Médias contre-hégémoniques: des éditions cartoneras à la cyberculture

Mois : mars 2021 (Page 2 of 2)

Cardboard House Press: un projet d’affirmation culturelle transfrontalier en Arizona

Logo de la maison d’édition

C’est en voulant rendre hommage au premier livre (La casa de cartón) de l’auteur et poète péruvien Martín Adán, publié en 1928, que ce projet cartonero porte le nom Carboard House. Cette maison d’édition sans but lucratif est située en plein cœur de la ville de Phoenix, capital de l’Arizona. Cet état frontalier avec le Mexique comporte une forte population latino-américaine et chicano étant donné son emplacement et son histoire. Notons que cet état faisait partie du Mexique avant la guerre américano-mexicaine qui s’acheva en 1848. Cette portion des États-Unis est donc à cheval entre deux pays, un terrain propice aux échanges culturels. C’est d’ailleurs sur ces échanges culturels que le Cardboard House Press veut miser en se consacrant au développement et à la création de médias afin de réaliser des échanges culturels entre les communautés. Ce projet cartonero a pour objectif de valoriser et de diffuser la littérature hispanophone en provenance d’Amérique latine et d’Espagne. Pour ce faire, tous les ouvrages publiés par la maison d’édition sont bilingues (Anglais-Espagnol) dans l’optique de rejoindre le plus grand nombre. Cette ouverture du mouvement cartonera aux anglophones fait aussi la particularité et la force de ce projet.

Des auteur.e.s d’Argentine, de Colombie, de Cuba, du Chili, d’Espagne, du Guatemala, du Mexique, du Pérou, de Puerto Rico et d’Uruguay ont ainsi été publiés dans les deux langues. Pour se financer, le Cardboard House Press a mis en place un onglet donate afin de solliciter l’aide du public. Il est également soutenu par des associations et entreprises variées comme en atteste son site internet. Parmi les partenaires économiques, nous retrouvons la National Association of Latino Arts and Cultures, la Arizona Commission on the Arts, la Andrew W. Mellon Foundation, la Ford Foundation, Southwest Airlines, la Surdna Foundation, Arizona Humanities et la City of Bloomington Arts Commission.

En plus d’offrir des traductions sur son site, Cardboard House Press propose aussi des ateliers de création/production de cartoneras pour la communauté latino-américaine et chicano. Cela participe activement à l’affirmation culturelle de ces communautés qui, bien qu’implantées dans la région depuis longtemps, restent dans une position socio-économique et politique fragile de façon disproportionnée en comparaison à d’autres populations. L’accès à l’emploi, la barrière linguistique, et les politiques migratoires figurent parmi les obstacles rencontrés par beaucoup encore aujourd’hui. La maison d’édition, par sa mission, tente de pallier cette réalité en misant sur l’accès à la culture. Les participant.e.s aux ateliers vont, en plus d’être en contact direct avec des œuvres internationales, participer à l’élaboration de leur propre œuvre. Ainsi, le projet rassemble jeunes et moins jeunes autour du mouvement Cartonera latino-américain au sein d’un pays qui en compte très peu.

L’attribut alt de cette image est vide, son nom de fichier est tallere.jpg.
Membres du collectif participant à un atelier de confection cartonero

En avril 2020, dans un article publié sur le site Reading in Translation la traductrice et poète Kelsi Vanada donne son impression du collectif Arizonien et du mouvement cartonera qu’elle associe à la contre-culture. Elle relate comment le collectif a fait de la confection de livres en matières recyclées, une façon de rassembler les gens qui vont renverser les structures de pouvoir économique et idéologique, incluant celles du monde littéraire. Elle fait aussi allusion à l’aspect linguistique et écologique du projet :

In addition, the Collective’s work engages in creating solidarity with Latin American cartoneras, and in recognizing Spanish as a language of the United States. This social statement is complemented by an environmental one: the Collective is reusing materials in a country where climate change is categorically disputed or ignored, and that in and of itself is reason enough for the Collective’s work. Much of the cardboard the Collective uses comes from condom boxes shipped to a local LGBTQ+ health clinic.

KElsi vanada
Continue reading

La Santa Muerte Cartonera : une maison d’édition rebelle et marginale

La délinquance et le terrorisme comme forme d’écriture littéraire

La Santa Muerte Cartonera, ville de Mexico, 2008-2010.

La maison d’édition Santa Muerte Cartonera a été fondée dans la ville de Mexico en 2008 par deux poètes : le chilien Héctor Hernández Montecinos et le mexicain Yaxkin Melchy.

C’est la deuxième Cartonera à voir le jour au Mexique après la Cartonera de Cuernavaca née la même année dans un contexte de conservatisme politique et d’explosion des maisons d’édition Cartonera dans le pays. Le pays compte aujourd’hui près d’une trentaine de Cartoneras. Elle fait ainsi partie de la première « génération » de cartoneras mexicaines et a inspiré les cartoneras mexicaines de la seconde génération notamment les Cartonera Kodama, Cohuiná, Tegus et Orquestra Eléctrica.

Continue reading
La Santa Muerte Cartonera, ville de Mexico, 2008-2010.

La maison d’édition Santa Muerte Cartonera a été fondée dans la ville de Mexico en 2008 par deux poètes : le chilien Héctor Hernández Montecinos et le mexicain Yaxkin Melchy.

C’est la deuxième Cartonera à voir le jour au Mexique après la Cartonera de Cuernavaca née la même année dans un contexte de conservatisme politique et d’explosion des maisons d’édition Cartonera dans le pays. Le pays compte aujourd’hui près d’une trentaine de Cartoneras. Elle fait ainsi partie de la première « génération » de cartoneras mexicaines et a inspiré les cartoneras mexicaines de la seconde génération notamment les Cartonera Kodama, Cohuiná, Tegus et Orquestra Eléctrica.

Continue reading

Feminismo Xeneize : une chaîne YouTube pour visibiliser l’identité féministe du Boca Juniors.

Notre objet d’étude est la chaîne YouTube Feminismo Xeneize, canal numérique principal du collectif féministe du même nom,. Le collectif a été crée en février 2019 à Buenos Aires par des membres de différentes associations de supporteurs·ices du Club Atlético Boca Juniors (CABJ).

Depuis la création du collectif, de nombreuses actions ont été menées par les supportrices : cancionero de chants féministes en vue de la Coupe du Monde féminine de la FIFA de 2019, des actions féministes (25N et 8M au sein de cortèges supportrices), rédaction de protocoles de prévention des violences, cycles de conférences inter-collectifs pour ne citer que les plus marquantes.

Dès les premières actions du collectif, les réseaux sociaux mainstream ont été utilisés comme vecteurs de visibilité notamment par le biais des médias tels que Facebook et Instagram, qui permettent une inclusion au sein de la représentation des supporteurs·ices.

Capture d’écran de la page d’accueil de la chaîne YouTube Feminismo Xeneize.

68 VOCES – 68 CORAZONES : UNE ANTHOLOGIE NUMÉRIQUE POUR REVALORISER LES CULTURES D’ORIGINE

Illustration de 68 voces 68 corazones

Le Mexique est un des pays qui compte la plus riche diversité linguistique des Amériques avec 68 langues indigènes encore parlées. Pourtant, certaines langues sont en voie de disparition en raison d’un contact inégal entre la société hispanophone et les sociétés indigènes. Malgré le grand nombre de locuteurs, Continue reading

La Sofía Cartonera : de la rue à l’université, la faculté qui désacralise le livre.

Une maison d’édition cartonera et universitaire

Née en 2012, la maison d’édition La Sofía Cartonera est un projet littéraire fondé par la faculté de philosophie et sciences humaines à l’Université de Cordoue en Argentine ( Facultad de Filosofía y Humanidades -Universidad Nacional de Córdoba.) « Programme d’extension universitaire », cette maison se place comme la seule édition Cartonera qui ait vu le jour au sein d’une université et qui soit financièrement autonome. 

Coordonnée par l’enseignante et chercheuse Cecilia Pacella, La Sofía Cartonera, a perçu dans la démarche de l’édition pionnière Eloísa Cartonera un moyen de rassembler des intérêts collectifs, coopératifs et communautaires à caractère culturel et à fonction sociale. En effet, en 2011, Washington Cucurto, le fondateur d’Eloísa Cartonera participa à un congrès instauré par l’université…très rapidement un dialogue s’est installé entre l’éditeur et les étudiants.

Dès lors, l’esprit de la première maison d’édition servie de base à la création de La Sofía Cartonera. C’est un projet qui souhaite connecter la faculté avec la société grâce à la littérature. Toutefois, ce lien est parfois entravé par la vision sociale de l’université perçue comme une entité étrangère. L’objectif de cette édition est donc de développer des livres et des projets qui soient la passerelle entre la société et le monde universitaire. De la sorte, des étudiants, des diplômés et des enseignants issus d’unités académiques diverses s’engagent dans le développement de La Sofía Cartonera et dans la construction de liens entre l’université et les différents acteurs sociaux.

Continue reading

AMAPOLA CARTONERA, une réponse culturelle alternative à l’hégémonie éditoriale

ATELIER CLUB DE ABUELOS LOS CONQUISTADORES

Naissance du projet d’édition :
Eloísa Cartonera

Collectif Amapola Cartonera à Bogotá

L’origine d’Amapola Cartonera -Mars 2012-

(1:14-1:37)    
« Amapola Cartonera émerge en raison d’une bourse de résidence que j’ai obtenue l’année dernière pour assister au MDE11, octroyée par l’Institut de District des Arts –IDARTES-. J’y ai participé, à Medellin, avec le projet Eloisa Cartonera d’Argentine qui est comme la mère des maisons d’édition cartoneras. »

(4:05-4:28)
« Une maison d’édition cartonera est un projet auto-entretenu lequel travaille avec la communauté, dans la mesure des ressources, sur la production des couvertures de livres. Dans ce cas par exemple, nous travaillons avec les étudiants des arts plastiques de la Maison de la Culture. »

Devise social d’Amapola Cartonera et moyen d’impression -Septembre 2012-

(16:48-18:29)
« Amapola Cartonera émerge à partir d’une résidence artistique que j’ai réalisée à Medellin l’année dernière lors du MDE11 où nous avons eu l’opportunité de rencontrer Eloisa Cartonera et de travailler avec eux, établir un jumelage avec tout ce mouvement des cartoneras latino-américaines. Et en gros, ce qu’une maison d’édition cartonera cherche à faire c’est éditer des livres alternatifs dont les couvertures sont faites en carton recyclé, -possiblement par les récupérateurs de déchets, la plupart du temps-, et dans ce but en tant qu’une maison d’édition alternative, pouvoir publier des nouveaux écrivains. Nous nous intéressons beaucoup par la publication de nouveaux écrivains, des créations des ateliers littéraires des bibliothèques et des universités, des gens consacrés à des travaux littéraires mais qui n’ont pas pu publier chez les maisons d’édition traditionnelles, celles dans le marché. De cette manière nous cherchons à produire des livres dont la couverture est en carton : la couverture est unique, nous imprimons en système offset qui est le plus courant pour l’impression des livres. Nous avons le matériel nécessaire pour imprimer en offset, de cette façon nous rendons les livres plus abordables au public et nous proposons un format de livre alternatif, différent au livre que nous connaissons traditionnellement. »

Cartongrafías – Mettre des mots sur les maux du conflit armé : un devoir de mémoire ?

Pendant près de soixante ans, la Colombie a traversé une longue période de conflit armé, principalement entre les Forces Armées Révolutionnaires de Colombie (FARC) et l’État à travers des groupes paramilitaires. Les affrontements ont eu lieu sur l’ensemble du pays, et les tensions ont contraint de nombreuses populations à abandonner leurs territoires. Les déplacements forcés étaient dus aux actions des guerrilleros, mais aussi aux groupes paramilitaires coordonnés par l’État colombien, qui arrachaient les populations à leurs terres, sous prétexte du conflit.

A plusieurs reprises, le pays a espéré voir le conflit toucher à sa fin. Plusieurs tentatives de cessez-le-feu ou de trêves ont échoué. En 2012 les négociations pour la paix s’ouvrent entre le gouvernement et les représentants des FARC, laissant entrevoir à la population une résolution du conflit. Un travail de mémoire a alors débuté dans l’ensemble du pays, déliant les langues de ceux qui avaient le courage de se remémorer le passé. La question de la mémoire, très présente et longtemps reniée, est finalement devenue centrale, dans le processus de retour à la paix dans le pays. De nombreuses associations ont été créées, notamment le MOVICE, Movimiento Nacional de la Víctimas de Crímenes de Estado, qui œuvre, encore aujourd’hui, à la reconnaissance par l’État de son implication dans le conflit, notamment dans le déplacement des populations. Le rôle de l’État dans le conflit a longtemps été renié par celui-ci, pourtant de nombreux militaires et chefs de guerre se sont dénoncés. Maison d’édition cartonera indépendante, Cartongrafías est née en 2013, à Bogotá, sur l’initiative de victimes de déplacement forcé lors du conflit armé.

Continue reading
Newer posts »