Médias contre-hégémoniques: des éditions cartoneras à la cyberculture

Étiquette : langues amérindiennes

Hubert Matiúwàa, poèmes en lutte

Source : Pie de Pagina, Hubert Matiúwàa y su poesía me’phaa de resistencia

Hubert Matiúwàa (1986), est un artiste, poète et essayiste mexicain Mè’phàà originaire de l’État du Guerrero dans le Sud-Est du pays. Il a d’abord étudié la philosophie avant de poursuivre des études latino-américaines à la Universidad Nacional Autónoma de México (UNAM). Ses poèmes explorent principalement les thèmes liés à l’identité Mè’phàà, aux droits des peuples indigènes, à la nature, mais aussi à la justice raciale, au colonialisme et aux violences exercées par l’Etat mexicain sur ceux-ci. En effet, les violences envers les peuples indigènes et notamment le peuple Mè’phàà sont régulièrement dénoncés par des organismes de défense des droits de l’Homme. L’auteur entreprend donc de mobiliser son art pour mettre en lumière les problématiques que rencontrent les populations Mè’phàà et mettre en lumière les rapports de domination de race et de classe qui existent au sein du Mexique. 

SKIN PEOPLE, recueil de poèmes plurilingues :

Mbo Xtá, ou la Gente de Piel en espagnol et Skin People en anglais est l’un des recueils de poésies phare d’Hubert Matiúwàa. Publié en 2020, il fut soutenu par le programme FONCA. Hubert Matiúwàa fut accompagné dans son oeuvre par Elizabeth Susman Anguamea, une anthropologue qui s’occupa de la traduction anglaise des poésies et Salvador Jaramillo qui dessina les illustrations, permettant de donner vie aux poèmes. Skin People séduit autant par la finesse et la tendresse des mots que par son propos engagé, rassembleur et désireux de transmettre la joie comme la douleur de sa communauté, reprenant les récits mythiques de la culture Mè’phàà racontés par sa mère. Le recueil est une bonne entrée en matière pour découvrir l’univers du poète.

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Une voix de la culture Zoque à l’honneur : la poésie de Mikeas Sánchez

Mikeas Sánchez est une autrice mexicaine née à Tujsübajk dans le municipio de Chapultenango au Chiapas en 1980. Elle est d’origine Zoque et fait partie d’une des ethnies les plus anciennes en méso-amérique: les Olmèques. Elle est connue pour sa poésie écrite en Copainala (une variante de la langue zoque) et traduite en espagnol. Elle est aussi enseignante et directrice de la radio La voz de los vientos, plateforme qui donne une voix aux minorités ethniques du Mexique.

Diplômée en science de l’éducation de l’Universidad Juárez Autónoma de Tabasco, Sánchez se spécialise ensuite en didactique de la langue et littérature. Elle fait son master à l’université autonome de Barcelone. Durant cet échange, elle rencontre des personnes qui ont inspiré le caractère militant de sa poésie, notamment sur la condition des femmes issues de cultures minoritaires.

À partir de la littérature bilingue, l’autrice met en avant sa langue maternelle qui est de moins en moins parlée dans sa région. Mikeas Sánchez se décrit comme une autodidacte qui a appris sa langue native d’elle-même et non pas à travers un enseignement institutionnel. Le choix de traduire le zoque en espagnol permet la découverte de sa culture qui est non reconnue et non enseignée dans les écoles publiques mexicaines.

El Universal

Ses œuvres ont ensuite été traduites en catalan, en italien, en allemand, en maya, en portugais et en anglais. On peut citer Maka mujsi tumä jama (en espagnol Y sabrás un día) publiée en 2006 ou encore Kobikyajubä’jaye publiée en 2013. Les œuvres de Mikeas Sánchez apparaissent dans des journaux, des magazines ou encore des anthologies comme celle de Los abismos de la palabra.

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La valorisation de la poésie et de la culture Tu’un ñuu savi (mixtèque) par Celerina Patricia Sánchez Santiago

Présentation de l’auteure

Celerina Patricia Sánchez Santiago est une conteuse, poète, traductrice et promotrice culturelle mexicaine de premier plan. Née le 3 février 1967 à Mesón de Guadalupe dans la municipalité de San Juan Mixtepec dans l’Etat de Oaxaca, elle parle et écrit le Tu’un ñuu savi (mixtèque) et l’espagnol. Étudiante de la prestigieuse École nationale d’anthropologie et d’histoire (ENAH) en linguistique, elle excelle en tant que conteuse orale et devient poétesse en 1997.

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#BigDATA, du modèle du jaguar à celui du « buen vivir » , il n’y a qu’un clic : focus sur la rénovation du patrimoine linguistique maya avec Mitzi Juárez

Logo du fanzine #BigDATA

#BigData, un espace médiatique indépendant contre-hégémonique

#BigData est un fanzine numérique qui naît en 2019 à la suite du mouvement social et citoyen de l‘Estallido social qui éclate en octobre de la même année au Chili. Ce mouvement social est la conséquence de 30 années de promesses démocratiques non tenues par les partis de la Concertation (partis centre-gauche) et témoigne de la lassitude des Chiliens de la classe moyenne face au maintien coûte que coûte d’un modèle économique néo-libéral insoutenable. Ce modèle dit du « jaguar » se caractérise par une privatisation des secteurs de la santé, de l’éducation ou encore des transports et entraîne l’endettement de nombreux chiliens. Un fanzine est à l’origine une publication, imprimée ou en ligne, institutionnellement indépendante et réalisée par des amateurs dans le but de donner une visibilité à des personnes ou des thématiques en dehors des sentiers battus.

El Fanzine #BIGDATA es un espacio de reflexión y creatividad, independiente

Phrase de présentation de la genèse du fanzine disponible à l’adresse suivante https://fanzinebigdata.cl/somos/

Le nom de ce fanzine chilien fait directement référence au concept informatique de la « big data », qui regroupe des données issues de sources multiples, pour les analyser et en retirer une information qui aide ensuite à prendre une décision ou à procurer une solution. En ce sens, #BigDATA se présente comme un média fédérateur. Son comité éditorial cherche à réunir des mouvements et des pratiques qui, jusqu’à peu, se développaient selon des voies/voix différentes. Cette rupture avec le modèle hégémonique du média traditionnel, qui a tendance à ne traiter les sujets que de manière unifocale, se retrouve aussi dans l’hétéroclisme des membres qui composent cette « Grosse donnée ». Ses 6 membres appartiennent à des domaines d’expertise divers tels que l’art, l’oenologie ou la sociologie.

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Bebé tamal: la mise en récit des cultures autochtones

Au cours de XXe siècle, diverses campagnes de promotion de la lecture et d’alphabétisation se sont déroulées en fonction du projet de l’État mexicain visant à promouvoir l’éducation au Mexique. Les nuances qu’ont pris cette politique d’éducation a fin de la traduire dans les réalités concrètes du pays ont varié d’un gouvernement à l’autre. Cependant, cela a intensifié l’impression et la distribution de matériels d’appui pour l’apprentissage de la lecture et de l’écriture, ainsi que de matériels de lecture. Par conséquent, l’État mexicain et le Ministère de l’éducation publique sont devenus deux acteurs avec un fort pouvoir de décision sur le contenu, l’aspect visuel, les lieux de distribution et la langue dans laquelle les livres étaient publiés.

À l’heure actuelle, des campagnes d’alphabétisation et de promotion de la lecture sont menées dans le cadre des efforts visant à renforcer les langues indigènes. Le matériel de soutien pour l’enseignement a été fourni à la suite de la prise en compte des besoins spécifiques des communautés. Un exemple illustrant cela a été l’atelier du Laboratoire d’éducation et de médiation interculturelle donné par Eduardo Vicente à San Blas Atempa, Oaxaca, au Mexique. Il a utilisé le modèle numérique d’un livre intitulé Bebé tamal, traduit par lui-même dans la variante linguistique du zapotèque de cette région.

Atelier à San Blas, Atempa, Oaxaca. Source: Laboratoire
d’éducation et de médiation interculturelle (LEMI-UAQ)

Origine et motivations du modèle numérique de Bebé tamal

Fragment du modèle numérique de Bebé tamal. Source : Site web XospaTronic

Sur son site web, Éditions XospaTronic a mis en ligne deux fichiers avec des dessins en noir et blanc, avec des espaces vides et des instructions pour le pliage et le découpage des pages. Il s’agit de l’invitation à créer un petit livre numérique avec la narration bilingue d’une recette pour faire des tamales, un plat typique du Mexique et d’autres pays d’Amérique latine fait de maïs, auquel on ajoute différents ingrédients. La recette peut varier géographiquement et culturellement.

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El Taller Leñateros ou la revendication identitaire tzotzile

Au cours de ces 500 dernières années, des générations de peuples autochtones ont été tu(é)es, invisibilisées, marquées par la perte de leur identité, de leur culture et croyances spirituelles qu’a imposées la culture hégémonique occidentale blanche. Ce fut le cas pour les populations Mayas dans les hauteurs du Chiapas. Depuis plus de 500 ans et en s’opposant depuis à la logique de globalisation du néolibéralisme, les populations mayas tzotziles ont toujours lutté pour récupérer et préserver leur tradition orale et leur mémoire ancestrale. Le Taller Leñateros est ce projet mexicain légendaire qui leur permet aujourd’hui de revendiquer leur identité et devient bien plus qu’une proposition éditoriale indépendante alternative face à la domination de grands groupes du secteur de l’édition en Amérique latine depuis la fin du siècle dernier.

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Production littéraire en langue nahuatl par La Cartonera Cuernavaca

Production littéraire en langue nahuatl par La Cartonera Cuernavaca

Livre cartonero bilingue nahuatl-espagnol, Kosamalotlahtol, Source: Page Facebook, La Cartonera Editorial en Cuernavaca

Le mouvement cartonero au Mexique

Le mouvement cartonero au Mexique a été inauguré en 2008, d’abord avec l’apparition de la Cartonera de Cuernavaca, puis peu après avec Santa Muerte à Mexico. Les deux projets ont été inspirés par Sarita du Pérou, en particulier La Cartonera, et c’est de cette référence qu’est née l’idée de créer une maison d’édition cartonera au Mexique.

La maison d’édition Santa Muerte a été créée à partir de l’expérience de Héctor Hernández Montecinos avec les tendances poétiques les plus récentes en Amérique latine et des expériences de reliure de Yaxkin Melchy dans le cadre du projet La Red de los poetas salvajes  (Réseau des poètes sauvages)

Viennent ensuite les cartoneras mexicaines de la génération suivante, parmi lesquelles La Verdura, La Regia, La Rueda, La Ratona, Iguanazul, entre autres. Beaucoup de ces nouveaux éditeurs ont demandé conseil à La Cartonera Cuernavaca;  tandis que les projets inspirés par les travaux de Melchy à Santa Muerte et La Red de los poetas salvajes  ont conduit à l’apparition de cartoneras tels que Kodama, Cohuiná, Tegus et Orquesta Eléctrica.

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Yiyi Jambo: pour un portunhol salvagem

Première maison d’édition cartonera du Paraguay

Yiyi Jambo est une coopérative d’édition alternative paraguayenne qui s’insère dans le mouvement des maisons d’édition cartoneras impulsé par Eloisa cartonera en 2003 à Buenos Aires, Argentine.

Page Facebook officielle de Yiyi Jambo Cartonera. Posté le 29/06/11.

La maison d’édition paraguayenne a été créée en 2007 à la capitale Asunción, et fait partie de la première génération de cartoneras née à la suite d’Eloisa cartonera, aux côtés de six autres éditoriales latinoaméricaines : Animita, Dulcinéia, Sarita, Mandrágora, Yerba Mala, et Matapalo. Elle est également la première maison d’édition cartoneras du Paraguay.

Deux hommes sont à l’origine de cette initiative: Douglas Diegues, poète et peintre paraguayo-brésilien et Cristino Bogado, poète paraguayen. Il s’agit de deux figures de la scène littéraire et artistique paraguayenne, également reconnus au Brésil et en Argentine. Dans la réalisation de leur projet, ils ont été aidé par Javier Barilaro, un membre d’Eloisa cartonera.

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