Qui est Linda Vallejo ?

Linda Vallejo est une artiste Chicana dont l’importance des œuvres a été soulignée dans de nombreux articles témoignant des expériences de vie des personnes d’origine mexicaine habitant aux États-Unis.  L’artiste raconte avoir été influencée par les nombreux voyages auxquels elle prit part lors de son enfance, l’emmenant à un questionnement sur l’identité américano-mexicaine. Née à Boyle Heights en 1951, elle a passé ses premières années à East L.A. avant de vivre en Allemagne, en Espagne pour finir par s’installer en Alabama – des déménagements motivés par un père qui était colonel dans l’armée de l’air comme nous l’apprend sa biographie présente sur le site de l’Université de Californie. Ce n’est que lorsqu’elle est retourne dans le sud de la Californie à la fin des années soixante qu’elle s’immerge a nouveau dans son héritage chicano. Ayant grandi dans un milieu où la culture dominante était blanche et états-unienne de l’Alabama dans les années soixante au début du mouvement Chicano, il était important pour elle de retravailler, mettre en avant et célébrer des symboles traditionnels et indigènes mexicains. Ces questions précédemment mentionnées emmenèrent une réflexion de la part de l’artiste sur l’importance de la couleur de la peau des individus dans la société états-unienne ainsi que dans la culture populaire et filmique du pays.  

The crux of the matter, it seemed to me, was that visual representations of the American Dream did not include me, or my loved ones. I had never seen the golden images of Americana with familiar “brown” faces. Friendly faces, sure—but not familiar ones. The yearning for familiar faces sent me on a quest for images that I could call my own.

Linda Vallejo

Elle décrit elle-même ses intentions dans la vidéo suivante, provenant de la chaîne Youtube de l’artiste:  

Le mouvement Chicano

Afin de pouvoir discuter de l’exposition et de la démarche de Linda Vallejo, il est primordial de définir le mouvement dans lequel s’inscrit l’artiste. 

Le terme « Chicano » ou « Xicano», nom utilisé par le mouvement, est souvent utilisé pour désigner les habitants des États-Unis qui ont des origines mexicaines. D’abord utilisé comme un terme servant à la discrimination de ces populations ainsi qu’à des fins racistes, il est par la suite réapproprié par la population américano-mexicaine afin d’exprimer leur fierté ethnique en changeant la connotation négative derrière ce mot. Il est important de souligner le fait que la population Latino américaine constitue l’un des plus grands groupe de population des États-Unis, représentant environ  17,6 % de la population états-unienne totale. C’est dans les années soixante, en parallèle de la lutte pour les droits civiques des afro-américains, que le mouvement Chicano que l’on désigne également par le nom “El Movimiento”, naît et se radicalise dans ses demandes d’égalité sociale et politique par le biais de réformes mettant fin aux discriminations dans la population américano-mexicaine souffre. C’est pour cela que leur politique concernant les droits sociaux tourne entièrement autour de la protestation contre la discrimination à l’égard de la population d’origine mexicaine aux États-Unis, déconstruisant ainsi des décennies de rhétoriques et traitements  discriminatoires à leur égard.

Historiquement, le mouvement chicano comporte essentiellement quatre volets s’intéressant à des problèmes différents. Tout d’abord le mouvement des jeunes, qui s’est concentré sur la discrimination dans les écoles, le mouvement anti-guerre, qui s’est opposé aux guerres dans lesquelles les hommes chicano étaient envoyés au front malgré les discriminations dont ils étaient victimes dans leur propre pays, le mouvement des ouvriers agricoles, et un quatrième mouvement qui a souligné les difficultés d’accès au pouvoir politique. 

Ainsi,  le mouvement est à la fois politique, culturel et artistique. Au travers de ce dernier, les individus chicano présentent leur propre culture qui se situe quelque part à l’intermittence entre États-Unis et  Mexique. Le mouvement chicano revendique ainsi cette mixité, et en fait une fierté. 

Dans le domaine de l’art, les Chicanos ont exprimé leur vision du monde à travers les arts plastiques, la littérature, le cinéma, ainsi que dans la musique, et même dans l’art corporel. L’art chicano prend de nombreuses formes, sous la bannière d’une intention militante, qui remet en question les constructions sociales, que sont la citoyenneté et la nationalité lorsqu’elles sont remises en question par la population dominante. Le mouvement chicano se veut inclusif et intersectionnel en incluant également des discussions prenant place autour des questions de classe et de genre.  Le mouvement artistique chicano est notamment connu au travers de son utilisation de fresques murales.

Make ‘Em all Mexican : Un plaidoyer pour plus de diversité

Ce contexte familial et culturel montre ainsi l’impact de ce mouvement sur l’artiste. Depuis 2011, Linda Vallejo travaille sur la transformation de morceaux d’Americana répandus dans l’imaginaire collectif états-unien qu’elle réutilise et transforme pour leur donner une appartenance et une apparence chicano, reprenant par exemple des images du Père Noël et de Marilyn Monroe, en icônes détournées pour leur donner un héritage mexicain. Ainsi, au travers de ces détournements,  Mickey et Mini deviennent alors “Miguel y Maria”, et la vierge Marie, symbolique catholique importante, devient la “Chicana Virgen”.  Au travers de cette démarche, l’artiste montre que les questions de représentations affectent même les plus jeunes, et impacte leur perception d’eux-mêmes et ce que les médias reflètent de leur communauté.  

Dans cette série d’œuvres, Linda Vallejo réalise en partenariat avec le Chicano Studies Research Center de l’UCLA, un projet dont la diffusion et la conservation a été mise en place avec l’idée que l’archive de ces images serait hébergées sur le site web chicano.ucla.edu, faisant de cette collection une série d’œuvres ayant à la fois une existence physique et numérique. 

L’artiste souligne elle-même le côté humoristique de la critique qu’elle fait des représentations, ou du manque de ces dernières, dans la culture populaire américaine au travers d’images qui interrogent, mais amusent également. La dernière phase de cette série d’œuvres s’est principalement intéressée au monde du cinéma en particulier, notamment suite aux controverses liées aux Oscars du cinéma avec le hashtag #oscarssowhite ayant pris place en 2016.

Les minorités ethniques, comprenant la population latino, sont souvent sous représentées dans les cérémonies de remise de prix, ce qu’illustre les exemples ci-dessus. La demande de reconnaissance du travail des personnes de couleur dans le milieu de l’art est une question ayant de plus en plus de traction non seulement dans les médias mais également dans les milieux activistes. Ce manque de reconnaissance du talent des acteurs américano-mexicain est peut être le mieux illustré par le fait que la dernière fois qu’un acteur latino a remporté le prix du meilleur acteur principal, c’était en 1950, avec la victoire de l’acteur portoricain José Ferrer suite à son rôle principal dans le film « Cyrano de Bergerac ». Il y a donc un besoin important de discuter des questions non seulement de représentation mais également de reconnaissance dans les milieux principalement blancs.

Cette série d’œuvres semble ainsi montrer le lien incontestable entre l’identité américano-mexicaine et la culture américaine, existant en symbiose l’une avec l’autre et pas en s’opposant. Selon Vallejo, elle «pushes her creative envelope by envisioning an entirely new comic and political message using new forms of media and context. » Elle demande également « What would artwork made of repurposed materials look like through my personal cultural lens? » (dans la section « Influences and Interests » de la déclaration de l’artiste.) Elle répond à ce questionnement de manière impactante aux travers de modifications  et de réutilisation d’une imagerie déjà très répandue dans une démarche de recyclage iconographique. 

Des discussions partant de ces œuvres, elle demande: « Do race, color, and class define our status in the world? […] ‘Is it possible to be a part of and earnestly contribute to multiple cultures simultaneously? Does color and class define our understanding and appreciation of culture? »

L’œuvre de Vallejo reçoit des réactions variables, mais principalement positives quant à ces représentations et la démarche derrière ces œuvres.

“Make ’Em All Mexican carries a strong electric charge. To some viewers, the images are hyper-political; for others, they are emotional portals to a past remembered and sometimes forgotten; and for another group, they are just downright hilarious. I have re-created a familiar world to create a new unfamiliar image, one that is unfamiliar to everyone that’s not brown.”

Linda Vallejo

C’est un travail qui se veut producteur de débat que l’on n’a pas assez dans le milieu des médias visé.  Amusement ou colère, acceptation ou rejet, l’important du point de vue de l’artiste, et l’objectif atteint qu’elle s’est fixée, est d’offrir le point de départ de discussions primordiales pour des changements positifs pour les représentations américano-mexicaine dans la culture populaire états-unienne.  

Sources