La question du genre a toujours été un sujet récurrent dans le travail de Zallary Cardona (La Zay), artiste graphique non binaire, née à Medellin et fondatrice de la bande dessinée digitale Mariquismo Juvenil qui est diffusée principalement en ligne. Considérant que l’exploration du genre et de la sexualité chez une personne constitue un processus intime et individuel, qui permet à chaque personne de développer sa propre personnalité, La Zay utilise sa propre construction identitaire comme outil de lutte sociale.
1. La question de la diversité en Colombie
Qu’est-ce que le « Mariquismo » ?La Zay suit une tendance de plus en plus présente dans la communauté LGBT+, qui consiste à reprendre l´insulte « Marica », signifiant “pédé” en français ou “faggot” en anglais, afin de se la réapproprier. A partir de la déconstruction de ce mot, il se reconnait fièrement comme « Marica », expression qui devient alors une arme contre la discrimination que ce soit dans son discours ou dans son art. C’est donc dans ce contexte, qu’en 2017, La Zay a créé Mariquismo Juvenil, un espace artistique qui utilise Instagram, plateforme permettant de rendre visible les luttes LGBT+ qui sont censurées et invisibilisées par les médias traditionnels.
Le contexte et la lutte pour les droits de la population LGTB en Colombie
Comme en Amérique Latine, en Colombie, la population LGTB est l’objet de plusieurs violences et de vulnération de leurs droits. Certains articles affirment même qu’être trans en Colombie est une sentence de mort (DW.Historias Latinas, 2021). Pour comprendre le complexe panorama colombien en termes de violence, il faut partir du nombre moyen d’homicides depuis l’année 2011 et jusqu’à l’année 2020 : 110 par an. Cependant, dans l’année 2020, marquée par la pandémie, ce chiffre est monté à 226, le double de la moyenne. De même, les menaces verbales sont passées de 106 en 2019 à 337 en 2020, les victimes de violence policière sont passées de 109 en 2019 à 175 en 2020. Il est très difficile de déterminer les raisons qui expliquent cette augmentation de la violence car plusieurs facteurs sont à considérer. En premier lieu, les mécanismes de dénonciation ont été diversifiés de sorte que les plaintes ont augmenté.
En deuxième lieu, la hausse de violence est aussi un résultat des mesures de confinement mises en place en raison de la pandémie. Les groupes les plus affectés ont été les femmes trans et les hommes gays. Pour les trans, la forme de violence la plus exercée a été la menace ainsi que pour les hommes gays, l’homicide. Ces statistiques sont partagées par l’organisation de société civile Colombia Diversa, qui travaille autour de la lutte pour les droits de la communauté LGBT. Les formes de violence catégorisées sont les menaces, les homicides et la violence policière. Cependant, d’autres droits sont bafoués constamment. Par exemple, l’accès à la santé, á l’éducation, à un travail et un logement digne, entre autres.
Bien qu’actuellement, la législation colombienne ait montré une progression considérable en termes de droits pour la population LGTB, il y a encore plusieurs barrières administratives et de discrimination sociale qui ont ralenti l’application des lois et politiques publiques. La discrimination sociale dans des espaces éducatifs et de travail poussent principalement la population trans à bouger vers des quartiers pauvres, arrêter les études et choisir des professions qui sont transsexualisées telles que le travail sexuel. Ainsi, des problématiques comme la pauvreté, la consommation et le trafic de drogues ainsi que l’accès restreint à la santé sont développées à l’intérieur de cette minorité. Un autre élément important à considérer est la situation dans laquelle a vécu la population LGTB pendant les années de conflit en Colombie, étant reconnus en tant que victimes du conflit dans l’accord de paix avec la guérilla des FARC. (Colombia diversa, 2019)
Les progressions sur le plan législatif ont pris un certain retard dans le pays. Par exemple, en 1992 l’avocat Germán Rincón Perfetti a présenté pour la première fois une action de tutelle pour réaliser un changement de nom devant la cour constitutionnelle. C’est n’est qu’en 1998 que l’homosexualité n’a plus été une raison pour nier les droits à l’éducation grâce à l’annulation du décret qui signalait que l’homosexualité était une mauvaise conduite de la part des enseignants des écoles. Dans la même période, la cour constitutionnelle a confirmé que l’orientation sexuelle des élèves des écoles ne constituait pas une raison pour nier le droit à l’éducation. Ce n’est qu’en 2007 que le pacs pour les couples du même sexe a été approuvé, de même qu’en 2015 l’adoption d’enfants par des couples du même sexe et en 2016 le mariage égalitaire est devenu légal.
En tenant compte des violences provoquées par le long conflit armé dans le pays, en 2014 la première décision de Justice et Paix est prise, donnant à la population LGTB la condition de victimes des groupes armés. En 2016 l’accord de paix Colombien est devenu pionnier au niveau mondial grâce aux reconnaissances de la population LGTB en tant que victime du conflit armé. Finalement, en 2018 le pays a connu une politique publique LGTB au niveau national. Pour la population trans, quelques progressions arrivent en 2013 avec l’approbation de la cour constitutionnelle des procédures chirurgicales pour des modifications corporelles des personnes trans et pour la première fois, en 2018 l’assassinat d‘une femme trans a été reconnu comme un féminicide.
Le travail artistique de Danny Gouttière
Danny Gouttière est un artiste colombien de 26 ans qui s’autodéfinie en tant qu’artiviste, transactiviste et non-binaire. Iel est né dans une municipalité proche de la ville de Medellín appelée La Ceja à Antioquia. Sa production artistique est très variée, iel est chanteur·e, peintre, dessinateur·e, écrivain·e, compositeur·e, performeur·se et mannequin. Parmi ses objectifs artistiques nous pouvons trouver la dénonciation de la violence contre les femmes et la population trans ainsi que les impacts du conflit armé sur les territoires colombiens.
La Silla Vacia est un journal en ligne indépendant crée en 2009 par Juanita Leon. Son but était de créer un média de communication entièrement digital qui s’intéresse à la politique colombienne. Aujourd’hui le journal frôle les 400 000 abonnés, et atteint près de 1,5 millions de vues par mois et est considéré comme le premier journal politique en ligne colombien. La Colombie est un pays en proie à un conflit armé depuis les années soixante qui, à la base, implique l’armée colombienne et la guérilla révolutionnaire des FARC et a particulièrement touché les civils. De 2002 à 2010, Alvaro Uribe, conservateur de droite issu de l’oligarchie colombienne a gouverné le pays, et s’est toujours opposé à négocier avec la guérilla. C’est en 2010 que Juan Manuel Santos lui succède et met en place des négociations de paix. Le journal, créé en 2009, prospère donc dans un pays évoluant vers la voie des négociations de paix après une décennie militariste. En ce qui concerne la liberté de la presse, la Colombie est tout de même classée 130ème selon le classement établi par RSF en 2020.
Comprendre la division binaire du masculin/féminin et ses termes pour pouvoir mieux y désobéir : telle est la ligne de conduite de la chanteuse funk/hip-hop et performeuse brésilienne.
Une artiste au-delà des canons binaires
Linn Da Quebrada, performeuse, actrice et chanteuse funk/hip-hop, s’inscrit comme dissidente du genre binaire à travers sa musique et ses performances. Née en 1990 dans la périphérie de São Paulo (Zona Leste), d’une mère célibataire et élevée par sa tante jusqu’à ses 12 ans dans un cadre très religieux, affiliée au courant des Témoins de Jéhovah, la chanteuse va rapidement se rendre compte que son identité dépasse les pôles du masculin et du féminin. Linn va découvrir l’expression de soi par la musique et la performance, va créer ses propres vérités, et se rapprocher de ce corps non-assujetti à cette dualité des corps. Déclarant elle-même que cette question n’est toujours pas réglée, c’est par l’expérimentation dans ses performances et de son propre corps que l’artiste se découvre pleinement. Dans une rencontre pour le magazine Têtu, Linn déclarera à ce sujet : « Mon expression artistique ne se réduit pas à être une chanteuse. Je chante parce que j’ai quelque chose à dire. Et je fais de mon corps et de mon existence une œuvre d’art. »
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