Médias contre-hégémoniques: des éditions cartoneras à la cyberculture

Étiquette : artivisme (Page 1 of 3)

Martes Verde : La poésie en action

Le recueil de poésie Marea Verde est diffusé sur la plateforme du média La Primera Piedra. Les différents poèmes qui composent l’anthologie peuvent être entendus comme une forme de militantisme politique. Ces écrits sont donc venus alimenter le débat sur l’avortement. Il n’est donc pas étonnant de retrouver ce genre de production artistique sur des plateformes médiatiques alternatives, tel que la Primera Piedra.

Continue reading

Dans le corps de subRosa

subRosa est un collectif de chercheuses et chercheurs qui travaillent sur l’art, l’activisme et le politique. Il est fondé en 1998, à Pittsburg, au début de la deuxième vague féministe, par les artistes cyberféministes : Faith Wilding, Mariá Fernandez, Hyla Willis  et Michelle M.Wright. Dans leur manifeste, Rosa fait référence aux femmes féministes qui ont lutté dans différents domaines tels que les sciences (Rosalind Franklin), la politique (Rosa Luxemburg), l’activisme (Rosa Parks) et l’art (Rosa Bonheur). Ce collectif produit des performances artistiques, des manifestations, des publications autour des questionnements que soulèvent les nouvelles technologies sur le corps des femmes. De ce fait, il regroupe les domaines des pionnières dont le groupe s’inspire. Il s’agit d’une critique de la rencontre entre les biotechnologies et le corps des femmes et de l’impact que cela a sur leur corps, leur travail et leur vie. 

Continue reading

The Phantom Mariachi

Visibilité et invisibilité des minorités urbaines étasuniennes, telle est la réflexion à laquelle invite « The Phantom Mariachi », du performeur Guillermo Gomez Peña. 

Source : https://docs.google.com/document/d/1mGrhzw8aAu0l0y_cyPCOMdhvOJxsA08Z_z9bcCfaBh4/edit. Photo du Phantom Mariachi

Né en 1955 dans la ville de Mexico City, Guillermo Gomez Peña étudie la linguistique et la littérature latino-américaine à l’Université Autonome Nationale de Mexico, puis il poursuit ses études en 1978 à l’Institut d’Art de Californie, où il obtient un master. De 1983 à 1990, il vit à la frontière mexicano-étasunienne entre les villes de San Diego et Tijuana. Son parcours universitaire et ses origines qui l’inscrivent dans la communauté chicana (nom donné aux mexicains vivants aux États-Unis) construisent ses œuvres, dans lesquelles il convoque les thèmes de la frontière mexicano-étasunienne, et des barrières sociales fortement présentes dans la société étasunienne. 

De même, ses performances se distinguent par leur caractère provocateur dont le but est de sensibiliser son public sur les problématiques politiques, et sociales qui touchent les populations minoritaires aux États-Unis : la diaspora mexicaine, les autres minorités racialisés et les minorités queers. 

L’ensemble de ces éléments invite donc Guillermo Gomez Peña à mettre en scène avec Balitronica Gomez de 2015 à 2020 « The Phantom Mariachi ». Cette performance est le fruit de la troupe de performeurs artistique de la Pocha Nostra (crée en 1993, à Los Angeles), qui utilise l’art pour dénoncer et rompre les modèles sociaux instaurés par une politique hétéronormative, xénophobe, raciste, et homophobe pour laquelle Gómez Peña assura la direction artistique et participa à la production internationale de la troupe. 

Continue reading

Chicas poderosas, le photojournalisme au service des voix dissidentes en Argentine

Comment le photojournalisme devient-il de l’activisme artistique ? A travers la défense des groupes minoritaires, le photojournalisme rend visible et permet l’empowerment de ceux que l’on passe sous silence.

Chicas Poderosas, représentation et égalité

Créé en 2013 par la portugaise Mariana Santos, le collectif Chicas Poderosas s’est construit afin de lutter pour une meilleure représentation des femmes et des personnes LGBT dans le domaine journalistique. La sur-représentation des auteurs masculins dans les médias amène un agenda éditorial très limité, qui exclut la voix des femmes et en général les voix dissidentes dans le débat politique. Les postes de leader leurs sont très souvent réservés, ce qui entraîne une forme de répétition des inégalités vis-à-vis du genre. Le collectif Chicas Poderosas lutte ainsi pour réduire l’écart lié au genre dans les organes de décision des médias et plus généralement du domaine journalistique. Il promeut de ce fait le leadership féminin et l’égalité des genres. Présent dans 16 pays d’Amérique latine, Chicas Poderosas estime représenter plus de 10 000 femmes dans ce processus de revendication égalitaire.

Pour ce faire, le collectif met en place des actions concrètes permettant l’expression et la production journalistique des femmes désireuses d’êtres entendus. Cela passe par des ateliers de partage, des enquêtes transfrontalières mais aussi des cours en ligne visant le partage de connaissances. Ce réseau d’échange permet ainsi l’empowerment professionnel via la création et l’acquisition de compétences journalistiques.

Territorios y Resistencias, une enquête à la rencontre des voix oubliées en Argentine

Menée dans les 5 grandes régions de l’Argentine (la Patagonie, la région Cuyo, la région centre, le nord-est et le nord-ouest), cette enquête fédérale s’attache à montrer l’impact du changement climatique sur la vie des femmes, les personnes LGBT et les communautés indigènes. Développée via le site Chicas Poderosas Argentina, cette enquête regroupe un bon nombre de femmes journalistes et photographes mobilisées pour aller à la rencontre des populations invisibilisées. Se battre contre l’indifférence que rencontrent ces personnes c’est se battre contre cet hégémonisme argentin qui considère l’homme blanc descendant d’européen comme étant le symbole inébranlable de la nation. Le but de cette enquête est aussi de décentrer l’attention qui est portée de façon constante vers la capitale argentine, Buenos Aires, au détriment des territoires de l’intérieur et du sud du pays.

La lutte des peuples indigènes pour la conservation de leurs terres

L’un de ces témoignages concerne la région de Santiago del Estero, qui se situe dans le nord-ouest du pays, à mi chemin entre la ville de Salta et de Cordoba. Originellement peuplé par des indigènes, cette région rurale de l’Argentine connaît des conditions climatiques assez rudes en été, avec des températures avoisinant quotidiennement les 40 degrés. La journaliste Marcela Alejandra Arce et la photographe Florencia Navarro sont allées à la rencontre d’Angélica Serrano, une femme indigène appartenant au peuple tonokoté Yaku Muchuna et habitante de la région de Santiago del Estero.

Clichés pris par la photographe Florencia Navarro lors de l’enquête effectuée dans la région de Santiago del Estero – Capture d’écran de la page Instagram de la photographe.

A travers une narration puissante et évocatrice, et une série de photographies, l’enquête nous emmène à découvrir le quotidien d’Angélica Serrano et sa lutte contre la déforestation et le mépris des grands investisseurs agricoles. En effet, cette région concentre de grandes plantations de soja, et est victime de déforestation dans le but d’accroître de façon expansive les plantations. Le combat de cette femme réside dans la reconnaissance des droits des populations indigènes et notamment vis-à-vis du droit à la terre. En rasant les forêts primaires qui se trouvent sur des territoires indigènes, les entreprises agricoles détruisent le patrimoine de ces peuples et renforcent ce rapport de force qui a longtemps été en place en Argentine. Historiquement, le pays a mené à la fin de XIXème siècle une politique de blanchiment et de « dé-indianisation » de la population dans le but de créer une nation blanche, à l’effigie de la population européenne. Si ces politiques sont bien révolues, elles ont laissé des traces et notamment vis-à-vis des rapports de domination dont les indigènes sont toujours victimes. En témoignant sur cette situation, Angélica Serrano souhaite changer cette image de victimisation qui est apposée aux peuples indigènes argentins et ainsi récupérer le contrôle sur celle-ci. Cette lutte s’affiche comme ayant un double objectif, une restitution et un respect des droits pour des populations longtemps subordonnées mais aussi un combat pour une meilleure considération à l’égard des peuples indigènes. La citation de cette femme à la fin de l’article résume parfaitement son combat :

“Queremos tener un lugar en esta sociedad y que se nos tome en cuenta. Que sepan que existimos, que tenemos una cultura y derechos también. Que no tenemos que andar con plumas o con las vestimentas que nuestros antepasados solían usar para ser identificados. Somos los indios de hoy. Somos aborígenes de hoy”.

Porter les voix à travers l’art

Grâce à ces rencontres et à ces investigations sur tout le territoire argentin, le média Chicas Poderosas met en lumière la diversité des acteurs activistes mais également des femmes productrices de contenus journalistiques. Les séries de photographies réalisées par les différentes photographes ont ainsi fait l’objet d’exposition dans les différentes régions d’Argentine, accompagnées d’extraits et de note rédigées par les journalistes liées aux enquêtes. A travers ces expositions nationales, le média en ligne Chicas Poderosas ainsi que les pages Instagram des journalistes et photographes exposent les productions artistiques qui donnent la voix à une partie de la population qui n’est souvent pas ou peu considérée. Cette mise en lumière permet l’expression de combats et de sujets de sociétés, sous un prisme bienveillant de visibilisation et non de victimisation comme beaucoup de médias hégémoniques peuvent parfois le faire.

Bibliographie :

Sabine Kradolfer, «Les autochtones invisibles ou comment l’Argentine s’est « blanchie »», Amérique Latine Histoire et Mémoire. Les Cahiers ALHIM, 16 | 2008

Un article explicatif du projet Territorios y resistencias : https://www.chicaspoderosas.org/programas/chicas-poderosas-argentina-publica-la-investigacion-federal-territorios-y-resistencias/

#BigDATA, du modèle du jaguar à celui du « buen vivir » , il n’y a qu’un clic : focus sur la rénovation du patrimoine linguistique maya avec Mitzi Juárez

Logo du fanzine #BigDATA

#BigData, un espace médiatique indépendant contre-hégémonique

#BigData est un fanzine numérique qui naît en 2019 à la suite du mouvement social et citoyen de l‘Estallido social qui éclate en octobre de la même année au Chili. Ce mouvement social est la conséquence de 30 années de promesses démocratiques non tenues par les partis de la Concertation (partis centre-gauche) et témoigne de la lassitude des Chiliens de la classe moyenne face au maintien coûte que coûte d’un modèle économique néo-libéral insoutenable. Ce modèle dit du « jaguar » se caractérise par une privatisation des secteurs de la santé, de l’éducation ou encore des transports et entraîne l’endettement de nombreux chiliens. Un fanzine est à l’origine une publication, imprimée ou en ligne, institutionnellement indépendante et réalisée par des amateurs dans le but de donner une visibilité à des personnes ou des thématiques en dehors des sentiers battus.

El Fanzine #BIGDATA es un espacio de reflexión y creatividad, independiente

Phrase de présentation de la genèse du fanzine disponible à l’adresse suivante https://fanzinebigdata.cl/somos/

Le nom de ce fanzine chilien fait directement référence au concept informatique de la « big data », qui regroupe des données issues de sources multiples, pour les analyser et en retirer une information qui aide ensuite à prendre une décision ou à procurer une solution. En ce sens, #BigDATA se présente comme un média fédérateur. Son comité éditorial cherche à réunir des mouvements et des pratiques qui, jusqu’à peu, se développaient selon des voies/voix différentes. Cette rupture avec le modèle hégémonique du média traditionnel, qui a tendance à ne traiter les sujets que de manière unifocale, se retrouve aussi dans l’hétéroclisme des membres qui composent cette « Grosse donnée ». Ses 6 membres appartiennent à des domaines d’expertise divers tels que l’art, l’oenologie ou la sociologie.

Continue reading

Linda Vellejo – Make ‘Em All Mexican

Qui est Linda Vallejo ?

Linda Vallejo est une artiste Chicana dont l’importance des œuvres a été soulignée dans de nombreux articles témoignant des expériences de vie des personnes d’origine mexicaine habitant aux États-Unis.  L’artiste raconte avoir été influencée par les nombreux voyages auxquels elle prit part lors de son enfance, l’emmenant à un questionnement sur l’identité américano-mexicaine. Née à Boyle Heights en 1951, elle a passé ses premières années à East L.A. avant de vivre en Allemagne, en Espagne pour finir par s’installer en Alabama – des déménagements motivés par un père qui était colonel dans l’armée de l’air comme nous l’apprend sa biographie présente sur le site de l’Université de Californie. Ce n’est que lorsqu’elle est retourne dans le sud de la Californie à la fin des années soixante qu’elle s’immerge a nouveau dans son héritage chicano. Ayant grandi dans un milieu où la culture dominante était blanche et états-unienne de l’Alabama dans les années soixante au début du mouvement Chicano, il était important pour elle de retravailler, mettre en avant et célébrer des symboles traditionnels et indigènes mexicains. Ces questions précédemment mentionnées emmenèrent une réflexion de la part de l’artiste sur l’importance de la couleur de la peau des individus dans la société états-unienne ainsi que dans la culture populaire et filmique du pays.  

The crux of the matter, it seemed to me, was that visual representations of the American Dream did not include me, or my loved ones. I had never seen the golden images of Americana with familiar “brown” faces. Friendly faces, sure—but not familiar ones. The yearning for familiar faces sent me on a quest for images that I could call my own.

Linda Vallejo

Elle décrit elle-même ses intentions dans la vidéo suivante, provenant de la chaîne Youtube de l’artiste:  

Continue reading

DANY GOUTTIÈRE- Artiviste colombien, transactiviste, non-binaire

Le contexte et la lutte pour les droits de la population LGTB en Colombie

Comme en Amérique Latine, en Colombie, la population LGTB est l’objet de plusieurs violences et de vulnération de leurs droits. Certains articles affirment même qu’être trans en Colombie est une sentence de mort (DW.Historias Latinas, 2021). Pour comprendre le complexe panorama colombien en termes de violence, il faut partir du nombre moyen d’homicides depuis l’année 2011 et jusqu’à l’année 2020 : 110 par an. Cependant, dans l’année 2020, marquée par la pandémie, ce chiffre est monté à 226, le double de la moyenne. De même, les menaces verbales sont passées de 106 en 2019 à 337 en 2020, les victimes de violence policière sont passées de 109 en 2019 à 175 en 2020. Il est très difficile de déterminer les raisons qui expliquent cette augmentation de la violence car plusieurs facteurs sont à considérer. En premier lieu, les mécanismes de dénonciation ont été diversifiés de sorte que les plaintes ont augmenté.

En deuxième lieu, la hausse de violence est aussi un résultat des mesures de confinement mises en place en raison de la pandémie. Les groupes les plus affectés ont été les femmes trans et les hommes gays. Pour les trans, la forme de violence la plus exercée a été la menace ainsi que pour les hommes gays, l’homicide. Ces statistiques sont partagées par l’organisation de société civile Colombia Diversa, qui travaille autour de la lutte pour les droits de la communauté LGBT. Les formes de violence catégorisées sont les menaces, les homicides et la violence policière. Cependant, d’autres droits sont bafoués constamment. Par exemple, l’accès à la santé, á l’éducation, à un travail et un logement digne, entre autres.

Figure 1 : Types de violence. Colombia Diversa. http://www.colombia-diversa.org/p/que-hacemos.html

Bien qu’actuellement, la législation colombienne ait montré une progression considérable en termes de droits pour la population LGTB, il y a encore plusieurs barrières administratives et de discrimination sociale qui ont ralenti l’application des lois et politiques publiques. La discrimination sociale dans des espaces éducatifs et de travail poussent principalement la population trans à bouger vers des quartiers pauvres, arrêter les études et choisir des professions qui sont transsexualisées telles que le travail sexuel. Ainsi, des problématiques comme la pauvreté, la consommation et le trafic de drogues ainsi que l’accès restreint à la santé sont développées à l’intérieur de cette minorité.  Un autre élément important à considérer est la situation dans laquelle a vécu la population LGTB pendant les années de conflit en Colombie, étant reconnus en tant que victimes du conflit dans l’accord de paix avec la guérilla des FARC. (Colombia diversa, 2019)

Les progressions sur le plan législatif ont pris un certain retard dans le pays. Par exemple, en 1992 l’avocat Germán Rincón Perfetti a présenté pour la première fois une action de tutelle pour réaliser un changement de nom devant la cour constitutionnelle. C’est n’est qu’en 1998 que l’homosexualité n’a plus été une raison pour nier les droits à l’éducation grâce à l’annulation du décret qui signalait que l’homosexualité était une mauvaise conduite de la part des enseignants des écoles. Dans la même période, la cour constitutionnelle a confirmé que l’orientation sexuelle des élèves des écoles ne constituait pas une raison pour nier le droit à l’éducation. Ce n’est qu’en 2007 que le pacs pour les couples du même sexe a été approuvé, de même qu’en 2015 l’adoption d’enfants par des couples du même sexe et en 2016 le mariage égalitaire est devenu légal.

En tenant compte des violences provoquées par le long conflit armé dans le pays, en 2014 la première décision de Justice et Paix est prise, donnant à la population LGTB la condition de victimes des groupes armés. En 2016 l’accord de paix Colombien est devenu pionnier au niveau mondial grâce aux reconnaissances de la population LGTB en tant que victime du conflit armé. Finalement, en 2018 le pays a connu une politique publique LGTB au niveau national. Pour la population trans, quelques progressions arrivent en 2013 avec l’approbation de la cour constitutionnelle des procédures chirurgicales pour des modifications corporelles des personnes trans et pour la première fois, en 2018 l’assassinat d‘une femme trans a été reconnu comme un féminicide. 

Le travail artistique de Danny Gouttière

Danny Gouttière est un artiste colombien de 26 ans qui s’autodéfinie en tant qu’artiviste, transactiviste et non-binaire. Iel est né dans une municipalité proche de la ville de Medellín appelée La Ceja à Antioquia. Sa production artistique est très variée, iel est chanteur·e, peintre, dessinateur·e, écrivain·e, compositeur·e, performeur·se et mannequin. Parmi ses objectifs artistiques nous pouvons trouver la dénonciation de la violence contre les femmes et la population trans ainsi que les impacts du conflit armé sur les territoires colombiens.

Figure 2 : Danny Gouttière. https://danygouttiere.com/
Continue reading

ACTRICES

Affiche publicitaire de la série sur instagram. Disponible sur: https://www.instagram.com/p/CMkAdDQpsSO/

En 2016, la bombe #MeToo a explosé avec la dénonciation du harcèlement sexuel par différents collectifs féministes à travers le monde. Ce mouvement a eu son plus grand impact lorsque les actrices, notamment à Hollywood, ont commencé à faire ce genre d’ accusation. Lorsque les plaintes de différentes actrices qui ont été harcelées, abusées physiquement et psychologiquement, principalement par des hommes en position de pouvoir ont été révélées, les réseaux sociaux se sont emballés et ont commencé à faire émerger de partout dans le monde ce type de dénonciations, la guilde des actrices étant celle qui a le plus attiré l’attention, car pour l’opinion publique il était inimaginable de penser que des personnalités publiques d’un tel statut aient dû passer par cette terrible situation.

Ce grand mouvement était également présent en Colombie, mais dans ce cas, son impact s’est fait sentir plus tard. L’une des allégations les plus notoires s’est produite en 2020, lorsque le cas d’actrices colombiennes en formation victimes de harcèlement sexuel dans le théâtre « El Trueque » de Medellin a été révélé. Ces allégations ont été formulées à l’encontre du directeur Jose Felix Londoño, accusé d’abus physiques et psychologiques, d’attouchements, de pelotages et de baisers sans le consentement des élèves. Ces plaintes ont été publiées par différents médias du pays, mais aucune solution juridique n’a jamais été trouvée, malgré le fait que 9 des 16 plaintes contre ce directeur ont été ouvertes au parquet.

À peu près à la même époque, en mai 2020, le collectif artistique féministe Casa Ovella Blava, à travers une web-série intitulée « Actrices », a publié une série d’épisodes qui racontaient le quotidien d’un groupe d’actrices qui se présentaient à un casting pour faire partie de la distribution du feuilleton « La pasion de maria ». L’objectif principal de cette web-série était de montrer et de dénoncer les mauvais traitements physiques et psychologiques que subissent certaines actrices lors des castings et des tournages, ainsi que la pression de travail et les stéréotypes de beauté qui existent dans ce milieu du divertissement. Grâce au travail de ce collectif féministe créé en 2011 dans la ville de Bogota-Colombie, ces questions de harcèlement et d’abus sexuels ont été mises en lumière de manière artistique et bien réelle.


Logo du collectif féministe
Disponible sur: https://www.instagram.com/casaovellablava/
Continue reading

Le raptivisme et le féminisme en Amérique Latine

Qu’est-ce que le rap ? C’est un mouvement musical et culturel issu du hip-hop, il est apparu aux États-Unis dans les années 1970. Le principe de ce courant musical repose sur une diction rythmée et rimée d’un texte. Le principal enjeux du rap est de scander des rimes audacieuses dans le rythme de la musique qui accompagne le.a rappeur.euse.

Le raptivisme

Ces rimes audacieuses sont à la croisée du rap et de l’activisme et donnent un nouveau mouvement : le raptivisme. Le hip-hop a une composante fondamentale de genre. La simple occupation de cette scène par les femmes remet en question leur féminité. Ce questionnement produit une série d’obstacles matériels, familiaux et institutionnels pour les jeunes femmes que ne rencontrent pas les hommes qui, au contraire, voient leur identité masculine renforcée. La scène hip-hop valorise une série de qualités attribuées principalement aux hommes, telles que la capacité à monter sur scène, à sortir la nuit, à investir les espaces publics, à écrire des textes stimulants et à rivaliser avec ses pairs. Les femmes s’approprient ces qualités, les reproduisent, les remettent en question, les subvertissent, ou les redéfinissent à leur manière. On peut penser que le hip-hop, en particulier le rap, est une arène dans laquelle le genre est « fabriqué » dans le sens où, en plus des représentations et des discours qui créent des effets de style dans la production de sujets masculins et féminins, le genre a un caractère performatif (Butler, 1998). Penser l’identité de manière non essentialiste implique de considérer les possibilités d’agencement, car si le genre est le résultat d’une répétition stylisée d’actes, les différentes manières dont cette répétition peut être réalisée ouvrent les possibilités de rupture par des actions subversives tendant à la transformation du genre (Diana Alejandra Silva Londoño, 2017).

Les femcee

Le milieu du rap a l’habitude de se réunir pour organiser des batailles présidées par des « maîtres de cérémonie » plus communément appelés « MC ». Les rappeuses désireuses de casser les codes de ce milieu s’affirment alors comme « femcee » (fem + MC) (Segas, 2018). En 1979, Sylvia Robinson, une femme noire dotée d’un sens aigu des affaires, a contribué à construire les bases de Sugarhill Records, une maison de disques pionnière dans la commercialisation et l’expansion du rap. La culture hip-hop était en train de se construire, cherchant sa forme définitive dans des arrondissements de la ville de New York qui avaient été malmenée par une longue chaîne de politiques sociales, économiques et urbaines dévastatrices. Dans ces territoires, devenus des laboratoires d’idées fertiles, les jeunes noir.e.s et latinxs se sont aventuré.e.s dans la recherche d’un langage commun qui permettrait de transformer la violence en une opportunité créative de jeu subversif en marge du système dominant. Les femcee apparaissent à cette période, d’abord en groupe puis certaines se sont également lancées en solo. Au Guatemala nous retrouvons Rebeca Lane (questions de genre et de féminicides), au Mexique la femcee Mare Advertencia Lírica (violence de genre, “empoderamiento” de la femme), Krudas Cubensi à Cuba (genre, sororité et thèmes liés aux luttes LGBT+). Nakury au Costa Rica (thèmes sociaux et luttes féministes) est présente sur la scène du raptivisme, comme Ana Tijoux au (luttes sociales et contre le patriarcat) et Miss Bolivia en Argentine (luttes féministes et LGBT+)


Un point commun entre toutes ces femmes : elles se revendiquent toutes comme artistes autonomes et scandent leur féminisme. Leurs luttes convergent néanmoins chacune a son domaine spécifique. Elles diffusent ces revendications sur des plateformes faciles d’accès (Youtube, Spotify, Deezer…) pour toucher le plus grand nombre dans un désir de rééduquer pour l’égalité des genres.

Continue reading
« Older posts