Médias contre-hégémoniques: des éditions cartoneras à la cyberculture

Murcielagario Kartonera : la périphérie dissidente de la poésie.

Atelier de fabrication des livres dans la maison de Agústin Guambo [page facebook de Murcielagario Kartonera].

Après un voyage à Buenos Aires, Agustín Guambo (1985), s’est retrouvé par hasard devant les portes de  Eloisa Cartonera . Impressionné par cette idée, il se demande pourquoi des initiatives comme celles-là sont inexistantes à Quito et, à l’âge de 23 ans, il rentre dans sa ville natale, déterminé à exporter ce concept.
Agustín n’était pas encore au courant de l’existence d’autres cartoneras en Équateur, et il l’a découvert seulement une fois que son initiative a commencé à se concrétiser. En effet, la petite histoire de cartoneras en Équateur avait déjà commencé à son insu dans les années 2000 avec la fondation de Matapalo Cartonera en 2004 au cœur de la ville de Riobamba, dans la Provence du Chimborazo, seulement un an après la création de Eloisa Cartonera.

L’idée avait été transportée en Équateur par Víctor Vimos, poète et directeur culturel de Riobamba, qui, lors d’une conversation avec l’écrivain Edwin Madrid, apprend ce que faisaient les Argentins à Buenos Aires. Un contact plus direct a été établi avec Sarita Cartonera de Lima. Là-bas, à travers Gabriela Falconí, Victor Vimos a connu les ateliers et la dynamique du travail de Sarita Cartonera. Vimos et Falconi ont donné vie ensuite à la première Cartonera en Équateur.

La création de cette maison d’édition alternative fut suivie par trois autres cartoneras dans les villes de Guayaquil (Camareta et Dadaif) et Cuenca (Ninacuro). Mais dans la capitale équatorienne, Murcelagario Kartonera est la maison d’édition qui représente encore aujourd’hui la première et seule cartonera. Murcielagario Kartonera a ainsi vu le jour à Quito en 2009, grâce à l’initiative du poète Augustin Guambo. Conçue initialement comme projet individuel, cette initiative s’est ensuite élargit avec l’aide et la participation d’un cercle d’amis-poètes, se transformant en projet collectif.

“Siempre esta rotando gente , no es que soy yo, es colectivo y es un entidad bien evanescente a la vez, […] cada vez que entra alguien va dejando su huella.” [5]

Les fondateurs des quatre cartoneras équatoriennes [2].

Bien que quantitativement restreint, il est intéressant de noter que dans le contexte cartonero équatorien, il existe une diversification qualitative de projets.
Par exemple, la cartonera Matapalo est conçu principalement comme un projet social et de production participative de textes ; cette maison d’édition forme des garçons (aux faibles revenus) à la peinture et à la confection de livres afin d’obtenir une petite rétribution économique. Matapalo construit un processus d’écriture avec ces garçons pour promouvoir également des espaces sociaux de créativité.

Quant à Murcielagario Kartonera, si son inspiration découle directement de Eloisa Cartonera, en tant que forme révolutionnaire de diffusion et de littérature, celle-ci s’en écarte au niveau du choix des publications.
En effet, si Eloisa Cartonera publie déjà des auteurs possédant une certaine réputation dans le monde littéraire, Agustín et son cercle d’amis préfèrent parier seulement sur des personnes inconnues au grand public. De cette manière, ces nouveaux écrivains pourront avoir un premier élan et être encouragés dans leurs recherches artistiques.

La ligne directrice de ces deux maisons d’édition est dictée en partie par la différence entre le contexte argentin et équatorien. Eloisa Cartonera naît au moment de la crise économique la plus intense de l’histoire de l’Argentine, dans un environnement très politisé, pour pallier les difficultés du pouvoir d’achat. À l’inverse Murcielagario émerge à partir d’un sentiment d’impuissance et d’absence d’accès à la littérature dans le pays. Pour Agustín, l’Équateur se trouve dans une position périphérique par rapport au champ littéraire latino-américain, un lieu où il est difficile que « les choses arrivent » [5]. C’est pourquoi il y a une nécessité imminente de diffuser la littérature depuis l’Équateur pour qu’il arrive au centre de ce champ [5].

La décision de publier uniquement des poésies, et plus particulièrement des poésies de jeunes auteurs inconnus, est étroitement liée à ce sentiment de se trouver dans un espace marginal ; si la poésie est relayée en périphérie dans le monde de la marchandisation de l’art, Murcielagario Cartonera trouve sa vocation et son potentiel en se liant à un espace doublement périphérique.
Agustín lui-même écrit des poésies employant langues et langages diversifiés, tel que l’anglais, l’espagnol-équatorien, le kichwa, pour revendiquer à la fois les identités et les spécificités culturelles locales et à la fois ce mélange qui représente le monde d’aujourd’hui.
Pour cela, le projet de Murcielagario consiste à soutenir “la littérature depuis la périphérie et de générer des espaces dans la périphérie” (6).

Accessibilité, horizontalité et chaine de soutien artistique.

« Creemos firmemente en romper la idea de que la gente no lee porque no le interesa la literatura, sino por el contrario, la gente no lee porque el sistema capitalista ha logrado en su juego segregacionista que los libros queden fuera del alcance de ciertas clases menos privilegiadas.”[6]

« Nous croyons fermement qu’il faut briser l’idée que les gens ne lisent pas parce qu’ils ne s’intéressent pas à la littérature, mais au contraire, ils ne lisent pas parce que le système capitaliste a réussi dans son jeu ségrégationniste à ce que les livres soient hors de portée de certaines classes moins privilégiées. »

(traduction propre)

Les principaux objectifs s’adaptent ainsi à cette réalité : diffuser et créer un public de base. Objectifs depuis lesquels des pratiques connotées politiquement découlent quasi logiquement.
En premier lieu, le coût du livre est très accessible : 3 dollars en moyenne jusqu’à 7 pour les livres les plus élaborés, en considérant que dans une librairie équatorienne un livre coûte en moyenne 20-30 dollars.
Dans des cas exceptionnels, pour ceux qui sont vraiment intéressés par un livre, mais qui n’en ont pas les moyens, Murcielagario accepte des câlins ou d’autres formes de soutien en échange d’un apport financier pour le livre !

“El derecho de autor puede ser debatible porque al fin y al cabo lo que esta haciendo es lanzar conocimiento al mundo y el conocimiento se supone que no debe tener precio” [5]

Entretien avec Agustin Guambo dans son atelier, 01.03.19.

En deuxième lieu, Murcielagario Kartonera rejette le concept du copyright à part entière. Agustín nous explicite de manière très direct et simple le choix du copyleft : “sería muy tonto de mi parte si estoy haciendo una cuestión de difusión decirle a alguien que no puedes publicarle este libro porque tiene mis derechos, no pues no funciona así mejor de bacan imprímelo sácale copias, quieres el PDF?” [5]

Comment rémunère-t-on l’auteur dans ce cas ? Avec un “trueque literario” (ou troc littéraire).
L’auteur prête son œuvre et en échange Murcielagario lui donne des livres. Cette procédure est rendue possible par le fait que personne ne gagne de l’argent. Par conséquent, il s’agit d’une dynamique horizontale et en quelque sorte, d’une chaîne : l’auteur offre son œuvre, Murcielagario lui retourne des livres et grâce à l’argent généré par la vente de cette œuvre, la Kartonera va pouvoir supporter le tirage d’un autre auteur.
Le “trueque literario” et la chaîne horizontale de soutien créatif représentent un positionnement d’opposition fort par rapport à l’idée de l’art vue comme bien économique.
L’option du troc se reflète également dans l’absence voulue de financements extérieurs, choix nécessaire selon Agustín, pour maintenir l’horizontalité entre chaque relation, car “cuando entra el dinero entra el diablo también, cuando hay dinero ya la gente te ve de otra forma”.
Le questionnement de la dimension marchande du livre est explicite dans le processus de Murcielagario : le livre est une œuvre d’art, non un simple produit de marché. L’activité de la Kartonera ne représente pas la seule activité que ses membres possèdent car, pour le moment, elle ne fournit pas les moyennes économiques suffisantes pour vivre de celle-ci. Bien sûr, l’argent n’est pas rejeté en soi, mais il ne doit pas se transformer en priorité.

Murcielagario va partout !

Dadaif Cartonera et Murcielagario Kartonera avec leur stand de vente dans le Centre Culturel de la « Pontificia Universidad Católica del Ecuador » (page facebook Murcielagario Kartonera).

Finalement, la pluralité des espaces exploités reflète également cette volonté de diffusion de la poésie, qui est très souvent le premier genre à succomber au processus de néo-libéralisation de la littérature. Murcielagario ne possède pas de lieux de vente fixe mais un sac à dos rempli des dernières publications, et se déplace d’un évènement artistique à une foire, d’une maison culturelle à un centre social. Le collectif, en effet, trotte volontiers là où il est invité, mot d’ordre : diffuser, diffuser, diffuser !

Les centres sociaux, les maisons culturelles indépendantes, mais également les centres culturels institutionnels et les universités ont été des espaces de collaboration ; par exemple cette collaboration s’est déjà matérialisée sous forme de rencontres informatives concernant le processus de création et de fonctionnement d’une maison cartonera à l’Université “Andina Simon Bolivar” de Quito.

Tous ces aspects permettent de définir le processus de Murcielagario Cartonera comme autogéré , anti-systémique et indépendant.
Murcielagario se connote également par son essence collective de tous points de vue : depuis la sélection des poèmes jusqu’à la production matérielle du livre.
L’atelier de fabrication de livres se trouve dans la maison du fondateur où ils se retrouvent entre amis pour discuter des possibles et futures publications, car la décision finale est toujours prise collectivement.
En outre, les membres de Murcielagario tentent d’interagir avec le public, en les conseillant et en essayant qu’ils prennent partie prenante au processus. Pour la Cartonera, ils ne sont pas des clients dans le sens conventionnel du terme, mais plutôt de futurs passionnés de poésie. Pour cela, il est fondamental qu’ils achètent un livre qui leur soit adapté pour qu’il puisse en profiter.

Et pour stimuler les réseaux des poètes…le festival « Kaníbal Urbano ».

Affiche de la troisième édition du Festival « Kanibal Urbano », photo pris dans l’Atelier d’Agustín.

Depuis 2016, Murcielago Kartonera est à l’initiative du « Festival international de la poésie “Kanibal Urbano” » à Quito.

« Se desarrollará con el fin de consolidar a la capital como una plataforma de encuentro y debate de las diversas voces contemporáneas del quehacer literario mundial y crear un documento de intercambio artístico desde el sentir andino, urbano y mestizo latinoamericano, a partir de la poesía y sus múltiples expresiones. » [1]

« Il sera développé dans le but de consolider la capitale en tant que plate-forme de rencontre et de débat des différentes voix contemporaines de l’œuvre littéraire mondiale et de créer un document d’échange artistique depuis le ressentir andin, urbain et latino-américain métis, à partir de la poésie et ses plusieurs expressions. »

(traduction propre)


Conçue avec un groupe d’amis pendant la semaine littéraire de Lima, l’idée du festival reprend l’envie de créer un point de rencontres pour réunir des poètes provenant de différentes parties d’Amérique latine. Ainsi, ils peuvent se connaître et créer un réseau afin d’échanger sur les différentes conceptions d’art et sur les différentes formes de création, permettant un dialogue inspirateur.
Le festival est alors une manière d’amener le centre à la périphérie.

Bibliographie :

[1] Anonyme, III Festival Internacional de poesía se desarrollarà en Quito”, Quitoinforma, 20.02.18,
http://www.quitoinforma.gob.ec/2018/02/20/iii-festival-internacional-de-poesia-se-desarrollara-en-quito/ (consulté le 05.03.19)

[2] Anonyme, « Las cartoneras con sus impulsadores, in El Comercio, 18.11.2012, disponible en ligne :
https://www.elcomercio.com/tendencias/cultura/cartoneras-son-impulsadores.html (consulté le 07.03.19)

[3] Centurión R., “Agustín Guambo y el paisaje de los rinocerontes”, in El Telegrafo, 07.09.15, disponible en ligne,
https://www.eltelegrafo.com.ec/noticias/carton/1/agustin-guambo-y-el-paisaje-de-los-rinocerontes (consulté le 04.03.19)

[4] De la Vega P., “Cartoneras: un rostro que muestra varias expresiones”, El Telegrafo, 09.02.2015, disponible en ligne,
https://www.eltelegrafo.com.ec/noticias/carton/1/cartoneras-un-rostro-que-muestra-varias-expresiones (consulté le 01.03.19)

[5] Guambo A., Entretien personel, 01.04.19, Quito.

[6] Guambo A., Murcielagario publicaciones [en ligne], disponible sur:
https://murcielagario.blogspot.com/?fbclid=IwAR203_gPiLS_EpBUX68zhBCeGDM0V-nentsNLjIgvs6G_D4ZzVcxUBt52Cg (consulté le 01.03.19 )

[7] Zambrano F.A., Sánchez González M., “Editoriales Cartoneras , una actividad cultural que sobrevive”, in El Universo, 20.09.18, disponible en ligne,
https://www.eluniverso.com/entretenimiento/2018/09/20/nota/6962363/editoriales-cartoneras-actividad-cultural-que-sobrevive?&utm_source=facebook&utm_medium=social-media&utm_campaign=addtoany&fbclid=IwAR1zL-zRnQ2CLXmH3_puDWzMSgj-zxI-shnPAqFXJiJS-N6uB5aVGuciQGs, (consulté le 05.03.19).

3 Comments

  1. meryl

    Il semble que plusieurs aspects rapprochent Murcielagario Kartonera et Mamá Dolores Cartonera malgré les milliers de kilomètres qui séparent Quito de Querétaro. Deux initiatives qui émanent de personnes appartenant déjà au monde de la littérature et de la culture mais désireuses d’avoir un impact local sur la diffusion littéraire. À quelques années près, les deux maisons d’édition cartonera entament ce même travail de recherche puis de publication de textes d’auteurs et de poètes inconnus, bien que la mexicaine choisisse de le faire en copyright, en opposition aux pratiques courantes des cartoneras.
    Parce que la littérature, ce ne sont pas que des mots couchés sur le papier, Murcielagario et Mamá Dolores proposent à travers des évènements culturels et artistiques, un dialogue entre l’écrit et l’oral, donnent à voir la dimension vivante de la littérature aux publics. C’est aussi l’occasion pour elles de mettre en réseau les acteurs du territoire, local pour MDC, national et latino-américain pour Murcielagario.
    La majorité des éditions cartoneras ont entre autres missions, celle de démocratiser la littérature en favorisant, en général par le prix ou l’implantation, l’accès à des contenus alternatifs ou classiques pour des nouveaux lecteurs. Murcielagario semble déjà un peu plus engagée dans cette voie en éditant des poèmes en langue kichwa, ce que ne fait pas du tout Mamá Dolores qui pourrait cependant publier des ouvrages en langue otomi, parlée dans la région de Querétaro. En revanche, elles ont toute les deux décidés de ne pas ouvrir de local propre et de se faire connaître et vendre dans divers espaces de la ville, se déplaçant là où on ne les attend pas forcément. On peut voir dans cette démarche une volonté d’aller au plus près des lecteurs et non-lecteurs, de piquer la curiosité de visiteurs venus dans une optique autre que celle de découvrir un objet littéraire unique. Cette volonté de se diriger vers les publics marginalisés ou de se rendre à la périphérie est-elle vraiment effective ? Les cartoneras que nous avons chacune présenté peuvent-elles affirmer avoir fait naître ou développer un goût pour la lecture chez des personnes qui n’en avaient pas ou que peu la pratique ? Ou bien cette accessibilité n’est-elle qu’une revendication et les acheteurs, ces mêmes personnes ayant déjà des habitudes culturelles consacrées ?
    C’est pour moi une des limites au projet de ces deux maisons d’édition. Elles mettent en place une politique des publics qui, si elle est effective, ne semble pas être suffisamment valorisée, sur laquelle elles ne communiquent pas assez, et à l’heure des réseaux sociaux, c’est dommage ! ; si elle ne l’est pas, alors il faudrait revoir leur positionnement et surtout évaluer leur fonctionnement pour continuer d’agir dans le champ contre-culturel.

  2. paulineb

    Cet article sur la maison d’édition cartonera Murcielagario a particulièrement attiré mon attention pour plusieurs raisons.
    D’abord parce que, contrairement à Eloisa Cartonera, cette maison d’édition a fait le choix de publier seulement de petits auteurs pour leur offrir une plus large visibilité. Ce choix de donner un élan et de promouvoir des poètes qui, justement, ont besoin d’être visibilisés me parait très intéressant.
    De plus, Augustín, qui est à l’origine de cette maison d’édition cartonera, est également poète et écrit en plusieurs langues : anglais, espagnol-équatorien et kichwa. C’est-à-dire qu’en plus de promouvoir de petits artistes en manque de visibilité, Murcielagario promeut également l’accès à plusieurs langues et la diversité des identités. Cette idée me parait particulièrement originale, puisque les livres sont d’abord destinés à ceux qui, justement, n’ont pas accès à cette littérature.
    Enfin, comme il est très bien expliqué dans l’article, l’Equateur se trouve dans une situation assez critique quant à la circulation de la littérature et de sa démocratisation. Cette volonté de vouloir démentir cette idée selon laquelle « les gens ne lisent pas parce qu’ils n’ont pas envie, ou parce que rien ne les intéresse » est, me semble-t-il très pertinente. Il parait en fait évident que si un livre coûte entre 20 et 30 dollars, la littérature ne sera alors pas accessible à tous. En faisant le choix d’offrir des livres pour 3 dollars (ou un câlin !), écrits par des poètes peu reconnus me parait être une très bonne méthode pour diffuser la culture et la littérature pour tous. De plus, cette idée de « troc littéraire » avec les auteurs me parait tout aussi bonne et entre parfaitement dans cette logique de large diffusion de la littérature.
    Je finirai donc en citant l’article : « le livre est une œuvre d’art, non un simple produit de marché ».

  3. valentine

    J’ai choisi de commenter le projet éditorial de Murcielagario Kartonera parce que bien qu’il naît dans un contexte bien différent à celui de Canita Cartonera, il se trouve que les deux initiatives ont plusieurs points en commun.

    Il s’agit de deux projets à caractère collectif qui cherchent à promouvoir le travail et l’expression de personnes inconnues, guidés par un sentiment d’impuissance qui résulte des conditions de vie marginales et d’un accès à la littérature très précaire.

    Dans ce sens, la marginalité qui est une dimension transversale dans la réalité des prisonniers de Canita Cartonera, par cette fracture entre le dedans et le dehors, entre ceux qui accèdent à la littérature et concentrent un capital culturel (en termes Bourdieusiens) et ceux qui restent relégués ; se manifeste dans la réalité périphérique (dans le rapport marxiste entre centre et périphérie proposé par Wallerstein, Gunder-Frank et autres) dans laquelle se positionne la littérature équatorienne par rapport à une échelle régionale et mondiale. Il s’agit d’espaces géographiques où l’accès à différentes ressources, culturelles et sociales, est très contraignant.

    C’est ainsi que le besoin de diffusion devient fondamental pour établir des réseaux. Surtout parce qu’à la fois les projets de Murcielagario et Canita sont basés sur la poésie, qu’en soi même représente un genre littéraire marginal par rapport aux autres champs.

    Suivant la volonté de « soutenir la littérature depuis la périphérie et générer des espaces dans la périphérie » les deux maisons Cartoneras se positionnent et revendiquent leur marginalité.

    La lecture se présente comme une dispute de classes sociales, comme un « habitus » réservé à certains groupes sociaux. Dans des contextes socio-économiques où les besoins de base ne sont pas atteints, l’accès à la littérature devient un luxe que peu de personnes peuvent se permettre. Au Chili, l’impôt au livre est de 19%, avec un 70% de la population ayant un revenu de moins de 750 euros. C’est ainsi que des logiques comme le « trueque literario » contre la mercantilisation de la littérature devient très significatif.

    Finalement les deux projets, ayant un sens au-delà de l’argent, cherchent d’un côté à partager la passion pour la poésie dans le cas de Murcielagario, et à être entendus dans le cas de Canita. Que la réalité des membres du collectif soit connue de l’extérieur.

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