La Propia Cartonera a été la première et une des seules maisons d’édition Cartoneras en Uruguay. Créé dans le quartier de Nuevo Paris à Montévidéo en 2009, par un groupe de jeunes entrepreneurs, dont le poète uruguayen Diego Recoba, auteur et co-fondateur de La Propia, l’écrivain, également éditeur et journaliste culturel. 

Inspirées d’Eloisa Cartonera en tant que modèle de coopérative argentin. Née en 2003 dans la période de la crise de 2002, ces créations s’inscrivent dans la réalité de la précarité économique qui les a amenés à développer cette alternative au commerce du livre.  Au travers de la récupération du matériel constitué essentiellement de cartons, la coopérative Eloisa Cartonera aurait commencé à produire des livres et se serait développé en tant que maison d’édition. Ce modèle pionnier de l’édition Cartonera, étant caractérisée par une logique de coopérativisme et de collectivité, a été répandu dans de nombreux pays de l’Amérique latine, comme c’est le cas de l’Uruguay, un pays qui s’est vu fortement influencé par la situation économique de l’Argentine. 

Le contexte de récupération de cette crise économique et financière débuté officiellement en Argentine en 2002. Sur le plan économique et politique, en Uruguay, l’incorporation de Pepe Mujica, au gouvernement du Frente Amplio a été caractérisée par l’implantation de diverses politiques populaires, afin de rétablir la stabilité de l’économie du pays, ainsi qu’à l’avancement socio-éducatif au sein de la population du pays (la coalition de partis politiques d’idéologie progressiste est restée au pouvoir jusqu’à la récente prise de pouvoir de Lacalle Pou, le 2 mars 2020).

Sur le plan culturel, le marché littéraire était lidéré en Uruguay par La Cámara uruguaya del libro, composée de plusieurs maisons d’édition uruguayennes. Cette institution est à l’origine de la feria del libro ayant lieu tous les ans depuis 1978. 

Suivant le modèle systématique de Eloisa Caronera, la Propia fait des livres avec des couvertures en carton avec un principe de travail en collectivité. Certaines activités se réalisent souvent avec des enfants ayant pour but de les encourager à la lecture. 

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Dans ce cas, le rapport avec les auteurs se résume à un échange où les auteurs cèdent leurs droits de publication et La Propia  qui se charge de l’édition et distribution des ouvrages. 

“Con estos escritores tenemos un pacto de palabra. Ellos ceden sus derechos de publicación y nosotros los editamos. Cuando nos llegan los textos nos encargamos de diagramarlos.”

Pour cela, j’ai eu l’occasion d’enquêter Roberto Appratto, (Montevideo, 1959), écrivain, critique littéraire qui est également enseignant de littérature et éducation secondaire à l’institut Artigas. Appratto a publié son ouvrage Impresiones en silencio, en 2011. Après avoir fait la connaissance d’un des éditeurs de La Propia, Diego Recoba en 2011, il lui a parlé d’un ouvrage qu’il avait la volonté de publier face aux difficultés qu’il rencontrait de le faire publier  à une maison d’édition formelle. En effet, il s’agissait d’un livre “très expérimental”, voué à la critique d’oeuvres cinématographiques et littéraires dans lesquelles l’auteur inscrivait sa propre perception lors de la visualisation ou la lecture. 

Selon lui, l’avantage des Cartoneras est l’indépendance dont ils bénéficient du marché éditorial, justement ce qui l’empêchait de publier ailleurs, était lié au besoin de financer la production. Ces éditions indépendantes concèdent à l’auteur une visibilité lors de la présentation du livre ou dans les Ferias. 

Le jour de la présentation de l’ouvrage, le livre a reçu une seule critique littéraire de la part de la Diaria (journal Uruguayen). Ceci a empêché, selon l’auteur, la visibilité et la diffusion de l’ouvrage qui aurait permis la multiplication des ventes, ce qui n’a pas été le cas à l’époque. 

Il a ensuite publié deux ouvrages chez Eloisa Cartonera : Levemente ondulado y Velocidad controlada en 2012. Huit années plus tard, l’ouvrage a été réédité dans une maison d’édition formelle, avec laquelle il avait déjà publié certains ouvrages de poésie. Roberto Appratto continue actuellement d’enseigner à l’université ainsi que de diriger des ateliers de narration créative.

Une des limites de ce système de publication serait le nombre d’exemplaires réduit qu’ils ont la capacité de produire, ainsi que le système de ventes alternatif. Nous avons du mal à retrouver ces ouvrages dans les librairies rattachés à la Cámara Uruguaya del Libro, à part dans las Ferias del libro. Le contexte de l’actuel marché d’édition en Uruguay, qui s’est vu développé lors des dernières années, facilite la publication d’oeuvres, notamment en poésie, ce qui n’était pas le cas dans les années 2010, lors de la formation de la Propia Cartonera. Celle-ci pourrait être une des raisons pour lesquelles le projet uruguayen de La Propia Cartonera n’a pas eu de continuité. 

En octobre 2019, la maison d’édition de La Propia, définie en tant qu’éditoriale indépendante et autogérée, célébrait les dix ans d’existence. 

Leur agenda d’activité proposait, entre autres, des ateliers avec des collégiens, des jeunes, visant à la construction d’un livre écrit par eux-mêmes. 

Ils participaient également à des événements tels que La Feria Internacional del Libro de Montevideo, la Feria del libro del Oeste ou Feria del Libro Independiente y Alternativo (une foire du livre indépendante et alternative, “autogérée, amie, amoureuse et ouverte”.

Si ce sujet vous intéresse, vous trouverez l’histoire de la Propia Cartonera raconté par Diego Recoba, enquêté dans le Court Métrage documentaire projeté en 2013 au festival Cinélatino ; https://www.youtube.com/watch?v=8ZjQbH1tlzU&t=1105s