El vuelo heroico de una libélula
Entre militantisme, anthropologie et poésie, les blogs de Maria José Diaz Reyes, nous présente d’après elle le regroupement de tous ses “yo”.
Née à à Chinadega , au Nicaragua, elle prend conscience dès l’âge de 8 ans que les violences présentes dans son quartier n’étaient pas naturelles. Formé par des ONG sur les droits des hommes et des femmes , elle est désormais présidente de ASODEL, une ONG qui se bat contre les violences de genre, les droits des femmes et le développement durable.
Le Nicaragua occupe pourtant d’après le forum économique mondial la 6e place dans le Global Gender Gap, et la première position dans le continent américain. Cependant d’après un dossier paru sur El proceso au Mexique la réalité est tout autre.
En effet, les statistiques favorables pour le Nicaragua sont d’après plusieurs ONG , un masque qui cache les violences faites aux femmes malgré une législation très complète en la matière. Or, la législation a été amendé par le président de la République, Daniel Ortega, pour cantonner le terme de Femicidio aux seules violences conjugales , ce qui réduit de manière drastique les statistiques dans ce domaine dans le pays.
Cependant , la situation économique, politique et sociales du pays dans les dernières années se dégrade, donnant un terrain favorable aux différents types de violence et notamment aux violences faites aux femmes.
Le pays connaît une croissance économique plus accéléré que dans les pays voisins mais les inégalités augmentent. Cette croissance économique est très lié à l’émergence d’une nouvelle élite économique très liée au pouvoir politique dont la corruption généralisée est très connue (Dossier El Confidencial, sur le président du CSE au Nicaragua).
C’est dans ce contexte que dans sa Chinandega natale Maria Jose Diaz Reyes agit et écrit. Chinandega, est une plaque tournante du commerce nicaraguayen : proximité avec le plus grand port du pays , terres très fertile, présence des plus grandes entreprises de sucre et de rhum nicaraguayen. Sa proximité avec le Honduras fait que cette région soit un lieu de passage de marchandises mais aussi des narcotrafiquants.
Ne se contentant pas du travail de terrain, elle s’exprime à travers plusieurs espaces sur internet et exclusivement sur internet. Les mots deviennent ses outils de liberté , le terrain sémantique est un lieu de bataille qui lui est cher. Dans ce terrain elle s’est attaqué aux propos de Rosario Murillo, femme du président Ortega et actuelle vice-présidente dans Confidencial, journal d’opposition en ligne dans un pays où les médias écrits et audiovisuels sont aux mains d’un cercle très proche du président.
C’est dans ce domaine qu’elle s’attaque à des faits divers, à son expérience de terrain, à son vécu en tant que femme. Son pseudonyme ciudadana clitoriana montre ses engagements citoyens et féministes. Son espace est défini comme un espace de dialogue entre ces deux dimensions.
Mais qui parle ? Ciudadana clitoriana raconte ses expériences et les expliques , elle donne sa voix à celles qui veulent s’expliquer et qui n’ont pas un autre espace. Le terrain est celui des mots , des idées. Son but est de faire réfléchir sur des expériences du quotidien : une fête de quinceanos, une chanson de Reggaeton qui fait l’apologie d’abus sexuel, des questions sur la maternité.
Le militantisme ne se cantonne pas à une ONG, cela s’ancre dans le domaine des idées et de la parole. La parole devient création.
La citoyenne devient libellule. Maria Jose Diaz Reyes se définit dans son blog Ciudadana Clitoridiana.
« Nací rebelde. Vivo en proceso de (de) construcción. Nací cerca del mar pero lejos de la luz. La poesía es el reencuentro entre todas mis yo. Las Yo negadas, las ocultas y las yo que se construyen. Feminista y Trabajadora Social »
« Je suis né rebelle. Je vis dans un processus de (dé)construction. Je suis née près de la mer mais loin de la lumière. La poésie est la rencontre entre toutes mes personnes. Les personnes niées, les personnes cachées et les personnes qui se construisent. Féministe et travailleuse sociale. »
Ce petit aperçu nous donne déjà le ton de son blog plus personnel et beaucoup plus artistique sans laisser de côté des questions sur lesquelles elle se bat au jour le jour. Preuve de la profondeur de ses écrits son poème « Un dia abrí los ojos » dont nous proposons la traduction ci-dessous.
I
Un jour j’ouvris les yeux et je ne pus les refermer
Chair dénudée sur la place,
tout le monde m’observait
Critiquait ma minceur
mes cheveux décoiffés,
ma forme , mon manque de mouvement
mon manque de style,
soudain, je compris tout quand quelqu’un murmura
“Il ne s’agit pas de ce qu’elle a ou de ce qu’elle n’a pas , il s’agit qu’elle ose exister malgré nous »
II
Un jour j’ouvris les yeux et je ne pus les refermer
J’ai fait un choix
J’ai fait un choix
Même pendant mon sommeil , je serai éveillée pour la vie
Même si je les aime, j’aimerai mon existence
Même si j’ai choisi de dire oui, je dirai non
Même si je me déshabille , je n’aurai pas à le justifier.
III
Je décidai de ne plus me sentir bête du fait de penser ainsi
Je décidai de ne plus me sentir bizarre du fait de parler d’égalité
Je ne pense pas que nous soyons égaux
car si c’était le cas nous serions pas étiquetés de « vagin » comme marque déposée.
IV
Je ne crois pas dans notre égalité,
car le pouvoir de la parole est breveté,
nous ne pouvons pas toutes l’utiliser.
V
Même si je les écoute, je ne crois pas dans les discours
Je pense et je respire
et ce mélange me rend libre
Je pense et j’aime en toute liberté
Même si je tombe, je me relèverai
Même quand on murmure négation , j’existerai
Nous pouvons voir dans ce poème les sentiments éprouvés par la voix poétique face aux contraintes relatives au corps de la femme imposés par la société. Il s’agit en quelque sorte d’une épiphanie, d’une révélation qui oppose la voix poétique aux critères évoqués. Maria José Reyes Diaz met en valeur son existence et sa pensée face à une « marque déposée » et face à une concentration de la parole par la société.
En quelques strophes , elle réussit à nous livrer un ressenti sur la condition des femmes au Nicaragua, contraintes par la société à se montrer d’une certaine manière, à ne plus posséder leur corps, à se plier à certains critères. A cela , la voix poétique se rebelle et affirme son existence malgré les autres.
Dans le poème « Escribo » , nous avons un aperçu beaucoup plus précis sur les motivations qui poussent la militante, la travailleuse sociale, et la citoyenne à écrire.
Je n’écris pas sur la vérité ,
J’écris sur l’idéal.
Car j’ai un cœur fou,
petit,
rêveur,
idéaliste et indépendant.
Je n’écris pas sur l’Histoire,
car tout a été dit.
J’écris sur le présent qui me tourmente.
Cet idéalisme est présent tout au long de ses poèmes, s’agissant d’amour, de féminisme , de l’essence de la vie, de la nature , de la vie. Elle définit les concepts de liberté à travers son expérience de femme dans le poème « Libertad ».
Comme des chevaux qui guettent la liberté
éloignés du cavalier
Comme des bêtes sans domestiquer
sans jalousies, seulement des instincts.
Je me vois ainsi,
dansant avec les cheveux détachés,
éclairant mon propre chemin,
mettant ma propre play list.
Qu’arrivera-t-il ?
Peut-être pas grande chose,
peut-être que je ne gémirai plus,
que je ne crierai plus,
que je d Je me vois ainsi,
dansant avec les cheveux détachés,
éclairant mon propre chemin,
mettant ma propre play list.
Plutôt que de choisir un discours universel sur la liberté d’une femme, Maria José Reyes Diaz choisit l’image des animaux sans maître, sans domestication, une liberté par opposition à une quelconque domination.
Que nous lisions ses essais citoyens , ses poèmes ou bien que nous nous penchions sur son activité militante, la personne de Maria José Reyes Dias laisse une part de sa personne, partant du particulier. Son militantisme a soulevé des questions, des contradictions, des motivations , qui sont mis en lumières et des parts d’ombre qui sont présents dans sa poésie.
Ces trois alter ego, ont le féminisme comme dénominateur commun mais chacun arrive à se manifester dans des champs différents , l’essai pour la contestation et la dénonciation , la poésie pour soulever les contradictions et l’humanité et finalement la militante qui agit en dehors du discours et de la parole.
Cette parole reste assez discrète, dans un espace qui reste libre , un espace où l’on peut être politiquement incorrect, un espace où peuvent co-exister une citoyenne clitoridienne, une libellule et une militante.
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