Médias contre-hégémoniques: des éditions cartoneras à la cyberculture

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AlterNet, pour nous partager une vision alter-mondialiste de nos sociétés

AlterNet est site web d’information américain dont la création est anonyme et qui se définit comme étant « alternatif ». Lancé le 16 juin 1997, il se caractérise comme alternatif dans la mesure il se situe politiquement dans le « New left » c’est-à-dire la nouvelle gauche en français.

Ce mouvement émerge dans les pays occidentaux autour des années 1960 et 1970. Insatisfait de la gauche traditionnelle qui se focalise principalement sur l’aspect social du travail en suivant le même principe de contestation depuis le début du XXe siècle, le New left souhaite aller plus loin et adopte une nouvelle définition de la gauche : en intégrant une vison plus large de la société, le mouvement pousse le militantisme politique et la critique sociale jusqu’aux notions de race et de genre. Les remises en cause portées par la nouvelle gauche incluent pour la première fois avec une telle ampleur, les aspects à la fois sociaux, économiques, mais aussi philosophiques, psychologiques et environnementaux.

Dans les premières années de son existence, le mouvement est porté principalement par des intellectuels tentant de modifier les valeurs profondes de la gauche pour la rajeunir et l’adapter à la société de leur temps. Néanmoins la nouvelle gauche est rapidement devenue une mosaïque de partis qui militaient pour leurs propres causes indépendamment les uns des autres. Dans cette mesure le mouvement a perdu de sa crédibilité dès la fin des années 1970.

A partir du XXIe siècle, le « New left » refait progressivement surface en Europe de l’ouest et aux États-Unis. Il se définit comme Alter-mondialiste, anti-fasciste et anti-capitaliste. Tous ces mouvements sont donc les fondements de l’alter-média « AlterNet ». Ce dernier souhaite éclairer la population mondiale sur les sociétés dans lesquelles nous vivons en déconnant la mondialisation et le libéralisme.

Le site web d’informations alternatives et la communauté qui le compose sont seulement anglophones, il n’existe pas de traduction dans d’autres langues. Malgré son influence concentrée aux États-Unis, il reste relativement populaire et parvient à obtenir une certaine notoriété, on s’en rend compte notamment grâce à sa présence sur de multiples réseaux sociaux tel que Facebook ou Twitter. Il compte d’ailleurs près d’un millions d’abonnés sur Facebook.

Il n’y a pas qu’une seule équipe qui s’occupe du site web mais toute la communauté en ligne. Elle œuvre pour créer un journalisme original et je cite « amplifie le meilleur de centaines d’autres sources médiatiques indépendantes ». Le site web s’oppose donc à la tendance diffusée généralement par les États-Unis qui fait la promotion constante du capitalisme et du libéralisme. AlterNet s’oppose principalement aux informations relayées par les médias de masse tel que le « New-Yok times » ou « CBS NEWS » en condensant une grande variété d’alter-médias tel que la radio « Democratie Now » ou le « United states social forum » pour améliorer sa notoriété.

L’objectif d’AlterNet est d’informer les personnes et de les inciter à se mobiliser au travers des 12 domaines de couvertures proposés (droits et libertés, responsabilité des entreprises et lieu de travail, démocratie et élections, environnement, culture médiatique, justice reproductive et genre, santé et bien-être, guerre en Irak, eau, immigration, rapports sur les drogues, sexe et relations), chacun ayant son propre site central, son propre éditeur et sa propre newsletter hebdomadaire.

Le contenu du site web est donc très complet et diversifié, il connaît une croissance constante depuis sa création en offrant une actualité indépendante. Le contenu proposé en ligne gratuitement par AlterNet est consulté chaque mois par des millions de lecteurs comme l’indique la page Facebook :

« Nous fournissons un contenu en ligne gratuit à des millions de lecteurs, servant de filtre fiable, gardant notre vaste public bien informé et engagé, l’aidant à naviguer dans une culture de surcharge d’informations et offrant une alternative à l’assaut des médias commerciaux. Notre objectif est de stimuler, d’informer et de susciter ».

AlterNet cherche à faire partager une vision plus juste du monde sans pour autant souhaitait mettre un terme à la mondialisation. Ce média se bat simplement en faveur de l’équité, de l’égalité dans les société, tout en créant des liens entre les générations, les ethnies et les thèmes.

En outre de l’actualité, AlterNet offre à ces lecteurs des récits d’histoires motivantes de personnes se qualifiant d’alter-mondialistes. Le site web publie également des critiques sur la politique, politiciens ou les animateurs qui n’apparaissent pas sur les médias classiques, en voici un exemple :

Un aperçu des diffusions proposées par AlterNet

Lien de l’article :Regardez: L’animateur de Newsmax déclare faussement que « exclusivement les Américains blancs » se sont battus pour mettre fin à l’esclavage – Alternet.org , consulté le 07/03/2023 à 10h23.

Brandon Gage, un simple membre de la communauté en ligne d’AlterNet, a publié une trentaine d’article sur le site web notamment une critique sur le youtubeur et animateur de « Newsmax » Benny JONHSON.

Cet influenceur au plus de 750 000 milles abonnées sur Youtube est aussi présentateur de la chaîne d’information « Newsmax ». C’est le mardi 28 février lors d’une diffusion sur la thématique de « l’esclavage aux États-Unis avant la guerre de sécession », qu’il prend la liberter de partager sa vision de l’histoire qu’il croit vraie.

Fort de ce constat, Brandon GAGE publie un article le jour même dans l’objectif de décrédibiliser le youtubeur et pour rétablir la vérité historique. Benny JONHSON a déclarer devant les centaines de milliers de personnes qui le regardaient que « exclusivement des américains blancs se sont battus pour mettre fin à l’esclavage ». Le youtubeur de droite a diffusé son animation en mettant en avant le travail des blancs pour les droits des noirs, tout en discréditant ces derniers. Cependant, malgré le nombre important de personnes regardant la chaîne télévisée, aucun journal ou média classique n’a repris les faits historiques avancés par Benny Jonhson.

Ainsi intervient le média indépendant AlterNet pour remédier à ce constat. Brandon GAGE a repris dans un article disponible gratuitement à la fois sur le site web de l’alter-média mais aussi sur Facebook et Twitter, chaque erreur de l’animateur en prouvant qu’elles sont fausses grâce à des sources historiques fiables. L’objectif de l’auteur et d’AlterNet est de prendre parti en faveur de mémorialisation de l’esclavage, de tous ces descendants et des noirs en général. L’objectif est de ne pas se laisser répandre de fausses informations historiques par un influenceur de droite pour discréditer les esclaves du XIXe siècle.

Brandon GAGE reprend l’influenceur dès ses premières informations :

« Tout d’abord, la population d’esclaves en Amérique à son apogée ne représentait que deux pour cent du pays », a commencé Johnson.

« C’est faux », explique Brandon G qui n’hésite pas à aller chercher les registres de recensements de la bibliothèques du Congrès pour prouver qu’il y avait non pas deux mais plus de douze pour cent d’esclaves dans la population américaine au milieu du XIXe siècle.

Sans faire une critique exhaustive de la totalité de l’émission télévisée, il convient de noter que BENNY Jonhson discrédite le mouvement social et humanitaire de l’abolition de l’esclavage, tout au long de son émission. Pour lui, cette volonté d’abolir l’esclavage est seulement une raison économique de la part des États du Sud des États-Unis, qui n’avait plus intérêt à suivre cet exemple de société pour continuer leur affaires. Il explique que dans le cas contraire il n’y aurait pas eu de guerre civile et que les esclaves ne se seraient jamais plaints de leur statut dans la mesure où la plupart avait une vie plus descente lorsqu’ils étaient esclaves plutôt qu’après une fois libre.

AlterNet permet d’éclairer la population qui le souhaite sur cette propagande américaine diffusée pour cet exemple sur « Newsmax » mais qui est en réalité largement diffusée dans tout le pays. Il s’agit d’une propagande de droite qualifiable de « patriotique » qui souhaite avoir une grande et belle image de l’Amérique et de son histoire. C’est pour cette raison en autre, qu’existe AlterNet et ses auteurs : pour diffuser des informations contre-hégémoniques au regard des rapports de pouvoirs des États-Unis, (rapport de race pour cet exemple).

Bibliographie/sitographie :

-KEUCHEYAN Razmig, Histoire globale des socialismes, XIXe-XXIe siècle, Presses universitaires de France, Paris, 2021, 1156p.

Regardez: L’animateur de Newsmax déclare faussement que « exclusivement les Américains blancs » se sont battus pour mettre fin à l’esclavage – Alternet.org, page consultée le 07/03/2023 à 10h23.

Alternet.org, page consultée le 13/02/2023 à 14h45.

La stérilisation forcée des femmes amérindiennes au Pérou: ¡nunca más!

Contexte historique

Photographie de Liz Tasa pour le projet Kapar, disponible sur VIST.

Au début des années, 1990, le Pérou traverse une crise. C’est à ce moment qu’arrive à la tête du pouvoir Alberto Fujimori le 28 juillet 1990 qui, dans le but de vouloir redresser son pays face à la crise qu’il connaît, demande une aide internationale. Des aides lui sont proposées dont celle de la banque mondiale et les Etats-Unis sous plusieurs conditions préalables comme le contrôle de la croissance démographique de son pays. C’est de cette manière qu’il instaure un programme de santé reproductive et de planification familiale en 1996. Un an avant la mise en oeuvre de ce dernier, le président Fujimori a évoqué ce sujet lors de la 5ème conference sur les femmes organisée par les Nations Unies à Pékin.

Le but du programme de santé, sa mise en place et son vice caché

Ce programme présenté promettait aux femmes péruviennes de disposer de leur vie en toute liberté et autonomie, un discours prometteur vu comme une évolution des droits des femmes à l’époque. Pourtant, ce plan promu par le président cachait un vice qui n’était autre que l’intention de réduire la pauvreté qu’il jugeait comme conséquence de la forte natalité des femmes : ceci en voulant pratiquer la stérilisation forcée comme méthode contraceptive. Ce plan est mis en place entre 1996 et 2001 et visait une catégorie spécifique de la population qui sont les communautés locales du pays. Ces victimes étaient pour la plupart des paysans de plateaux andins, notamment les femmes paysannes, disposant de peu d’informations sur la pratique, parlant peu espagnol et subissant un chantage à l’aide alimentaire. En fait, le gouvernement Fujimori a profité de la naïveté de ces communautés et de leur manque d’éducation pour mener à bien son plan. Ne disposant pas de connaissances scientifiques pour justifier leur plan, le gouvernement s’est fait aider par le personnel médical (médecins, infirmiers, sage-femmes etc…) en leur demandant de convaincre les populations qui allaient subir ce programme, tout en leur promettant des récompenses, des promotions et des meilleures conditions de travail.

Par ailleurs, il est nécessaire de souligner que l’idée du programme que voulait instaurer le gouvernement se fondait sur des préjugés qui soutenaient la thèse selon laquelle le programme qu’ils avaient en tête devrait être à destination des familles amérindiennes, car elles étaient considérées comme les plus pauvres et les plus vulnérables, donc sujettes à une forte natalité. Pourtant, ce dernier argument qui semble discriminatoire a été parmi les critères qui ont motivé les Etats-Unis et les Nations Unies à soutenir ce programme avec respectivement une aide pour le développement et un fond des Nations Unies.

Crime contre l’humanité enfin reconnu à l’échelle mondiale. Qu’en est-il du Pérou?

Photographie de Liz Tasa pour le projet Kapar, disponible sur VIST.

Au final, ce sont au total 300.000 femmes (enfants, adolescentes, adultes, mères) qui ont été victimes de ce programme visant à les stériliser dans des conditions indignes sans leur consentement. Bien évidemment, cela allait sans se soucier des conséquences à la fois morales et physiques qu’elles allaient subir comme des infertilités et des sérieux problèmes de santé et autres traumatismes. Bien que cela puisse paraitre atroce et déplacé de nos jours, il faut savoir qu’au moment de la mise en place de cette pratique à l’époque, cette dernière n’était pas encore considérée comme une pratique illégale. C’est seulement en 1998 que le Statut de Rome qui est déclaré lors de la Conférence diplomatique Plénipotentiaire des Nations Unies à Rome en Italie reconnaît à l’échelle internationale cette dernière comme étant un « crime contre l’humanité ». Les femmes péruviennes en prennent conscience et commencent dès lors à demander de vive voix et sans complexe justice, vérité et réparation auprès du gouvernement qui ne souhaite rien entendre. Plusieurs femmes déposent alors des mains courantes.

La fleuraison des associations au profit des victimes : Cas de l’AMPAEF

Photo issue de la page Facebook de l’association AMPAEF

Pourtant, leur voix n’ont pas été écoutées à la hauteur de leurs attentes depuis leurs revendications. Face à ce silence de l’État et des institutions sur la question, les femmes victimes ont décidé elles-mêmes de faire avancer les choses au moyen des organisations associatives dénonçant les pratiques instaurées par celui qui est à ce jour un des anciens présidents du Pérou. C’est dans ce contexte que naît l’AMPEAF (Asociación de Mujeres Peruanas Afectadas por las Esterilizaciones Forzadas) en 1998, œuvrant pour les femmes victimes de la stérilisation forcée. Présidée actuellement par Rute Zuniga, l’Ampaef n’est pas seulement une ONG mais également un média alternatif indépendant et engagé qui clame à travers les œuvres de femmes victimes  l’injustice, le mépris et l’impunité de ceux qui ont détruit et traumatisé leurs vies. Livrées à elles-mêmes, trompées, manipulées, opérées dans des conditions insalubres, les demandes de ces femmes émises depuis maintenant 25 ans concernent : 

  • Une réparation de leur intégrité à la fois morale, psychologique et physique
  • La vérité sur ce qu’elles ont subi 
  • Mais également la justice

Quelles sont les actions que ces femmes mettent en place pour obtenir justice, réparation, vérité ? Que font-elles pour éviter que cette pratique ne se reproduise plus ?

Les victimes dénoncent formellement cet acte au travers de divers canaux. L’un d’eux est l’adhésion au sein d’associations comme l’AMPAEF qui porte leurs voix au niveau national mais aussi au-delà des frontières du pays via des médias alternatifs. A ce propos, la vidéo intitulée  »Esterilizaciones forzadas en Perú : El silencio  » et disponible sur la page Facebook de l’association est un extrait du reportage de Hispantv qui confronte les témoignages de plusieurs femmes et personnalités ayant des liens directs ou indirects avec la cause défendue, aux arguments de Keiko Fujimori, fille de Fujimori et prétendante au pouvoir en 2021.

Vidéo prise de la page Facebook de l’AMPAEF

Elles relatent ici les douleurs qu’elles portent encore jusqu’à ce jour, les ayant rendu infirmes pour nombreuses d’entre elles et qui les empêchent de réaliser des activités physiques. En plus de ce handicap, elles dénoncent le développement de plusieurs maladies (maux de tête, fièvre, cancer etc) qu’elles ne peuvent pas soigner correctement par leurs propres moyens. Elles se sentent délaissées et invisibles aux yeux de ce système qui a massivement détruit leur intégrité puis les a abonnées à leur propre sort. Faire entendre leur voix par ces médias apparait alors comme une prouesse à leurs yeux.

La vidéo montre que face à ces revendications, Keiko Fujimori défend son père et ses anciens ministres en justifiant que :

« y a eu un programme de santé reproductive et de planification familiale. La politique de l’Etat visait à informer les hommes et les femmes pour dire combien et quand ils devraient avoir des enfants. (…) 150 accusions au sujet de ce programme ont eu lieu. Il y a eu plusieurs investigations à ce sujet au cours de différents gouvernements. Ces investigations signalent les responsabilités personnelles des médecins qui n’ont pas respecté ce protocole. Je condamne l’hatitude de ces médecins responsables (…)« 

citataion tiréE de la vidéo de hispantv, disponible sur la page facebook de l’ampaef

Si elle reconnait à peine une forme de responsabilité de la part des médecins ayant participé à ce programme, elle nie en revanche toutes les charges et les preuves d’accusation retenues contre son père et son gouvernement depuis le début des années 2000. Ces arguments peuvent être considérés par les parties civiles comme une stratégie pour retarder le procès qui prend le temps d’être acté depuis de nombreuses années. Il faut dire qu’au vu de ces propos, les victimes ne faiblissent pas et continuent à montrer leur mécontentement au travers des paroles libres qui leurs sont accordées dans les médias alternatifs sus-cités.

Au final, cela fait maintenant 25 ans que ces femmes continuent à être marginalisées, stigmatisées et surtout rendues invisibles. Malgré leurs efforts, leur cause continue d’être passés sous silence devant l’État et voire même niés par certains membres de Fujimori dont sa fille. Grâce aux médias alternatifs ces femmes peuvent faire entendre leur voix et espérer un jour avoir ce qu’elles clament, c’est-à-dire justice, réparation et vérité et la cessation définitive de ces actes aujourd’hui mais aussi pour les générations futures.

Références

Humans for women, 11 février 2016.

Nations Unies droits de l’homme, stérilisations forcées au Pérou, 26 juin 2019.

France TV info, Pérou; le drame des femmes stérilisées de force, 25 mai 2018.

Ana Mara Vidal Carrasco, Las esterilizaciones formatas en Perú: 20 años de impunidad,28 février 2020.

Stavig Lucía, Péru: las esterilizaciones forzadas, en la década del terror, Chérif Alberto, 2021.

Facebook et blog AMPAEF

Une réponse à “La stérilisation forcée des femmes amérindiennes au Pérou: ¡nunca más!”

  1. Avatar de paulinel
    paulinel

    Bonjour Paulina,

    Merci pour cet article très poignant. C’est un sujet sensible dont tu nous parles, un sujet révoltant qui en tant que femme et féministe ne me laisse pas indifférente. Ton article est d’autant plus marquant grâce aux images qui l’accompagne. La photographie de Liz Tasa restera gravé dans mon esprit. Tu as bien fait d’ajouter à ces mots un visuel, ce qui me semble rarement fait lorsque l’on traite ce genre de sujet. Peut être que cette image choque le lecteur mais elle permet de garder en tête toute l’horreur de ces politiques de stérilisations forcées. Il est crucial de montrer le combat de ces femmes et j’espère qu’avec ce petit article tu portes ta pierre à l’édifice.

    Le contrôle des corps des femmes et des filles est un sujet toujours très actuel dans nos sociétés patriarcales. Il s’agit dans le cas que tu présentes d’un phénomène à la fois sexiste, raciste et classiste. Comme tu le précise ce sont particulièrement les femmes les plus pauvres et de nationalités indigènes qui ont subit cette cruauté d’Etat. Savoir que ce programme a été soutenu par les nations unies et était considéré comme du développement amplifie la monstruosité de ces actes.
    Sachant que nous allons dans cette promo travailler dans le développement, je crois qu’il est crucial pour nous de lire ce genre d’article afin de mieux se rendre compte de l’absurdité de certains programmes avant de s’impliquer dans ces derniers.

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Urban Art Mapping : le street art contre les violences policières

Page d’accueil du site Urban Art Mapping

Urban Art Mapping est un site internet visant à répertorier et cartographier les œuvres de street art issues des évènements autour du meurtre de George Floyd par un policier en Mai 2020. Ce site provient du travail d’un groupe de chercheurs et d’étudiants multidisciplinaire de l’Université de Saint Paul, ville jumelle de Minneapolis. Ce collectif cherche à documenter et analyser les œuvres des artistes et militants rattachés au mouvement Black Lives Matter. Urban Art Mapping veille à prendre en compte une grande diversité de productions de la plus petite à la plus grande : stickers, tag, graffiti, peintures murales, installations.

Pour le collectif de chercheurs, le street art est une façon artistique et militante de répondre rapidement et efficacement à une situation de crise. Le but est d’enregistrer les voix qui se sont soulevées au cour du temps. On obtient alors une vision diverse et nuancée des moments historiques comme l’ont été les révoltes post-George Floyd. Le street art est une manière de s’approprier et de transformer l’espace public pour créer un dialogue, des débats et appeler une audience plus large que d’ordinaire. Le grand intérêt d’inventorier ces différentes œuvres est de garder une trace de cet art éphémère. En effet, il faut en général seulement quelques heures avant qu’un tag ou un grafitti ne soit enlevé.

« Street art captures the complexity of the experiences shaping the world today. »

Dr. Heather Shirey, co-director, Urban Art Mapping

Le site propose ainsi une carte permettant de repérer chaque production repérée par le groupe depuis Mai 2020. On dénombre aujourd’hui plus de 1500 œuvres répertoriées sur cette carte. On remarque que les projets artistiques de rue en soutien à Black Lives Matter ont largement dépassé les Etats-Unis avec des œuvres au Brésil, au Canada ou en Europe. Celles-ci s’adaptent en général aux contextes locaux et aux victimes de violences policières des différents pays. Le projet Urban Art Mapping est ainsi un projet qui se base sur une collaboration collective nationale et internationale.

Carte extraite du site Urban Art Mapping

Contexte : l’été 2020 pic du mouvement Black Lives Matter

Le projet Urban Art Mapping est né à partir du meurtre de George Floyd, un homme noir tué par un policier blanc, Dereck Chauvin, le 25 Mai 2020. Cet évènement a engendré le pic du mouvement Black Lives Matter qui devint la plus grande mobilisation de l’histoire des Etats-Unis. Cette énième violence policière est venue frapper une population déjà exaspérée par le racisme policier qu’a parfaitement mis en lumière le mouvement Black Lives Matter depuis 2013. Cette épisode marque un tournant au sein de ce mouvement avec une nouvelle radicalité atteinte et de nouvelles revendications. La proposition Defund the Police a notamment été très mise en avant. Elle sous-tend une baisse des budgets de la police au profit des services sociaux (logement, alimentation, éducation…) et du milieu associatif. Une partie plus marginale s’est radicalisée vers l’abolitionnisme qui part du principe que la police serait irréformable car intrinsèquement raciste, classiste et sexiste et vise ainsi à la remplacer par d’autres dispositifs de justice et de contrôle social.

L’épicentre de ce grand mouvement national fut Minneapolis, ville où est advenu le meurtre de George Floyd. Si la grande majorité des manifestations du pays furent pacifiques, la colère dans cette ville a débouché sur des émeutes, des pillages et de nombreux affrontements avec la police. Ce déchainement est représenté par l’incendie d’un des commissariats de la ville qui a marqué le pays. Ce rapport de force gagné par les manifestants Black Lives Matter a contraint le Conseil Municipal de la ville de déclarer le démantèlement du service de police de la ville.

Le street art post-George Floyd à Minneapolis

Etant donné le dynamisme du mouvement social de Mai 2020 à Minneapolis, il n’est pas étonnant de retrouver cette vitalité au sein des arts de rue. La carte fourni par Urban Art Mapping montre en effet un très grand nombre de productions réalisées lors des évènements soit en mémoire de George Floyd soit en tant que message politique.

La collection d’œuvres de rue proposée par Mapping illustre parfaitement le spectre d’opinions qui existe au sein de BLM. On retrouve ainsi des mentions aux positions modérées réformistes ou de réconciliation avec la police et des opinions plus radicales notamment abolitionnistes. Les rues de la ville étaient alors remplies des traditionnels slogans BLM comme « I can’t breath », ou des nouveaux comme « Defund the Police » et aussi de nombreux formules plus bien plus fortes que d’habitude « Abolish the Police », « ACAB ».

Cet élan artistique et militant s’est principalement fait autour du mémorial consacré à George Floyd qui a été réalisé à l’intersection de la 38th Street et de Chicago Avenue. Cet espace est devenu un lieu de rassemblement et une zone d’autogestion dirigée par les communautés locales et interdite à la police. Elle est protégée par des barricades qui constituent des installations à la fois pragmatiques, politiques et artistiques. Le travail de Urban Art Mapping de définir ces barricades comme œuvre à part entière vient souligner la division floue entre l’art et l’activisme et les liens forts qui les relient.

Bibliographie

Buchanan, Larry, Bui, Quoctrung et Patel, Jugal. K. « Black Lives Matter may be the largest movement in U.S History », New York Times, 3 Juillet 2020.

Collectif Matsuda. Abolir la police – Echos des Etats-Unis. Péronnas, 2021.

Lundimatin, « MINNEAPOLIS : RÉCIT DE LA PRISE DU COMMISSARIAT », Lundimatin, 2 juillet, 2020.

Keeanga-Yamahtta, Taylor. Black Lives Matter : le renouveau de la révolte noir américaine. Marseille : Contre-feux, 2017.

Ricordeau, Gwenola. 1312 raisons d’abolir la police, Montréal, Lux, 2022.

The Forum, un magazine en ligne au service d’un mouvement activiste aux Etats-Unis.

L’utilisation d’un magazine en ligne pour couvrir les angles morts des grands médias publics. The Forum, une plateforme qui donne voix aux discours engagés sur les problématiques sociales et raciales qui se joue en ce moment aux Etats-Unis.

L’African American Policy Forum (AAPF) est un groupe de réflexion (‘Think Tank’) et d’actions engagé fondé en 1998 par Kimberly Crenshaw – professeure de droit et des droits civils, et Luke Charles Harris – professeur de sciences politiques spécialiste de la Théorie Critique de la Race. Depuis son apparition il y a 25 ans, l’objectif du collectif est de mettre en avant les voix et les idées de personnes engagés dans le mouvement de justice sociale aux Etats-Unis. Leur message principal tourne autour des problèmes d’injustices sociaux et raciaux, et la perpétuation des idéologies raciste et discriminatoires dans la société Nord-américaine. Pour se faire, le forum AAPF recours à l’ouverture d’un dialogue intersectionnel autour du racisme, du genre et des inégalités sociales à travers plusieurs supports médiatiques, artistiques et littéraires. Ces différentes formes de mobilisation permettent, comme le montre leurs actions sociales portées aux fils des années, d’être un acteur d’un mouvement vers une Amérique démocratique, juste et égalitaire.

Nous continuons à faire avancer le travail vital, nécessaire et singulier de diffusion d’une compréhension intersectionnelle et critique des problèmes sociaux contemporains face aux qui cherchent à faire taire nos voix et à effacer notre histoire

The forum (AAPF)

The Forum est un magazine en ligne, en diffusion depuis janvier 2022. Il est une extension logique du site de l’African American Policy Forum et des manifestations portés par l’association. Au travers d’articles et d’essais, Emily Carroll (Editrice en chef) et l’équipe en charge du média se veulent porte-parole de sujets systématiquement peu représentés sur les grandes plateformes médiatique américaine.

Leur but en tant que collectif, réformer la société en fournissant au public les matériaux et les connaissances pour repenser la démocratie. Ils donnent ainsi la parole à des chercheurs, journalistes, activistes, artistes et écrivains, dans le but de couvrir des sujets et des arguments historiques et politiques nuancés, absent du discours mainstream. Les thèmes traités par les articles portent donc souvent sur le racisme et le mouvement anti-raciste, le droit de vote et la démocratie, l’éducation et le passé historique des Etats-Unis. Dernièrement, le magazine met en avant et soutient les prises d’actions et de manifestations de l’opinion publique, du droit à la liberté et l’expression. Sous plusieurs catégories (« La guerre des écoles », « Démocratie dans la balance » / « Passé Imparfait »), The Forum propose à son public des analyses autant politiques que littéraires. Abordant des sujets divers, parlant tout autant des élections présidentielles, de la « révolte du 6 janvier », de Elon Musk et Twitter, que de l’impact de Toni Morrison et James Baldwin sur la société et l’imaginaire états-unien.

https://forummag.com/

La série Diary of a Targeted Teacher, publiée sous la rubrique « La guerre des écoles » depuis mars 2022, est une œuvre de The Forum particulièrement intéressante à lire et étudier. Au travers de plusieurs essais, basé sur sa propre expérience personnelle en tant qu’éducateur, Willie Randall met en lumière les défis rencontrés dans l’éducation des problématiques liées à la race et l’histoire esclavagiste dans les établissements des Etats-Unis. Dans ces écrits, ce professeur (anonyme car publiant sous un nom de plume) nous fait part de ses expériences auprès de ses élèves, parents d’élèves, collègues et système éducatif américain. Il nous décrit les réalités auquel dont face ses étudiants, leur point-de-vue sur les questions lié à l’avenir du monde, l’écologie, le racisme, la démocratie. Et apporte ses propres motivations à exercer cette profession – l’enseignement étant un emploi difficile, auquel beaucoup de professeurs tournent éventuellement le dos, par faute de salaire et environnement de travail correct et digne.

Pour l’auteur, la peur montante et souvent imaginaire d’un « white washing » et d’une propagande d’extrême gauche liée à l’apprentissage de la Théorie Critique de la Race aux jeunes de demain, est ce qui justifie le besoin de continuer à dialoguer sur les injustices sociales, raciales et de genre dans tous les cercles du pays. Un challenge, d’autant plus considérable que les conversations sur la race et la discrimination au sein de la salle de classe sont de plus en plus débattues et policées, voire bannies des établissements du pays. Un mouvement ayant le vent en poupe depuis le mandat de Trump en 2020. Bien amené, ces articles utilisent les question posés à ses élèves en classe, comme « Comment sais-tu que tu es blanc ? » ou « Qu’est ce que cela veut dire d’être blanc ou noir ? », pour faire participer les lecteurs aux questionnements de ses préconceptions et de ses préjugés.

Ce qui ressort le plus de ces expériences, est l’accent mis sur la bonté et la compassion, la possibilité et l’engouement des individus de dialoguer et de vivre dans un monde plus juste et égal pour chaque individu de la société.

Bibliographie :

  • Willie Randall, Blinded By the White https://forummag.com/2022/04/21/blinded-by-the-white/
  • Stephen Sawchuk, What Is Critical Race Theory, and Why Is It Under Attack? https://www.edweek.org/leadership/what-is-critical-race-theory-and-why-is-it-under-attack/2021/05

Martes Verde : La poésie en action

Le recueil de poésie Marea Verde est diffusé sur la plateforme du média La Primera Piedra. Les différents poèmes qui composent l’anthologie peuvent être entendus comme une forme de militantisme politique. Ces écrits sont donc venus alimenter le débat sur l’avortement. Il n’est donc pas étonnant de retrouver ce genre de production artistique sur des plateformes médiatiques alternatives, tel que la Primera Piedra.

Contexte médiatique Argentin

Pour comprendre le contexte du monde médiatique argentin, il faut revenir sur quelques éléments clés. Ainsi, en 2009, Kristina Kirchner alors présidente de l’Argentine, promulgue la  “ Ley de Servicios de comunicación audiovisual ”. Jusque-là les médias étaient régis par la loi 22.285 de Radiodiffusion de 1980, adoptée pendant la dictature militaire (1976-83). Le vote de cette nouvelle loi concernant les médias a donc été le sujet de controverses. Il faut dire que la plupart des médias avant l’adoption de cette loi étaient aux mains de quelques grands groupes. Par exemple, le groupe Clarin détient 42% des parts du marché de la publicité télévisuelle ainsi que 264 licences, ce qui est considérable. Cela donne  lieu à une bataille juridique, qui s’est étalée  sur quatre longues années. Cette dernière prend fin en 2013, quand la Cour Suprême valide dans son intégralité la réforme de 2009. Cette dernière a pour conséquence, premièrement une démocratisation du secteur médiatique qui passe par le démantèlement des monopoles médiatiques. Cela permet aux médias associatifs de s’insérer dans le champ médiatique comme une troisième voie. Cette visibilité permet aussi de légitimer leur production et leur contenu médiatique. Néanmoins, en 2015, lors de l’arrivée au pouvoir de Mauricio Macri, cette loi est remise en question. Il initie petit à petit son démantèlement, afin de revenir à la dynamique de concentration médiatique.

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Empress in Lavender Media : visibilisation des récits des communautés sexo-dissidentes

Le média Empress in Lavender : passer de l’alternatif au mainstream ? 

Empress in Lavender est un média très récent créé en 2019. Plus qu’un site web, c’est une société de production qui a pour objectif premier de faire connaître aux médias grand public les récits des cinéastes, artistes queer, transgenres et travailleur.ses du sexe à travers des productions filmiques. L’ambition première de ce média est donc de vouloir apporter une visibilité aux récits des communautés sexo-dissidentes au-delà de la sphère intracommunautaire. Actuellement, il y a peu de productions disponibles puisque les projets filmiques sont très chronophages. Cependant, d’autres projets sont en cours de réalisation et verront le jour prochainement.

Ce média a été créé par Madison Young, une artiste étasunienne. Dans un premier temps, elle a d’abord été actrice dans des productions pornographiques pour ensuite devenir la réalisatrice de ses propres films et mettre en avant ses revendications féministes et les sexualités queer. Ainsi, elle a créé sa propre maison de production appelée Madison Bound Production, avant de créer Empress in Lavender. Elle inscrit son travail dans la tradition féministe du DIY, ou Do It Yourself. Qui consiste à créer et diffuser son propre récit en dehors des circuits traditionnels : 

 » DIY porn is simultaneously a socio-political movement and an artistic movement and mode of expression. It lends itself to the empowerment of communities and cultures to tell their stories, and to embrace and celebrate their sexual identities, relationships, desires, connections, fantasies and beyond. The scope of this genre of film is as huge as the social stigma that comes attached to it.”

Madison young, DIY Porn Handbook : A How-To Guide to Documenting Our Own Sexual Revolution

Après avoir eu de multiples casquettes, réalisatrice et performeuse de film pornographique, écrivaine et directrice d’une galerie d’art San franciscaine appelée Femina Potens. Elle se concentre aujourd’hui sur ce nouveau projet qu’est Empress in Lavender et s’éloigne de l’industrie pornographique. 

 “ In 2019 I started Empress in Lavender Media – a feature film and television production studio dedicated to elevating the stories of queer, trans and sex worker communities by those communities.  I no longer work in the realm of erotic/ or pornography. (…) “

mail 18/11/22

La docu-série Submission possible : Entre mise en scène post-porn et récits radicaux

Le seul projet créé par Empress in Lavender à l’heure actuelle est une docu-série appelée Submission Possible, elle est construite en 7 épisodes de 40 à 50 minutes. C’est une série qui a été produite juste après le covid pour un autre média nommé Revry. Revry est une plateforme de streaming en ligne, tout comme Netflix, les financements sont directement générés par les abonnements des spectateurs voulant accéder aux différents contenus de la plateforme. Ce site de streaming en ligne s’est positionné sur des contenus LGBTQI+. Cette plateforme a permis à la fois de financer le projet mais aussi de le diffuser.

En ce qui concerne le contenu de la série, chaque épisode est tourné dans une ville différente des Etats-Unis, à la découverte de communautés queer et sex-positive, ou de communautés centrées sur un kink ou un fétiche particulier. La série est principalement basée sur des entretiens avec des personnes appartenant à ces communautés. Iels expriment comment iels se réapproprient leurs sexualités en dehors des cadres hétéronormatifs et monogames. Leur sexualité deviennent alors safe place ou elles peuvent exprimer librement leurs identités. Chaque conversation est suivie par une démonstration sous forme de performance du kink abordé dans l’épisode.

« Submission Possible is a dare. A challenge for us to shift the narrative. For us to celebrate our differences and our sameness, our connections,It is a culmination of my deep desire to gather women, POC, queers, trans folk, Black folks, non-binary community, femmes, butches, sex workers, kinksters around the kitchen table, around the fire, to share our stories, of who we are as sexual beings.”

Madison Young, entretien, advocate television, 09/06/2020, entretien complet ici

La bande annonce ci-dessus met davantage l’accent sur l’esthétisme post-porn et BDSM plutôt que sur les discours véhiculés dans la série. Ce choix de mise en lumière de l’esthétisme post-porn n’est pas anodin, il permet sans trop révéler le discours radical derrière la docu-série, de susciter la curiosité des spectateurs qui, attirés par la mise en image de la série, décideront (ou non) de la regarder. Selon moi, ce choix est très lié au format grande production, puisque cette docu-série a été produite pour une plateforme de streaming, elle touche donc un public beaucoup plus large que celui touché habituellement Madison Young. L’accent est mis sur “l’emballage” plutôt que sur le discours radical pour adresser la production à un plus large public. En ce sens, ce parti pris fait parti des négociations pour permettre que les discours liés aux communautés sexo-dissidentes puissent circuler dans un environnement plus mainstream.

Le post-porn et la théorie queer : Le corps comme outil politique

En ce qui concerne le contexte d’émergence de ce média et de cette docu-série, ils s’inscrivent dans le continuum des revendications pro-sex et queer aux Etats-Unis qui ont pleinement émergées dans les années 1990. Ces mouvements politisent le champs sexuel et l’érotisation du corps. La documentation des communautés sexo-dissidentes est alors importante  puisque c’est un moteur d’expression qui permet grâce au discours, de renverser les stigmas présents autour des subcultures sexuelles. 

Submission possible et plus globalement le média Empress in lavender s’inscrivent tous deux dans les mouvements, queer, féministes et post-porn, essentiels pour comprendre les enjeux derrière une telle production. Tout d’abord, c’est un travail filmique qui s’inscrit directement dans ce qui est appelé le féminisme queer. C’est une branche du féminisme qui commence à émerger dans les années 1980. Butler, Rubin et De Laurentis, pionnières de la théorie queer, remettent en cause le « groupe femme » comme sujet du féminisme et évoquent la volonté de se défaire des catégories essentialistes, blanches et hétérosexuelles de classe moyenne qui a toujours été au centre du mouvement féministe. Dans cette période, commence à émerger des « féminismes dissidents » qui appréhendent différences culturelles, sexuelles et politiques. Virginie Despentes parle de « réveil critique du prolétariat féministe », des mouvements qui prennent davantage en compte les travailleur.ses du sexes, les lesbiennes et les personnes transgenres, nous assistons alors a un décentrement du sujet femme. L’objectif est d’énoncer les interactions entre identités et oppressions, on n’est jamais « que » gai ou lesbienne, on peut subir simultanément des oppressions de races, de classes… La théorie queer, apparue suite à ces nombreuses remises en questions, prend directement racine dans les écrits de Michel Foucault qui exprime l’idée que nos pratiques sexuelles et expressions de genre sont façonnées par des processus de disciplines du corps  (processus médicaux, institutions scolaires, discours pornographiques…). 

En théorie, la production de Madison Young s’inscrit donc la continuité de la pensée queer et féministe pro-sex. Dans la pratique, et surtout dans la mise en image de son projet, elle s’inspire fortement du mouvement post-porn. Le post-porn est un concept qui a émergé dans les années 1990, le terme a été inventé par un artiste néerlandais Wink Van Kepen pour énoncer un genre nouveau de contenu sexuellement explicite. Le terme est ensuite repris par Annie Sprinkles dans The Public Cervix Announcement. Le post-porn n’est pas un mot facile à définir puisque c’est un phénomène fluide qui ne souhaite pas entrer dans une catégorie, ce qui met en avant le côté politique du mouvement. Néanmoins le post-porn met l’accent sur la dimension politique de la sexualité qui peut être analysé sous le prisme Foulcadien de « discours en retour » produit par les personnes en marges et minoritaires dans la pornographie dominante.

Bibliographie :

Borghi, Rachele. « Post-Porn ». Rue Descartes, vol. 79, no 3, 2013, p. 29‑41.

Bourcier, Sam. Queer Zones : Politique des identités sexuelles et des savoirs. Éditions Amsterdam, (2001) 2011.

Foucault, Michel. Histoire de la sexualité I : La volonté de savoir. Gallimard, (1976) 2021.

Preciado, Paul B. Testo Junkie : Sexe, Drogue et Biopolitique. Points, (2008) 2021. 

Young, Madison. DIY Porn Handbook : A How-To Guide to Documenting Our Own Sexual Revolution. Greenery Press, 2016.

Dans le corps de subRosa

subRosa est un collectif de chercheuses et chercheurs qui travaillent sur l’art, l’activisme et le politique. Il est fondé en 1998, à Pittsburg, au début de la deuxième vague féministe, par les artistes cyberféministes : Faith Wilding, Mariá Fernandez, Hyla Willis  et Michelle M.Wright. Dans leur manifeste, Rosa fait référence aux femmes féministes qui ont lutté dans différents domaines tels que les sciences (Rosalind Franklin), la politique (Rosa Luxemburg), l’activisme (Rosa Parks) et l’art (Rosa Bonheur). Ce collectif produit des performances artistiques, des manifestations, des publications autour des questionnements que soulèvent les nouvelles technologies sur le corps des femmes. De ce fait, il regroupe les domaines des pionnières dont le groupe s’inspire. Il s’agit d’une critique de la rencontre entre les biotechnologies et le corps des femmes et de l’impact que cela a sur leur corps, leur travail et leur vie. 

Quelques installations et performances

Les installations, performances et publications portent sur l’exploration et la critique du biotechnologique sur le corps des femmes. Depuis 1999, leurs interventions remettent en questions l’avancée des nouvelles technologies. Leurs projets les plus connus sont:

SmartMom
  • SmartMom (1999) est un projet en ligne qui propose une satire de l’utilisation de T-shirt « intelligent », initialement utilisé par les médecins de l’armée américaine pour des interventions à distance, qui est détourné pour être un moyen de surveillance sur les grossesses et les procréations assistées.

Une spectatrice face à la sculpture
  • Constructa/vulva (2000) est une sculpture interactive de vulve en grande taille. Cette structure est accompagnée de représentations de clitoris, col de l’utérus, des lèvres de taille et de forme différentes. La mise en place permet aux participants de créer leur vulve idéale. Cette performance rend hommage aux mouvements féministes des années 70 qui mettaient en avant la santé des femmes en leur apprenant à connaître et aimer leur corps et leur sexualité.
  • International Markets of Flesh (IMF) (2002) est une performance participative qui cartographie de manière collective le trafic mondial d’organes et de tissus humains. Les démonstrations proposées montrent des sculptures grandeur nature des organes humains. Les participants peuvent écrire des histoires personnelles sur le prélèvement et la commercialisation des organes. Cette performance permet de mettre en évidence le marché de la chair dans le monde et de discuter sur la valeur de la vie dans un contexte de modification du matériel génétique.
  • U-Gen-A-Chix (2003) est une mise en scène d’étudiants de grandes universités qui remettent en question les relations entre l’eugénisme et l’ingénierie génétique contemporaine. Cette performance met l’accent sur la participation des spectateurs à interagir et de prendre position dans les débats grâce à la mise en place de stands sur lesquelles on distribue des informations sur le don d’ovule humain et sur la procréation médicalement assistée, mais aussi un stand de dégustation de biscuit OGM saveur poulet sur lequel les étudiants sont amenés à débattre autour de l’utilisation généralisée des OGM et de leur implication dans l’eugénisme biologique et sociale.
Performance dans la clairière
  • Yes Species (2005) est un tableau performatif avec exposition vidéo de 20 minutes où les artistes imaginent la rencontre entre trois philosophes: un DJ qui mixe des vocalisations, un performeur debout dans une cuve de couleur rouge et verte et un dernier performeur qui disperse le livre de Yes Species avec la couverture fraichement imprimé.

Cell track: Mapping the Approximation of Life Materials

Cell Track: Mapping the Appropriation of Life Materials

Cell track: Mapping the Appropriation of Life Materials (2004) est une installation d’un mur flexible et d’un site internet en partenariat avec subRosa. Cette installation examine la privatisation et le brevetage du génome humain, animal et des plantes dans un contexte historique d’eugénisme. Pour compléter cette performance, une autre installation est faite en 2005, Epidermic: DIY Cell Lab, dont une vidéo explicative est publié en ligne.

L’objectif de ce Cell Track est de décrire l’accroissement de la séparation entre les corps qui produisent des cellules souches (et autres matériels génétiques) et les produits médicaux et pharmaceutiques.

Les corps et cellules qui sont cartographiés sont les tissus maternels, tels que les ovules, le placenta, le fœtus, le sang, le cordon ombilical. Ces tissus sont considérés comme de la matière première qui sont exploités par les biotechnologies. Ces exploitations des matériaux maternels vont permettre le développement des entreprises biomédicales autour des questions, très controversées, de contrôle et modification de séquençage d’ADN ce qui entraine la production d’organisme génétiquement modifié, des organismes transgéniques… . En complétant avec DIY Cell Lab, cela permet aux participants de discuter avec des chercheurs, des scientifiques, afin de mieux comprendre les enjeux face à ces manipulations génétiques.

Corps des femmes 2.0

Initialement proposé en 1991 par Donna Haraway dans Des singes, des cyborgs et des femmes: La réinvention de la nature, celle-ci suggérait déjà que le développement des biotechnologies pourrait faire sortir les corps de l’essentialisme. En proposant le cyborg, Donna Haraway, sort des dualismes omniprésents dans nos sociétés: la nature/la culture, l’homme/la femme, l’humain le non-humain… De plus, elle suggère que l’être-machine n’a, au départ, pas d’essence genrée, « On ne naît pas femme »! Mais l’hybridation de l’humain avec la technologie tend vers une reproduction des logiques de domination patriarcale sur les corps féminins, ou plutôt sur les corps non-hégémonique, par le biais du langage. Mais l’importance de sa théorie cyborg est de dépasser les discours essentialiste, dualiste et naturaliste afin de mettre en place de nouvelles stratégies pour sortir d’une identité genrée globale et de se créer un groupe identitaire qui est propre à chacun.

En art, et dans nos sociétés actuelles, le corps féminin est cristallisé autour de représentations. Ces représentations réduisent le corps des femmes à un standard, un canon de beauté, qui sont sont tellement ancrés dans nos inconscients qu’il modifie nos manières d’avoir et d’être un corps. L’art permet justement de remettre en question ces standards. En effet, l’art permet de voir autrement le monde qui nous entoure. Les interactions entre le public, l’objet d’art, l’auteur et l’institution vont transformer le regard du public sur l’objet (De Duve, 2006) . De ce fait, de prendre pour objet d’art le corps féminin, cela va impacter notre propre vision que nous avons de ce corps. 

Or, au travers de la volonté de ce collectif de faire interagir l’art, les biotechnologies et la corporéité féminine permet de créer des performances et installations innovantes qui témoignent d’une continuité de la domination patriarcale en ce qui concerne l’exploitation du corps des femmes. 

En introduisant les biotechnologies, ce collectif nous permet à la fois de reconsidérer le corps féminin comme une diversité de corps mais aussi de voir comment les avancés technologiques peuvent les impacter notamment dans une vision extrême et pessimiste où les corps ne deviennent que des matériaux exploitables et commercialisables. En mêlant le discours scientifique avec le discours artistique, les membres subRosa arrivent à vulgariser afin de mieux comprendre les enjeux derrière les corps féminins et notamment ces nouveaux corps féminins, ces cyborgs qui se transforment aux contacts des nouvelles technologies.

Références:

Manifeste de subRosa: http://cyberfeminism.net/about/manifesto/

Epidermic: DIY Cell Lab: https://youtu.be/XPoRUqvPt8I

Site internet subRosa: http://cyberfeminism.net

Site des publications de subRosa: http://refugia.net

Haraway, D. (2009). Des singes, des cyborgs et des femmes: La réinvention de la nature. Actes Sud.

De Duve, T. (2006). Résonances du readymade Duchamp entre avant-garde et tradition (Pluriel). Paris: Hachette Littératures.

The Phantom Mariachi

Visibilité et invisibilité des minorités urbaines étasuniennes, telle est la réflexion à laquelle invite « The Phantom Mariachi », du performeur Guillermo Gomez Peña. 

Source : https://docs.google.com/document/d/1mGrhzw8aAu0l0y_cyPCOMdhvOJxsA08Z_z9bcCfaBh4/edit. Photo du Phantom Mariachi

Né en 1955 dans la ville de Mexico City, Guillermo Gomez Peña étudie la linguistique et la littérature latino-américaine à l’Université Autonome Nationale de Mexico, puis il poursuit ses études en 1978 à l’Institut d’Art de Californie, où il obtient un master. De 1983 à 1990, il vit à la frontière mexicano-étasunienne entre les villes de San Diego et Tijuana. Son parcours universitaire et ses origines qui l’inscrivent dans la communauté chicana (nom donné aux mexicains vivants aux États-Unis) construisent ses œuvres, dans lesquelles il convoque les thèmes de la frontière mexicano-étasunienne, et des barrières sociales fortement présentes dans la société étasunienne. 

De même, ses performances se distinguent par leur caractère provocateur dont le but est de sensibiliser son public sur les problématiques politiques, et sociales qui touchent les populations minoritaires aux États-Unis : la diaspora mexicaine, les autres minorités racialisés et les minorités queers. 

L’ensemble de ces éléments invite donc Guillermo Gomez Peña à mettre en scène avec Balitronica Gomez de 2015 à 2020 « The Phantom Mariachi ». Cette performance est le fruit de la troupe de performeurs artistique de la Pocha Nostra (crée en 1993, à Los Angeles), qui utilise l’art pour dénoncer et rompre les modèles sociaux instaurés par une politique hétéronormative, xénophobe, raciste, et homophobe pour laquelle Gómez Peña assura la direction artistique et participa à la production internationale de la troupe. 

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