  https://www.vice.com/es/article/4x7w73/los-artistas-urbanos-de-honduras-usan-el-grafiti-para-salvar-una-generacion

En continuant notre parcours entre ces formes d’art engagé, nous ne pouvons pas passer à côté des œuvres de l’association Acción Poética Honduras. C’est vrai que l’initiative de créer des collages poétique-picturales dans des espaces urbains n’est pas née au Honduras, mais ce projet d’Acción Poética a eu une bonne réception dans presque tous les pays de notre Améfrique Ladine.

« Acción Poética est un mouvement de littérature murale né à Monterrey en 1996, dirigé par l’écrivain Armando Alanís Pulido. Son mentor utilise le nom d’Acción Poético en hommage au poète chilien Vicente Huidobro, qui affirme dans un de ses poèmes que « la poésie est un acte ».

Alcívar Ferrín, R., 2015, « Paisajes Poéticos. La dimensión política del arte : Movimiento Mural- Literario Acción Poética Quito » [Mémoire de maitrise], Flacso Ecuador. [notre traduction].

Cette idée d’échange poétique-pictural arrive pour la première fois au sol hondurien en 2012. Les initiatives commencent dans la capitale, Tegucigalpa, où un groupe des jeunes entreprend le travail d’utiliser le street-art et la poésie pour s’approprier des espaces publics, comme le font Rei Blinky et Maeztro Urbano. Un de ces objectifs principaux était de diffuser l’art, poétique ou picturale, à toute la population hondurienne (voir figure 6). Ils reproduisent des phrases des artistes nationaux ou internationaux en employant différents supports comme des poèmes, des chansons ou des interviews. En prenant toujours en compte le fait que « l’extraction d’une phrase favorise la possibilité de réédition et de réactualisation de celle-ci dans des contextes divers. Bien qu’il soit vrai d’une part, il limite l’accès au total de l’œuvre, il est possible à son tour de générer une diversité de lectures selon la position du spectateur » (Alcívar Ferrín). Le fait d’approcher des fragments poétiques à une population marqué par l’analphabétisme implique l’idée d’utiliser la poésie comme un moyen de résistance vis-à-vis aux messages envoyés par les médias nationales où l’éducation ou la lecture n’ont aucun utilité pour la société hondurienne.

Figure 6 : Mural poétique avec une citation d’Oscar Wilde. Source : Site Facebook d’Acción Poética-Tegucigalpa Honduras. https://www.facebook.com/AccionPoeticaTegucigalpa/photos/pb.100070787634027.-2207520000./799889490103621/?type=3

D’art engagé à activisme artistique…

Après avoir étudier ces trois acteurs socio-artistiques et son impact dans le milieu hondurien, nous pouvons aborder la notion d’activisme artistique. Pour cette analyse nous avons choisi la définition proposée par Alberto López Cuenca, qui voit l’activisme artistique comme un vrai pratique sociale, indépendante des partis politiques ou des groupes sociaux spécifiques où « le centre n’est pas seulement la critique ou la dénonciation symbolique mais l’intervention sociale directe » et qui nous incite à pense cette pratique comme une « tension entre l’exploitation violente du post-capitalisme mondial et des gouvernements dits progressistes, qui se détache à la fois des formes inopérantes du militantisme traditionnel et des préconceptions disciplinaires plus mercantiles et narcissiques de l’art contemporain ».

Suite à cette définition, nous pouvons dire que dans les pratiques employées par Acción Poética, Rei Blinky ou Maeztro Urbano, il est possible de constater comment les images interpelle les textes et comment la poésie peut être regardée et les murales peuvent être lus. Pourtant, leur but final n’est pas de rester dans une esthétique visuelle ou de simplement évoquer quelques réflexions ou critiques dans la population. Ce type d’acteurs artistiques veulent vraiment impliquer toute la société hondurienne dans ce changement qui englobe toutes les sphères du pays, développer des politiques culturelles qui permettent d’impacter l’éducation, la santé, l’économie, etc. Et ce changement commence avec des practiques artistiques accessibles pour nous tous.tes.

Mural en hommage à Roberto Sosa. Source : Ramirez, K. https://presencia.unah.edu.hn/archivo/2014/pintaran-mural-de-ramon-oqueli-en-ciudad-universitaria/

Bibliographie

Alcívar Ferrín, R., 2015, « Paisajes Poéticos. La dimensión política del arte: Movimiento Mural- Literario Acción Poética Quito » [Mémoire De Maîtrise], Flacso Ecuador.

Courau, T., 2022, « Introduction. Activisme artistique et renouveau du militantisme en Amérique latine : performer le xxie siècle »,  L’Ordinaire des Amériques, no228, https://journals.openedition.org/orda/6919

Figueras Ferrer, E.,2020, « Muros poéticos : La práctica artística como una herramienta de transformación social y cultural en el contexto urbano », Tercio Creciente, n.º extra 3.

López Cuenca, A., 2018, « ¿Pero esto qué es? del arte activista al activismo artístico en América latina, 1968-2018 ». El Ornitorrinco Tachado. Revista de Artes Visuales, no 8, https://www.redalyc.org/jatsRepo/5315/531557110017/html/index.html

Project, T. C., 2015, Los artistas urbanos de Honduras usan el grafiti para salvar una generaciónhttps://www.vice.com/es/article/4x7w73/los-artistas-urbanos-de-honduras-usan-el-grafiti-para-salvar-una-generacion

1 Comment

  1. Dana Gutierrez Bajouth

    Quel sujet passionnant ! Avant tout, il est intéressant de considérer la relation entre l’art et la politique à un niveau général. Et plus intéressant encore, d’analyser le muralisme poétique à partir de la réappropriation des espaces urbains dans des pays comme le Honduras, où la ségrégation territoriale est très forte. Merci Samanta pour nous présenter le Honduras, d’une certaine manière, depuis une cartographie poétique-picturale !