Médias contre-hégémoniques: des éditions cartoneras à la cyberculture

Étiquette : Femmes

Dans le corps de subRosa

subRosa est un collectif de chercheuses et chercheurs qui travaillent sur l’art, l’activisme et le politique. Il est fondé en 1998, à Pittsburg, au début de la deuxième vague féministe, par les artistes cyberféministes : Faith Wilding, Mariá Fernandez, Hyla Willis  et Michelle M.Wright. Dans leur manifeste, Rosa fait référence aux femmes féministes qui ont lutté dans différents domaines tels que les sciences (Rosalind Franklin), la politique (Rosa Luxemburg), l’activisme (Rosa Parks) et l’art (Rosa Bonheur). Ce collectif produit des performances artistiques, des manifestations, des publications autour des questionnements que soulèvent les nouvelles technologies sur le corps des femmes. De ce fait, il regroupe les domaines des pionnières dont le groupe s’inspire. Il s’agit d’une critique de la rencontre entre les biotechnologies et le corps des femmes et de l’impact que cela a sur leur corps, leur travail et leur vie. 

Quelques installations et performances

Les installations, performances et publications portent sur l’exploration et la critique du biotechnologique sur le corps des femmes. Depuis 1999, leurs interventions remettent en questions l’avancée des nouvelles technologies. Leurs projets les plus connus sont:

SmartMom
  • SmartMom (1999) est un projet en ligne qui propose une satire de l’utilisation de T-shirt « intelligent », initialement utilisé par les médecins de l’armée américaine pour des interventions à distance, qui est détourné pour être un moyen de surveillance sur les grossesses et les procréations assistées.

Une spectatrice face à la sculpture
  • Constructa/vulva (2000) est une sculpture interactive de vulve en grande taille. Cette structure est accompagnée de représentations de clitoris, col de l’utérus, des lèvres de taille et de forme différentes. La mise en place permet aux participants de créer leur vulve idéale. Cette performance rend hommage aux mouvements féministes des années 70 qui mettaient en avant la santé des femmes en leur apprenant à connaître et aimer leur corps et leur sexualité.
  • International Markets of Flesh (IMF) (2002) est une performance participative qui cartographie de manière collective le trafic mondial d’organes et de tissus humains. Les démonstrations proposées montrent des sculptures grandeur nature des organes humains. Les participants peuvent écrire des histoires personnelles sur le prélèvement et la commercialisation des organes. Cette performance permet de mettre en évidence le marché de la chair dans le monde et de discuter sur la valeur de la vie dans un contexte de modification du matériel génétique.
  • U-Gen-A-Chix (2003) est une mise en scène d’étudiants de grandes universités qui remettent en question les relations entre l’eugénisme et l’ingénierie génétique contemporaine. Cette performance met l’accent sur la participation des spectateurs à interagir et de prendre position dans les débats grâce à la mise en place de stands sur lesquelles on distribue des informations sur le don d’ovule humain et sur la procréation médicalement assistée, mais aussi un stand de dégustation de biscuit OGM saveur poulet sur lequel les étudiants sont amenés à débattre autour de l’utilisation généralisée des OGM et de leur implication dans l’eugénisme biologique et sociale.
Performance dans la clairière
  • Yes Species (2005) est un tableau performatif avec exposition vidéo de 20 minutes où les artistes imaginent la rencontre entre trois philosophes: un DJ qui mixe des vocalisations, un performeur debout dans une cuve de couleur rouge et verte et un dernier performeur qui disperse le livre de Yes Species avec la couverture fraichement imprimé.

Cell track: Mapping the Approximation of Life Materials

Cell Track: Mapping the Appropriation of Life Materials

Cell track: Mapping the Appropriation of Life Materials (2004) est une installation d’un mur flexible et d’un site internet en partenariat avec subRosa. Cette installation examine la privatisation et le brevetage du génome humain, animal et des plantes dans un contexte historique d’eugénisme. Pour compléter cette performance, une autre installation est faite en 2005, Epidermic: DIY Cell Lab, dont une vidéo explicative est publié en ligne.

L’objectif de ce Cell Track est de décrire l’accroissement de la séparation entre les corps qui produisent des cellules souches (et autres matériels génétiques) et les produits médicaux et pharmaceutiques.

Les corps et cellules qui sont cartographiés sont les tissus maternels, tels que les ovules, le placenta, le fœtus, le sang, le cordon ombilical. Ces tissus sont considérés comme de la matière première qui sont exploités par les biotechnologies. Ces exploitations des matériaux maternels vont permettre le développement des entreprises biomédicales autour des questions, très controversées, de contrôle et modification de séquençage d’ADN ce qui entraine la production d’organisme génétiquement modifié, des organismes transgéniques… . En complétant avec DIY Cell Lab, cela permet aux participants de discuter avec des chercheurs, des scientifiques, afin de mieux comprendre les enjeux face à ces manipulations génétiques.

Corps des femmes 2.0

Initialement proposé en 1991 par Donna Haraway dans Des singes, des cyborgs et des femmes: La réinvention de la nature, celle-ci suggérait déjà que le développement des biotechnologies pourrait faire sortir les corps de l’essentialisme. En proposant le cyborg, Donna Haraway, sort des dualismes omniprésents dans nos sociétés: la nature/la culture, l’homme/la femme, l’humain le non-humain… De plus, elle suggère que l’être-machine n’a, au départ, pas d’essence genrée, « On ne naît pas femme »! Mais l’hybridation de l’humain avec la technologie tend vers une reproduction des logiques de domination patriarcale sur les corps féminins, ou plutôt sur les corps non-hégémonique, par le biais du langage. Mais l’importance de sa théorie cyborg est de dépasser les discours essentialiste, dualiste et naturaliste afin de mettre en place de nouvelles stratégies pour sortir d’une identité genrée globale et de se créer un groupe identitaire qui est propre à chacun.

En art, et dans nos sociétés actuelles, le corps féminin est cristallisé autour de représentations. Ces représentations réduisent le corps des femmes à un standard, un canon de beauté, qui sont sont tellement ancrés dans nos inconscients qu’il modifie nos manières d’avoir et d’être un corps. L’art permet justement de remettre en question ces standards. En effet, l’art permet de voir autrement le monde qui nous entoure. Les interactions entre le public, l’objet d’art, l’auteur et l’institution vont transformer le regard du public sur l’objet (De Duve, 2006) . De ce fait, de prendre pour objet d’art le corps féminin, cela va impacter notre propre vision que nous avons de ce corps. 

Or, au travers de la volonté de ce collectif de faire interagir l’art, les biotechnologies et la corporéité féminine permet de créer des performances et installations innovantes qui témoignent d’une continuité de la domination patriarcale en ce qui concerne l’exploitation du corps des femmes. 

En introduisant les biotechnologies, ce collectif nous permet à la fois de reconsidérer le corps féminin comme une diversité de corps mais aussi de voir comment les avancés technologiques peuvent les impacter notamment dans une vision extrême et pessimiste où les corps ne deviennent que des matériaux exploitables et commercialisables. En mêlant le discours scientifique avec le discours artistique, les membres subRosa arrivent à vulgariser afin de mieux comprendre les enjeux derrière les corps féminins et notamment ces nouveaux corps féminins, ces cyborgs qui se transforment aux contacts des nouvelles technologies.

Références:

Manifeste de subRosa: http://cyberfeminism.net/about/manifesto/

Epidermic: DIY Cell Lab: https://youtu.be/XPoRUqvPt8I

Site internet subRosa: http://cyberfeminism.net

Site des publications de subRosa: http://refugia.net

Haraway, D. (2009). Des singes, des cyborgs et des femmes: La réinvention de la nature. Actes Sud.

De Duve, T. (2006). Résonances du readymade Duchamp entre avant-garde et tradition (Pluriel). Paris: Hachette Littératures.

Des mots teints en rose : la lutte féministe au pays où la polarisation économique, politique et sociale règne.

Dans un pays où la crise économique, la polarisation politique et les tabous sociaux règnent, la lutte féministe semble être en arrière-plan des priorités des Vénézuéliens. La Constitution de 1999 se démarquait en tant que cadre juridique ayant pour but de visibiliser, protéger et honorer les femmes et leur participation politique. Cependant, 20 ans plus tard, le Venezuela reste un pays où les problématiques dont l’accès restreint aux contraceptifs, l’IVG clandestine, la violence conjugale et le machisme sont à l’ordre du jour, quoique la législation dicte. Certes, diverses initiatives ont été créés et suivies par le gouvernement dans le cadre de l’idéologie de Hugo Chávez, « le président féministe » pendant que d’autres ont surgit à l’écart du régime, indépendantes de la scène politique. Mais, aujourd’hui…

La réalité du pays et de ses femmes sont-elles reflétées dans la production médiatique vénézuélienne disponible en ligne ?


Le spectre politique se répand-il dans le champ médiatique ?


Les cybermédia ayant une perspective de genre sont-ils soumis à la censure gouvernementale ?

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Difficile à avaler : la dernière intervention artistique censurée dans un Brésil de moins en moins démocratique

Le travail du collectif « És uma maluca » a été reproduit dans la rue à Rio, après être interdit par le gouvernement

Performance faite en janvier dans une rue du centre de Rio (Julio Cesar Guimarães/UOL)

Pendant deux mois, une recette indigeste de gâteau a résonné parmi les quatre murs de l’un des centres culturels les plus importants de Rio de Janeiro. Loin de stimuler les visiteurs de la Casa França Brasil dans les aventures gastronomiques, l’audio qui a été reproduit en boucle et qui énumérait les étapes nécessaires à la préparation du gâteau visait à accentuer une manifestation très familière au Brésil.

Nous nous permettons d’ouvrir une rapide parenthèse pour expliquer la raison de la recette présentée dans le musée : pendant la dictature militaire (1964-1985), chaque fois qu’un article était censuré par l’État, les journaux publiaient une recette culinaire. L’idée était de manifester contre l’interdiction.

Au fil des années, ce qui était une routine est devenue une anecdote du journalisme, et les brésiliens nés après les années 1980 se sont habitués à penser qu’ils jouissaient de toute la liberté d’expression du monde, en particulier à l’époque d’Internet. Continue reading

CIENEGUITA CARTONERA L’engagement collectif au service des mots

« Somos mujeres comunes con responsabilidades excepcionales »

« Nous sommes des femmes normales avec des responsabilités exceptionnelles »

En juin 2011 à Las Heras, le projet Cieneguita Cartonera voit le jour à l’initiative d’un groupe de femmes (Gabi, Rosi, Patricia, Raquel, Stella, Silvia, Nancy, Raquel, María, Fabiana, Lucy, Andrea et Adriana) inspiré par le mouvement cartonero déjà largement présent dans le paysage latino-américain. Cette maison d’édition alternative autogérée se donne pour but de proposer de nouvelles formes de communication au travers de la publication de livres artisanaux au contenu engagé socialement. Le local de la maison d’édition se transforme donc en centre culturel qui voit fleurir de nombreux projets sociaux, culturels et politiques au travers d’une expérience collaborative.

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Zapatos Rojos – Des Cendrillons qui ne reviendront pas

     Dans les pas de ces femmes…

Une centaine de paires de chaussures rouges qui envahissent l’espace public, voici l’exposition d’art public proposée par Elina Chauvet depuis une dizaine d’années pour sensibiliser à la violence de genre et au féminicide.

Elina Chauvet par Luis Brito

      L’art – illerie d’Elina Chauvet

Originaire de Ciudad Juarez (Mexique), alors étudiante en architecture, sa sœur décède sous les coups de son mari. Il ne sera jamais inculpé. Inconsolable, elle se réfugie dans l’art, essayant de trouver un moyen d’exprimer sa souffrance. Elle engage son art pour défendre la Femme et toucher l’opinion publique.

« Zapatos Rojos parte del amor y se despliega en la colectividad social…»

Elina Chauvet

Zapatos Rojos, part de l’amour et se déploie au sein de la collectivité sociale

D’inspiration surréaliste, l’exposition Zapatos Rojos née en 2009, dans sa ville natale de Ciudad Juarez. Dans une structure sociale machiste où la discrimination à l’égard des femmes est quotidienne, on assiste à une banalisation et à une normalisation de la violence de genre. À tel point que personne ne prête plus attention à l’amoncellement d’avis de disparition placardés dans les rues.

L’œuvre s’impose dans le quotidien, sur une place ou dans un parc. Par choix ou lors de déplacements, on se retrouve confronté à la réalité : on est impacté visuellement, heurté mentalement.

Le travail d’Elina Chauvet a la particularité d’aller à la rencontre des gens, sans distinction de sexe, âge, niveau de vie, nationalité… Sans un mot, chacun peut être touché.

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