Qu’est-ce que le collectif Lemow ?
Le mot Lemow vient de la langue Cakchiquel. Elle est liée au peuple maya éponyme (Cakchiquel), qui vit majoritairement dans le département de Chimaltenango (sud-ouest du pays).
Il peut se traduire par reflet ou miroir, et c’est sous ce concept que le collectif s’identifie, parce qu’il cherche à refléter différentes réalités à travers les différentes formes d’art. Le Colectivo Lemow est un collectif crée par des femmes (principalement cinéastes) qui cherchent à rendre visible les droits de l’Homme, la réflexion critique et l’égalité femmes-hommes à travers du contenu artistique et culturel. De cette façon, elles autonomisent, divertissent et créent du lien entre les publics défavorisés du Guatemala (dont la majorité sont des femmes).
Crée en 2013, Lemow se consacre à la création et au partage des expressions culturelles à travers le point de vue des femmes. Elles ont survécu à l’épreuve du temps, aux épreuves de la vie et représentent la culture et les femmes guatémaltèques dans leur pays mais aussi dans le reste du monde. Le collectif est un agent du changement au Guatemala qui cherche à décentraliser le cinéma et en faire un art plus inclusif. Cela donne aux femmes les moyens d’explorer leurs expressions artistiques, reflétant leurs expériences et guérissant leurs émotions à travers l’art. Elles se spécialisent dans les ateliers de photographie, peintures murales, graffitis, musique, communication et cinéma. Elles créent également des ateliers en fonction des besoins des communautés qu’elles rencontrent et soutiennent. Elles ont, à leur actif plusieurs projets, comme Reflejos (2016) ou encore Origenes (2017).
Reflejos est une exposition itinérante créée en 2016 sur le cinéma de genre, qui a parcouru onze départements du Guatemala avec un total de 22 expositions réalisées dans des écoles, des associations, des espaces publics et des centres culturels. L’exposition comprenait les projets cinématographiques réalisés par le collectif et les courts métrages de cinéastes guatémaltèques invités.
Origenes est une exposition de cinéma itinérante réalisée en 2017 et développée en collaboration avec Ixmayab Producciones. Avec un parcours à travers six départements du Guatemala et un total de 28 expositions présentant le portrait de 28 citoyens venant de tout le pays, l’exposition incluait des propositions audiovisuelles de cinéastes émergents/indépendants. En plus, des courts métrages de réalisateurs invités ont été diffusés.
Portraits de femmes, de leurs histoires et de leurs combats
Projet de communication, Seres de Niebla (2018) cherche à travers la photographie et l’audiovisuel (principalement des capsules documentaires) à projeter et rendre visible la lutte de nombreuses femmes guatémaltèques qui, à travers leurs espaces de travail, obtiennent de meilleures conditions de vie. Rendre visibles les luttes des femmes, c’est reconnaître leur travail et contribuer au développement d’une société plus tolérante.
Il est composé de six courts métrages/capsules documentaires (allant de 4 à 7 minutes). Chacun d’entre eux est introduit, puis conclu par la chanson Tzk’at, de la chanteuse guatémaltèque Rebeca Lane, issue de son album « Obsidiana », sorti en 2018. C’est une artiste engagée ; et ses combats sont partagés par le Colectivo Lemow, ce qui explique l’association artistique entre toutes ces actrices. Les films n’ont pas vraiment de titre. Il y a seulement le nom des personnages principaux, suivi de leur métier. Tout simplement, ces films/ capsules présentent des femmes qui racontent leurs vies et leurs parcours.
L’équipe des films reste similaire sur les six parties. Veronica Sacalxot est la productrice ; Teresa Jimenez s’occupe de la photographie et de la post production ; Yanira Ixmucane gère la direction artistique.
Le premier film est centré sur la photojournaliste Cristina Chiquin . Le deuxième raconte l’histoire de la chanteuse Aurora Chaj. Le troisième présente le parcours de Galilea Bracho, activiste et défenseuse des droits humains et droits LGBT. Le quatrième met en scène Gilberta Jimenez, activiste Xinca (tribu maya) qui milite pour la protection de la Terre, de la Nature ; la réappropriation et la défense de leur territoire. Le cinquième montre le parcours de Manuela Xocol, présentatrice radio et communicante. Le sixième film dresse le portrait de la rappeuse Cat Monzon, d’origine Kʼicheʼ (un peuple du sud du pays).
Toutes ces femmes, et les histoires dont elles sont les héroïnes, ont plusieurs points communs. Le principal est que pour chacune d’entre elles, leur moyen d’expression est quelque chose qu’elles pratiquent depuis leur jeunesse, et surtout qu’elles ont toutes grandi dans ces milieux militants ou artistiques.
Cristina Chiquin : incarnation des valeurs du collectif, égérie de Lemow
Le premier des court-métrages met en scène Cristina Chiquin. Elle est photojournaliste. Elle explique qu’elle tient cette passion de son père. « Desde pequeña, me gustó mucho la fotografía. Mi papá le gustaba hacer fotografía de paisajes. Le gustaba siempre tener una cámaray en mi casa, al baúl lleno de fotos porque a mi papá le encanta tomar fotos. Creo que ahí me empezó también como las ganas de querer hacer fotografía”. Elle a toujours été engagée dans la défense des droits de l’Homme, et particulièrement les droits des femmes. Alors qu’elle pratiquait la photographie de manière ludique ; en 2012-2013 – à l’occasion de la commémoration des massacres du Rio Negro (1980-1982) – elle a décidé de devenir photojournaliste, afin de lier ensemble ses deux passions.
En 1980-1982, en pleine guerre civile guatémaltèque, des Mayas Achis protestent contre l’expulsion de leurs terres natales vers des régions plus difficilement cultivables. Le gouvernement guatémaltèque de l’époque voulait construire dans cette région (département de l’Alta Verapaz) un grand barrage hydro-électrique. Plus de 400 d’entre eux sont tués par l’armée guatémaltèque.
En 2012, 30 ans après les exécutions, des avocats ont déposé un recours en justice devant la Cour interaméricaine des droits de l’homme pour obtenir un procès. C’est à cette occasion que Cristina s’est engagée.
Au-delà d’être un moyen d’expression comme les autres, et permettre aux personnes de s’exprimer ; pour Cristina, la photographie permet aussi de véhiculer des émotions. Elle permet de mettre des images sur ce que ressentent les gens – des sentiments qui ne peuvent pas forcément être transmis avec des mots. Comme la photographie reflète le regard de son autrice, c’est comme si la photographe s’exprimait avec des mots. Avec une photographie, il est possible de dire bien plus de choses, qu’avec un texte. Si les photos véhiculent des émotions, elles peuvent aussi plus facilement toucher le cœur des spectateurs. C’est aussi une démarche personnelle, car pour Cristina ; la photographie, c’est son moyen de s’exprimer, à elle, en tant que citoyenne.
En revenant à la capsule documentaire, elle peut se diviser en deux parties. La première moitié présente Cristina dans son atelier, caractérisé par le mur tapissé de photographies. L’œuvre de Cristina semble la surplomber, comme pour symboliser tout le chemin parcouru par la photojournaliste. La capsule alterne tour à tour entre des prises de vue montrant Cristina qui s’exprime face caméra, qui montre certains de ses clichés ou encore qui contemple le mur de son œuvre.
La seconde partie suit Cristina dans l’environnement dans lequel elle se sent la plus à l’aise : le milieu urbain. Elle se décrit elle-même comme une journaliste urbaine. Ici, son outil de travail – son appareil photo – illustre la métaphore du regard. Si Cristina pointe son objectif dans une direction pour saisir un instant, un moment ; la photographie qui en résulte est son regard (à elle) sur le monde qui l’entoure. C’est une manière pour elle de se réapproprier le regard sur le monde. Pour cela, elle propose aux spectateurs son propre regard sur son monde, grâce à ses photographies. Ce n’est qu’un regard de plus : un parmi les autres.
Pour Cristina ; une image vaut mieux qu’un long discours (peut-être parce qu’elle est plus émouvante et plus personnelle, intime).
Mon cher Samuel, merci pour cette promenade dans l’histoire de ce jeune photographe guatémaltèque. Cette visite évoque l’importance du photojournalisme en tant qu’outil de lutte et de résistance aux inégalités et aux injustices subies par les personnes, en particulier les femmes. Ton texte devient un chemin qui nous fait ouvrir la porte de la pensée vers l’action de ces femmes à la recherche de conditions de vie plus dignes.
Dans les jours actuels, de plus en plus les femmes des mouvements, collectifs, associations et groupes féministes, ont accepté moins le rôle de coadjuvants dans l’histoire, de cela résulte toutes les luttes populaires des femmes qui ont occupé les rues, places, théâtres, internet où ses droits a été le centre des revendications. Ce sont des histoires construites par des femmes et pour des femmes.
En lisant ton texte, je pensais à tous les outils que les femmes ont utilisés pour non seulement dénoncer les injustices, à travers leurs histoires de vie, mais surtout pour résister à ces injustices. À ce stade, le photojournalisme devient un outil capable de donner de la lumière à l’histoire de ces femmes, expulsées de leurs territoires, assassinées par un projet d’État conservateur et néolibéral. Ainsi, ces récits constituent des lignes de résistance à l’avancée des politiques d’extermination.
Votre texte me fait réfléchir sur la composition de ces rangs, qui dans toute l’Amérique latine se manifestent de façon hétérogène, le « raptivisme » (billet de Julie), la musique (billet de Naima), les « Arpilleras » (mon billet prope) pour n’en citer que quelques-uns. L’actualité des luttes féministes sur ce continent, prend forme et commence à résonner au loin, les espaces commencent à être occupés et les révolutions contiennes commencent à prendre forme et image : le féminisme. Ainsi, plus que jamais, je pense que s’il existe encore un chemin vers la révolution, ce chemin est celui des luttes des femmes.
« LA RÉVOLUTION SERA FÉMINISTE, OU NE SERA PAS » !